Différences entre les versions de « Défaitisme et défensisme »

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Le '''défaitisme révolutionnaire''' est une tactique prônée par [[Lénine|Lénine]] pendant la [[Première_guerre_mondiale|Première guerre mondiale]], et qui est dévenue par la suite, pour la plupart des [[Communistes|communistes]], la tactique systématique en cas de [[Guerre_impérialiste|guerre impérialiste]].
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Marx et Engels considéraient la Russie comme la ''«plus grande réserve de la réaction»'', le centre de la contre-révolution en Europe. Ils se prononçaient donc d'abord «contre le tsarisme», pilier de la Sainte Alliance de 1815, gendarme de l'Europe, et à partir de là, contre les petits mouvements nationaux que le tsarisme utilisait contre la démocratie. En 1848, ils prônaient la guerre révolutionnaire de la démocratie contre le tsarisme. «&nbsp;Renverser le tsarisme&nbsp;», «&nbsp;supprimer ce cauchemar&nbsp;».
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Plus tard, deux ouvrages d'Engels, ''Le socialisme en Allemagne'' (1891) et ''La politique étrangère du tsarisme'' (1890), reprennent cette idée. Engels croit à de grandes luttes révolutionnaires prochaines en Occident et est certain que tous les gouvernements européens n'hésiteront pas à se jetter dans les bras du tsarisme pour restaurer l'ordre.
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En 1870, lorsque Napoléon III attaque l'Allemagne, Engels considère qu'il faut défendre les intérêts nationaux de l'Allemagne contre l'Empire français, car l'unification de la nation allemande est progressiste. Mais dès que les armées prusiennes contre-attaquent et font chuter l'Empire français, Engels considère qu'il faut défendre la France.
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Lorsque éclate la guerre russo-japonaise, toute l'[[Deuxième_Internationale|Internationale]], comme d'ailleurs une bonne partie de la bourgeoisie russe, souhaita la défaite de la Russie dont elle espérait que sortiraient des changements révolutionnaires. Lénine se prononça sans ambiguïté pour la victoire du Japon en tant qu'incarnation du progrès capitaliste face à la réaction tsariste. Le 14 janvier 1905, il se félicita de la chute de Port-Arthur&nbsp;: c'est l'Asie «progressiste» et «avancée» qui vient de porter à la vieille Europe «réactionnaire» et «arriérée» un coup irréparable.
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Dans les années qui précèdent la [[Première_guerre_mondiale|première guerre mondiale]], la social-démocratie caractérise la guerre qui menaçait en Europe comme ''«&nbsp;impérialiste&nbsp;»'', notamment aux congrès de Stuttgart et de Bâle. Par conséquent cette guerre est jugée réactionnaire quel que soit le camp qui la mène. Pourtant l'écrasante majorité des directions social-démocrates se rangent derrière leur [[Bourgeoisie|bourgeoisie]] belliciste lorsque la guerre éclate, le 4 août 1914.
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=== Les internationalistes pendant la guerre de 1914 ===
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Parmi les social-démocrates qui refusent l'[[Union_sacrée|Union sacrée]] guerrière, les "internationalistes", il y avait un ensemble de positions différentes. On peut distinguer d'abord une aile "[[Centriste|centriste]]", qui veut seulement rétablir la paix, et une minorité révolutionnaire qui veut ''«&nbsp;la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile&nbsp;»'' ([[Lénine|Lénine]], [[Luxemburg|Luxemburg]], [[Karl_Liebknecht|Liebknecht]], [[Trotsky|Trotsky]]...).
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Dès le 24 août 1914, Lénine écrit que la social-démocratie russe a pour tâche essentielle de mener un combat impitoyable contre le chauvinisme grand-russe et que le «moindre mal» serait la défaite des armées tsaristes. Il reprend alors le positonnement classique contre le tsarisme, cette «prison des peuples», et pour la libération des nations opprimées et la démocratie. De nombreux bolcheviks reprochent alors à Lénine cette formule en faisant remarquer qu'elle pouvait être interprétée comme le souhait d'une victoire de l'Allemagne.
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Lénine a presque aussitôt internationalisé cette position, en prônant ce défaitisme dans chaque pays, et en avançant d'autres argument&nbsp;:
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*la lutte révolutionnaire menace le gouvernement bourgeois de défaite (d'où sa politique de répression pour haute trahison) et il faut assumer cette conséquence.
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*les défaites facilitent la guerre civile du prolétariat (se basant sur l'exemple de la Commune de Paris et sur la défaite russe face au Japon).
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[[Rosa_Luxemburg|Rosa Luxemburg]] critiquait le défaitisme de Lénine, en soutenant que la victoire ou la défaite d'un pays impérialiste étaient deux issues mauvaises. Lénine lui répond en juillet 1916.
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Le défaitisme est, pour lui, la conséquence logique d'une ligne stratégique qu'il n'est pas seul à défendre, ''«&nbsp;la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile&nbsp;»''. C'est cet objectif qui revient le plus souvent dans ses écrits et semble structurant et stratégique.
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En de nombreuses occasions importantes, Lénine ne met pas en avant la formule du «défaitisme»&nbsp;: on ne trouve nulle trace de «défaitisme» dans les propositions d'unité que Lénine fait en 1915 au groupe de Nache Slovo, nullement non plus dans le projet de résolution et de manifeste de la «gauche de Zimmerwald» rédigé par Lénine.
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Il faut noter aussi que le terme n'est pas mentionné dans la préface de 1918 de Zinoviev à ''Contre le courant'', choix d'articles de Lénine et de Zinoviev pendant la guerre.
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=== Dans l'Internationale communiste ===
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=== Héritage trotskiste ===
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[[Rudolf_Klement|Rudolf Klement]] revient en 1937 sur les différents cas de figure qui pourraient se présenter dans la guerre à venir<ref>Rudolf Klement, [https://www.marxists.org/francais/4int/prewar/1937/klement.htm Les tâches du prolétariat pendant la guerre], 1937</ref>.
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== Notes et sources ==
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Jean-Paul Joubert, [https://www-persee-fr.bibliopam-evry.univ-evry.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1987_act_95_1_2888 ''Le défaitisme révolutionnaire dans la stratégie marxiste''], 1987
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<references />
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[[Category:Politique révolutionnaire]] [[Category:Guerres]]

Version du 5 mai 2015 à 00:44

Le défaitisme révolutionnaire est une tactique prônée par Lénine pendant la Première guerre mondiale, et qui est dévenue par la suite, pour la plupart des communistes, la tactique systématique en cas de guerre impérialiste.

1 Historique

1.1 Chez Marx et Engels

Marx et Engels n'ont pas adopté de positions systématiques lors des guerres de leur époque. Lors de chaque conflit, ils cherchaient à évaluer le camp dont la victoire serait la plus avantageuse pour la classe ouvrière.

Ils estimaient que la victoire des bourgeoisies sur les classes précapitalistes étaient progressiste, parce qu'elle allait dans le sens de l'histoire, celui de développement du capitaliste et de la classe ouvrière, rapprochant le temps de la révolution prolétarienne. Ils considéraient que le prolétariat, tout en s'organisant et en combattant pour son propre compte, devait être leur allié.

« Mon plus grand désir est que la Prusse se fasse bien battre, il y aurait alors une révolution à Berlin » Engels, 2 avril 1866

Marx et Engels considéraient la Russie comme la «plus grande réserve de la réaction», le centre de la contre-révolution en Europe. Ils se prononçaient donc d'abord «contre le tsarisme», pilier de la Sainte Alliance de 1815, gendarme de l'Europe, et à partir de là, contre les petits mouvements nationaux que le tsarisme utilisait contre la démocratie. En 1848, ils prônaient la guerre révolutionnaire de la démocratie contre le tsarisme. « Renverser le tsarisme », « supprimer ce cauchemar ».

Plus tard, deux ouvrages d'Engels, Le socialisme en Allemagne (1891) et La politique étrangère du tsarisme (1890), reprennent cette idée. Engels croit à de grandes luttes révolutionnaires prochaines en Occident et est certain que tous les gouvernements européens n'hésiteront pas à se jetter dans les bras du tsarisme pour restaurer l'ordre.

1.2 Dans la Deuxième internationale

En 1870, lorsque Napoléon III attaque l'Allemagne, Engels considère qu'il faut défendre les intérêts nationaux de l'Allemagne contre l'Empire français, car l'unification de la nation allemande est progressiste. Mais dès que les armées prusiennes contre-attaquent et font chuter l'Empire français, Engels considère qu'il faut défendre la France.

Lorsque éclate la guerre russo-japonaise, toute l'Internationale, comme d'ailleurs une bonne partie de la bourgeoisie russe, souhaita la défaite de la Russie dont elle espérait que sortiraient des changements révolutionnaires. Lénine se prononça sans ambiguïté pour la victoire du Japon en tant qu'incarnation du progrès capitaliste face à la réaction tsariste. Le 14 janvier 1905, il se félicita de la chute de Port-Arthur : c'est l'Asie «progressiste» et «avancée» qui vient de porter à la vieille Europe «réactionnaire» et «arriérée» un coup irréparable.

Dans les années qui précèdent la première guerre mondiale, la social-démocratie caractérise la guerre qui menaçait en Europe comme « impérialiste », notamment aux congrès de Stuttgart et de Bâle. Par conséquent cette guerre est jugée réactionnaire quel que soit le camp qui la mène. Pourtant l'écrasante majorité des directions social-démocrates se rangent derrière leur bourgeoisie belliciste lorsque la guerre éclate, le 4 août 1914.

1.3 Les internationalistes pendant la guerre de 1914

Parmi les social-démocrates qui refusent l'Union sacrée guerrière, les "internationalistes", il y avait un ensemble de positions différentes. On peut distinguer d'abord une aile "centriste", qui veut seulement rétablir la paix, et une minorité révolutionnaire qui veut « la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile » (Lénine, Luxemburg, Liebknecht, Trotsky...).

Dès le 24 août 1914, Lénine écrit que la social-démocratie russe a pour tâche essentielle de mener un combat impitoyable contre le chauvinisme grand-russe et que le «moindre mal» serait la défaite des armées tsaristes. Il reprend alors le positonnement classique contre le tsarisme, cette «prison des peuples», et pour la libération des nations opprimées et la démocratie. De nombreux bolcheviks reprochent alors à Lénine cette formule en faisant remarquer qu'elle pouvait être interprétée comme le souhait d'une victoire de l'Allemagne.

Lénine a presque aussitôt internationalisé cette position, en prônant ce défaitisme dans chaque pays, et en avançant d'autres argument :

  • la lutte révolutionnaire menace le gouvernement bourgeois de défaite (d'où sa politique de répression pour haute trahison) et il faut assumer cette conséquence.
  • les défaites facilitent la guerre civile du prolétariat (se basant sur l'exemple de la Commune de Paris et sur la défaite russe face au Japon).

Rosa Luxemburg critiquait le défaitisme de Lénine, en soutenant que la victoire ou la défaite d'un pays impérialiste étaient deux issues mauvaises. Lénine lui répond en juillet 1916.

Le défaitisme est, pour lui, la conséquence logique d'une ligne stratégique qu'il n'est pas seul à défendre, « la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile ». C'est cet objectif qui revient le plus souvent dans ses écrits et semble structurant et stratégique.

En de nombreuses occasions importantes, Lénine ne met pas en avant la formule du «défaitisme» : on ne trouve nulle trace de «défaitisme» dans les propositions d'unité que Lénine fait en 1915 au groupe de Nache Slovo, nullement non plus dans le projet de résolution et de manifeste de la «gauche de Zimmerwald» rédigé par Lénine.

Il faut noter aussi que le terme n'est pas mentionné dans la préface de 1918 de Zinoviev à Contre le courant, choix d'articles de Lénine et de Zinoviev pendant la guerre.

1.4 Dans l'Internationale communiste

1.5 Héritage trotskiste

Rudolf Klement revient en 1937 sur les différents cas de figure qui pourraient se présenter dans la guerre à venir[1].

2 Notes et sources

Jean-Paul Joubert, Le défaitisme révolutionnaire dans la stratégie marxiste, 1987