Entrisme

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L'entrisme est une stratégie politique révolutionnaire qui consiste à faire entrer de manière concertée des membres d'une organisation militante dans une autre organisation ouvrière (syndicat, parti ouvrier réformiste, etc...). L'objectif est variable : cela peut aller du recrutement de nouveaux membres se radicalisant, à des tentatives d'influer sur l'orientation de l'organisation ciblée pour parvenir à infléchir la stratégie de l'ensemble de l'organisation. Il existe deux types d'entrisme : officiel (que Léon Trotsky appelle « à drapeaux déployés ») et clandestin.

1 Histoire

1.1 1921 : Une question de survie pour le Parti Communiste de Grande-Bretagne

En 1921, la situation en Angleterre apparaît contradictoire. Dans le contexte de la crise européenne après la fin de la guerre mondiale, les ouvriers se radicalisent. La structuration du mouvement ouvrier britannique, autour du syndicat-parti qu'est le Labour (Parti Travailliste), permet néanmoins aux réformistes de garder la main, et même de soutenir l'intervention coloniale britannique en Irlande sans remous. Au second congrès de l'Internationale Communiste en 1921, celle-ci voit dans cette situation un danger pouvant compromettre les liens du Parti Communiste de Grande-Bretagne avec la classe ouvrière. Le congrès vote dans ces circonstances la décision de demander l'affiliation du Parti Communiste au Parti Travailliste afin de ne pas se couper des masses, et en cas de refus d'exposer les errements de la direction du Parti Travailliste. Celui-ci refuse cette demande d'affiliation, tout comme celle qui vont suivre, ce qui va forcer le CPGB à une existence indépendante.

1.2 1934 : l’entrisme comme tactique de court terme

C'est sur ce précédent que se fonde Trotsky pour définir sa politique sur l'entrisme dans le contexte de l’entre-deux-guerres, marqué par les dangers fasciste d’un côté, staliniste de l’autre. L’époque est déroutante y compris pour le mouvement trotskyste. C’est ainsi que, selon Daniel Bensaïd, « les recommandations de Trotsky pendant les années 30 épousent au mois près les fluctuations d'une situation mouvante ». La stratégie va donc varier, et l’entrisme correspond à l’une de ses orientations au cours de l’année 1934, Trotsky publiant le premier article à ce sujet, dans La Vérité, le 10 juillet 1934, sans toutefois le signer. Le 3 août 1934, Raymond Molinier, dirigeant de la Ligue communiste, signe lui aussi un texte intitulé « Unité organique? Oui! » dans lequel il va jusqu'à envisager la fusion entre la SFIO et le PCF.

Cette année est en effet marquée par l’émergence de courants mettant en danger la social-démocratie. En Autriche, l’insurrection ouvrière est brutalement réprimée tandis que les émeutes du 6 février 1934 à Paris déstabilisent la Troisième République. Face à cela, Trotsky préconise la création d’ailes gauches actives au sein des partis socialistes, la Ligue communiste entre alors dans la SFIO, et se regroupe autour de la tendance du groupe Bolchévique-léniniste (BL). Il écrit à Marceau Pivert, représentant de l’aile gauche de la SFIO (« Gauche révolutionnaire »):

«  Les Bolcheviques-léninistes se considèrent comme une fraction de l’Internationale qui se bâtit. Ils sont prêts à travailler la main dans la main avec les autres fractions réellement révolutionnaires. »

C'est ainsi qu’au cours de l'année 1934, l’entrisme « à drapeau déployé » - des partisans issus d’une organisation X se regroupent en « tendance », « courant » et tentent d’infléchir les orientations de la SFIO - se développe. Dès 1935, les trotskystes sont cependant exclus par Léon Blum, et créent en 1936 le Parti ouvrier internationaliste (POI).

1.3 1952 - 1953 : l'entrisme sui generi comme stratégie de long terme

Les années 1950 correspondent à une cristallisation de la situation de guerre froide. Les trotskystes se sentent plus que jamais impuissants dans le jeu politique mondial. C’est alors qu’une partie de leurs dirigeants sont tentés par la stratégie d'entrisme, cette fois tournée vers les partis communistes alignés sur Moscou, ce qui implique à l'époque une clandestinité forcée. Le principal promoteur de cette stratégie est Michel Raptis, dit Pablo. Il constate que « la réalité sociale objective […] est composée essentiellement du régime capitaliste et du monde stalinien ». Il en déduit que le seul moyen pour les trotskystes d’influer réellement sur la vie politique et de tester l’efficacité de leurs théories est de se confronter aux travailleurs et aux partis qui les représentent. Il s’agit à l’époque des puissants partis communistes des pays occidentaux. Il précise que « cette intégration doit commencer par les organisations périphériques pour arriver jusqu'au parti communiste même ». Selon Pablo, le militant doit « mettre tout à fait à l'arrière-plan sa qualité de trotskyste ».

Cette clandestinité répond au monolithisme aligné sur Moscou des PC de l'époque, mais aussi fais le pari de ruptures radicales qui ne pourront manquer de se produire d'après les tenants de cette théorie. C’est pourquoi Daniel Bensaïd parle d'un « entrisme spéculatif ». Il apparaît que cette stratégie est le seul moyen d’action d’un mouvement qui dénonce « L’usurpation du pouvoir par une bureaucratie privilégiée » en URSS.

Elle provoque cependant de nombreux antagonismes, et sera l'une des causes du plus grave déchirement qu’ait connu la IVe Internationale depuis sa création. En effet, dès l’énoncé de ses thèses, Michel Pablo est critiqué. Marcel Bleibtreu, secrétaire du PCI, refuse cette stratégie.

1.3.1 En France

La rupture a lieu avec le congrès de juillet 1952. La majorité du PCI lambertiste refuse l’entrisme dans les organisations staliniennes. La minorité de celui-ci acte la stratégie d'entrisme, mais provoque de graves scissions.

De nombreuses personnalités du trotskysme telles que Denis Berger ou Gabriel Cohn-Bendit se montrent critiques vis-à-vis de cette pratique.

1.4 Années 1960 - 1970

1.4.1 En France

Le terme entrisme a également été employé abusivement pour qualifier une toute autre pratique, menée par le cercle dirigeant de l'Organisation Communiste Internationaliste. Des militants de l'organisation sont mis en place dans des organisations réformistes afin d'y occuper des postes d'importance. Cette pratique, qualifiée de "sous-marinage", a surtout pour but de renforcer le réseau d'influence de Pierre Lambert lui-même.

Cette stratégie ne donne pas nécessairement de résultat notable. Par exemple, bien au contraire, Lionel Jospin, dont Edwy Plenel affirme qu'il avait été infiltré de l'OCI au PS, aurait peu à peu renoncé à ses idéaux de jeunesse en adhérant au PS, tout en cumulant ses remises de rapports à Lambert (dirigeants du mouvement trotskiste international) et ses responsabilités politiques socialistes.

Lambert est même pris à son propre piège en 1986, quand les dirigeants du secteur jeune du Parti Communiste Internationaliste, Benjamin Stora et Christophe Cambadélis, organisent le départ de 450 militants du PCI au Parti Socialiste.

2 Notes et sources

Daniel Bensaïd, Les Trotskysmes, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2002.

Christophe Nick, Les Trotskistes, Fayard, 2002

Michel Lequenne, Le trotskisme, une histoire sans fard, 2005

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