Crédit

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Un crédit est une valeur en argent qu'un débiteur doit à un créancier, en vertu du système de crédit. Ce système est basé sur la confiance que se font les acteurs économiques, qui se matérialise dans le taux d'intérêt. Concrètement dans la société bourgeoise, le système de crédit est la fois un facilitateur d'échange entre capitalistes, et une oppression supplémentaire du capitaliste sur le prolétaire.

1 Étymologie

Le sens étymologique de crédit est la confiance accordée à autrui. Il s'agit du participe passé latin de credere, croire.

2 Signification du système de crédit

2.1 Une forme de la domination du capital

La généralisation du crédit a eu lieu dans le capitalisme, c'est-à-dire dans une société de classe, et la domination du capital a naturellement trouvé dans ce nouvel outil une autre forme de son expression.

"L'opposition entre le capitaliste et l'ouvrier, entre le grand et le petit capitaliste s'aggrave, puisque le crédit n'est accordé qu'à celui qui possède déjà, et qui est, pour le riche, une nouvelle occasion d'accumulation. Comme le pauvre voit toute son existence affirmée ou niée au gré du riche, et selon le jugement contingent de celui-ci, il pense que toute son existence dépend de cette chance [...] [Celui] qui n'a point de crédit, [...] n'est pas seulement jugé comme pauvre, mais encore, moralement, comme quelqu'un qui ne mérite ni confiance ni estime et il est traité socialement comme un paria, commme quelqu'un de mauvais. Outre la privation, le pauvre subit une humilitation car il doit s'abaisser à mendier le crédit du riche."[1]

Cette domination s'incarne très concrètement dans les expulsions de débiteurs insolvables, comme lors de la récente crise des subprimes aux États-Unis. Car le Droit bourgeois est venu là encore officialiser un pouvoir économique de fait, s'ajoutant à la simple "garantie morale" qu'est censé représenter une créance. Rien de bien nouveau, comme le résumait Marx en 1857 :

"Il va sans dire que le créancier possède contre son débiteur, outre des garanties morales, la garantie de la contrainte juridique, sans parler d'autres plus ou moins réelles."[1]

Notons au passage que Marx faisait déjà clairement à cette époque le constat de la domination des grandes banques sur les États. Les spéculations sur les dettes publiques que l'on peut voir à l'oeuvre aujourd'hui n'ont rien de nouveau.

"Dans le crédit public, l'État occupe la même position qu'un individu. Dans les spéculations sur les titres publics, on voit comment l'État est devenu le jouet des affairistes, etc... Enfin, le système du crédit trouve son achèvement dans le système bancaire. La figure du banquier, la domination de l'État par les banquiers, la concentration de la fortune entre les mains de quelques-uns, un véritable aréopage économique de la nation, -tel est le digne achèvement du système monétaire. La reconnaissance morale d'un homme et la confiance en l'État, etc. ayant reçu la forme du crédit, le mystère qui se cache dans le mensonge de la valeur morale, l'infâmie immorale de cette morale tout comme l'hyprocrisie et l'égoïsme de cette confiance dans l'État, éclatent au grand jour et apparaissent tels qu'ils sont dans la réalité. (Notes sur le livre de James Mill "Éléments d'économie politique")"[1]

2.2 Une aliénation

Certains ont vu dans le développement du système de crédit un "sain retour" à l'homme, puisque celui-ci est directement pris en considération lors d'un prêt. En réalité, dans le cadre de la marchandisation généralisée, les hommes ne nouent pas des relations librement choisies entre eux, mais ce sont au contraire eux qui sont transformés et adaptés au capitalisme. Au lieu d'un "retour à l'homme", il y a une aliénation plus complète de l'homme dans l'argent, qui est réifié dans le système du crédit.

"Le système du crédit, dont la forme la plus achevée est le système bancaire, éveille l'impression que la puissance matérielle d'autrui est brisée, que le rapport d'auto-aliénation est aboli et que l'homme renoue des rapports humains avec autrui. Mystifiés par cette apparence, les saints-simoniens considèrent le développement de l'argent, des lettres de change, des billets de banque - les représentants en papier de l'argent -, le crédit et le système bancaire comme une abolition progressive de la séparation de l'homme et des objets, du capital et du travail, de la propriété privée et de l'homme. Leur idéal est donc le système bancaire.
En réalité, cette suppression de l'aliénation, le retour de l'homme à lui-même, et donc aux autres, n'est qu'illusion. C'est une aliénation et une déshumanisation d'autant plus infâmes et plus extrêmes que leur objet n'est plus la marchandise, le métal, le papier, mais la vie morale, sociale, l'intimité et le coeur de l'homme. Sous l'apparence de la confiance en l'homme, elle est la défiance surpême et l'aliénation totale. [...] Grâce à cette existance tout idéale de l'argent, l'homme ne peut plus falsifier d'autre monnaie que lui-même : sa fausse monnaie créé sa propre personne ; il devra simuler, mentir, etc. pour se procurer du crédit. Ainsi donc le crédit devient chez le créancier comme chez le postulant un objet de trafic, de tromperie et d'abus réciproques. De surcroît la méfiance entre en scène avec éclat comme base de la confiance dans l'économie politique : calcul méfiant pour savoir s'il faut, ou non, accorder le crédit ; espionnage de la vie privée, etc. du postulant ; divulgation des difficultés momentanées en vue d'éliminer un rival et d'ébranler soudainement son crédit." [1]

Cette aliénation ne touche pas indistinctement "l'homme" en général, mais frappe en premier lieu ceux qui se situent au plus bas de l'échelle sociale.

"Nous voyons que la vie du pauvre, le contenu de son activité sociale, son existence elle-même, représente pour le riche le remboursement de son capital, en plus des intérêts courants. Si ce pauvre venait à mourir, cela plongerait le créancier dans l'embarras le plus cruel, car cela représenterait la mort de son capital et de ses intérêts. Qu'y a-t-il de plus abject que d'estimer un homme en argent ? Or, c'est cela le crédit." [1]

3 Notes et sources

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 et 1,4 Manuscrits de 1857-1858 ("Grundrisse"), Chapitre de l'argent, Karl Marx