Cyril Lionel Robert James

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Cyril Lionel Robert James (4 janvier 1901 - 31 mai 1989) est un intellectuel et militant marxiste, originaire de la colonie britannique de Trinité-et-Tobago aux Antilles.

James commença à militer très tôt pour l'indépendance de son pays et défendait l'idée d'une fédération des Antilles britanniques (cette fédération vit le jour après l'indépendance, mais ne dura que quelques années). Il œuvra toute sa vie pour la révolution prolétarienne mondiale et pour la cause du panafricanisme. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont une étude historique de la révolution de Saint-Domingue (Les Jacobins Noirs, 1938, traduit en français en 1949) et une pièce de théâtre sur la vie de Toussaint Louverture dans laquelle le chanteur et acteur noir américain Paul Robeson a joué le rôle principal. Black Jacobins est souvent considéré, aux côtés de Capitalisme et esclavage (1944) de Eric Williams, comme l'un des ouvrages fondateurs de l'historiographie anti-impérialiste [1].

La collection C.L.R. James est inscrite au registre Mémoire du monde de l'UNESCO en 2005[2].

1 Biographie

James quitte son pays natal en 1932 pour le Lancashire en Angleterre où il aida son ami, le joueur de cricket antillais Learie Constantine (le futur Lord Constantine) à écrire ses mémoires. Il passe quelque temps en France puis part aux États-Unis en 1938, où il milite pour les droits des Noirs.

En 1953, en situation irrégulière, il est expulsé des États-Unis et part pour l'Angleterre. Il ne retourne aux États-Unis qu'en 1968, pour enseigner à l'Université du District de Columbia.

En 1955, il a épousé Selma Deitch.

James retourne à Trinidad en 1958, où il devient le rédacteur en chef de The Nation, le journal du People's National Movement du futur premier ministre, Eric Williams - un de ses anciens élèves et l'auteur d'un ouvrage historique important, Capitalism and Slavery (1964).

James passe les dernières années de sa vie en Angleterre à Brixton, quartier de Londres célèbre pour sa communauté antillaise. Loin d'être oublié, il eut une influence considérable sur la jeune génération de militants de la cause noire et de l'extrême gauche.

2 Œuvre et engagements

2.1 L'opposition de gauche

Dans le Lancashire, au début des années 1930, il côtoie de près les ouvriers de la ville « rouge » de Nelson[3] et évolue rapidement vers la gauche. Se retrouvant à Paris pour faire de la recherche pour son livre sur Toussaint Louverture, il est témoin des événements de février 1934, et devient convaincu que l'Internationale communiste sous Staline est une force contre-révolutionnaire.

D'abord membre du parti travailliste, il rejoint rapidement un petit groupe trotskiste, le Marxist Group, qui pratique l'entrisme dans l'Independent Labour Party. En 1937, il publie World Revolution, 1917-1936: The Rise and Fall of the Communist International, une étude remarquée, entre autres, par Léon Trotsky et George Orwell (lui-même pendant un temps membre de l'Independent Labour Party). Après avoir quitté l'ILP, le groupe de James fusionne en 1938 avec d'autres organisations pour former la « Revolutionary Socialist League ».

Pendant ces années, il se fait remarquer en tant que défenseur des droits des peuples colonisés. En 1935, il devient président d'une association de défense de l'indépendance de l'Abyssinie (actuellement l'Éthiopie), victime de l'agression de l'Italie mussolinienne. Il est également actif au sein de l'« International African Service Bureau ».

2.2 La question noire aux États-Unis

En 1938, James part militer aux États-Unis, devenant un spécialiste de la « question noire » au sein du mouvement trotskiste[4] (notamment via ses débats avec Léon Trotsky qu'il rencontra en avril 1939 sur ce thème[5]). En avril 1940, il rompt avec le principal groupe trotskiste américain, le Socialist Workers Party (SWP) et adhère au Workers Party (WP) de Max Shachtman, formant la tendance Johnson-Forest avec Raya Dunayevskaya, ex-secrétaire de Trotsky. À cette époque, il développe une version de la théorie selon laquelle l'Union soviétique n'était pas un « État ouvrier dégénéré » (position défendue par les trotskistes orthodoxes) ou un collectivisme bureaucratique mais une forme de « capitalisme d'État »[6], analyse qui avait été proposée initialement par Boris Souvarine dans sa biographie sur Staline publiée en 1935 et dont James avait assuré la traduction en langue anglaise en 1939[7].

Jugeant le WP « de plus en plus imprégné par le « conservatisme » et le « pragmatisme » »[8], le groupe de James ré-adhère au SWP en 1947. Trois ans plus tard, alors que le mouvement trotskiste international est en crise, la tendance Johnson-Forest critique la notion de parti d'avant-garde et affirme que « le « parti léniniste en 1950 » doit être la pure « expression de la mobilisation prolétarienne de masse » »[9].

2.3 James et l'Afrique

Le rayonnement personnel et intellectuel de James aux Antilles britanniques, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Afrique est considérable. À travers l'« International African Service Bureau » il retrouve un ami d'enfance, le communiste George Padmore, devenu l'un des théoriciens du mouvement panafricaniste, et rencontre Kwame Nkrumah[2], premier président de Ghana de 1960 à 1966 et leader du mouvement des pays non-alignés.

Il exerce une grande influence sur toute une génération de jeunes intellectuels aux Antilles et dans la diaspora antillaise comme Tim Hector (avec lequel il anima brièvement l'« International Caribbean Service Bureau ») et l'historien et militant Walter Rodney. Ses écrits sur Toussaint Louverture inspirent le poète martiniquais Aimé Césaire, auteur lui-même d'une pièce de théâtre sur la révolution haïtienne, La Tragédie du roi Christophe (1963). Dans les années 1950, il collabore avec le philosophe Cornelius Castoriadis, fondateur de la revue Socialisme ou barbarie[10]. Il est également proche de Daniel Guérin[8], l'auteur entre autres de Les Antilles décolonisées (1956).

2.4 Le chroniqueur de cricket et l'historien de la littérature

Fait rare pour un militant léniniste, James était connu dès les années 1930 pour ses écrits sur le cricket (notamment pour le Manchester Guardian (devenu le Guardian) dans lesquels il mélange des références à l'histoire et à l'esthétique du cricket, à la lutte des classes, à l'histoire des peuples colonisés, à l'art, à la philosophie et à la littérature.

Il est également l'auteur d'une étude importante de l'écrivain américain Herman Melville, écrite dans le but d'empêcher son expulsion des États-Unis[11], et de plusieurs articles sur l'œuvre de William Shakespeare.

3 Œuvre

  • 1938 : Les Jacobins noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, trad. française de Pierre Naville (1re éd. Gallimard, 1949), 2e éd. avec textes complémentaires, traduits par Claude Fivet-Demorel, Éditions caribéennes, 1983. Réédité en 2008 aux Éditions Amsterdam.

4 Notes et références

  1. Seymour Drescher, Eric Williams: British Capitalism and British Slavery, in History and Theory, Vol. 26, No. 2 (May, 1987), pp. 180-196. DOI 10.2307/2505121 . URL: https://www.jstor.org/stable/2505121
  2. 2,0 et 2,1 « La collection C.L.R. James inscrite au Registre Mémoire du monde », sur unesco.org, (consulté le 23 avril 2016).
  3. Renault 2015, p.47
  4. Renault 2015, p.87
  5. Renault 2015, p.84)
  6. Renault 2015, p.102
  7. Renault 2015, p.55
  8. 8,0 et 8,1 Renault 2015, p.110
  9. Renault 2015, p.116-117
  10. Renault 2015, p.147
  11. Renault 2015, p.133

5 Annexes

5.1 Bibliographie

  • 1996 : C.L.R. James. A Political Biography, Kent Worcester, State University of New York Press, New York
  • Matthieu Renault, C.L.R. James : La vie révolutionnaire d'un « Platon noir », Paris, La Découverte, , 227 p. (ISBN 978-2-7071-8191-6)

5.2 Liens externes