Contrôle ouvrier

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Le contrôle ouvrier sur la production est une action permanente menée par la classe ouvrière, sur le lieu même du travail, pour permettre à celle-ci de se rendre compte, aussi exactement que possible, du fonctionnement des entreprises, et d'aiguiser sa conscience de classe.

Le contrôle ouvrier est donc à différencier de la gestion ouvrière des entreprises (autogestion).

1 Principe

Le contrôle ouvrier sur la production reste une revendication fréquente chez les communistes révolutionnaires. Ce contrôle permettrait à la classe ouvrière de pénétrer les secrets des fabrications, de connaître les moyens d’approvisionnement en matières premières, le coût de ces matières, le prix de revient, l’évaluation des frais généraux, le prix de vente, les bénéfices approximatifs, les formes de l’écoulement du produit fini, la valeur du salaire qui peut être revendiqué, etc...

Trotsky écrivait dans son Programme de Transition :

« Les premières tâches du contrôle ouvrier consistent à éclairer quels sont les revenus et les dépenses de la société, à commencer par l’entreprise isolée ; à déterminer la véritable part du capitaliste individuel et de l’ensemble des exploiteurs dans le revenu national ; à dévoiler les combinaisons de coulisses et les escroqueries des banques et des trusts ; à révéler enfin, devant toute la société, le gaspillage effroyable de travail humain qui est le résultat de l’anarchie capitaliste et de la pure chasse au profit. »

2 Historique

2.1 Pendant la révolution russe

C'est le parti bolchevik qui met en avant cette revendication pour la première fois. Un mois avant la Révolution d'Octobre, Lénine exposa cette mesure dans sa brochure La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer en raison du sabotage économique, de la famine menaçante et de l'inaction gouvernementale qui ne souhaite pas toucher à la « sacro-sainte propriété privée » :

la mesure de lutte fondamentale, essentielle, propre à conjurer la catastrophe et la famine […], c’est le contrôle, la surveillance, le recensement, la réglementation par l’État ; la répartition rationnelle de la main d’œuvre dans la production et la distribution des produits, l’économie des forces populaires, la suppression de tout gaspillage de ces forces, qu’il faut ménager. Le contrôle, la surveillance, le recensement, voilà le premier mot de la lutte contre la catastrophe et la famine. Personne ne le conteste, tout le monde en convient. Mais c’est justement ce qu’on ne fait pas, de crainte d’attenter à la toute-puissance des grands propriétaires fonciers et des capitalistes, aux profits démesurés, inouïs, scandaleux qu’ils réalisent sur la vie chère et les fournitures de guerre (et presque tous « travaillent » aujourd’hui, directement ou indirectement, pour la guerre) profits que tout le monde connaît, que tout le monde peut constater et au sujet desquels tout le monde pousse des « oh ! » et des « ah ! ». Et l’État ne fait absolument rien pour établir un contrôle, une surveillance et un recensement tant soit peu sérieux.

Le contrôle ouvrier généralisé est envisagé comme une mesure consécutive à la prise du pouvoir politique. Il est alors urgent de faire tourner des entreprises qui pourtant restent sous la direction des capitalistes. Le contrôle ouvrier est alors nécessaire pour combattre le sabotage. Avant la prise du pouvoir politique, le contrôle ouvrier, voire l’administration ouvrière, étaient déjà effectifs dans certaines entreprises. Mais leur généralisation ne pouvait être opérée par aucun gouvernement bourgeois, fut-ce sous la pression. Au mieux, cela aurait signifié un contrôle bureaucratique du gouvernement sur les masses.

2.2 Une revendication de l'Internationale communiste

La revendication du contrôle ouvrier trouve son origine dans la politique mise en œuvre par l’Internationale communiste à ses débuts. Le contenu en est différent : le contrôle ouvrier est envisagé comme pouvant s’appliquer sur des branches entières avant la prise du pouvoir. Une fois cette étape franchie, le contrôle ouvrier deviendrait contrôle de l’Etat (ouvrier) sur la production.

« Quel est le régime social correspondant au contrôle ouvrier sur la production ? Il est clair que le pouvoir n’est pas aux mains du prolétariat : car dans ce cas nous n’aurions pas le contrôle ouvrier sur la production mais le contrôle de l’Etat ouvrier sur la production comme introduction au régime de la production étatique sur la base de la nationalisation. »[1]

Cette formulation pose le problème suivant : revendiquer le contrôle ouvrier avant la prise du pouvoir politique risque de détourner les masses de la lutte pour celui-ci au profit de tâches gestionnaires dans le cadre d’un capitalisme étatisé. Les tentatives de réorganisation générale de l’économie risquent alors d’être réduites à quelques mesures d’urgence, tandis que l’Etat et les fractions les plus collectives du capitalisme peuvent s’accommoder un temps de la dualité de pouvoir dans les entreprises.

Les révolutionnaires ont porté la plus grande attention sur les expériences de contrôle ouvrier qui ont été faites au fil de la lutte dans différents pays. Ces exemples sont autant de mises en garde contre la croyance dans le caractère transitoire « en soi » du contrôle ouvrier.

2.3 Contrôle ouvrier et gestion ouvrière dans la jeune URSS

Dans les premières années suivant la révolution d'octobre, la question du contrôle ouvrier dans les entreprises fut au coeur de profonds débats et clivages dans le parti bolchévik.

« De 1917 à 1921, le problème de la gestion de l'industrie devint le baromètre le plus sensible de l'affrontement des conceptions sur la création d'un nouvel ordre social... Ce fut de tous les sujets de conflit réel entre les factions communistes, le plus constant et le plus explosif. »[2]

Pour la majorité derrière Lénine et Trotsky, le prolétariat n'est pas encore capable de gérer lui même, directement, la production. Pour cette raison, ils doivent utiliser les compétences des anciens techniciens ou administrateurs, en exerçant un contrôle ouvrier sur eux.

« On peut s'emparer des usines avec l'aide de la Garde rouge; mais pour les gérer de nouvelles prémisses juridiques et administratives sont nécessaires; il faut aussi des connaissances, des habitudes, des organismes appropriés. Tout cela rend nécessaire une période d'apprentissage. Durant cette période le prolétariat a intérêt à laisser la gestion entre les mains d'une administration expérimentée tout en la forçant à ouvrir tous ses livres de compte et en instaurant un contrôle vigilant sur toutes ses liaisons et ses actions. »[3]

la gestion ouvrière est équivalente à la gestion par l'Etat ouvrier.

Des courants libertaires[4] ou de la gauche communiste ont critiqué le pouvoir bolchévik pour n'avoir pas réellement instauré la gestion ouvrière, mais seulement un contrôle ouvrier devenu concrètement la gestion par l'Etat ouvrier, dans une logique substitutiste.

2.4 Contrôle ouvrier : gestionnaire ou révolutionnaire ?

Lorsque les premiers exemples de contrôle ouvrier émergent au début du 20e siècle, ce n'est que dans des situations révolutionnaires. Donc des situations instables, ne pouvant se conclure que par une victoire révolutionnaire ou par une défaite conduisant au retour de la subordination absolue au patron. C'est ce qui fait que Trotsky écrit par exemple en 1932 :

« Le contrôle ouvrier est une mesure transitoire, dans des conditions d'extrême tension de la lutte des classes, et envisageable seulement comme un pont vers la nationalisation révolutionnaire de l'industrie. »[3]

Cependant, on va depuis apparaître des exemples de comités d'entreprise concédés et tolérés par les capitalistes, dirigés par des syndicats réformistes.

3 Notes et sources

  1. Léon Trotsky, Au sujet du contrôle ouvrier de la production, 20 août 1931
  2. R. V. Daniels, The conscience of the revolution, Harvard University Press, 1960, p. 81.
  3. 3,0 et 3,1 Léon Trotsky, La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, janvier 1932 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « TK1932 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  4. Maurice Brinton, Les bolcheviks et le contrôle ouvrier 1917-1921, Revue Autogestion et socialisme n°24-25, septembre-décembre 1973