Employés et cadres dans la révolution russe

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Les employés et cadres en 1917 étaient sociologiquement nettement distincts de la classe ouvrière, et se sont montrés globalement réactionnaires en Octobre.

1 Tendances générales

Après Février, les forces politiques ouvertement monarchistes sont interdites. Le parti bourgeois libéral, le parti KD, devient l'organisation la plus à droite. Dans ce contexte, beaucoup d'employés, fonctionnaires ou cadres conservateurs se disent proches des menchéviks et des socialistes-révolutionnaires. L'ennemi commun aux conciliateurs est le parti bolchévik qui attise la colère des masses populaires et leur donne le sentiment d'être menacés dans leurs privilèges relatifs. Cependant dans tous ces secteurs, le processus révolutionnaire produit des tiraillements. La base tend à évoluer vers la gauche, le sommet est poussé par sa haine des bolchéviks vers les forces contre-révolutionnaires.

« Le parti des socialistes-révolutionnaires non seulement perdait son influence, mais changeait aussi de composition sociale. Les ouvriers révolutionnaires ou bien avaient déjà trouvé le temps de passer aux bolcheviks, ou bien, s'écartant, passaient par une crise intime. Par contre, embusqués dans les usines pendant la guerre, les fils des boutiquiers, les koulaks et de petits fonctionnaires en étaient venus à se persuader que leur place était exactement dans le parti socialiste-révolutionnaire. Mais, en septembre, eux aussi n'osaient plus se dénommer "socialistes-révolutionnaires", du moins à Pétrograd. Le parti étant abandonné par les ouvriers, les soldats, dans certaines provinces déjà même par les paysans ; il lui restait les fonctionnaires conservateurs et les couches de la petite bourgeoisie. »

Les bolchéviks cherchaient bien évidemment à s'implanter également dans ces milieux « petit-bourgeois ». Mais ils considéraient globalement que leur tâche et leur levier principal pour obtenir une majorité populaire était de mobiliser les ouvriers et les paysans pauvres. Les couches petite-bourgeoises hésitantes ne pourraient largement être entraînées que par la prise d'initiative d'un camp (révolution) ou de l'autre (contre-révolution).

« Convaincre tous les cheminots et les employés des Postes par la parole seulement, il était en tout cas inutile d'y songer. Si les bolcheviks avaient été hésitants, les cadets et les sommets conciliateurs l'auraient emporté. Si la direction révolutionnaire était résolue, la base devait inévitablement entraîner derrière elle les couches intermédiaires. »

Trotsky considère qu'à la veille de l'insurrection d'Octobre, le travail de conviction politique avait sans doute atteint le maximum de ce qu'il était possible dans la situation. Il restait un nombre irréductible de secteurs de l'appareil d'Etat qui ne pouvaient qu'être pris par l'insurrection :

« Ni le palais d'Hiver, ni le pré-parlement, ni l'état-major de la région, ni les ministères, ni les écoles de junkers ne pouvaient être pris du dedans. Il en était de même pour les téléphones, les télégraphes, les postes, la Banque d'État; les employés de ces établissements, qui avaient peu de poids dans la combinaison générale des forces, étaient pourtant les maîtres entre leurs quatre murs, lesquels étaient d'ailleurs fortement gardés. C'était du dehors qu'il fallait pénétrer jusqu'aux sommets de la bureaucratie. »

2 Postes et Télégraphes

L'administration des Postes et Télégraphes était étatisée.

D'après le bolchevik Bokïï, " prés des appareils télégraphiques sont en faction surtout des cadets ". Mais, là encore, le petit personnel s'opposait avec hostilité aux sommets. Parmi les facteurs, il y avait un groupe disposé à s'emparer, au moment propice, de la poste.

Pendant la tentative de putsch de Kornilov, les employés des postes et télégraphes se mirent à intercepter et à expédier au Comité de défense les télégrammes et les ordres du Grand Quartier Général, ou bien des copies.

3 Chemins de fers

🔍 Voir : Vikjel.

Les travailleurs des chemins de fer étaient une corporation relativement aisée par rapport aux ouvriers d'usine. Une direction syndicale de tout le réseau ferroviaire (Vikjel) se met en place à l'été. Elle est dominée par les conciliateurs et contient même des proches du parti KD. Il y avait parmi eux beaucoup d'employés, et peu étaient proches des bolchéviks. Ceux-ci avaient plus d'influence parmi les ouvriers des dépôts de trains.

Début août, des ouvriers du rail surprirent des employés en train de détériorer des locomotives. Cela servait ensuite à accuser la révolution d'être source de désorganisation.

Les cheminots jouèrent un grand rôle dans la lutte contre le putsch de Kornilov. Ils avaient des motifs particuliers de redouter la victoire de Kornilov, qui avait annoncé qu'il rétablirait une discipline de fer sur les chemins de fer. La base devançait de loin le Vikjel. Les cheminots démontaient et obstruaient les voies pour arrêter les troupes de Kornilov, coupèrent les échanges avec le Grand Quartier Général de Mohilev...

En septembre, la colère explose parmi les cheminots. Les ouvriers et les employés de chemins de fer, presque depuis l'insurrection de Février, réclamaient un relèvement des salaires. Malgré les efforts du Vikjel pour la contenir, cela débouche sur une grève générale de quelques jours contre le gouvernement provisoire. Après l'insurrection d'Octobre, le Vikjel exige du nouveau pouvoir bolchévik qu'il s'entende avec les conciliateurs et le menace de bloquer les trains.

Les bolchéviks constatent cependant que le Vikjel est de plus en plus isolé : « Les ouvriers, partout, se détachent des employés. Les employés subalternes s'opposent à leurs supérieurs. L'insolent ultimatum du Vikjel va forcément accélérer ces processus ».

4 Fonctionnaires

L'appareil d'Etat était bien plus réduit dans la Russie de 1917 que dans un pays industrialisé au 21e siècle. Par conséquent, le terme de fonctionnaire désignait à l'époque essentiellement les agents des ministères, peu nombreux et fermement subordonnés aux bourgeois. Fonctionnaire était alors presque toujours politiquement synonyme de conservateur, réactionnaire. Il en allait presque de même pour les étudiant-e-s.

Trotsky décrit les réactions de fonctionnaires lors des journées de juillet, face aux ouvriers tenant des pancartes « A bas la guerre » :

« Gesticulant, s’époumonant, l'étudiant, l'étudiante, le fonctionnaire essaient de persuader aux soldats que les agents de l'Allemagne, qui se tiennent derrière leur dos, veulent donner accès dans Petrograd aux troupes de Guillaume pour étouffer la liberté. Les orateurs jugent leurs propres arguments irrésistibles. "Ils sont trompés par des espions !" disent les fonctionnaires au sujet des ouvriers qui ripostent d'un ton bourru. "Entraînés par des fanatiques !" reprennent de plus indulgents. "Des ignorants !", et sur ce point, les uns et les autres sont d'accord. »

5 Ingénieurs

Pendant le mois d'août, des ingénieurs participent aux opérations des patrons visant à discréditer la révolution en sabotant la production, pour mieux appeler au retour à l'ordre (qui allait déboucher sur le putsch de Kornilov). John Reed témoigne : « Je connais des manufactures textiles de la région moscovite où les ingénieurs, en abandonnant le travail, mettaient les machines hors d'état ».


6 Employés de l'armée

Les employés affectés à des tâches de base, comme le suivi des stocks d'armes, étaient très proches des soldats et des ouvriers. Au moment de l'insurrection d'Octobre, ils prirent beaucoup d'initiatives pour assurer le contrôle des armes par le Comité militaire révolutionnaire, comme en témoigne Trotsky :

« L'initiative pour mettre la main sur les établissements publics provenait le plus souvent d'en bas. Les ouvriers et les employés de l'arsenal attachés à la forteresse Pierre-et-Paul soulevèrent la question de la nécessité d'un contrôle sur les livraisons d'armes. (...) Il suffisait de s'adresser à un comité de soldats, d'ouvriers ou d'employés d'un établissement ou d'un magasin pour que la résistance de l'administration fût immédiatement brisée. »

7 Notes