Conseil national de la résistance

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Le Conseil national de la Résistance (CNR) était une organisation qui coordonnait les différents mouvements de la Résistance intérieure française pendant la Seconde Guerre mondiale, presque toutes tendances politiques comprises, mais essentiellement dominé par les gaullistes et la communistes. Le conseil est composé de représentants de la presse, des syndicats et des membres de partis politiques hostiles au gouvernement de Vichy à partir de la mi-1943.

Son programme, adopté en mars 1944, prévoit un « plan d'action immédiat » (c'est-à-dire des actions de résistance), mais aussi des « mesures à appliquer dès la libération du territoire », une liste de réformes sociales et économiques.

Le CNR était une organisation interclassiste, que l'on peut rapprocher de la notion de front populaire. Le programme du CNR est idéalisé par toute une constellation de gens influencés par le stalinisme, qui le présentent comme la source de tous les acquis de l'après-guerre (sécurité sociale, retraites, quelques nationalisations...), en masquant le fait :

  • que les acquis ont été permis par un rapport de force exceptionnel en faveur de la classe ouvrière, et non pas par la seule générosité de sauveurs suprêmes (comme Ambroise Croizat),
  • qu'avec ce rapport de force, une révolution socialiste était à l'ordre du jour, si la volonté de la bureaucratie stalinienne ne s'y était pas opposée,
  • que ces acquis ont été le « plat de lentille » par lequel la bourgeoisie et ses alliés staliniens (le PCF est au gouvernement avec les gaullistes à la Libération) ont acheté la paix sociale et le retour progressif à la normale.

1 Historique

1.1 Contexte

Au mois de mai 1943, la défaite de l'Allemagne se dessinait et, pour les états-majors et les hommes politiques bourgeois, il s'agissait de préparer la transition. Le souvenir de la fin de la Première Guerre mondiale était encore bien présent. En 1917, après trois années de guerre, les mutineries au front, les grèves à l'arrière, la colère et la haine des fauteurs et profiteurs de guerre, avaient conduit à la révolution en Russie, puis en Allemagne et en Hongrie, et dans nombre d'autres pays à de puissants mouvements contestant le pouvoir de la bourgeoisie. Ce souvenir venait d'ailleurs d'être ravivé, en mars 1943, par les grèves ouvrières d'Italie. Il fallait empêcher que la fin de la guerre entraîne de nouveau de tels mouvements révolutionnaires.

À la question générale du maintien de son ordre social, la bourgeoisie française ajoutait celle du maintien de son empire colonial, source d'une bonne partie de sa richesse. Passer du camp des vaincus, celui de l'Allemagne, au camp des vainqueurs, celui des États-Unis, et retrouver le statut de grande puissance pouvait s'avérer délicat.

Il allait falloir pour cela que l'État, son administration, son armée, soient capables d'assurer l'ordre après le retrait de l'armée allemande et la fin du régime de Vichy. Il allait aussi falloir continuer la guerre, faire repartir l'économie, intervenir immédiatement le cas échéant dans les colonies. Pour tout cela, de Gaulle avait besoin en particulier de l'allégeance du Parti communiste français (PCF) et de son engagement à ne pas mener, à la fin de la guerre, une politique révolutionnaire. Staline, à la tête de l'URSS, avait assuré aux Alliés que les Partis communistes sous sa coupe collaboreraient au rétablissement de l'ordre bourgeois. Ceux-ci avaient d'ailleurs déjà largement montré, dans les années 1930, leur rupture totale avec une politique révolutionnaire, et leur compatibilité avec le nationalisme bourgeois.

Évidemment, rien ne pouvait se faire sous le simple mot d'ordre du retour à l'ordre ancien, ne serait-ce que parce que la guerre et son cortège d'horreurs étaient justement sortis de celui-ci. Il fallait, particulièrement pour la crédibilité du PCF, un programme, un discours permettant de prétendre que rien ne serait plus jamais comme avant.

1.2 Création du CNR

Le 27 mai 1943, dans un Paris occupé par l'armée allemande, les délégués de tous les mouvements de résistance, ceux des partis politiques opposés au régime de Vichy ainsi que ceux des syndicats, se réunissaient sur l'initiative de Jean Moulin. Il s'agissait, suivant le vœu de de Gaulle, dont Jean Moulin était le représentant en France occupée, de constituer un organisme officialisant le ralliement de l'ensemble des forces politiques au général réfugié à Londres. En particulier, cette réunion et la création du Conseil national de la résistance qui en découla, concrétisaient le ralliement du PCF à de Gaulle.

Le PCF, seul parti réellement présent dans la population et particulièrement dans la classe ouvrière, organisateur de différents mouvements de résistance et formé de militants nombreux et dévoués, donnait ainsi à de Gaulle le crédit nécessaire auprès des Alliés d'abord, de la population française ensuite, pour pouvoir prétendre incarner le nouveau pouvoir politique au moment de l'écroulement prévisible du régime de Vichy.

En échange le PCF exigeait bien sûr des concessions importantes de la part des gaullistes, tout en prenant soin de n'aller pas plus loin que ce qui est acceptable par des partis bourgeois. Il disposait par ailleurs d'un rapport de force suffisant pour obtenir ces concessions.

1.3 Un programme bourgeois

Le CNR allait donc établir un programme, adopté officiellement le 15 mars 1944 proposant « l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie ». Cela devait se faire par la nationalisation des transports, de l'énergie, d'une partie des banques ; l'existence d'une presse libérée des pressions financières ; la création d'un système de Sécurité sociale et de retraite ; une extension des droits politiques des peuples coloniaux.

L'entreprise Renault allait également être nationalisée, ce qui fut justifié par la collaboration de son patron avec les nazis.

Aux travailleurs qui avaient souffert du rationnement, on promettait une amélioration, non chiffrée et qui allait mettre des années à venir. Aux capitalistes, on annonçait « l'établissement d'un impôt progressif sur les bénéfices de guerre et plus généralement sur les gains réalisés au détriment du peuple et de la nation pendant la période d'occupation ». Pour une classe composée dans sa totalité et par nature de profiteurs de guerre ce n'était pas cher payé.

1.4 La mise en application

A la Libération, en septembre 1944, un gouvernement d'union nationale fut formé, sous la direction de de Gaulle. Ce Gouvernement provisoire de la République française comportait des ministres gaullistes, socialistes et communistes. Le programme fut globalement mis en place.

Sur les nationalisations, il est important de souligner que dans des périodes de guerre et de reconstruction post-guerre, les États bourgeois y ont fréquemment recours. Le paravent idéologique d'un quelconque parti ouvrier réformiste est contingent dans l'affaire. Ainsi, il y en a eu dans tous les pays d'Europe, au Japon... Ces nationalisations n'étaient pas des expropriations, mais des rachats.

Pour tous droits politiques, les peuples coloniaux eurent dès le 8 mai 1945 les massacres de Sétif, en Algérie, puis encore près de vingt ans de guerres coloniales.

La mise en place de la Sécurité sociale, par le biais de cotisations prises sur les salaires, ne coûta en fait pas grand-chose à la bourgeoisie. Le système, basé sur la répartition, fonctionnait essentiellement comme une redistribution entre salariés.

Dans le secteur déterminant de la production de charbon, principale source d'énergie à l'époque, la situation était particulièrement critique. Si en 1938 la production nationale de houille était de 48 millions de tonnes, elle était tombée à 30 millions en 1944. L'équipement et l'outillage des mines étaient très vétustes car les compagnies minières avaient cessé d'investir. Dès septembre 1944, le gouvernement mettait en place un « groupement national » des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, suspendant les présidents et directeurs des 18 compagnies. Le 13 décembre, la nationalisation était annoncée. Les actionnaires furent généreusement indemnisés, puisqu'il fut décidé de leur verser une indemnité qui leur assurait un revenu supérieur à celui de 1938. Par la suite, ils bénéficièrent d'obligations amortissables sur cinquante ans. Cette nationalisation fut donc une bonne affaire pour les actionnaires des houillères, qui purent ainsi se retirer d'entreprises déficitaires et aller investir leurs capitaux dans d'autres secteurs plus rentables.

1.5 La normalisation

Dans ces conditions, l'union sacrée de tous les partis derrière de Gaulle pour éviter des troubles révolutionnaires, assurer la continuité de l'État et conserver l'empire, put fonctionner. Et, comme on peut le constater aujourd'hui aux coups qu'elles portent aux travailleurs, les « féodalités économiques et financières » dirigent toujours l'économie, et par là toute la société. Elles n'ont jamais été menacées, ni en 1945 ni après. Et elles doivent d'avoir coulé ces jours heureux, après avoir mis la planète à feu et à sang dans deux guerres mondiales, au fait que la classe ouvrière n'a pas contesté leur pouvoir politique.

Par l'intermédiaire des Partis communistes et en particulier en France du PCF, le mouvement ouvrier a été domestiqué et mis au service de la bourgeoisie et de son État. Les prétendues « conquêtes de la Libération » ne furent que le maigre pourboire versé par la bourgeoisie aux appareils politiques et syndicaux encadrant les travailleurs, sous la forme de places dans ses institutions.

1.6 « Travailler d'abord, revendiquer ensuite »

Les nationalisations servirent aussi à faire accepter aux travailleurs des sacrifices qu'il aurait été difficile de leur imposer au profit des compagnies privées.

Un dirigeant de la CGT pouvait ainsi expliquer, le jour de la mise en place du conseil d'administration des Houillères à Douai : « Les nationalisations ne sont pas encore la mine aux mineurs. C'est un premier pas vers ce rêve de tous les travailleurs. Et lorsque ce rêve sera réalisé, ce sera la mine aux mineurs. » En attendant, il fallait produire et gagner la « bataille du charbon ». « Travailler d'abord, revendiquer ensuite » était le mot d'ordre du moment. Dans toutes les entreprises du pays, les militants communistes, poussés à se transformer en véritables contremaîtres, encadrèrent les travailleurs, faisant la chasse aux temps morts et muselant toute protestation.

Dès septembre 1944, dans les mines, la CGT justifia le maintien du salaire au rendement, qu'elle avait combattu auparavant, et l'instauration d'un système de primes à la production. Après la nationalisation, les syndicalistes appelèrent à venir travailler plusieurs dimanches mais, malgré la pression qui visait à culpabiliser le mineur récalcitrant, ces journées supplémentaires furent mal acceptées et peu suivies. Durant la première moitié de l'année 1945, de nombreuses grèves éclatèrent. La CGT tenta de s'y opposer, dénonçant nommément des mineurs comme des « mauvais Français » et exigeant leur renvoi. À partir d'avril, chaque semaine un mouvement éclatait, gagnant parfois des puits voisins.

Le dirigeant communiste Auguste Lecoeur, qui fut durant cette période maire de Lens et secrétaire d'État à la Production charbonnière, raconta plus tard dans ses Mémoires comment il devait jouer « le pompier », utilisant invariablement la même méthode : « J'allais directement sur le carreau de la fosse et puis j'invitais les mineurs à venir et à discuter. (...) À la longue, c'étaient les nôtres qui restaient les derniers et, quand je voyais qu'ils avaient la majorité, je faisais voter la reprise du travail. Ça se passait toujours comme ça ! »

Le 21 juillet 1945, Maurice Thorez, secrétaire général du PC, vint s'adresser à des milliers de mineurs à Waziers, cité minière près de Douai. Il y déclara : « Produire, faire du charbon, c'est la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français. » Dans ce discours, il condamnait ceux qui s'arrêtaient « pour une égratignure », les « paresseux », les jeunes qui quittaient le travail plus tôt pour aller au bal... Et de conclure : « Je le dis en toute responsabilité, il est impossible d'approuver la moindre grève. »

De nombreux mineurs ne furent pas convaincus par ce discours. En septembre, une nouvelle grève éclata dans le bassin minier, alors même que le ministre socialiste de la Production, Robert Lacoste, accompagné des dirigeants nationaux de la CGT, venait à Lens lancer la campagne des « 100 000 tonnes de charbon par jour ». Après ce dernier mouvement, le nombre de grèves diminua fortement.

Les dirigeants du PC parvinrent à étouffer l'expression du mécontentement des mineurs et à leur faire accepter la course à la productivité. Dans les mines du Nord, les mineurs purent expérimenter la « pelle Maurice Thorez », deux fois plus large que la précédente. Le gouvernement, auquel participaient à partir de novembre 1945 cinq ministres communistes, dont Thorez lui-même, parvint à son objectif : en un an, la production charbonnière fut presque doublée.

Le statut du mineur adopté en 1946 et la Sécurité sociale charbonnière, qui assurait la gratuité des soins, ne compensaient pas la façon dont la santé des mineurs était sacrifiée délibérément. Une étude signée en 1947 par le communiste Lecoeur soulignait que « le nombre des accidents du travail en 1945 est le double de celui de 1938. (...) Les pertes de personnel sans possibilités de réparation (tués et invalides permanents) sont de 23 % plus élevées en 1946 qu'en 1938. »

2 La mythologie post-stalinienne autour du CNR

Le programme du CNR est idéalisé par toute une constellation de gens influencés par le PCF (et plus largement à gauche), qui le présentent comme la source de tous les acquis de l'après-guerre, généreusement octroyés par quelques grands hommes comme Coizat. Il s'agit d'un discours aussi idéologique que les discours zélateurs du Front populaire qui aurait généreusement octroyé les congés payés (occultant totalement la grève générale), véhiculé par les gens influencés par le socialisme (et plus largement à gauche).

  • le film Les Jours heureux (2013) de Gilles Perret
  • le film La Sociale (2016) de Gilles Perret.
  • Bernard Friot qui défend (à juste titre) l'extension du principe de la sécurité sociale, le fait en s'inscrivant dans cette mythologie. Il présente la Sécurité sociale du CNR comme « une institution révolutionnaire », et appelle fréquemment à « renouer avec l’esprit du Conseil national de la Résistance ».
  • La CGT, régulièrement

Lutte ouvrière accuse par ailleurs le Nouveau parti anticapitaliste d'être suiviste vis-à-vis de cette mythologie[1], tandis que le NPA considère que LO minimise les acquis que représentent la sécurité sociale.[2]

3 Notes et sources