Différences entre les versions de « Conseil des commissaires du peuple (URSS) »

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Lorsqu'ils l'apprennent, les ''«&nbsp;conciliateurs&nbsp;»'' ([[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|socialistes-révolutionnaires]] de droite et [[Menchevik|mencheviks]]) quittent la salle, laissant les forces majoritaires dans les soviets décider ([[bolchéviks|bolchéviks]] et socialistes-révolutionnaires de gauche). Le congrès prend alors lui même certains des [[Premières_mesures_du_gouvernement_bolchevik|premiers décrets révolutionnaires]], et instaure un «&nbsp;gouvernement ouvrier et paysan provisoire&nbsp;», le Conseil des commissaires du peuple, qui doit gouverner le pays «&nbsp;jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante&nbsp;»<ref>[[Michel Heller]] et Aleksandr Nekrich, ''L'Utopie au pouvoir. Histoire de l'URSS de 1917 à nos jours'', Paris, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l'esprit », 1985, p. 34.</ref>.
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L'insurrection renversant le [[Gouvernement_provisoire_russe|gouvernement provisoire]] avait été programmée juste avant le 2<sup>e</sup> [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], afin que celui-ci puisse le valider. C'est ce qui s'est passé, [[Trotsky|Trotsky]] annonçant la fin de la prise du Palais d'Hiver (siège du gouvernement) pendant la séance du 25 octobre.
  
Le Conseil des commissaires du peuple ne comporte alors que des bolcheviks :
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Lorsqu'ils l'apprennent, les ''«&nbsp;conciliateurs&nbsp;»'' ([[Parti_socialiste_révolutionnaire_(Russie)|socialistes-révolutionnaires]] de droite et [[Menchevik|mencheviks]]) quittent la salle, laissant les forces majoritaires dans les soviets décider ([[Bolchéviks|bolchéviks]] et socialistes-révolutionnaires de gauche). Le congrès prend alors lui même certains des [[Premières_mesures_du_gouvernement_bolchevik|premiers décrets révolutionnaires]], et instaure le ''Soviet des commissaires du peuple'' (Sovnarkom). Selon [[Adolf_Joffé|Adolf Joffé]], c'est Trotsky qui a eu l'idée du nom ''«&nbsp;commissaires du peuple&nbsp;»''.<ref>Adolf Joffé, ''[https://www.marxists.org/francais/joffe/works/1919/10/premier.htm Le premier gouvernement prolétarien]'', 1919</ref>
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*[[Alexandra_Kollontaï|Alexandra Kollontaï]]&nbsp;: commissaire du peuple à l'Assistance publique (novembre 1917-mars 1918&nbsp;; première femme membre d'un gouvernement).  
  
Soutenu par [[Trotski|Trotski]], [[Lénine|Lénine]] repoussa l'idée d'un gouvernement de coalition avec les [[SR_de_gauche|SR de gauche]]. En réponse, [[Rykov|Rykov]], [[Ivan_Teodorovitch|Teodorovitch]], [[Vladimir_Milioutine|Milioutine]] et [[Victor_Noguine|Noguine]] quittent le Conseil<ref>Michel Heller et Aleksandr Nekrich, ''L'Utopie au pouvoir'', ''op. cit.'', p. 36.</ref>. Lénine se justifiera le lendemain aux représentants de la garnison de Petrograd en affirmant ''«&nbsp;Ce n’est pas notre faute si les S-R et les mencheviks sont partis. Nous leur avons proposé de partager le pouvoir [...]. Nous avons invité tout le monde à participer au gouvernement.&nbsp;»''<ref>Lénine, Œuvres complètes, tome 35, p. 36</ref>
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La quasi-totalité des délégués au 2<sup>e</sup> [[congrès_des_soviets|congrès des soviets]] votent une résolution du [[menchevik|<span class="mw-redirect">menchevik</span>]] [[Martov|Martov]], soutenue par le [[bolchevik|bolchevik]] [[Lounatcharski|Lounatcharski]], demandant que le Sovnarkom soit élargi à des représentants d'autres partis socialistes. Le syndicat des cheminots, le Vikhjel, reprend cette revendication. [[Victor_Serge|Victor Serge]] écrit&nbsp;:
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Certains SR de gauche entreront ainsi au gouvernement en décembre 1917. Après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits.
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Le Sovnarkom est annoncé par les bolchéviks comme un «&nbsp;gouvernement ouvrier et paysan provisoire&nbsp;», le Conseil des commissaires du peuple, qui doit gouverner le pays «&nbsp;jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante&nbsp;»<ref>[[Michel Heller]] et Aleksandr Nekrich, ''L'Utopie au pouvoir. Histoire de l'URSS de 1917 à nos jours'', Paris, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l'esprit », 1985, p. 34.</ref>.
  
Selon [[Adolf_Joffé|Adolf Joffé]], c'est Trotski qui a eu l'idée du nom ''«&nbsp;commissaires du peuple&nbsp;»''.<ref>Adolf Joffé, ''[https://www.marxists.org/francais/joffe/works/1919/10/premier.htm Le premier gouvernement prolétarien]'', 1919</ref>
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L'[[Assemblée_constituante_(Russie)|Assemblée constituante]] sera finalement dissoute par les bolchéviks, car les élections qui avaient eu lieu en novembre ne reflétaient plus la réalité lorsqu'elle se réunit en janvier 1918. Le Sovnarkom cesse d'être provisoire.
  
 
== Notes et références ==
 
== Notes et références ==

Version du 29 décembre 2016 à 18:12

Jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui avait à l'époque 13 jours de retard sur le calendrier grégorien. Le 23 février « ancien style » correspond donc au 8 mars « nouveau style » (n.s.).

Le Conseil des commissaires du peuple (en russe : Совет народных комиссаров ou Совнарком, Soviet Narodnykh Kommissarov ou Sovnarkom) est la plus haute autorité gouvernementale sous le régime soviétique. Il remplace le gouvernement provisoire à la suite de la prise de pouvoir par les bolcheviks le 25 octobre 1917 (a.s), lors de la révolution d'Octobre. Le Conseil des commissaires du peuple est remplacé en 1946 par le Conseil des ministres de l'URSS.

1 Mise en place

1.1 L'insurrection et le congrès des soviets

L'insurrection renversant le gouvernement provisoire avait été programmée juste avant le 2e Congrès des soviets, afin que celui-ci puisse le valider. C'est ce qui s'est passé, Trotsky annonçant la fin de la prise du Palais d'Hiver (siège du gouvernement) pendant la séance du 25 octobre.

Lorsqu'ils l'apprennent, les « conciliateurs » (socialistes-révolutionnaires de droite et mencheviks) quittent la salle, laissant les forces majoritaires dans les soviets décider (bolchéviks et socialistes-révolutionnaires de gauche). Le congrès prend alors lui même certains des premiers décrets révolutionnaires, et instaure le Soviet des commissaires du peuple (Sovnarkom). Selon Adolf Joffé, c'est Trotsky qui a eu l'idée du nom « commissaires du peuple ».[1]

1.2 Composition du gouvernement

Les bolchéviks initialement prévus pour siéger au Conseil des commissaires du peuple étaient :

La quasi-totalité des délégués au 2e congrès des soviets votent une résolution du menchevik Martov, soutenue par le bolchevik Lounatcharski, demandant que le Sovnarkom soit élargi à des représentants d'autres partis socialistes. Le syndicat des cheminots, le Vikhjel, reprend cette revendication. Victor Serge écrit :

« On affirme que les bolcheviks voulurent tout de suite le monopole du pouvoir. Autre légende ! Ils redoutaient l'isolement du pouvoir. Nombre d'entre eux furent, au début, partisans d'un gouvernement de coalition socialiste ».

Mais Lénine, soutenu par Trotsky, est hostile aux autres socialistes en qui il n'a aucune confiance. Cette question divise énormément et mène le parti bolchevique au bord de la scission, de nombreux dirigeants protestent (Zinoviev, Kamenev, Rykov, Noguine, Chliapnikov, Riazanov...). Finalement une délégation, conduite par Kamenev, rencontre les représentants mencheviks et SR, qui exigent le désarmement des gardes rouges et un gouvernement sans Lénine ni Trotsky.

Mis en difficulté au cours d’un comité central du parti bolchevique, Lénine est contraint de transiger : il refuse la poursuite des négociations en vue d’une coalition unissant tous les socialistes, mais accepte que des négociations se poursuivent uniquement avec les SR de gauche. Cela conduira cependant Rykov, Teodorovitch, Milioutine et Noguine à démissionner du Sovnarkom[4]. Lénine se justifiera le lendemain aux représentants de la garnison de Petrograd en affirmant « Ce n’est pas notre faute si les S-R et les mencheviks sont partis. Nous leur avons proposé de partager le pouvoir [...]. Nous avons invité tout le monde à participer au gouvernement. »[5]

Certains SR de gauche entreront ainsi au gouvernement en décembre 1917. Après leurs attentats de juillet 1918, les SR de gauche seront interdits.

1.3 Un gouvernement provisoire

Le Sovnarkom est annoncé par les bolchéviks comme un « gouvernement ouvrier et paysan provisoire », le Conseil des commissaires du peuple, qui doit gouverner le pays « jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante »[6].

L'Assemblée constituante sera finalement dissoute par les bolchéviks, car les élections qui avaient eu lieu en novembre ne reflétaient plus la réalité lorsqu'elle se réunit en janvier 1918. Le Sovnarkom cesse d'être provisoire.

2 Notes et références

  1. Adolf Joffé, Le premier gouvernement prolétarien, 1919
  2. Louis Aragon et André Maurois, Les Deux Géants. Histoire des États-Unis et de l'URSS de 1917 à nos jours. Tome 3 : Histoire de l'URSS de 1917 à 1929, Paris, Éditions du Pont Royal, 1963, p. 140.
  3. Richard Pipes, La Révolution russe, p. 460, PUF
  4. Michel Heller et Aleksandr Nekrich, L'Utopie au pouvoir, op. cit., p. 36.
  5. Lénine, Œuvres complètes, tome 35, p. 36
  6. Michel Heller et Aleksandr Nekrich, L'Utopie au pouvoir. Histoire de l'URSS de 1917 à nos jours, Paris, Calmann-Lévy, coll. « Liberté de l'esprit », 1985, p. 34.

3 Liens externes