Féodalisme

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Le féodalisme désigne pour les marxistes le mode de production qui se situe entre l'esclavagisme antique et le capitalisme.

Le terme de féodalité a une signification plus restreinte : il désigne un système politique dans lequel le pouvoir central (souverain) est relativement faible et doit composer avec des pouvoirs locaux (seigneurs).

1 Définitions

1.1 Féodalité et vassalité

La féodalité est une organisation dans laquelle la pyramide sociale repose sur un ensemble de liens personnels : le paysan serf est lié à la terre de son seigneur (qui en échange lui doit protection), et les nobles sont liés à leur supérieur par des liens d'allégeance (vassalité), jusqu'au suzerain (roi).[1]

La terre d'un seigneur est le fief (d'un terme germanique signifiant bétail / argent / possession, via le latin feodum). Le terme se répand vers le 11e siècle et donne féodalité au 17e siècle.

1.2 Moyen-Âge

Le Moyen-Âge désigne en histoire une époque qui s'inscrit entre une époque antique et une époque moderne. Le terme sert principalement à désigner le Moyen-Âge européen (500-1500), et recouvre globalement une période de féodalité, même si celle-ci n'est vraiment mise en place qu'au 9e siècle.

Les critères sont principalement l'affaiblissement d'un État centralisé (chute de l'Empire romain, affaiblissement du pouvoir impérial au Japon), de fortes relations de domination personnelles sur la paysannerie (servage ou assimilé), et l'importance de couches de guerriers aux rapports de vassalité fluctuants (chevaliers, samouraïs...).

On parle également d'un Moyen-Âge japonais (1200-1600).

La Chine ancienne, avec son État centralisé, est mal défini par la notion de féodalisme et de Moyen-Âge, même si dans la première moitié du 20e siècle, les "seigneurs de la guerre" représentent la féodalité contre les tentatives d'unification du pays menées par la bourgeoisie.

1.3 Féodalisme

Le terme féodalisme est plus récent, il apparaît pour la première fois au 19e siècle, au moment où des penseurs étudient ce qu'ils considèrent comme un passage du féodalisme à l'« âge industriel ». Ce seront notamment Augustin Thierry et Saint-Simon dont les recherches mèneront Auguste Comte, d'une manière idéaliste, à énoncer sa loi des trois états (théologique, métaphysique, positiviste). Plus tard Marx et Engels reprendront le terme de féodalisme dans leur analyse des modes de production et de leur évolution (matérialisme historique).

La féodalité est un système politique délimité spatialement et temporellement, qui décrit l'Europe occidentale du 9e au 13e siècle. La définition marxiste du féodalisme est certes historiquement marquée par ce contexte européen, mais renvoie en fait à un mode de production, et non pas à une forme politique précise. A ce titre, il est plus large (et volontairement plus imprécis) que la notion de féodalité. Le féodalisme est né de façon progressive en remplaçant l'esclavagisme antique dans une bonne partie de l'Europe, mais il ne prend pas fin avec le Moyen-Âge, bien que ses formes évoluent beaucoup.

2 Caractéristiques du féodalisme

2.1 Une société bâtie sur la paysannerie

La société féodale est principalement divisée en deux classes sociales :

  • la noblesse, qui représente quelques pour-cents de la population et possède les terres,
  • les paysans dominés (serfs ou vilains) qui représentent la base de la production matérielle.

Le féodalisme est comme l'esclavagisme un mode de production essentiellement agricole, et la paysannerie en est la colonne vertébrale.

 « L’agriculture à base d’assolement triennal créé les fondements de la société féodale. » Ernest Mandel[2]

2.2 De multiples formes

La forme "canonique" qu'a connu l'Europe a d'abord été le servage : les paysans travaillent sur les terres des nobles et leur doivent parts de récolte et services en travail (corvées). 

Mais le servage a rapidement laissé place a d'autres formes. Pour autant c'était toujours la même domination de classe. Aux 15e et 16e siècles, les rapports sociaux se sont monétisés : les paysans sont devenus des tenanciers "libres" payant en argent le "cens" au seigneur.

Très souvent la domination par la force du seigneur est jointe à une domination idéologique, assurée directement par la noblesse ou déléguée, le plus souvent à une caste religieuse.

Le féodalisme, de même qu’aucun autre mode de production, n’a jamais existé à l'état pur. Au contraire il lui suffisait pour exister de ne subir de contestation sur la possession des terres, et il pouvait s'accomoder de façon assez large de rapports de productions différents. Il s’est donc combiné aux rapports sociaux pré-existants tout en les marginalisant : marchands, esclavagistes, tribaux...

2.3 Un repli local et un État affaibli

Que ce soit en Europe, en Asie ou en Afrique du Nord, le féodalisme génère une superstructure politique originale. À la limite, elle implique la disparition de l'État souverain. L’autorité s’exerce de personne à personne. Le fait essentiel à ce point de vue, est que la justice est rendue par le suzerain sur ses vassaux et par le "seigneur" sur les paysans. L’exploitation des prélèvements économiques et l’appareil juridico-politique sont donc très étroitement liés.

Le féodalisme s’installe et se perpétue dans des périodes où l’État :

  • n’est plus capable de collecter suffisamment d’impôt pour assurer ses fonctions d’où son éclatement et une insécurité permanente poussant les populations locales à accepter la domination personnelle d’un chef ;
  • n’est plus capable d’organiser l’approvisionnement en eau, en vivres... des grandes villes d’où un exode vers les campagnes, chacun se repliant sur son jardin pour manger ;
  • laisse des riches ou une institution comme l'Église accaparer une grande part de la valeur ajoutée produite par la société ce qui entraîne une privatisation de celle-ci.

Cet éclatement produit :

  • un remplacement des instances politiques par des liens hiérarchiques de personne à personne ;
  • des micro-sociétés (seigneuries, paroisses, bourgs...) vivant repliées sur elles-mêmes avec des caractéristiques extrêmement diverses ;
  • des pouvoirs et structures territoriales (châtellenie, abbaye, comté, abbaye...) faibles, enchevêtrés et mouvants y compris au niveau des royaumes.

2.4 Les "bourgs" dans les interstices

L’Ancien Régime était une société très parcellisée, où le pouvoir était fragmenté en une myriade d’entités territoriales, seigneuries, elles-mêmes subdivisées (villes, couvents...) avec un enchevêtrement juridique de titres de propriété, de chartes de privilèges, de traités d’alliances particulières. C’est dans les interstices nombreux de cet ordre social, jouant souvent les uns contre les autres, se laissant souvent jouer aussi, que la bourgeoisie a pu faire des villes et commercer.

Dans les villes médiévales, l'immense majorité des "bourgeois" est propriétaire. Au sommet de la pyramide sont les patriciens, un petit nombre de familles, d’origine marchande ou financière le plus souvent, définies par un accès privilégié, officiellement inscrit, au gouvernement municipal. Les patriciens vivent noblement, certains sont anoblis, ils ont acquis des seigneuries à la campagne, parmi eux il y a des féodaux d’origine établis en ville, ils sont alliés par mariage à des nobles. Après vient la grande majorité de la population urbaine formée par la réunion des corporations de métiers (bouchers, marchands, maçons, drapiers, orfèvres, tanneurs, boulangers, brasseurs, bateliers, verriers, etc). Les maitres artisans sont riches et emploient parfois un grand nombre de compagnons, dont une partie voit ses chances d'accéder à la maitrise diminuer et se transforme en salariat. Enfin tout en bas se trouve le petit peuple qui réunit les petits métiers artisanaux non organisés en corporations (petits marchands ambulants, porteurs d’eau...), les serviteurs et les servantes; les ouvriers journaliers du bâtiment ou du port, les ouvriers des manufactures, ou les mendiants.

Voici comment Marx décrit la tendance de ces corporations à s’opposer au développement de la production :

« Sous le système des corporations, par exemple, où la réglementation prescrit le nombre de métiers à tisser qu’un artisan peut utiliser, etc., l’argent qui n’est pas lui même d’origine corporative, qui n’est pas l’argent du maître, ne peut acheter les métiers pour les faire travailler. » (Principes d’une critique de l'économie politique)

Or le capital, pour se réaliser et se développer, doit trouver en face de lui d’une part des travailleurs libres, d’autre part des richesses, des matériaux, etc.. Le seul capital se formant au Moyen Age est le capital marchand, qui n'est pas un élément moteur de la production.

3 Transition du féodalisme au capitalisme

Les transformations essentielles dans les rapports sociaux qui ont eu lieu progressivement à partir du 11e siècle sont :

  • l’élection d’institutions locales puis nationales au détriment du pouvoir personnel seigneurial puis royal
  • la reconnaissance de garanties individuelles et collectives contre l’arbitraire seigneurial et royal.
  • des progrès dans le sens des libertés de conscience, d’expression, de religion...
  • l’abolition du servage et de la propriété personnelle des seigneurs sur leurs paysans
  • l’évolution de la propriété des terres, de la possession féodale conditionnelle à la propriété entière de type antique comme capitaliste avec partage des fiefs seigneuriaux en exploitations paysannes
  • la diminution des entraves institutionnelles à la libre activité des artisans, marchands, manufacturiers
  • la rationalisation des outils de la vie en collectivité (fiscalité, enseignement, législation...)
  • peu à peu viendront aussi la limitation du rôle de l’Église dans la vie sociale (en particulier la fin de son monopole idéologique), l’égalité civile...

Ces transformations n’ont pas été réalisées partout de façon identique et linéaire. Parfois le pouvoir royal a aidé la mise en place de communes pour affaiblir la haute noblesse locale. Souvent des contre-révolutions ont temporairement aboli des progrès préalablement réalisés. Quoi qu’il en soit, les révolutions bourgeoises ont créé de nouveaux rapports de force, engagé des réformes, modifié les pouvoirs en place.

Les formes sociales les plus avancées apparaissent dans les régions d’Europe jouant un rôle majeur dans l’expansion économique et commerçante, comme la Flandre, dont l’industrie drapière s’est tournée dès le début du 13e siècle vers le commerce à longue distance : Italie, France, Espagne et par l’intermédiaire des marchands italiens, vénitiens ou génois, les pays de l’Adriatique et l’Orient. La forte division du travail (plus de 30 intervenants différents dans la fabrication d’un drap) permet l’émergence de détenteurs de capitaux maîtrisant de l’achat des matières premières (laine anglaise) à la fabrication puis commercialisation. Le pouvoir économique et social de ces donneurs d’ouvrage leur permet de jouer un rôle politique (échevins). Cela entraîne des luttes de classes, souvent entremêlées de façon complexe avec des luttes nationales. Le 11 juillet 1302, les milices communales flamandes écrasent la chevalerie française de Philippe le Bel. La ville de Gand se révolte en 1335 et surtout de 1379 à 1382, véritable révolution bourgeoise dirigée par Philippe van Artevelde.

En 1328, l’empereur Louis de Bavière échoue complètement dans sa tentative d’imposer sa domination aux cités italiennes.

Du 13e au 15e siècle, les villes et communautés suisses s’émancipent de la féodalité[3].

Le 22 janvier 1358, les bourgeois de Paris se soulèvent sous la conduite de leur prévôt Étienne Marcel[4]. Le dauphin fuit Paris, laisse temporairement la ville aux mains des émeutiers et rassemble une armée qui reprend la capitale le 31 juillet de la même année.

La même année se met en place en Allemagne une organisation typique de la nouvelle puissance bourgeoise : la Hanse, ligue maritime et commerciale groupant près de 200 villes ; Lübeck en est la métropole. Elle est le résultat, d’une part de la conquête du pouvoir politique dans de nombreuses communes aux 12e, 13e et 14e siècles (Lübeck en 1158, Rostock, Wismar, Stralsund, Stettin, Dantzig, Elbing).

De 1378 à 1385, l’Europe connaît une première période de révolutions bourgeoises.

Dès la fin du Moyen-Age, aux 15e et 16e siècles, le féodalisme a perdu certains de ses caractères initiaux de par les transformations suivantes qu’a connues l’Europe occidentale :

  • dans leur majorité, les paysans ne sont plus des serfs. Personnellement affranchis, leurs redevances commutées en argent, ils sont devenus des tenanciers libres travaillant une terre qui appartient à un seigneur auquel ils paient des “cens annuels”. Ces paysans “censiers” sont dits également “emphytéotes” parce que leur droit à leur terre est éternel et héréditaire mais relatif, chargé de “servitudes” ou de “droits féodaux” que sont les paiements au seigneur des “cens”, des droits de mariage, de succession, etc. ;
  • la paysannerie est un ensemble très hétérogène : vrais serfs (il en reste même au 18e siècle), censiers, mais aussi métayers, fermiers, petits propriétaires, domestiques, salariés agricoles, chômeurs et vagabonds ruraux. Souvent, à l’issue de cycles de révoltes paysannes et avec le renforcement de l’appareil d’État royal, l’absolutisme, et la tendance à la disparition des suzerains intermédiaires, les seigneurs féodaux acquièrent de facto, puis parfois de jure, un droit de propriété absolu de leurs terres qui cessent donc à proprement parler d’être des fiefs puisque le fief était une espèce de prêt héréditaire en échange du service militaire. Avec le développement de l’économie marchande, cette évolution entraîne que les liens féodaux de vassalité cessent en général d’être des obligations entre personnes pour devenir des obligations attachées à la terre. Se vendent et s’achètent des seigneuries avec les droits féodaux qui en font les revenus, mais se vend ou s’achète également la tenure d’un paysan censier. La terre devient marchandise, ce qu’elle n’était pas dans le féodalisme au sens strict du terme. La tenure censière tend également à faire place à des contrats courts de fermage ou de métayage.

3.1 Émergence des États-Nations

La société féodale était peu centralisée. Cela change à partir de la fin du 13e siècle, la concurrence entre royaumes (en particulier France et Angleterre) les pousse à unifier la monnaie, la justice, à lever des armées permanentes... c'est-à-dire à ériger un État centralisé.

Pour affaiblir les grands féodaux, les rois vont même créer directement de véritables zones franches indépendantes de la hiérarchie féodale intermédiaire ; les bastides du Sud-Ouest de la France en sont un bon exemple avec leur pouvoir politique et économique local démocratique (consulat, marché, foires, poids et mesures, milice). Pour disposer de ressources financières et de relais administratifs, les royautés s'appuient sur le patriciat urbain (moyenne et haute bourgeoisie).

En revanche les États-Nations vont aussi absorber et neutraliser progressivement les organisations bourgeoises trop importantes. Par exemple la puissante ligue hanséatique disparaîtra comme puissance politique lors des traités de Westphalie en 1648, qui consacrent définitivement les États-nations.

4 Notes et sources