Conseil des commissaires du peuple (URSS)

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Jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui avait à l'époque 13 jours de retard sur le calendrier grégorien. Le 23 février « ancien style » correspond donc au 8 mars « nouveau style » (n.s.).

Le Conseil des commissaires du peuple (en russe : Совет народных комиссаров ou Совнарком, Soviet Narodnykh Kommissarov ou Sovnarkom) est la plus haute autorité gouvernementale sous le régime soviétique. Il remplace le gouvernement provisoire de Kerensky à la suite de la prise de pouvoir par les bolcheviks le 25 octobre 1917 (a.s), lors de la révolution d'Octobre. Le Conseil des commissaires du peuple est remplacé en 1946 par le Conseil des ministres de l'URSS.

1 Mise en place

1.1 L'insurrection et le congrès des soviets

L'insurrection renversant le gouvernement provisoire avait été programmée juste avant le 2e Congrès des sovietsSmolny), afin que celui-ci puisse le valider. L'insurrection prend du retard, mais a finalement lieu dans la nuit du 24-25 octobre. Presque sans effusion de sang le Comité militaire révolutionnaire s'empare des points tratégiques de Petrograd. A l'ouverture du congrès le matin du 25, le Palais d'Hiver, siège du gouvernement, est assiégé mais pas encore pris.

Martov, menchévik de gauche, soumet une motion qui appelle à la discussion pacifique pour former un pouvoir reconnu par tous les partis du congrès. Les socialistes conciliateurs soutiennent cette motion, espérant isoler les bolchéviks. Mais Lounatcharski déclare pour les bolchéviks qu'il n'a aucun désaccord avec la motion de Martov, et celle-ci est votée par la quasi-totalité des délégués. Il s'agissait pour certains bolchéviks de faire la démonstration que ce sont les conciliateurs qui ne veulent pas d'un pouvoir soviétique, mais aussi pour beaucoup d'autres d'un espoir réel que ceux-ci acceptent. Victor Serge écrit :

« On affirme que les bolcheviks voulurent tout de suite le monopole du pouvoir. Autre légende ! Ils redoutaient l'isolement du pouvoir. Nombre d'entre eux furent, au début, partisans d'un gouvernement de coalition socialiste ».[1]

Mais les « conciliateurs » (socialistes-révolutionnaires de droite et mencheviks) haussent le ton, font une série d'interventions hostiles, et quittent finalement la salle, laissant les forces majoritaires dans les soviets décider (bolchéviks et socialistes-révolutionnaires de gauche). L'annonce de la prise du Palais d'Hiver tombe finalement dans la nuit du 25 au 26, vers 2 heures.

Le congrès prend alors lui même les premiers décrets révolutionnaires, et discute du nouveau pouvoir soviétique.

Parmi les SR de gauche, mais aussi parmi les bolchéviks, on craint beaucoup l'isolement.

instaure le Soviet des commissaires du peuple (Sovnarkom). Selon Adolf Joffé, c'est Trotsky qui a eu l'idée du nom « commissaires du peuple ».[2]

« Des ministres ? Voilà un mot bien compromis ! Cela sent la haute carrière bureaucratique ou bien le couronnement d'une ambition parlementaire. Il est décidé qu'on appellera le gouvernement : " Conseil des Commissaires du Peuple "; cela a tout de même l'air un peu plus neuf. »[3]

1.2 Composition du gouvernement

Dans la journée du 26, à Smolny, le Comité central bolchévik travaille à la proposition de nouveau gouvernement. Etant donné les refus des autres forces socialistes, il adopte la position de Lénine d'un gouvernement composé uniquement de bolchéviks. La composition finalement convenue était :

Mais Lénine, soutenu par Trotsky, est hostile aux autres socialistes en qui il n'a aucune confiance. Cette question divise énormément et mène le parti bolchevique au bord de la scission, de nombreux dirigeants protestent (Zinoviev, Kamenev, Rykov, Noguine, Chliapnikov, Riazanov...). Finalement une délégation, conduite par Kamenev, rencontre les représentants mencheviks et SR, qui exigent le désarmement des gardes rouges et un gouvernement sans Lénine ni Trotsky, mais incluant des SR de droite et des troudoviks (le parti de Kerensky...). Le Comité exécutif du syndicat des cheminots (Vikhjel), dirigé par les mencheviks, menace de bloquer le ravitaillement de la capitale si le gouvernement soviétique ne cède pas.

Des pourparlers sont engagés entre les représentants des différents partis et le Vikhjel. En parallèle, des junkers de Moscou tentent une contre-révolution, et le Sovnarkom demande alors au Vikhjel d’envoyer des troupes en renfort, ce à quoi le Vikhjel répond qu'il est « neutre »... Lénine veut alors cesser toute négociation et considèrent qu'ils ont choisi leur camp. Mais, mis en difficulté au cours d’un comité central du parti bolchevik, Lénine doit accepter que des négociations se poursuivent avec les SR de gauche. Cela conduira cependant Rykov, Teodorovitch, Milioutine et Noguine à démissionner du Sovnarkom[6]. Lénine se justifiera le lendemain aux représentants de la garnison de Petrograd en affirmant « Ce n’est pas notre faute si les S-R et les mencheviks sont partis. Nous leur avons proposé de partager le pouvoir [...]. Nous avons invité tout le monde à participer au gouvernement. »[7]

Le congrès paysan réuni du 10 au 16 novembre, avec une large majorité SR, reprend et vote la revendication de l'élargissement du Sovnarkom à tous les « partis socialistes » (y compris le parti troudovik de Kerensky...). Mais sur le fond, le congrès paysan approuve le décret sur la terre et demande à ce qu'il soit appliqué, ce qui est en contradiction avec la politique des troudoviks et SR de droite.

Certains SR de gauche entreront ainsi au gouvernement en décembre 1917. Après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits.

1.3 Un gouvernement provisoire

Le Sovnarkom est annoncé par les bolchéviks comme un « gouvernement ouvrier et paysan provisoire », le Conseil des commissaires du peuple, qui doit gouverner le pays « jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante »[8].

L'Assemblée constituante sera finalement dissoute par les bolchéviks, car les élections qui avaient eu lieu en novembre ne reflétaient plus la réalité lorsqu'elle se réunit en janvier 1918. Le Sovnarkom cesse d'être provisoire.

2 Notes et références

  1. Victor Serge, « Postface inédite : trente ans après », L'An I de la révolution russe, La Découverte, Paris, 1997, p. 455-456.
  2. Adolf Joffé, Le premier gouvernement prolétarien, 1919
  3. Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe - 48. Le congrès de la dictature soviétique, 1930
  4. Louis Aragon et André Maurois, Les Deux Géants. Histoire des États-Unis et de l'URSS de 1917 à nos jours. Tome 3 : Histoire de l'URSS de 1917 à 1929, Paris, Éditions du Pont Royal, 1963, p. 140.
  5. Richard Pipes, La Révolution russe, p. 460, PUF
  6. Michel Heller et Aleksandr Nekrich, L'Utopie au pouvoir, op. cit., p. 36.
  7. Lénine, Œuvres complètes, tome 35, p. 36
  8. Michel Heller et Aleksandr Nekrich, L'Utopie au pouvoir. Histoire de l'URSS de 1917 à nos jours, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l'esprit », 1985, p. 34.

3 Liens externes