Extinction de l'État

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L'exinction de l'État est, dans une perspective communiste révolutionnaire, la disparition de l'État dans la société communiste sans classe sociale, après une révolution socialiste victorieuse.

1 Généralités

De nombreux militants révolutionnaires inscrivent aujourd'hui leur lutte dans la perspective de la fin de l'État, entrevoyant une société libérée de toute domination et en particulier de la violence étatique. Mais les descriptions des chemins à suivre pour parvenir à cette fin de l'État sont différentes, entre par exemple les anarchistes qui revendiquent l'abolition de l'État, de façon un peu métaphysique, et les marxistes qui parlent plutôt d'extinction de l'État dans la phase supérieure du communisme.

2 Perspective communiste révolutionnaire

2.1 Fondement matérialiste

Sous l'angle du matérialisme historique, les marxistes analysent l'État comme un instrument de gestion des intérêts de la classe dominante, et en particulier de la violence publique nécessaire pour maintenir un système basé sur la domination. L'État bourgeois actuel n'échappe pas à la règle, et bien qu'il puisse parfois prendre des formes particulièrement libérales, ses institutions pérennisent le capitalisme, et il sera en travers de tout mouvement socialiste révolutionnaire.

Mais si une révolution socialiste voit le jour et que les classes sont supprimées, le formidable niveau des forces productives actuelles, géré par la population pour la population, permettra une abondance qui relèguera à la préhistoire toute lutte pour la survie, et ouvrira la voie à une ère de civilisation fraternelle. Dans ces conditions, il n'y a aucun besoin d'un État au dessus de la société, et celui-ci disparaît de lui-même.

« Le premier acte dans lequel l'État apparaît réellement comme représentant de toute la société, - la prise de possession des moyens de production au nom de la société, - est en même temps son dernier acte propre en tant qu'État. D'un domaine à l'autre, l'intervention d'un pouvoir d'État dans les rapports sociaux devient superflue et entre alors naturellement en sommeil. Le gouvernement des personnes fait place à l'administration des choses et à la direction des opérations de production. L'État n'est pas , il s'éteint »[1] « La société, qui réorganisera la production sur la base d'une association libre et égalitaire des producteurs reléguera toute la machine de l'État là où sera dorénavant sa place : au musée des antiquités, à côté du rouet et de la hache de bronze »[2]

Cette analyse appuyée sur les contradictions et les possibilités réelles est au coeur du marxisme, car elle en fait non pas une utopie mais le progrès à portée de main. Ainsi l'opposition à l'État n'est pas seulement justifiée par la morale (l'État est mauvais, il réprime, etc...) mais parce qu'il est en travers du mouvement ouvrier. Et l'État n'est pas "aboli" par décret révolutionnaire, mais s'éteint de lui-même.

2.2 Dictature du prolétariat et communisme

Présentée de cette façon, cette analyse représente l'évolution de la forme de l'État sur une échelle de temps étendue. En pratique, le moment révolutionnaire, qui est le théâtre d'une lutte de classe extrême entre la bourgeoisie et le prolétariat mondial, donne une forme transitoire d'État : la "dictature du prolétariat". Ce nouvel État ouvrier est l'organisation que se donnent les travailleurs pour mater toute contre-révolution capitaliste et orienter l'économie vers le socialisme. A mesure qu'il est victorieux, cet État perd sa fonction et s'efface.

Le seul véritable État ouvrier que l'on connaisse est celui issu de la Révolution d'Octobre 1917. Malheureusement la révolution n'a finalement pas été victorieuse car contenue en Russie malgré la vague révolutionnaire qui a suivi la Première guerre mondiale, et l'URSS a rapidement vu se développer une dicature bureaucratique. Trotsky qualifiait l'État qui a en résulté d'État ouvrier dégénéré, tandis que d'autres ont développé d'autres analyses (collectivisme bureaucratique, capitalisme d'État...).

3 Autres perspectives

D'autres penseurs ou courants ont soutenu la notion d'extinction de l'État, tout en ayant une perspective très différente des marxistes.

Chez le philosophe allemande Fichte, qui a précédé Marx, se trouve aussi l'idée de dépassement de l'Etat :

« Seul est véritable et légitime l'Etat qui est capable de résoudre la contradiction [entre contrainte et liberté]. Le moyen lui en est fourni par l'éducation de tous a l'intelligence du droit. Ce n'est que s'il remplit cette condition que l’Etat de contrainte a lui-même le droit d'exister. Il prépare alors son propre dépassement (Aufhebung). »

Par exemple, le sociologue et économiste allemand Franz Oppenheimer admettait que l'État est un garant de l'ordre capitaliste, mais défendait un illusoire retour à une petite paysannerie et une petite-bourgeoisie.

Détruisez « la propriété par la force » de la terre (« colonisation intérieure »), et alors une « forte paysannerie » émergera, l’armée des sans emploi disparaîtra, et le profit des capitalistes déclinera jusqu’à rendre inutile la poursuite de leurs activités. Le travail à louer disparaîtra, et par une voie parfaitement indolore la société se transformera en une société de citoyens libres, commerçant pacifiquement entre eux et vendant toute chose « en accord avec la justice ». L’Etat dépérira, laissant la place à une « libre citoyenneté » (« Freibürgerschaft »). Tel est le « socialisme libéral » d’Oppenheimer.[3]

La perspective de Proudhon est assez similaire. Il pensait aussi que l'anarchie était un "ordre naturel" (fondé sur la petite propriété) contrarié par l'État (qui favorise les puissants). Sa pratique politique était opposée à la violence, et ne ressemblait pas à celle de beaucoup d'anarchistes qui prônent "l'abolition de l'État".

4 Notes et sources

  1. Anti-Dühring, Friedrich Engels
  2. L'origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, Friedrich Engels
  3. N. Boukharine, Contribution à une théorie de l'Etat impérialiste, 1916