Crise ivoirienne

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La crise en Côte d'Ivoire dure depuis 2002, et s'est brutalement accentuée depuis les élections présidentielles de 2010 et l'intervention armée des impérialistes au printemps.

1 Contexte

1.1 Un pays aux ressources accaparées

L'histoire de la Côte d'Ivoire est, depuis l'époque moderne, celle de la domination impérialiste sur l'Afrique et en particulier celle de la Françafrique. Les grands trusts et banques français y sont bien implantés, une base militaire permanente y est établie (43ème BIMA), et la monnaie (Franc CFA) est contrôlée par la France. Dans un rapport de l'ONU, on peut lire les phrases suivantes, prudentes mais significatives :

"Les témoignages recueillis ont aussi permis de savoir que la loi de 1998 portant code rural et foncier serait liée à la position dominante que la France ou les intérêts français occupent en Côte d’Ivoire. Selon ces sources, les Français posséderaient 45 % de la terre et, curieusement, les sièges où se trouvent la Présidence de la République et l’Assemblée Nationale ivoirienne feraient l’objet d’un bail conclu avec des Français. Ces derniers contrôleraient les secteurs de l’eau et de l’électricité qui représentent une somme de 10 milliards de francs CFA par mois ".

Bolloré est notamment "maître" du port d'Abidjan (le premier d'Afrique de l'Ouest), du chemin de fer Burkina-Côte d'Ivoire, du caoutchouc et du tabac. Dominent aussi Colas, Vinci, et surtout Bouygues, qui n'est pas seulement n°1 du BTP mais aussi dans les concessions d'eau et d'électricité, et aujourd'hui dans le pétrole. Total détient le quart de la Société Ivoirienne de Raffinage et 160 stations-services. France Télécom est l'actionnaire majoritaire de Côte d'Ivoire Télécom et détient 85 % de la Société Ivoirienne des Mobiles depuis la privatisation. On peut citer également la doyenne des entreprises françaises (Groupe Compagnie Française de l’Afrique de l’Ouest - CFAO) et celles de l'ex chef du patronat français, Ernest-Antoine Seillères, à travers Technip et Bivac. Les grandes banques et sociétés d'assurance y sont aussi très présentes : la Société Générale, BNP-Paribas, AXA...

De plus, un accord néocolonial existe entre la Côte d'Ivoire et la France depuis 1961, qui se résume simplement : la Côte d'Ivoire privilégie la France pour l'accès aux ressources et le commerce, et en retour celle-ci assure une "coopération militaire" en cas de trouble dans le pays.[1]

Les premières richesses de la Côte d'Ivoire sont actuellement le cacao et le café (1er et 7eme producteur mondial). En 2003 la Côté d’Ivoire a en effet produit 38,5 % du PIB et 45 % de la masse monétaire des huit pays de la sous-région Union Économique et Monétaire de l’Ouest Africain (UEMOA) de la Communauté Financière Africaine. Les Etats-Unis commencent tout juste à pénétrer ce marché monopolistique, via les compagnies Cargill et ADM. Mais un rapport relève les découvertes récentes qui attisent encore bien plus l'appétit des multinationales :

"Il serait notamment question de découvertes de puits de pétrole dont la réserve serait proche de celle du Koweït et qu’ainsi, la Côte d’Ivoire pourrait devenir le deuxième producteur africain de pétrole après le Nigeria. Au surplus il serait question, toujours selon ces témoignages, du pétrole "vert ", très prisé. A côté du pétrole, on aurait également découvert, selon des témoignages, du gaz entre San Pedro et Sassandra : la réserve en permettrait l’exploitation pendant un siècle. D’autres ressources existeraient aussi tels l’or, les diamants, outre des métaux rares actuellement utilisés dans la fabrication des satellites."[2]

Pendant que le pays est toujours plus écrasé par le capitalisme mondial (libéralisation des marchés, poids croissant de la dette, 4 plans d'ajustement structurel entre 1990 et 1994...), divers leaders politiques tentent de s'imposer.

1.2 Fin de règne et luttes de pouvoir

Durant tout l'après-guerre, le pays a été dirigé par Félix Houphouët-Boigny, l'homme de la France. Mais la dégradation économique des années 80 va affaiblir les exportations de la Côte d'Ivoire, et son dictateur avec. L'instabilité politique grandissante à la fin de son long règne va éclater au grand jour après sa mort en 1994. La lutte pour le pouvoir et surtout pour la manne des privatisations va d'abord s'ouvir au sein du PDCI (le parti unique) entre Henri Konan Bédié, président de l'assemblée, et Alassane Ouattara, premier ministre. C'est d'abord Bédié, qui était le favori d'Houphouët, qui parvient à s'imposer. A l'élection de 1995 il lance une réforme basée sur "l'ivoirité" (les candidats aux élections doivent être de "vrais ivoiriens") pour écarter Ouattara qui vient du Nord musulman. Il réprime durement réprimer les opposants, dont Ouattara, qui a quitté le PDCI pour fonder le RDR (Rassemblement Des Républicains), et Gbagbo.

Connu depuis les années 70 comme opposant au régime houphouëtiste, Laurent Gbagbo a construit son réseau dans les bureaucraties syndicales et dans la social-démocratie en se faisant l'homme fort face au néocolonialisme. Il lance le FPI (Front Populaire Ivoirien) avec le soutien d'une partie du PS français.

Alassane Ouattara joue dans un autre registre, cultivant son image de gestionnaire avisé. Pur produit des grandes écoles d'économie états-uniennes, il a été le ministre d'Houphouët-Boigny qui a introduit l'austérité sauce FMI, dont il a été un dirigeant. Il a des liens très forts avec la France (marié à une grande bourgeoise française), mais sait ouvrir le marché ivoirien aux Etats-Unis pour se trouver d'autres puissants soutiens, et s'enrichir au passage par la spéculation[3].

1.3 Cristallisation autour de Gbagbo et Ouattara

Gbagbo et Ouattara sont d'abord unis dans un "Front républicain". En 1999, un coup d'Etat mené par le général Guéï (et soutenu par la France) écarte l'ancien parti-unique et lance une "transition démocratique". Bédié, cherchant des soutiens à tout-va, avait accéléré l'ouverture au capital états-unien (ADM, Cargill...) et la bourgeoisie française voulait donner un coup de pouce aux opposants. D'abord fortement représenté dans le gouvernement de transition, Ouattara sera à nouveau écarté par le recours à l'ivoirité. Mais Gbagbo est désormais directement son rival, et son opportunisme politique le conduira à reprendre le thème raciste.

Aux élections d'octobre 2000, Gbagbo accède à la présidence, mais seulement après de violentes émeutes post-électorales, Guéï refusant initialement les résultats. Une violente répression s'abat sur des manifestants pro-Ouattara réclamant une nouvelle élection (charnier de Yopougon). Le pays est en rapide décomposition sociale, et de plus en plus divisé par un clivage ethnico-religieux recoupant une polarité géographique, plus ou moins derrières deux leaders (chrétiens du Sud derrière Gbagbo / musulmans du Nord derrière Ouattara).

2 Rivalités inter-impérialistes et Refondation gbagbiste

Gabgo n'est un anti-impérialiste que dans les mots. Il est parfois très virulent contre la "domination française", mais conserve de bonnes relations avec les trusts qui dominent l’économie du pays. Toutefois, il a montré durant son mandat une volonté de mieux négocier le bradage des ressources du pays (face à la France principalement), ce que les gbagbistes appellent la "Refondation". Il s'agit d'une diversification dans les rapports avec l'impérialisme.

De juteuses concessions arrivaient à terme sous le régime Gbagbo, et celui-ci avait l'audace de les soumettre à des appels d’offre en "bonne et due forme". La France avait toujours bénéficié avec Houphouët, puis Outtara et Bédié, de confortables gré-à-gré. L'impérialisme français commence alors à craindre de passer à côté de juteux marchés publics, ou concessions d'entreprises privatisées, d'autant plus que la concurrence est offensive de la part des trusts états-uniens, mais aussi chinois ou sud-africains. Ces craintes sont fondées car les lignes ont dores et déjà bougées entre les grandes puissances. La percée du capital états-unien dans cette filière a par exemple poussé Bolloré à se débarrasser de sa filiale, pourtant l’une des majors…

"Des évolutions remarquables se sont produites en termes de destination des produits ivoiriens au sein même de l’Union Européenne. Par exemple, alors que la France et les Pays-Bas représentaient respectivement 15,2 % pour cent et 9,8 % des exportations ivoiriennes en 2000, la première ne comptait plus que pour 13.9 % en 2001 contre 14,1 % pour les Pays-Bas. Ceci s’explique par le fait que le cacao domine les exportations ivoiriennes, cacao dont la transformation est dominée par des multinationales qui ont connu de profondes mutations en termes de propriété du capital. Cette mutation s’est opérée en faveur de groupes tels que Cargill, ADM, Callebaut qui ont une tradition de transport en vrac, plus avancée qu’en France, en vue de gagner en efficacité et d’économiser sur les coûts liés à la logistique de transport. De plus les ports disposant d’une meilleure logistique pour la réception en vrac du cacao sont les ports d’Amsterdam et de Hambourg où se situent des filiales industrielles importantes appartenant à ces grands groupes."[4]

3 Les événements

3.1 Rébellion militaire de 2002

Le 19 septembre 2002 éclate une rébellion militaire pendant que Gbagbo est à l'étranger et le ministre de l'intérieur est assassiné. Après deux jours de combats qui font des dizaines de morts, la rébellion se replie sur le Nord du pays, où elle fait des milliers de morts, provocant des mouvements de réfugiés. Cette rébellion a été soutenue par le Burkina, relais de la Françafrique, mais s'inscrit dans un contexte général de frustrations populaires qui la rendait possible, notamment avec une propriété foncière pénalisant les Ivoiriens du Nord d'origne étrangère. Son leader est Guillaume Soro (chef des Forces Nouvelles), qui est proche de Ouattara.

Gbagbo fait appel à la France en vertu des accords de 1961. Celle-ci va profiter de l'occasion pour renforcer sa présence et donc sa capacité de contrôle sur la Côte d'Ivoire, mais sans soutien franc à Gbagbo. Prétextant une hypocrite volonté de non-ingérence dans un conflit interne au pays, elle se présente comme "force d'interposition". L'Opération Licorne est lancée, le pays est de fait coupé en deux, et la France est en position de force pour défendre ses intérêts au milieu des belligérants, dans un pays qu'elle a largement contribué à destabiliser. Les accords de Linas-Marcoussis sont signés le 24 janvier 2003. Puis la France parviendra à associer la "communauté internationale" à son action, avec l'intervention de l'ONUCI en 2004. Les accords prévoient que Gbagbo reste en place, avec formation d'un gouvernement de "réconciliation nationale" avec des membres de la rébellion, et la transparence dans les prochaines élections d'octobre 2005.

3.2 Offensive de Gbagbo et riposte... de la France

Mais Gbagbo freine l'application des accords, et fait tout pour conserver les meilleures rentes politico-financières à ses proches. Malgré les relances de la France (accords d'Accra en juillet 2004), la tension se ravive. Gbagbo renforce pendant ce temps les FANCI (Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire, l'armée loyaliste) et se sent indétronable. En mars 2003, il réprime les manifestants de l'opposition. Il menacera même la France d'aller s'approvisionner en armes ailleurs, et obtient satisfaction : fin 2003 - début 2004, Michèle Aliot-Marie est fréquemment en Côte d'Ivoire comme "VRP" (étant même décorée par Gbagbo au Nouvel An).

Le 5 novembre 2004, l'armée de Gbagbo lance un raid aérien sur contre les rebelles. Deux jours après, neuf soldats français sont tués par les FANCI. Chirac réagit immédiatement en donnant l'ordre de neutraliser toute l'aviation ivoirienne. De nouvelles manifestations antifrançaises et exactions provoquent le départ de plus de 8 000 Français. 57 civils ivoiriens sont tués par l'armée française, selon Abidjan. Le 15, sanctions de l'ONU contre le pouvoir.

La partition du pays commence à peser lourdement sur les affaires, notamment les exploitants de canne à sucre ou de coton qui ne peuvent acheminer leurs marchandises vers le sud, et la hausse de la "concurrence déloyale" de l'import clandestin. Le soutien français à la rebellion s'affaiblit, et certains patrons se rapprochent de Gbagbo.

En vue des élections, un accord électoral entre Outtara et Bédié, le RHDB (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) est créé le 18 mai 2005. En octobre 2005, Gbagbo repousse les élections présidentielles. Le 21 octobre, l'ONU accepte son maintien au pouvoir, en lui adjoignant un Premier ministre doté de «tous les pouvoirs nécessaires», Charles Konan Banny. 

Le 4 mars 2007, Gbagbo et le chef de la rébellion Guillaume Soro signent l'accord d'Ouagadougou, et le 29, Soro passe Premier ministre.

3.3 Élections de 2010

Plusieurs fois reportée depuis la fin du premier mandat de Gbagbo, en 2005, l’élection présidentielle d'octobre-novembre 2010 devait mettre un terme à la crise. Mais tandis que la Commission Electorale Indépendante déclarait Ouattara vainqueur, le Conseil constitutionnel, enitièrement nommé par Gbagbo, annonçait l'inverse. Les "deux présidents" prêtent serment. Soro démissione et prête allégeance à Ouattara. La crise s'aggrave.

Les grandes puissances conduites principalement par les Etats-Unis et la France, avec la caution de l’Union africaine, prennent parti pour Ouattara. Face à Gbagbo, il convainc beaucoup plus les bourgeoisies internationales de son sérieux et de sa docilité à négocier. Une campagne de propagande médiatique vise alors à en faire le raisonnable démocrate face au tyran, quitte à passer sous silence les exactions commises dans le camp des Forces Nouvelles et les répressions du temps de Ouattara Premier ministre (sans parler de sa filiation revendiquée avec l'ex-dictateur Houphouët).

Menaces et médiations extérieures se succèdent pour tenter d’obtenir le retrait de Gbagbo (visite de cinq chefs ou anciens chefs d’État africains, médiation de Raila Odinga, Premier ministre kenyan, à nouveau missionné par l’Union africaine...), mais les propositions d’impunité et d'exil doré, voire la participation de certains de ses proches au pouvoir, ne suffisent pas à Gbagbo. Les pressions se sont ensuite exercées sur les pays africains de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), où les discussions ont été très vives, pour que le contrôle du compte ivoirien à la Banque centrale de cette zone CFA, soit retiré à Gbagbo. Il s’agit d’une tentative pour asphyxier financièrement l’État ivoirien, susciter le mécontentement des fonctionnaires, et surtout le retournement des militaires, dont les officiers sont pour l’instant restés fidèles à Gbagbo malgré diverses sollicitations.

Mais en l'Etat, Gbagbo semble parvenir à stabiliser son pouvoir. L'armée surveille les sièges du pouvoir et de la Radio-Télévision Ivoirienne. Le 15 décembre, le RHDP appelle ses partisans à marcher sur la RTI, mais sans succès. Le 17 décembre, les journaux pro-Ouattara sont interdits. La répression orchestrée par les forces fidèles à Gbagbo a déjà fait plus de 250 morts parmi les militants pro-Ouattara réels ou supposés, selon l’ONU, qui reste en revanche silencieuse sur les exactions commises en zone rebelle contre les Ivoiriens pro-Gbagbo, lesquels viennent pourtant grossir les rangs des 25 000 Ivoiriens déjà exilés au Libéria.

3.4 L'intervention impérialiste

Dans l'impasse, Ouattara et Soro ne cessent d’appeler à un renfort militaire extérieur pour déloger Gbagbo. La France et les USA ne peuvent se permettre d’intervenir unilatéralement et ne peuvent compter sur une résolution du Conseil de sécurité, pour cause de vétos chinois et russe. Ils s’efforcent d’obtenir une opération africaine, appuyés en cela par le président nigérian Goodluck Jonathan qui dirige la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Réunis le 18 janvier à Bamako, les chefs d’état-major des pays de cette institution ont affirmé être prêts pour une telle intervention, mais la réalité paraît plus nuancée. Gbagbo peut compter sur le soutien militaire de l’Angola, allié de longue date, auprès duquel il se réarme en ce moment, et sur la neutralité de certains chefs d’États africains, aux motivations diverses. Certains se refusent à couper complètement les ponts avec lui ; d’autres, tout aussi mal élus, voire plus, redoutent un précédent qui pourrait compromettre à l’avenir leur maintien au pouvoir ; enfin des craintes légitimes existent quant aux représailles probables contre les très nombreux ressortissants étrangers présents sur le sol ivoirien.

L’ONU, dont les forces sur place sont harcelées par les partisans de Gbagbo, décide le 19 janvier 2011, de l'envoi de 2 000 nouveaux casques bleus sur place, en plus des 8 500 déjà présents, et des 900 militaires français. Ouattara est retranché dans un hotel à Abidjan et protégé par les casques bleus. L'intervention militaire impérialiste est imminente, mais non consensuelle, et l'accent est mis sur les négociations auxquelles Gbagbo reste sourd. La guerre est aussi économique : Ouattara lance le 24 janvier un appel à l'arrêt des exportations de cacao, qui pèsera beaucoup sur les finances car le 7 mars, Gabgo décrète la nationalisation du secteur. Le président sortant va payer ce manque de "réalisme politique"...

Cette situation inextricable débouche sur une reprise des combats entre l'armée et les Forces nouvelles pro-Ouattara, d'abord à Abidjan à la fin-février 2011, puis dans le reste du pays au début mars, que les troupes de son adversaire conquièrent en quelques jours. Le 4 avril, la France et l'ONU lancent des frappes aériennes contre les camps militaires d'Agban et d'Akouédo ainsi que sur le palais et la résidence présidentielle, points clés que le camp Soro-Ouattara ne parvenait pas à prendre. Le 31 mars 2011, Abidjan est encerclé. Les défections se multiplient en quelques heures : l'armée et la gendarmerie le lâchent, même son Chef d'État Major. Le 11 avril, Gbagbo est arrêté avec l'appui direct de l'armée française et onusienne, et assigné à résidence. La Côte d'Ivoire est exsangue, mais l'impérialisme est durablement renforcé en Afrique de l'Ouest.

A partir de là, une véritable chasse à l'homme a été ouverte contre les militants pro-Gbagbo[5]. Soro a même appelé la population à ne pas sortir en raison des opérations de "pacification" à Abidjan.[6] En plus des attentats ciblés (le ministre Désiré Tagro livré par la France abattu d'une balle dans la bouche, Blé Goudé torturé...), il y a un véritable nettoyage ethnique contre les ethnies qui votent majoritairement Gbagbo : bété, ébrié, guéré...

4 Position des forces politiques

4.1 En Côte d'Ivoire

Le RHDP rassemble probablement la majorité de la bourgeoisie comprador de Côte d'Ivoire : à la fois les restes de la bureaucratie du PDCI, et la fraction plus "dynamique" de Outtara (proche de Sarkozy), investie à toute vitesse dans la libéralisation, les privatisations et les plans d'austérité.

Il y a pléthore de partis "de gauche" en Côte d'Ivoire[7], la plupart étant des groupuscules sans réel poids politique. Le Front Populaire Ivoirien de Gbagbo est la principale force se réclamant de la gauche, ce qui masque difficilement le profond opportunisme de ce parti qui ne représente que les intérêts d'une partie de riches parvenus. Il y a également le petit parti de Francis Wodié, le Parti Ivoirien des Travailleurs, tout aussi opportuniste mais avec moins de succès.

Une des seules organisations semblant défendre le programme communiste révolutionnaire malgré toutes les difficultés et leur faible audience sont l'UATCI (Union africaine des travailleurs communistes internationalistes). Voir notamment un tract diffusé parmi les travailleurs ivoiriens et retransmis par l'UCI.[8]

4.2 En France

Il y a une sorte d'union sacrée entre la droite (UMP) et la gauche (PS) bourgeoise pour lâcher et déboulonner Gbagbo, et porter Ouattara au pouvoir. Seule une minorité critique ce choix, principalement car jugé trop atlantiste. 

En effet il est clair que le soutien bruyant des Etats-Unis à Ouattara est une tentative de s’assurer une position dominante dans ce pays, notamment depuis la découverte d’importants gisements de pétrole off-shore. C’est pourquoi ceux qui ont de grandes prétentions pour l'impérialisme français dénoncent « le suivisme de Sarkozy » dans ce soutien et s’engagent aux côtés de Gbagbo. Le député UMP Didier Julia, membre de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, déclare : « Le fait, pour la France, de s’identifier à la position américaine, qui est anti-Gbagbo, parce qu’ils n’ont jamais pu conquérir les marchés de Côte d’Ivoire, ce n’est pas une position gaulliste. »[9] Les avocats français Roland Dumas, ancien ministre PS, ancien président du Conseil constitutionnel français, et Jacques Vergès se sont rendus auprès de Gbagbo.

Sans surprise, le Parti Socialiste s'est rangé derrière la droite au pouvoir. Son porte-parole Benoît Hamon a simplement lancé : « Il faut clarifier ce que fait Licorne. Qu’elle protège les ressortissants européens, les populations civiles, soit! ». Concernant la social-démocratie, il faut noter que le FPI de Gbagbo a seulement été exclu de l'Internationale socialiste le 29 mars 2011,[10] c'est-à-dire quand il devenait clair qu'il n'y avait plus rien à parier sur Gbagbo.

A la surprise de ceux qui avaient encore des illusions sur le Parti de Gauche, son porte-parole Jean-Luc Mélenchon a soutenu l'intervention armée de la France et de l'ONU, se bornant à préconiser une intervention plus "multilatérale" la prochaine guerre[11] ! Le Parti communiste français, lui, a "déploré" le recours à la "solution militaire".[12]

Seule l'extrême-gauche, Lutte ouvrière, le POI et le NPA ont affirmé leur opposition et dénoncé l'intervention impérialiste comme telle.

5 Notes et sources

Les mensonges de la propagande impérialiste, Tendance claire du NPA, 12 avril 2011
Inner City Press comme Wikileaks révèle l’implication profonde de la France dans la crise ivoirienne, 9 avril 2011
Côte d’Ivoire : et si on avait fait la guerre pour le cacao ? Afrik.com, 9 avril 2011
La Côte d'Ivoire entre deux présidents, Lutte de classe (LO), Février 2011
Deux fractions oligarchiques déchirent le pays, Inprecoor, Janvier-février 2011
Comprendre la crise ivoirienne
, Tout est à nous n°87 (journal du NPA), 27 janvier 2011
Côte d'Ivoire : qui cherche à déclencher un bain de saing ? Parti ouvrier indépendant, 6 janvier 2011
Une guerre civile… néocoloniale et française, Jean Nanga pour Inprecor, 2005