Culte de la personnalité

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Napoléon Ier, se proclamant empereur et développant un culte de la personnalité autour de lui

Le culte de la personnalité est un phénomène communaliste caractérisé par l'adulation excessive d'une personnalité mythologique, d'un prophète, d'un chef d'État ou d'une personnalité publique ou populaire par la population et la société globale.

1 Dans les sociétés primitives

2 En Asie

3 De l'Antiquité et au Moyen-âge en Europe

4 Les régimes fascistes

  • Le fascisme italien a très tôt mis en place un culte de la personnalité autour du Duce (Mussolini).
  • La figure du Führer Hitler était également omniprésente dans l'Allemagne nazie.
  • Le franquisme espagnol a promu le Caudillo « par la grâce de Dieu »
  • Le salazarisme portugais

5 De l'Empire tsariste à l'URSS

5.1 Les pères du peuple

L'appellation Père des peuples a été utilisée en Russie tsariste de longue date pour désigner les tsars.[1]

En russe, les termes « petit père » et « père » sont bien différents. Le diminutif affectueux « petit père » était utilisé pour les tsars, qui furent appelés tsar-petit-père (царь-батюшка), littéralement dérivé de « mon père » ou « petit père » (батюшка), appellation des curés (popes), tandis que Pierre Ier de Russie a eu le titre de Père de la Nation (отец отечества), décerné en 1721 par le Sénat de Russie. Le familier « petit » (pour « petit père des peuples » fut utilisé notamment pour le dernier tsar, Nicolas II.

5.2 La jeune Russie soviétique

Poster de 1921 représentant l'alphabet, avec Lénine et Trotski.

Juste après Octobre 1917, le prestige de Lénine est immense, mais il n'y a pas de culte de la personnalité au sens strict. Déjà, il n'était pas encore très bien connu dans les régions reculées de l'ex empire Russe. Ensuite, il était loin d'être le seul dirigeant inspirant le respect pour sa conduite dans la révolution : Zinoviev, bon orateur, disposait d'une aura à Petrograd, Boukharine à Moscou... Par ailleurs, Trotski jouissait d'un immense prestige également, en particulier pour son rôle dans l'organisation de l'Armée rouge. Pendant les années 1918-1921, il était très courant d'entendre désigner le parti bolchévik par l'expression « parti de Lénine et Trotski », aussi bien en Russie qu'à l'étranger.

Dans les matériels éducatifs et de propagande, il était bien plus souvent question d'idées et d'accomplissements collectifs que de « grands hommes », mais si des dirigeants bolchéviks étaient mis en avant, c'était fréquemment Lénine et Trotski. En 1923, Lounatcharski publie un recueil, Silhouettes révolutionnaires, dédié à 10 figures de révolutionnaires : les deux premiers sont Lénine et Trotski, aucun des 10 n'est Staline.[2]

Staline est absent des matériels à destination du grand public dans toute cette période, et il n'est connu que des cadres du parti.

5.3 La dérive rapide du culte de Lénine

La mort de Lénine représente un tournant. Alors que celui-ci souhaitait être simplement enterré, Staline, Lounatcharski et Krassine montent aussitôt une « Commission pour l'immortalisation de la mémoire de V. I. Oulianov » chargée d'embaumer le corps du défunt et de l'exposer dans un mausolée.

L'Union des jeunesses communistes de Russie change son nom en Union léniniste des jeunesses, et Zinoviev cautionne activement cette dérive.[3]

5.4 Staline instaure le culte de Lénine... et de Staline

Ce n'est que la puissance de l'appareil du parti devenu machine bureaucratique contrôlant l'État qui permettra à Staline de réécrire l'histoire au fil des années, et d'instaurer un véritable culte de la personnalité autour de sa personne.

Dans les années 1930 il ne restera plus que Lénine et Staline (avec une prétendue filiation naturelle) dans l'imagerie étatique.[4]

La bureaucratie finit par (faire) réutiliser la dénomination tsariste de « père des peuples » pour désigner Staline.

Pour rester exact, il convient d'éviter le diminutif « petit » en français, que l'on retrouve dans certaines traductions erronées (seulement en langue française). Son véritable surnom donné par les Russes est grand guide des peuples (великий вождь народов) ou encore père des peuples (отец народов), ou père des nations, sans le diminutif « petit ».

Les années précédant sa mort, Staline bénéficiait de relais pour son culte non seulement dans l'immense URSS, mais également dans les autres pays du Bloc de l'Est comme la Chine et la Corée du Nord.

Fresque sur toile (6 m x 3 m, 1951) illustrant le culte de la personnalité de Staline dans l'ensemble du bloc de l'Est.

Le « discours secret » de Nikita Khrouchtchev au XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique (1956) dénonce les « excès » commis sous Staline, et notamment le « culte de la personne » (культ личности) de Staline.[5]

6 Les autres régimes staliniens

Les autres régimes de type staliniens (Chine, Corée du Nord, Vietnam...) qui ont été créées par la suite présentent des caractéristiques très proches. Non seulement parce que les partis qui ont pris le pouvoir étaient issus de la même matrice du Komintern (au fonctionnement fortement bureaucratisé), mais parce que les processus de prise du pouvoir y ont été similaires (des situations de guerre avec de forts mouvements populaires soutenant le camp anti-impérialiste « socialiste », mais des mouvements essentiellement paysans soutenant un nouvel État sur lequel ils n'avaient pas de prise).

C'est pourquoi on retrouve dans ces pays des cultes de la personnalité similaires. Dans les régimes indépendants de Moscou, le culte de la personnalité est très vite devenu indépendant de celui de Moscou, et reporté sur un leader national : Mao Zedung en Chine, Nicolae Ceaușescu en Roumanie...

7 De l'époque moderne à contemporaine en occident

Certains auteurs comme Alexandre Zinoviev ont avancé que la société capitaliste occidentale engendre elle aussi de multiples cultes de la personnalité :

L’occident se moquait des cultes de la personnalité dans les pays communistes, mais il tombe dans le même travers et dans des proportions largement supérieures.

Il crée et maintient en permanence le culte de présidents, de Premiers ministres, de chanceliers, de généraux, de professeurs, d’acteurs de cinéma, de sportifs et même de criminels. L’industrie à produire d’« éminentes » personnalités est tellement puissante que l’on peut qualifier la société occidentale de « cultiste ». Il ne s’agit nullement de mettre à l’honneur des actes réels d’individus d’exception, mais d’enfoncer dans la tête des gens la conviction que la société et son évolution résultent des efforts de ces personnalités.[6]

8 Notes et sources

  1. François-Xavier Coquin, Des pères du peuple au père des peuples : La Russie de 1825 à 1929, Paris, Sedes, coll. « Regards sur l'histoire », 1991, 483 pages
  2. Anatoli Lounatcharski, Silhouettes révolutionnaires, 1923
  3. Grigori Zinoviev, Histoire du Parti Bolchevik - Préface, 31 mars 1924
  4. Robin Régine. Le culte de Lénine. Réinvention d'un rituel. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 40ᵉ année, N. 4, 1985. pp. 805-809.
  5. Branko Lazitch, Le Rapport Khrouchtchev et son histoire : Texte présenté et annoté par Branko Lazitch, Paris, Édition du Seuil, coll. « Points Histoire » (no H23), 1976 (1re éd. 1976).
  6. Alexandre Zinoviev (1996). L'Occidentisme - essai sur le triomphe d'une idéologie, , éd. Plon (ISBN 978-2259-183-178), p. 207-208 > L'idéologie