Différences entre les versions de « Féodalisme »

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Le '''féodalisme''' désigne pour les [[Marxisme|marxistes]] le [[Mode_de_production|mode de production]] qui se situe entre l'[[Mode_de_production_antique|esclavagisme antique]] et le [[Capitalisme|capitalisme]].
 
Le '''féodalisme''' désigne pour les [[Marxisme|marxistes]] le [[Mode_de_production|mode de production]] qui se situe entre l'[[Mode_de_production_antique|esclavagisme antique]] et le [[Capitalisme|capitalisme]].
  
''Quand il est utilisé comme synonyme de "''[[Féodalité|''féodalité'']]''", il a une signification plus restreinte.''
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Le terme de '''féodalité''' a une signification plus restreinte : il désigne un système politique dans lequel le pouvoir central (souverain) est relativement faible et doit composer avec des pouvoirs locaux (seigneurs).
  
== Origine du terme et de l'analyse ==
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==Définitions==
  
Comme [[Féodalité|''féodalité'']], le terme ''féodalisme'' vient du latin feudum (fief), mais il est plus récent. Il apparaît pour la première fois au 19<sup>e</sup> siècle.
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===Féodalité et vassalité===
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La ''féodalité'' est une organisation dans laquelle la pyramide sociale repose sur un ensemble de liens personnels : le paysan [[serf]] est lié à la terre de son seigneur (qui en échange lui doit protection), et les [[nobles]] sont liés à leur supérieur par des liens d'allégeance (vassalité), jusqu'au suzerain ([[roi]]).<ref>Cf. ''[[w:Féodalité|Féodalité]]'' et ''[[w:Vassalité|Vassalité]]'' sur Wikipédia</ref>  
  
Dès le début du 19<sup>e</sup> siècle, des penseurs commencent à prendre du recul et étudier ce qu'ils considèrent comme un passage du féodalisme à l'«&nbsp;âge industriel&nbsp;». Ce seront notamment [[Augustin_Thierry|Augustin Thierry]] et [[Saint-Simon|Saint-Simon]] dont les recherches mèneront, d'une manière encore totalement [[Idéalisme|idéaliste]], [[Auguste_Comte|Auguste Comte]] à énoncer sa loi des trois états (théologique, métaphysique, positiviste), et plus tard [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]] à la distinction des [[Modes_de_production|modes de production]] et l'étude de leur évolution via le [[Matérialisme_historique|matérialisme historique]].
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La terre d'un seigneur est le ''fief'' (d'un terme germanique signifiant ''bétail / argent / possession'', via le  latin ''feodum''). Le terme se répand vers le 11<sup>e</sup> siècle et donne ''féodalité'' au 17<sup>e</sup> siècle.  
  
La [[Féodalité|féodalité]] est un système politique délimité spatialement et temporellement, qui décrit l'Europe occidentale du 9<sup>e</sup>&nbsp;au 13<sup>e</sup>&nbsp;siècle. La définition [[Marxiste|marxiste]] du féodalisme est certes historiquement marquée par ce&nbsp;contexte européen, mais renvoit en fait à un [[Mode_de_production|mode de production]], et non pas à une forme politique précise. A ce titre, il est plus large (et volontairement plus imprécis) que la notion de féodalité. Le féodalisme est né de façon progressive en remplaçant l'[[Esclavagisme_antique|esclavagisme antique]] dans une bonne partie de l'Europe, mais il ne prend pas fin avec le [[Moyen-Âge|Moyen-Âge]], bien que ses formes évoluent beaucoup.
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=== Moyen-Âge ===
<blockquote>&nbsp;«&nbsp;L’agriculture à base d’assolement triennal créé les fondements de la société féodale.&nbsp;» Ernest Mandel<ref>Ernest Mandel, ''Introduction au marxisme'', 1975</ref></blockquote>
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Le Moyen-Âge désigne en histoire une époque qui s'inscrit entre une [[Antiquité|époque antique]] et une [[époque moderne]]. Le terme sert principalement à désigner le [[Moyen-Âge européen]] (500-1500), et recouvre globalement une période de féodalité, même si celle-ci n'est vraiment mise en place qu'au 9<sup>e</sup> siècle.[[Fichier:Histoire.png|centré|vignette|735x735px|Découpage classique de l'histoire en Occident|lien=https://wikirouge.net/Fichier:Histoire.png]]Les critères sont principalement l'affaiblissement d'un [[État]] centralisé (chute de l'[[Rome antique|Empire romain]], affaiblissement du pouvoir impérial au Japon), de fortes relations de domination personnelles sur la [[paysannerie]] ([[servage]] ou assimilé), et l'importance de couches de guerriers aux rapports de vassalité fluctuants (chevaliers, samouraïs...).
== Caractéristiques du féodalisme ==
 
  
=== Une société bâtie sur la paysannerie ===
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On parle également d'un [[Moyen-Âge japonais]] (1200-1600).
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La [[Luttes des classes en Chine|Chine ancienne]], avec son État centralisé, est mal défini par la notion de féodalisme et de Moyen-Âge, même si dans la première moitié du 20<sup>e</sup> siècle, les "seigneurs de la guerre" représentent la féodalité contre les [[Révolution chinoise (1911)|tentatives d'unification du pays menées par la bourgeoisie]].
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===Féodalisme===
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Le terme ''féodalisme'' est plus récent, il apparaît pour la première fois au 19<sup>e</sup> siècle, au moment où des penseurs étudient ce qu'ils considèrent comme un passage du féodalisme à l'«&nbsp;âge industriel&nbsp;». Ce seront notamment [[w:Augustin Thierry|Augustin Thierry]] et [[Saint-Simon]] dont les recherches mèneront  [[w:Auguste Comte|Auguste Comte]], d'une manière  [[Idéalisme|idéaliste]], à énoncer sa loi des trois états (théologique, métaphysique, positiviste). Plus tard [[Marx]] et [[Engels]] reprendront le terme de féodalisme dans leur analyse des [[modes de production]] et de leur évolution ([[matérialisme historique]]).
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La [[féodalité]] est un système politique délimité spatialement et temporellement, qui décrit l'Europe occidentale du 9<sup>e</sup>&nbsp;au 13<sup>e</sup>&nbsp;siècle. La définition [[marxiste]] du féodalisme est certes historiquement marquée par ce&nbsp;contexte européen, mais renvoie en fait à un [[mode de production]], et non pas à une forme politique précise. A ce titre, il est plus large (et volontairement plus imprécis) que la notion de féodalité. Le féodalisme est né de façon progressive en remplaçant l'[[esclavagisme antique]] dans une bonne partie de l'Europe, mais il ne prend pas fin avec le [[Moyen-Âge]], bien que ses formes évoluent beaucoup.
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==Caractéristiques du féodalisme==
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===Une société d'ordres===
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Les sociétés féodales sont des [[Société d'ordres|''sociétés d'ordres'']], c'est-à-dire des sociétés dans lesquelles des distinctions codifiées sont établies entre groupes sociaux, auxquels on attribue des rangs de dignité et d'honneur différent : clergé''',''' noblesse''',''' tiers-état.
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On oppose parfois ''société d'ordres'' et ''[[sociétés de classes]]'', mais ces catégories ne sont pas sur le même plan et donc pas forcément opposées. Les [[classes sociales]] au sens [[marxiste]], définies par rapport aux [[rapports de production]], existent dans toute société divisée en classe, que les distinctions sociales soient codifiées ou officiellement niées.
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===Une société bâtie sur la paysannerie===
  
 
La&nbsp;société féodale est principalement divisée en deux classes sociales&nbsp;:
 
La&nbsp;société féodale est principalement divisée en deux classes sociales&nbsp;:
  
*la&nbsp;'''[[Noblesse|noblesse]],''' qui représente quelques pour-cents de la population et possède les terres,  
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*la&nbsp;'''[[Noblesse|noblesse]],''' qui représente quelques pour-cents de la population et possède les terres,
*les '''[[Paysans|paysans]] dominés ([[Serfs|serfs]] ou vilains)&nbsp;'''qui représentent la base de la production matérielle.  
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*les '''[[Paysans|paysans]] dominés ([[Serfs|serfs]] ou vilains)&nbsp;'''qui représentent la base de la production matérielle.
  
 
Le féodalisme est comme l'esclavagisme un mode de production essentiellement agricole, et la paysannerie en est la colonne vertébrale.
 
Le féodalisme est comme l'esclavagisme un mode de production essentiellement agricole, et la paysannerie en est la colonne vertébrale.
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&nbsp;«&nbsp;L’agriculture à base d’assolement triennal créé les fondements de la société féodale.&nbsp;» Ernest Mandel<ref>Ernest Mandel, ''Introduction au marxisme'', 1975</ref>
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=== De multiples formes ===
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===De multiples formes===
  
 
La forme "canonique" qu'a connu l'Europe a d'abord été le servage&nbsp;: les&nbsp;paysans travaillent sur les terres des nobles et leur&nbsp;doivent parts de récolte et services en travail (corvées).&nbsp;
 
La forme "canonique" qu'a connu l'Europe a d'abord été le servage&nbsp;: les&nbsp;paysans travaillent sur les terres des nobles et leur&nbsp;doivent parts de récolte et services en travail (corvées).&nbsp;
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Le féodalisme, de même qu’aucun autre [[Mode_de_production|mode de&nbsp;production]], n’a jamais existé à l'état pur. Au contraire il lui suffisait pour exister de ne subir de contestation sur la possession des terres, et il pouvait s'accomoder de façon assez large de rapports de productions différents. Il s’est donc combiné aux [[Rapports_sociaux_de_production|rapports sociaux]] pré-existants tout en les&nbsp;marginalisant&nbsp;: marchands, esclavagistes, tribaux...
 
Le féodalisme, de même qu’aucun autre [[Mode_de_production|mode de&nbsp;production]], n’a jamais existé à l'état pur. Au contraire il lui suffisait pour exister de ne subir de contestation sur la possession des terres, et il pouvait s'accomoder de façon assez large de rapports de productions différents. Il s’est donc combiné aux [[Rapports_sociaux_de_production|rapports sociaux]] pré-existants tout en les&nbsp;marginalisant&nbsp;: marchands, esclavagistes, tribaux...
  
=== Un repli local et un État affaibli ===
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===Un repli local et un État affaibli===
  
Que ce soit en Europe, en Asie ou en Afrique du Nord, le féodalisme génère une superstructure politique originale. A la limite, elle implique la disparition de l’Etat souverain. L’autorité s’exerce de personne à personne. Le fait essentiel à ce point de vue, est que la justice est rendue par le suzerain sur ses vassaux et par le "seigneur" sur les paysans. L’exploitation des prélèvements économiques et l’appareil juridico-politique sont donc très étroitement liés.
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Que ce soit en Europe, en Asie ou en Afrique du Nord, le féodalisme génère une superstructure politique originale. À la limite, elle implique la disparition de l'État souverain. L’autorité s’exerce de personne à personne. Le fait essentiel à ce point de vue, est que la justice est rendue par le suzerain sur ses vassaux et par le "seigneur" sur les paysans. L’exploitation des prélèvements économiques et l’appareil juridico-politique sont donc très étroitement liés.
  
Le féodalisme s’installe et se perpétue dans des périodes où l’Etat&nbsp;:
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Le féodalisme s’installe et se perpétue dans des périodes où l’État&nbsp;:
  
*n’est plus capable de collecter suffisamment d’impôt pour assurer ses fonctions d’où son éclatement et une insécurité permanente poussant les populations locales à accepter la domination personnelle d’un chef&nbsp;;  
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*n’est plus capable de collecter suffisamment d’impôt pour assurer ses fonctions d’où son éclatement et une insécurité permanente poussant les populations locales à accepter la domination personnelle d’un chef&nbsp;;
*n’est plus capable d’organiser l’approvisionnement en eau, en vivres... des grandes villes d’où un exode vers les campagnes, chacun se repliant sur son jardin pour manger&nbsp;;  
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*n’est plus capable d’organiser l’approvisionnement en eau, en vivres... des grandes villes d’où un exode vers les campagnes, chacun se repliant sur son jardin pour manger&nbsp;;
*laisse des riches ou une institution comme l’[[Eglise|Eglise]] accaparer une grande part de la valeur ajoutée produite par la société ce qui entraîne une privatisation de celle-ci.  
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*laisse des riches ou une institution comme l'[[Église]] accaparer une grande part de la valeur ajoutée produite par la société ce qui entraîne une privatisation de celle-ci.
  
 
Cet éclatement produit&nbsp;:
 
Cet éclatement produit&nbsp;:
  
*un remplacement des instances politiques par des liens hiérarchiques de personne à personne&nbsp;;  
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*un remplacement des instances politiques par des liens hiérarchiques de personne à personne&nbsp;;
*des micro-sociétés (seigneuries, paroisses, bourgs...) vivant repliées sur elles-mêmes avec des caractéristiques extrêmement diverses&nbsp;;  
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*des micro-sociétés (seigneuries, paroisses, bourgs...) vivant repliées sur elles-mêmes avec des caractéristiques extrêmement diverses&nbsp;;
*des pouvoirs et structures territoriales (châtellenie, abbaye, comté, abbaye...) faibles, enchevêtrés et mouvants y compris au niveau des royaumes.  
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*des pouvoirs et structures territoriales (châtellenie, abbaye, comté, abbaye...) faibles, enchevêtrés et mouvants y compris au niveau des royaumes.
  
=== Les "bourgs" dans les interstices ===
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===Les "bourgs" dans les interstices===
  
 
L’[[Ancien_Régime|Ancien Régime]] était une société très parcellisée, où le pouvoir était fragmenté en une myriade d’entités territoriales, seigneuries, elles-mêmes subdivisées (villes, couvents...) avec un enchevêtrement&nbsp;juridique de titres de propriété, de chartes de privilèges,&nbsp;de traités d’alliances particulières. C’est dans les interstices nombreux de cet ordre social, jouant souvent les&nbsp;uns contre les autres, se laissant souvent jouer aussi,&nbsp;que la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] a pu faire des villes et commercer.
 
L’[[Ancien_Régime|Ancien Régime]] était une société très parcellisée, où le pouvoir était fragmenté en une myriade d’entités territoriales, seigneuries, elles-mêmes subdivisées (villes, couvents...) avec un enchevêtrement&nbsp;juridique de titres de propriété, de chartes de privilèges,&nbsp;de traités d’alliances particulières. C’est dans les interstices nombreux de cet ordre social, jouant souvent les&nbsp;uns contre les autres, se laissant souvent jouer aussi,&nbsp;que la [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] a pu faire des villes et commercer.
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Voici comment Marx décrit la tendance de ces [[Corporations|corporations]] à s’opposer au développement de la production&nbsp;:
 
Voici comment Marx décrit la tendance de ces [[Corporations|corporations]] à s’opposer au développement de la production&nbsp;:
<blockquote>''«&nbsp;Sous le système des corporations, par exemple, où la réglementation prescrit le nombre de métiers à tisser qu’un artisan peut utiliser, etc., l’argent qui n’est pas lui même d’origine corporative, qui n’est pas l’argent du maître, ne peut acheter les métiers pour les faire travailler.&nbsp;»'' (Principes d’une critique de l'économie politique)</blockquote>  
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''«&nbsp;Sous le système des corporations, par exemple, où la réglementation prescrit le nombre de métiers à tisser qu’un artisan peut utiliser, etc., l’argent qui n’est pas lui même d’origine corporative, qui n’est pas l’argent du maître, ne peut acheter les métiers pour les faire travailler.&nbsp;»'' (Principes d’une critique de l'économie politique)
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Or le capital, pour se réaliser et se développer, doit trouver en face de lui d’une part des travailleurs libres, d’autre part des richesses, des matériaux, etc.. Le seul capital se formant au Moyen Age est le [[Capital_marchand|capital marchand]], qui n'est pas un élément moteur de la production.
 
Or le capital, pour se réaliser et se développer, doit trouver en face de lui d’une part des travailleurs libres, d’autre part des richesses, des matériaux, etc.. Le seul capital se formant au Moyen Age est le [[Capital_marchand|capital marchand]], qui n'est pas un élément moteur de la production.
  
== Le Moyen-Âge européen ==
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==Transition du féodalisme au capitalisme==
  
=== Du monde antique au Moyen-Âge ===
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=== Caractéristiques générales ===
[[File:Fauchage.jpg|right|350x377px|Fauchage.jpg]]
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Les transformations essentielles dans les rapports sociaux qui ont eu lieu progressivement à partir du 11<sup>e</sup> siècle sont&nbsp;:
La société féodale est issue de la décomposition de l'[[Empire_romain|Empire romain]] d'Occident. Après une période assez longue et mouvementée de mutation à partir du 5<sup>e</sup> siècle, elle s’est stabilisée en Europe vers l’an&nbsp;mil.&nbsp;Dans les divers royaumes d'Europe, le schéma de la féodalité est assez similaire, avec une [[Noblesse|noblesse]], des [[Serfs|serfs]] et une Eglise forte.&nbsp;Quelques pourcent de la population sont des&nbsp;nobles qui reçoivent d’un suzerain des terres, des fiefs, à&nbsp;condition de le servir militairement. Au sommet de la&nbsp;pyramide de la noblesse, il y a les rois.&nbsp;L’Eglise, institution plus ancienne que le féodalisme, constitue une vaste bureaucratie; elle est le&nbsp;plus grand propriétaire terrien. Sa hiérarchie est ouverte&nbsp;de façon privilégiée (mais non exclusive) aux nobles.&nbsp;L’Eglise fournit au féodalisme des justifications [[Religion|religieuses]] — une [[Idéologie|idéologie]] — et les intellectuels dont il a&nbsp;besoin.
 
  
Dans le Sud, l'[[Esclavagisme|esclavagisme de type antique]] se maintiendra encore un certain temps, tandis que&nbsp;dans l’Est (Oural, Volga...) et le Nord (Ecosse, Frise...), des rapports de type [[Tribalisme|tribaux]] ou [[Nomades|nomades]] restaient vivaces.&nbsp;De plus, un peu partout se trouvaient des paysans libres, "allodiaux", et notamment dans les régions de montagne. Dans des régions marquées par la civilisation romaine antique (par exemple dans le Midi occitan), le droit reste écrit et les paysans généralement propriétaires à 100% des terres.
+
*l’[[élection]] d’institutions locales puis nationales au détriment du pouvoir personnel seigneurial puis royal
<blockquote>
+
*la reconnaissance de garanties individuelles et collectives contre l’arbitraire seigneurial et royal.
''«&nbsp;La féodalité ne fut nullement apportée toute faite d'Allemagne, mais elle eut son origine, du côté des conquérants, dans l'organisation militaire de l'armée pendant la conquête même, et cette organisation se développa après la conquête, sous l'effet des forces productives trouvées dans les pays conquis, pour devenir seulement alors la féodalité proprement dite. L'échec des tentatives faites pour imposer d'autres formes nées de réminiscences de l'ancienne Rome (Charlemagne, par exemple) nous montre à quel point la forme féodale était conditionnée par les forces productives. &nbsp;»<ref>K. Marx - F. Engels, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1845/00/kmfe18450000d.htm L'idéologie allemande]'', 1845</ref>''
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*des progrès dans le sens des libertés de conscience, d’expression, de religion...
</blockquote>
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*l’abolition du [[servage]] et de la propriété personnelle des seigneurs sur leurs paysans
=== Nouvel essor marchand à partir du 11<sup>e</sup> siècle ===
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*l’évolution de la propriété des terres, de la possession féodale conditionnelle à la propriété entière de type antique comme capitaliste avec partage des fiefs seigneuriaux en exploitations paysannes
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*la diminution des entraves institutionnelles à la libre activité des [[artisans]], [[marchands]], [[Manufacture|manufacturiers]]
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*la rationalisation des outils de la vie en collectivité ([[fiscalité]], [[enseignement]], [[législation]], [[poids et mesures]]...)
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*peu à peu viendront aussi la limitation du rôle de l’Église dans la vie sociale (en particulier la fin de son monopole idéologique), l’[[égalité civile]]...
  
Le poids des villes en Europe est alors très faible, à l'exception des villes d'Italie du Nord, comme Venise qui est déjà une république marchande.&nbsp; L’insécurité des voies de communication terrestres laisse une place de choix aux ports des bords de la Méditerranée, en particulier de l’Italie du Nord. Les Croisades accroissent leur rôle et l’importance de leur réseau tout autour de la Méditerranée et même de la Mer Noire.
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Ces transformations n’ont pas été réalisées partout de façon identique et linéaire. Parfois le pouvoir royal a aidé la mise en place de communes pour affaiblir la haute noblesse locale. Souvent des [[contre-révolutions]] ont temporairement aboli des progrès préalablement réalisés. Quoi qu’il en soit, les [[révolutions bourgeoises]] ont créé de nouveaux rapports de force, engagé des réformes, modifié les pouvoirs en place.
  
Le midi occitan fut également un lieu de développement important aux 12<sup>e</sup> et 13<sup>e</sup> siècles. Il est composé de pays très indépendants, prêtant hommage ici ou là selon leurs intérêts (royaumes d’Aragon, de France, d’Angleterre...). En 1134, ils participent à l’élection de l’empereur d’Espagne à Saragosse. En 1166, le Béarn, la Bigorre, Comminges, Foix, Cahors, Rouergue, Gévaudan, Septimanie (Languedoc) et Provence rendent hommage au roi d’Aragon Alphonse II. En 1173, Raymond V de Toulouse, principal seigneur du Midi prête hommage au roi d’Angleterre pour recevoir son appui. Cette autonomie s’explique par un type de société nettement moins féodal que dans le royaume de France par exemple. Ainsi, il n’existe pratiquement pas de [[Servage|servage]] des paysans ni de corvées&nbsp;; leurs possibilités d’ascension sociale sont importantes&nbsp;; les seigneurs peuvent difficilement vendre des terres sans l’accord du titulaire de la manse. Seulement 5% environ des parcelles ne sont pas des alleux (domaines libres de tout droit féodal). Les bourgs et villes importantes sont dirigées par des consuls ayant un pouvoir économique (règlementation des marchés...), financier, juridique (droits de justice), et même militaire&nbsp;; ainsi la Commune de Millau organise des expéditions armées contre des seigneurs des environs. La Croisade des Albigeois et le génocide des cathares mit un sérieux coup de frein à cette particularité régionale.
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Les formes sociales les plus avancées apparaissent dans les régions d’Europe jouant un rôle majeur dans l’expansion économique et commerçante, comme la [[w:Comté de Flandre|Flandre]], dont l’industrie drapière s’est tournée dès le début du 13<sup>e</sup> siècle vers le commerce à longue distance&nbsp;: Italie, France, Espagne et par l’intermédiaire des marchands italiens, vénitiens ou génois, les pays de l’Adriatique et l’Orient. La forte [[division du travail]] (plus de 30 intervenants différents dans la fabrication d’un drap) permet l’émergence de détenteurs de [[capitaux]] maîtrisant de l’achat des matières premières (laine anglaise) à la fabrication puis commercialisation. Le pouvoir économique et social de ces donneurs d’ouvrage leur permet de jouer un rôle politique ([[échevins]]).  
  
Dès les 11<sup>e</sup>, 12<sup>e</sup>&nbsp;et 13<sup>e</sup>&nbsp;siècles, le commerce connaît un nouvel essor. Le développement de la production artisanale et du commerce s’opère hors des seigneuries rurales&nbsp;: dans les villes, en particulier ports, noeuds de communication, sites de grandes foires. Des villes républicaines, se gouvernant elles-mêmes, jouissant d’une certaine indépendance vis à vis des pouvoirs centraux. Ce milieu urbain génère des rapports sociaux plus démocratiques, plus favorables à l’émancipation juridique, sociale et culturelle que les seigneuries rurales. Aussi, l’ensemble des habitants obtient très tôt des chartes par lesquelles les seigneurs reconnaissent aux Communes différents droits individuels et collectifs.
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=== Luttes de classes complexes ===
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Cela entraîne des [[luttes de classes]], souvent entremêlées de façon complexe avec des [[Question_nationale|luttes nationales]]. Le 11 juillet 1302, les milices communales flamandes écrasent la chevalerie française de Philippe le Bel. La ville de [[w:Révoltes de Gand|Gand se révolte]] en 1335 et surtout de 1379 à 1382, véritable révolution bourgeoise dirigée par [[w:Philippe van Artevelde|Philippe van Artevelde]].
  
Le développement progressif des forces productives et des échanges donne naissance à la classe sociale des marchands. Du 11<sup>e</sup> au 15<sup>e</sup> siècle, cette [[Classe_progressiste|classe est progressiste]] car ses intérêts la poussent à défendre et accroître les libertés communales face aux seigneurs et à l’Eglise. Le processus est essentiellement graduel, mais des révolutions bourgeoises et populaires éclatent dans des villes à la vie industrielle et commerciale avancée lorsque la féodalité ne s’avère pas capable de s’adapter à l’évolution historique. Les Communes sont parfois épaulées par la royauté ou un grand seigneur pour affaiblir un vassal trop remuant ou un rival. Enfin, tout en étant alliés la plupart du temps alliés dans la même catégorie des "bourgeois", les couches urbaines les plus populaires opposent parfois leurs propres intérêts aux riches [[Marchands|marchands]] et [[Patriciens|patriciens]]. C'est cet ensemble d'intérêts contradictoires qu'il faut avoir à l'esprit pour comprendre les [[Luttes_de_classes|luttes de classes]] au Moyen-Âge.
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En 1328, l’empereur [[w:Louis IV (empereur du Saint-Empire)|Louis de Bavière]] échoue complètement dans sa tentative d’imposer sa domination aux cités italiennes.
  
=== Le clergé et la religion ===
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Du 13<sup>e</sup> au 15<sup>e</sup> siècle, les villes et communautés suisses s’émancipent de la féodalité<ref>http://www.gauchemip.org/spip.php?article3983</ref>.
  
L'emprise de la [[Religion|religion]], très forte de manière générale dans l'histoire de l'humanité, l'était plus encore dans les sociétés pré-capitalistes. En conséquence, aussi bien les [[Idéologie_dominante|idéologies dominantes]] que les idéologies subversives utilisaient le plus souvent des arguments théologiques.
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Le 22 janvier 1358, les bourgeois de Paris se soulèvent sous la conduite de leur prévôt Étienne Marcel<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Journée_du_22_février_1358</ref>. Le dauphin fuit Paris, laisse temporairement la ville aux mains des émeutiers et rassemble une armée qui reprend la capitale le 31 juillet de la même année.
  
De manière simplifiée on peut dire que l'idéologie dominante dans l'essentiel de l'Europe féodale était le [[Catholicisme|catholicisme]] romain, en particulier les idées de Thomas d’Aquin selon qui Dieu assigné sa place à chaque humain à sa naissance&nbsp;: roi, seigneur, serf ou esclave, riche ou pauvre. Le riche doit faire l’aumône mais sans diminuer la capacité de sa famille à tenir son rang assigné par le Ciel. Dans ces conditions, toute expérience sociale différente de la pyramide féodale, toute revendication populaire est considérée comme une hérésie.
+
La même année se met en place en Allemagne une organisation typique de la nouvelle puissance bourgeoise&nbsp;: la [[Hanse]], ligue maritime et commerciale groupant près de 200 villes&nbsp;; Lübeck en est la métropole. Elle est le résultat, d’une part de la conquête du pouvoir politique dans de nombreuses communes aux 12<sup>e</sup>, 13<sup>e</sup> et 14<sup>e</sup> siècles (Lübeck en 1158, Rostock, Wismar, Stralsund, Stettin, Dantzig, Elbing).
  
Les mouvements populaires et bourgeois se sont quasiment systématiquement appuyés sur des "hérésies" qui professaient une forme ou une autre de [[Millénarisme|millénarisme]]. Le [[Protestantisme|protestantisme]] a constitué au moment de son essor une expression des luttes bourgeoises, ou populaires. Il n'y a que vers la fin du féodalisme que les mouvements révolutionnaires se sont emparées d'idées non religieuses voire anti-religieuses, comme pendant la [[Révolution_française|révolution française]].
+
De 1378 à 1385, l’Europe connaît une première période de [[révolutions bourgeoises]].
  
=== Emergence des Etats-Nations ===
+
Dès la fin du [[Moyen-Age]], aux 15<sup>e</sup>&nbsp;et 16<sup>e</sup>&nbsp;siècles,&nbsp;le féodalisme a perdu certains de ses caractères initiaux&nbsp;de par les transformations suivantes qu’a connues&nbsp;l’Europe occidentale&nbsp;:
  
La société féodale était peu centralisée. Cela change à partir de la fin du 13<sup>e</sup> siècle, la concurrence entre royaumes (en particulier France et Angleterre) les pousse à unifier la [[Monnaie|monnaie]], la [[Justice|justice]], à lever des [[Armée_permanente|armées permanentes]]... c'est-à-dire à ériger un [[État|État]] centralisé.
+
*dans leur majorité, les paysans ne sont plus des&nbsp;serfs. Personnellement affranchis, leurs redevances&nbsp;commutées en argent, ils sont devenus des tenanciers&nbsp;libres travaillant une terre qui appartient à un seigneur&nbsp;auquel ils paient des “cens annuels”. Ces paysans “censiers” sont dits également “emphytéotes” parce que leur&nbsp;droit à leur terre est éternel et héréditaire mais relatif,&nbsp;chargé de “servitudes” ou de “droits féodaux” que sont&nbsp;les paiements au seigneur des “cens”, des droits de mariage, de succession, etc.&nbsp;;
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*la [[paysannerie]] est un ensemble très hétérogène&nbsp;:&nbsp;vrais serfs (il en reste même au 18<sup>e</sup> siècle), censiers,&nbsp;mais aussi métayers, fermiers, petits propriétaires,&nbsp;domestiques, salariés agricoles, chômeurs et vagabonds&nbsp;ruraux.&nbsp;Souvent, à l’issue de cycles de [[révoltes paysannes]] et&nbsp;avec le renforcement de l’appareil d’État royal,&nbsp;l’[[absolutisme]], et la tendance à la disparition des suzerains intermédiaires, les seigneurs féodaux acquièrent de&nbsp;facto, puis parfois de jure, un droit de propriété absolu&nbsp;de leurs terres qui cessent donc à proprement parler&nbsp;d’être des fiefs puisque le fief était une espèce de prêt&nbsp;héréditaire en échange du service militaire.&nbsp;Avec le développement de l’économie marchande,&nbsp;cette évolution entraîne que les liens féodaux de vassalité cessent en général d’être des obligations entre personnes pour devenir des obligations attachées à la terre.&nbsp;Se vendent et s’achètent des seigneuries avec les droits féodaux qui en font les revenus, mais se vend ou&nbsp;s’achète également la tenure d’un paysan censier. La&nbsp;terre devient [[marchandise]], ce qu’elle n’était pas dans le&nbsp;féodalisme au sens strict du terme. La tenure censière&nbsp;tend également à faire place à des contrats courts de&nbsp;fermage ou de métayage.
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La première [[révolution bourgeoise]] qui impacte durablement un territoire de taille conséquente est la [[révolution des Pays-Bas]] (1566-1609).
  
Pour affaiblir les grands féodaux, les rois vont même créer directement de véritables zones franches indépendantes de la hiérarchie féodale intermédiaire&nbsp;; les bastides du Sud-Ouest de la France en sont un bon exemple avec leur pouvoir politique et économique local démocratique (consulat, marché, foires, poids et mesures, milice). Pour disposer de ressources financières et de relais administratifs, les royautés s’appuient sur le [[Patriciat|patriciat]] (moyenne et haute bourgeoisie) urbain.
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Dans l'Angleterre du 16<sup>e</sup> siècle, sous les [[w:Maison Tudor|Tudor]], les masses populaires sont victimes des [[Mouvement des enclosures|enclosures]], du poids du financement des guerres, de l'exploitation dans les mines...les révoltes sont nombreuses. Il y a de nombreuses [[révoltes paysannes]] : [[w:Premier soulèvement cornique|révolte des Cournouailles]] (1496), [[wen:Amicable Grant|révolte de Lavenham]] (1525), [[w:Pèlerinage de Grâce|révolte du Lincolnshire et le Pilgrimage of Grace]] (1536), [[w:Révolte du livre de la prière commune|révolte du Prayer Book]] et [[w:Révolte de Kett|révolte de Kett]] (1549). Les émeutes urbaines s'intensifient de leur côté vers la fin du siècle : émeute de la prison de Ludgate (1581), émeutes de Whitsuntide (1584), insurrection des plâtriers (1586), émeute des fabricants de feutre (1591), des fabricants de chandelles (1592), Butter riot de Southwark (1595). Lors de la [[wen:Oxfordshire rising of 1596|révolte de Enslow Hill]] (1596), les paysans ''commoners'' d'Oxford s'allient avec les apprentis de Londres.
  
En revanche les [[Etats-Nations|Etats-Nations]] vont aussi absorber et neutraliser progressivement les organisations bourgeoises trop importantes. Par exemple la puissante [[Ligue_hanséatique|ligue hanséatique]] disparaîtra comme puissance politique lors des [[Traités_de_Westphalie|traités de Westphalie]] en 1648, qui consacrent définitivement les États-nations.
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Les révoltes continuent sous les Stuart, avec par exemple une révolte d'apprentis et de marins à Southwark lors de la [[fête de mai]] 1640.<ref>London Radical Histories, Pasttense.co.uk, ''[https://pasttense.co.uk/2020/05/01/may-day-in-south-london-a-history/ May Day in South London: a history]''</ref> Puis c'est le roi Charles I<sup>er</sup> Stuart qui est décapité lors de la [[Première révolution anglaise|révolution anglaise]] (1641-1651), [[révolution bourgeoise]] majeure.
  
=== Transition du féodalisme au capitalisme ===
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Enfin l'agitation s'internationalise, notamment à travers ce que l'on appelé les ''[[Révolution atlantique|révolutions atlantiques]]'', qui culminent dans la [[révolution états-unienne]] (1763-1783) et la [[révolution française]] (1789-1799).
  
Les transformations essentielles dans les rapports sociaux qui ont eu lieu progressivement à partir du 11<sup>e</sup> siècle sont&nbsp;:
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Dans tous ces mouvements, les luttes de classes sont bien plus profondes que le seul clivage entre la bourgeoisie et la noblesse, mais c'est la bourgeoisie qui parvient globalement à tirer son épingle du jeu.
  
*l’élection d’institutions locales puis nationales au détriment du pouvoir personnel seigneurial puis royal
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===Émergence des États-Nations===
*la reconnaissance de garanties individuelles et collectives contre l’arbitraire seigneurial et royal.
 
*des progrès dans le sens des libertés de conscience, d’expression, de religion...
 
*l’abolition du servage et de la propriété personnelle des seigneurs sur leurs paysans
 
*l’évolution de la propriété des terres, de la possession féodale conditionnelle à la propriété entière de type antique comme capitaliste avec partage des fiefs seigneuriaux en exploitations paysannes
 
*la diminution des entraves institutionnelles à la libre activité des artisans, marchands, manufacturiers
 
*la rationalisation des outils de la vie en collectivité (fiscalité, enseignement, législation...)
 
*peu à peu viendront aussi la limitation du rôle de l’Eglise dans la vie sociale ( en particulier la fin de son monopole idéologique), l’égalité civile...
 
  
Ces transformations n’ont pas été réalisées partout de façon identique et linéaire. Parfois le pouvoir royal a aidé la mise en place de communes pour affaiblir la haute noblesse locale. Souvent des contre-révolutions ont temporairement aboli des progrès préalablement réalisés. Quoi qu’il en soit, les révolutions bourgeoises ont créé de nouveaux rapports de force, engagé des réformes, modifié les pouvoirs en place.
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La société féodale était peu centralisée. Cela change à partir de la fin du 13<sup>e</sup> siècle, la concurrence entre royaumes (en particulier France et Angleterre) les pousse à unifier la [[Monnaie|monnaie]], la [[Justice|justice]], à lever des [[Armée_permanente|armées permanentes]]... c'est-à-dire à ériger un [[État]] centralisé.
  
Les formes sociales les plus avancées apparaissent dans les régions d’Europe jouant un rôle majeur dans l’expansion économique et commerçante, comme la Flandre, dont l’industrie drapière s’est tournée dès le début du 13<sup>e</sup> siècle vers le commerce à longue distance&nbsp;: Italie, France, Espagne et par l’intermédiaire des marchands italiens, vénitiens ou génois, les pays de l’Adriatique et l’Orient. La forte [[Division_du_travail|division du travail]] (plus de 30 intervenants différents dans la fabrication d’un drap) permet l’émergence de détenteurs de [[Capitaux|capitaux]] maîtrisant de l’achat des matières premières (laine anglaise) à la fabrication puis commercialisation. Le pouvoir économique et social de ces donneurs d’ouvrage leur permet de jouer un rôle politique ([[Échevins|échevins]]). Cela entraîne des [[Luttes_de_classes|luttes de classes]], souvent entremêlées de façon complexe avec des [[Question_nationale|luttes nationales]]. Le 11 juillet 1302, les milices communales flamandes écrasent la chevalerie française de Philippe le Bel. La ville de Gand se révolte en 1335 et surtout de 1379 à 1382, véritable révolution bourgeoise dirigée par Philippe van Artevelde.
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Pour affaiblir les grands féodaux, les rois vont même créer directement de véritables zones franches indépendantes de la hiérarchie féodale intermédiaire&nbsp;; les bastides du Sud-Ouest de la France en sont un bon exemple avec leur pouvoir politique et économique local démocratique (consulat, marché, foires, poids et mesures, milice). Pour disposer de ressources financières et de relais administratifs, les royautés s'appuient sur le [[Patriciat|patriciat]] urbain (moyenne et haute bourgeoisie).
  
En 1328, l’empereur Louis de Bavière échoue complètement dans sa tentative d’imposer sa domination aux cités italiennes.
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En revanche les [[États-Nations]] vont aussi absorber et neutraliser progressivement les organisations bourgeoises trop importantes. Par exemple la puissante [[w:Ligue hanséatique|ligue hanséatique]] disparaîtra comme puissance politique lors des [[w:Traités de Westphalie|traités de Westphalie]] en 1648, qui consacrent définitivement les États-nations.
  
Du 13<sup>e</sup> au 15<sup>e</sup> siècle, les villes et communautés suisses s’émancipent de la féodalité<ref>http://www.gauchemip.org/spip.php?article3983</ref>.
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=== Semi-féodalisme ===
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Les marxistes emploient le terme de semi-féodalisme pour désigner des sociétés qui présentent des caractéristiques intermédiaires entre le féodalisme et le [[capitalisme]].
  
Le 22 janvier 1358, les bourgeois de Paris se soulèvent sous la conduite de leur prévôt Étienne Marcel<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Journée_du_22_février_1358</ref>. Le dauphin fuit Paris, laisse temporairement la ville aux mains des émeutiers et rassemble une armée qui reprend la capitale le 31 juillet de la même année.
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Le terme a notamment été employé pour décrire l'[[Empire russe]] à la veille de la [[révolution de 1917]].
  
La même année se met en place en Allemagne une organisation typique de la nouvelle puissance bourgeoise&nbsp;: la [[Hanse|Hanse]], ligue maritime et commerciale groupant près de 200 villes&nbsp;; Lübeck en est la métropole. Elle est le résultat, d’une part de la conquête du pouvoir politique dans de nombreuses communes aux 12<sup>e</sup>, 13<sup>e</sup> et 14<sup>e</sup> siècles (Lübeck en 1158, Rostock, Wismar, Stralsund, Stettin, Dantzig, Elbing).
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Il a ensuite beaucoup été utilisé par les marxistes pour décrire les sociétés dans les [[pays dominés]] par l'[[impérialisme]]. Ainsi le 4<sup>e</sup> congrès de l’[[Internationale communiste]], qui élabore la tactique du «&nbsp;[[front unique anti-impérialiste]]&nbsp;», constate que l’impérialisme ''«&nbsp;transforme dans tous les pays arriérés la couche supérieure féodale (et en partie semi-féodale, semi-bourgeoise) de la société indigène en instrument de sa domination.&nbsp;[] Ainsi les classes dirigeantes des pays coloniaux et semi-coloniaux n'ont-elles ni la capacité ni le désir de diriger la lutte contre l'impérialisme, à mesure que cette lutte se transforme en un mouvement révolutionnaire de masses.&nbsp;»<ref>Internationale communiste, 4e congrès, ''[https://www.marxists.org/francais/inter_com/1922/ic4_08.htm Thèses générales sur la question d’Orient]'', 1922</ref>''
 
 
De 1378 à 1385, l’Europe connaît une première période de [[Révolutions_bourgeoises|révolutions bourgeoises]].
 
 
 
Dès la fin du [[Moyen-Age|Moyen-Age]], aux 15<sup>e</sup>&nbsp;et 16<sup>e</sup>&nbsp;siècles,&nbsp;le féodalisme a perdu certains de ses caractères initiaux&nbsp;de par les transformations suivantes qu’a connues&nbsp;l’Europe occidentale&nbsp;:
 
 
 
*dans leur majorité, les paysans ne sont plus des&nbsp;serfs. Personnellement affranchis, leurs redevances&nbsp;commutées en argent, ils sont devenus des tenanciers&nbsp;libres travaillant une terre qui appartient à un seigneur&nbsp;auquel ils paient des “cens annuels”. Ces paysans “censiers” sont dits également “emphytéotes” parce que leur&nbsp;droit à leur terre est éternel et héréditaire mais relatif,&nbsp;chargé de “servitudes” ou de “droits féodaux” que sont&nbsp;les paiements au seigneur des “cens”, des droits de mariage, de succession, etc.&nbsp;;
 
*la [[Paysannerie|paysannerie]] est un ensemble très hétérogène&nbsp;:&nbsp;vrais serfs (il en reste même au 18<sup>e</sup> siècle), censiers,&nbsp;mais aussi métayers, fermiers, petits propriétaires,&nbsp;domestiques, salariés agricoles, chômeurs et vagabonds&nbsp;ruraux.&nbsp;Souvent, à l’issue de cycles de [[Révoltes_paysannes|révoltes paysannes]] et&nbsp;avec le renforcement de l’appareil d’Etat royal,&nbsp;l’[[Absolutisme|absolutisme]], et la tendance à la disparition des suzerains intermédiaires, les seigneurs féodaux acquièrent de&nbsp;facto, puis parfois de jure, un droit de propriété absolu&nbsp;de leurs terres qui cessent donc à proprement parler&nbsp;d’être des fiefs puisque le fief était une espèce de prêt&nbsp;héréditaire en échange du service militaire.&nbsp;Avec le développement de l’économie marchande,&nbsp;cette évolution entraîne que les liens féodaux de vassalage cessent en général d’être des obligations entre personnes pour devenir des obligations attachées à la terre.&nbsp;Se vendent et s’achètent des seigneuries avec les droits féodaux qui en font les revenus, mais se vend ou&nbsp;s’achète également la tenure d’un paysan censier. La&nbsp;terre devient [[Marchandise|marchandise]], ce qu’elle n’était pas dans le&nbsp;féodalisme au sens strict du terme. La tenure censière&nbsp;tend égalemént à faire place à des contrats courts de&nbsp;fermage ou de métayage.
 
  
 
== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==
 
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*[http://82.204.82.216/cer/PDF%20CER%2011_12.PDF Les révolutions bourgeoises], IIRF, 1989
*[http://82.204.82.216/cer/PDF%20CER%2011_12.PDF Les révolutions bourgeoises], IIRF, 1989  
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*Jacques Serieys, [http://www.gauchemip.org/spip.php?article4925 ''Le mode de production féodal en Europe'']
*Jacques Serieys, [http://www.gauchemip.org/spip.php?article4925 ''Le mode de production féodal en Europe'']  
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*Jacques Serieys, [http://www.gauchemip.org/spip.php?article6531 ''Moyen Age&nbsp;: Société, Communes, soulèvements populaires et millénarisme'']
*Jacques Serieys, [http://www.gauchemip.org/spip.php?article6531 ''Moyen Age&nbsp;: Société, Communes, soulèvements populaires et millénarisme'']  
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*CIO-CI, [http://cio-ci.blogspot.fr/2014/11/theoriehistoire-marxiste-4-la-societe.html ''Histoire marxiste&nbsp;: La société féodale'']
*CIO-CI, [http://cio-ci.blogspot.fr/2014/11/theoriehistoire-marxiste-4-la-societe.html ''Histoire marxiste&nbsp;: La société féodale'']  
 
  
 
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Féodalisme.png

Le féodalisme désigne pour les marxistes le mode de production qui se situe entre l'esclavagisme antique et le capitalisme.

Le terme de féodalité a une signification plus restreinte : il désigne un système politique dans lequel le pouvoir central (souverain) est relativement faible et doit composer avec des pouvoirs locaux (seigneurs).

1 Définitions[modifier | modifier le wikicode]

1.1 Féodalité et vassalité[modifier | modifier le wikicode]

La féodalité est une organisation dans laquelle la pyramide sociale repose sur un ensemble de liens personnels : le paysan serf est lié à la terre de son seigneur (qui en échange lui doit protection), et les nobles sont liés à leur supérieur par des liens d'allégeance (vassalité), jusqu'au suzerain (roi).[1]

La terre d'un seigneur est le fief (d'un terme germanique signifiant bétail / argent / possession, via le latin feodum). Le terme se répand vers le 11e siècle et donne féodalité au 17e siècle.

1.2 Moyen-Âge[modifier | modifier le wikicode]

Le Moyen-Âge désigne en histoire une époque qui s'inscrit entre une époque antique et une époque moderne. Le terme sert principalement à désigner le Moyen-Âge européen (500-1500), et recouvre globalement une période de féodalité, même si celle-ci n'est vraiment mise en place qu'au 9e siècle.

Découpage classique de l'histoire en Occident

Les critères sont principalement l'affaiblissement d'un État centralisé (chute de l'Empire romain, affaiblissement du pouvoir impérial au Japon), de fortes relations de domination personnelles sur la paysannerie (servage ou assimilé), et l'importance de couches de guerriers aux rapports de vassalité fluctuants (chevaliers, samouraïs...).

On parle également d'un Moyen-Âge japonais (1200-1600).

La Chine ancienne, avec son État centralisé, est mal défini par la notion de féodalisme et de Moyen-Âge, même si dans la première moitié du 20e siècle, les "seigneurs de la guerre" représentent la féodalité contre les tentatives d'unification du pays menées par la bourgeoisie.

1.3 Féodalisme[modifier | modifier le wikicode]

Le terme féodalisme est plus récent, il apparaît pour la première fois au 19e siècle, au moment où des penseurs étudient ce qu'ils considèrent comme un passage du féodalisme à l'« âge industriel ». Ce seront notamment Augustin Thierry et Saint-Simon dont les recherches mèneront Auguste Comte, d'une manière idéaliste, à énoncer sa loi des trois états (théologique, métaphysique, positiviste). Plus tard Marx et Engels reprendront le terme de féodalisme dans leur analyse des modes de production et de leur évolution (matérialisme historique).

La féodalité est un système politique délimité spatialement et temporellement, qui décrit l'Europe occidentale du 9e au 13e siècle. La définition marxiste du féodalisme est certes historiquement marquée par ce contexte européen, mais renvoie en fait à un mode de production, et non pas à une forme politique précise. A ce titre, il est plus large (et volontairement plus imprécis) que la notion de féodalité. Le féodalisme est né de façon progressive en remplaçant l'esclavagisme antique dans une bonne partie de l'Europe, mais il ne prend pas fin avec le Moyen-Âge, bien que ses formes évoluent beaucoup.

2 Caractéristiques du féodalisme[modifier | modifier le wikicode]

2.1 Une société d'ordres[modifier | modifier le wikicode]

Les sociétés féodales sont des sociétés d'ordres, c'est-à-dire des sociétés dans lesquelles des distinctions codifiées sont établies entre groupes sociaux, auxquels on attribue des rangs de dignité et d'honneur différent : clergé, noblesse, tiers-état.

On oppose parfois société d'ordres et sociétés de classes, mais ces catégories ne sont pas sur le même plan et donc pas forcément opposées. Les classes sociales au sens marxiste, définies par rapport aux rapports de production, existent dans toute société divisée en classe, que les distinctions sociales soient codifiées ou officiellement niées.

2.2 Une société bâtie sur la paysannerie[modifier | modifier le wikicode]

La société féodale est principalement divisée en deux classes sociales :

  • la noblesse, qui représente quelques pour-cents de la population et possède les terres,
  • les paysans dominés (serfs ou vilains) qui représentent la base de la production matérielle.

Le féodalisme est comme l'esclavagisme un mode de production essentiellement agricole, et la paysannerie en est la colonne vertébrale.

 « L’agriculture à base d’assolement triennal créé les fondements de la société féodale. » Ernest Mandel[2]

2.3 De multiples formes[modifier | modifier le wikicode]

La forme "canonique" qu'a connu l'Europe a d'abord été le servage : les paysans travaillent sur les terres des nobles et leur doivent parts de récolte et services en travail (corvées). 

Mais le servage a rapidement laissé place a d'autres formes. Pour autant c'était toujours la même domination de classe. Aux 15e et 16e siècles, les rapports sociaux se sont monétisés : les paysans sont devenus des tenanciers "libres" payant en argent le "cens" au seigneur.

Très souvent la domination par la force du seigneur est jointe à une domination idéologique, assurée directement par la noblesse ou déléguée, le plus souvent à une caste religieuse.

Le féodalisme, de même qu’aucun autre mode de production, n’a jamais existé à l'état pur. Au contraire il lui suffisait pour exister de ne subir de contestation sur la possession des terres, et il pouvait s'accomoder de façon assez large de rapports de productions différents. Il s’est donc combiné aux rapports sociaux pré-existants tout en les marginalisant : marchands, esclavagistes, tribaux...

2.4 Un repli local et un État affaibli[modifier | modifier le wikicode]

Que ce soit en Europe, en Asie ou en Afrique du Nord, le féodalisme génère une superstructure politique originale. À la limite, elle implique la disparition de l'État souverain. L’autorité s’exerce de personne à personne. Le fait essentiel à ce point de vue, est que la justice est rendue par le suzerain sur ses vassaux et par le "seigneur" sur les paysans. L’exploitation des prélèvements économiques et l’appareil juridico-politique sont donc très étroitement liés.

Le féodalisme s’installe et se perpétue dans des périodes où l’État :

  • n’est plus capable de collecter suffisamment d’impôt pour assurer ses fonctions d’où son éclatement et une insécurité permanente poussant les populations locales à accepter la domination personnelle d’un chef ;
  • n’est plus capable d’organiser l’approvisionnement en eau, en vivres... des grandes villes d’où un exode vers les campagnes, chacun se repliant sur son jardin pour manger ;
  • laisse des riches ou une institution comme l'Église accaparer une grande part de la valeur ajoutée produite par la société ce qui entraîne une privatisation de celle-ci.

Cet éclatement produit :

  • un remplacement des instances politiques par des liens hiérarchiques de personne à personne ;
  • des micro-sociétés (seigneuries, paroisses, bourgs...) vivant repliées sur elles-mêmes avec des caractéristiques extrêmement diverses ;
  • des pouvoirs et structures territoriales (châtellenie, abbaye, comté, abbaye...) faibles, enchevêtrés et mouvants y compris au niveau des royaumes.

2.5 Les "bourgs" dans les interstices[modifier | modifier le wikicode]

L’Ancien Régime était une société très parcellisée, où le pouvoir était fragmenté en une myriade d’entités territoriales, seigneuries, elles-mêmes subdivisées (villes, couvents...) avec un enchevêtrement juridique de titres de propriété, de chartes de privilèges, de traités d’alliances particulières. C’est dans les interstices nombreux de cet ordre social, jouant souvent les uns contre les autres, se laissant souvent jouer aussi, que la bourgeoisie a pu faire des villes et commercer.

Dans les villes médiévales, l'immense majorité des "bourgeois" est propriétaire. Au sommet de la pyramide sont les patriciens, un petit nombre de familles, d’origine marchande ou financière le plus souvent, définies par un accès privilégié, officiellement inscrit, au gouvernement municipal. Les patriciens vivent noblement, certains sont anoblis, ils ont acquis des seigneuries à la campagne, parmi eux il y a des féodaux d’origine établis en ville, ils sont alliés par mariage à des nobles. Après vient la grande majorité de la population urbaine formée par la réunion des corporations de métiers (bouchers, marchands, maçons, drapiers, orfèvres, tanneurs, boulangers, brasseurs, bateliers, verriers, etc). Les maitres artisans sont riches et emploient parfois un grand nombre de compagnons, dont une partie voit ses chances d'accéder à la maitrise diminuer et se transforme en salariat. Enfin tout en bas se trouve le petit peuple qui réunit les petits métiers artisanaux non organisés en corporations (petits marchands ambulants, porteurs d’eau...), les serviteurs et les servantes; les ouvriers journaliers du bâtiment ou du port, les ouvriers des manufactures, ou les mendiants.

Voici comment Marx décrit la tendance de ces corporations à s’opposer au développement de la production :

« Sous le système des corporations, par exemple, où la réglementation prescrit le nombre de métiers à tisser qu’un artisan peut utiliser, etc., l’argent qui n’est pas lui même d’origine corporative, qui n’est pas l’argent du maître, ne peut acheter les métiers pour les faire travailler. » (Principes d’une critique de l'économie politique)

Or le capital, pour se réaliser et se développer, doit trouver en face de lui d’une part des travailleurs libres, d’autre part des richesses, des matériaux, etc.. Le seul capital se formant au Moyen Age est le capital marchand, qui n'est pas un élément moteur de la production.

3 Transition du féodalisme au capitalisme[modifier | modifier le wikicode]

3.1 Caractéristiques générales[modifier | modifier le wikicode]

Les transformations essentielles dans les rapports sociaux qui ont eu lieu progressivement à partir du 11e siècle sont :

  • l’élection d’institutions locales puis nationales au détriment du pouvoir personnel seigneurial puis royal
  • la reconnaissance de garanties individuelles et collectives contre l’arbitraire seigneurial et royal.
  • des progrès dans le sens des libertés de conscience, d’expression, de religion...
  • l’abolition du servage et de la propriété personnelle des seigneurs sur leurs paysans
  • l’évolution de la propriété des terres, de la possession féodale conditionnelle à la propriété entière de type antique comme capitaliste avec partage des fiefs seigneuriaux en exploitations paysannes
  • la diminution des entraves institutionnelles à la libre activité des artisans, marchands, manufacturiers
  • la rationalisation des outils de la vie en collectivité (fiscalité, enseignement, législation, poids et mesures...)
  • peu à peu viendront aussi la limitation du rôle de l’Église dans la vie sociale (en particulier la fin de son monopole idéologique), l’égalité civile...

Ces transformations n’ont pas été réalisées partout de façon identique et linéaire. Parfois le pouvoir royal a aidé la mise en place de communes pour affaiblir la haute noblesse locale. Souvent des contre-révolutions ont temporairement aboli des progrès préalablement réalisés. Quoi qu’il en soit, les révolutions bourgeoises ont créé de nouveaux rapports de force, engagé des réformes, modifié les pouvoirs en place.

Les formes sociales les plus avancées apparaissent dans les régions d’Europe jouant un rôle majeur dans l’expansion économique et commerçante, comme la Flandre, dont l’industrie drapière s’est tournée dès le début du 13e siècle vers le commerce à longue distance : Italie, France, Espagne et par l’intermédiaire des marchands italiens, vénitiens ou génois, les pays de l’Adriatique et l’Orient. La forte division du travail (plus de 30 intervenants différents dans la fabrication d’un drap) permet l’émergence de détenteurs de capitaux maîtrisant de l’achat des matières premières (laine anglaise) à la fabrication puis commercialisation. Le pouvoir économique et social de ces donneurs d’ouvrage leur permet de jouer un rôle politique (échevins).

3.2 Luttes de classes complexes[modifier | modifier le wikicode]

Cela entraîne des luttes de classes, souvent entremêlées de façon complexe avec des luttes nationales. Le 11 juillet 1302, les milices communales flamandes écrasent la chevalerie française de Philippe le Bel. La ville de Gand se révolte en 1335 et surtout de 1379 à 1382, véritable révolution bourgeoise dirigée par Philippe van Artevelde.

En 1328, l’empereur Louis de Bavière échoue complètement dans sa tentative d’imposer sa domination aux cités italiennes.

Du 13e au 15e siècle, les villes et communautés suisses s’émancipent de la féodalité[3].

Le 22 janvier 1358, les bourgeois de Paris se soulèvent sous la conduite de leur prévôt Étienne Marcel[4]. Le dauphin fuit Paris, laisse temporairement la ville aux mains des émeutiers et rassemble une armée qui reprend la capitale le 31 juillet de la même année.

La même année se met en place en Allemagne une organisation typique de la nouvelle puissance bourgeoise : la Hanse, ligue maritime et commerciale groupant près de 200 villes ; Lübeck en est la métropole. Elle est le résultat, d’une part de la conquête du pouvoir politique dans de nombreuses communes aux 12e, 13e et 14e siècles (Lübeck en 1158, Rostock, Wismar, Stralsund, Stettin, Dantzig, Elbing).

De 1378 à 1385, l’Europe connaît une première période de révolutions bourgeoises.

Dès la fin du Moyen-Age, aux 15e et 16e siècles, le féodalisme a perdu certains de ses caractères initiaux de par les transformations suivantes qu’a connues l’Europe occidentale :

  • dans leur majorité, les paysans ne sont plus des serfs. Personnellement affranchis, leurs redevances commutées en argent, ils sont devenus des tenanciers libres travaillant une terre qui appartient à un seigneur auquel ils paient des “cens annuels”. Ces paysans “censiers” sont dits également “emphytéotes” parce que leur droit à leur terre est éternel et héréditaire mais relatif, chargé de “servitudes” ou de “droits féodaux” que sont les paiements au seigneur des “cens”, des droits de mariage, de succession, etc. ;
  • la paysannerie est un ensemble très hétérogène : vrais serfs (il en reste même au 18e siècle), censiers, mais aussi métayers, fermiers, petits propriétaires, domestiques, salariés agricoles, chômeurs et vagabonds ruraux. Souvent, à l’issue de cycles de révoltes paysannes et avec le renforcement de l’appareil d’État royal, l’absolutisme, et la tendance à la disparition des suzerains intermédiaires, les seigneurs féodaux acquièrent de facto, puis parfois de jure, un droit de propriété absolu de leurs terres qui cessent donc à proprement parler d’être des fiefs puisque le fief était une espèce de prêt héréditaire en échange du service militaire. Avec le développement de l’économie marchande, cette évolution entraîne que les liens féodaux de vassalité cessent en général d’être des obligations entre personnes pour devenir des obligations attachées à la terre. Se vendent et s’achètent des seigneuries avec les droits féodaux qui en font les revenus, mais se vend ou s’achète également la tenure d’un paysan censier. La terre devient marchandise, ce qu’elle n’était pas dans le féodalisme au sens strict du terme. La tenure censière tend également à faire place à des contrats courts de fermage ou de métayage.

La première révolution bourgeoise qui impacte durablement un territoire de taille conséquente est la révolution des Pays-Bas (1566-1609).

Dans l'Angleterre du 16e siècle, sous les Tudor, où les masses populaires sont victimes des enclosures, du poids du financement des guerres, de l'exploitation dans les mines...les révoltes sont nombreuses. Il y a de nombreuses révoltes paysannes : révolte des Cournouailles (1496), révolte de Lavenham (1525), révolte du Lincolnshire et le Pilgrimage of Grace (1536), révolte du Prayer Book et révolte de Kett (1549). Les émeutes urbaines s'intensifient de leur côté vers la fin du siècle : émeute de la prison de Ludgate (1581), émeutes de Whitsuntide (1584), insurrection des plâtriers (1586), émeute des fabricants de feutre (1591), des fabricants de chandelles (1592), Butter riot de Southwark (1595). Lors de la révolte de Enslow Hill (1596), les paysans commoners d'Oxford s'allient avec les apprentis de Londres.

Les révoltes continuent sous les Stuart, avec par exemple une révolte d'apprentis et de marins à Southwark lors de la fête de mai 1640.[5] Puis c'est le roi Charles Ier Stuart qui est décapité lors de la révolution anglaise (1641-1651), révolution bourgeoise majeure.

Enfin l'agitation s'internationalise, notamment à travers ce que l'on appelé les révolutions atlantiques, qui culminent dans la révolution états-unienne (1763-1783) et la révolution française (1789-1799).

Dans tous ces mouvements, les luttes de classes sont bien plus profondes que le seul clivage entre la bourgeoisie et la noblesse, mais c'est la bourgeoisie qui parvient globalement à tirer son épingle du jeu.

3.3 Émergence des États-Nations[modifier | modifier le wikicode]

La société féodale était peu centralisée. Cela change à partir de la fin du 13e siècle, la concurrence entre royaumes (en particulier France et Angleterre) les pousse à unifier la monnaie, la justice, à lever des armées permanentes... c'est-à-dire à ériger un État centralisé.

Pour affaiblir les grands féodaux, les rois vont même créer directement de véritables zones franches indépendantes de la hiérarchie féodale intermédiaire ; les bastides du Sud-Ouest de la France en sont un bon exemple avec leur pouvoir politique et économique local démocratique (consulat, marché, foires, poids et mesures, milice). Pour disposer de ressources financières et de relais administratifs, les royautés s'appuient sur le patriciat urbain (moyenne et haute bourgeoisie).

En revanche les États-Nations vont aussi absorber et neutraliser progressivement les organisations bourgeoises trop importantes. Par exemple la puissante ligue hanséatique disparaîtra comme puissance politique lors des traités de Westphalie en 1648, qui consacrent définitivement les États-nations.

3.4 Semi-féodalisme[modifier | modifier le wikicode]

Les marxistes emploient le terme de semi-féodalisme pour désigner des sociétés qui présentent des caractéristiques intermédiaires entre le féodalisme et le capitalisme.

Le terme a notamment été employé pour décrire l'Empire russe à la veille de la révolution de 1917.

Il a ensuite beaucoup été utilisé par les marxistes pour décrire les sociétés dans les pays dominés par l'impérialisme. Ainsi le 4e congrès de l’Internationale communiste, qui élabore la tactique du « front unique anti-impérialiste », constate que l’impérialisme « transforme dans tous les pays arriérés la couche supérieure féodale (et en partie semi-féodale, semi-bourgeoise) de la société indigène en instrument de sa domination. […] Ainsi les classes dirigeantes des pays coloniaux et semi-coloniaux n'ont-elles ni la capacité ni le désir de diriger la lutte contre l'impérialisme, à mesure que cette lutte se transforme en un mouvement révolutionnaire de masses. »[6]

4 Notes et sources[modifier | modifier le wikicode]

  1. Cf. Féodalité et Vassalité sur Wikipédia
  2. Ernest Mandel, Introduction au marxisme, 1975
  3. http://www.gauchemip.org/spip.php?article3983
  4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Journée_du_22_février_1358
  5. London Radical Histories, Pasttense.co.uk, May Day in South London: a history
  6. Internationale communiste, 4e congrès, Thèses générales sur la question d’Orient, 1922