Conscience de classe

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1 La classe ouvrière sous le capitalisme : exploitation et aliénation

Sous le capitalisme (propriété privée des moyens de production et d’échange, concurrence généralisée entre entrepreneurs, concurrence généralisée entre salariés sur le marché du travail, existence d’un état qui n’est pas neutre mais exprime sur le plan politique la domination de la classe capitaliste c'est-à-dire de ceux qui possèdent les moyens de production, etc…), la classe ouvrière est non seulement exploitée dans le cadre des rapports de production mais également dominée dans tous les domaines de la vie sociale. En, particulier dans le domaine idéologique : les idées dominantes sont les idées de la classe dominante. Toute une série d’institutions et d’appareils contribuent à cette domination : appareil répressif, armée, école, famille, appareil judiciaire, religions, presse et médias, institutions de représentation politique (parlement, été..) etc… Mais le coeur de la domination, y compris idéologique, se situe dans l’entreprise : c’est le le leiu qui, par essence, échappe à toute démocratie. D’une part, l’ensemble des décisions qui y sont prises est hors de portée des salariés et sont l’apanage exclusif du capital et de ses relais (actionnaires, management, hiérarchie, etc…). D’autre part, le travail salarié sous le capitalisme est, en tant que tel, l’apprentissage de l’obéissance. Cela peut prendre des formes différentes ; de la « discipline de la fabrique « au processus « d’implication des salariés ». Mais jamais les salariés ne sont conviés à décider sur les choix importants : que produire ? Pourquoi produire ? Dans quelles conditions ? A quel coût ? Avec quel salaire ? Même dans les sociétés les plus démocratiques, l’entreprise reste le domaine de l’absolutisme patronal. De ce point de vue, la situation de la classe ouvrière sous le capitalisme diffère de celle des autres classes émergentes sous d’autres systèmes de domination de classe (cf la bourgeoisie sous l’ancien régime). La révolution française, par exemple, matérialise la prise de pouvoir politique de la bourgeoisie (au détriment de l’aristocratie). Mais la bourgeoisie avait déjà le pouvoir économique ; ses idées étaient déjà –au moins partiellement- les idées dominantes etc… Rien de tel pour la classe ouvrière « Le communisme est un but de l’humanité que l’on atteint consciemment » (Che Guevara) Les seules forces de la classe ouvrière sont le nombre et sa place dans le processus de production. Encore faut-il qu’elles puissent s’exprimer : cela suppose qu’elle soit organisé. Et, de fait l’histoire de la classe ouvrière est celle du mouvement ouvrier, c'est-à-dire de son effort constant pour s’organiser, à travers différentes structures dont les partis et les syndicats sont les principales. « Nous ne sommes rien, soyons tout ! »…

2 « Classe en soi » et « classe pour soi » : existence sociale et conscience : le processus contradictoire de formation de la conscience de classe

Sous le capitalisme, non seulement la classe ouvrière est exploitée mais elle est dominée et aliéné : spontanément, elle n’a même pas conscience d’être une classe. Et, encore moins, d’être potentiellement la classe dominante d’une autre organisation sociale. Traditionnellement, les théoriciens du mouvement ouvrier (notamment Marx) distinguent donc : • La « classe en soi », c'est-à-dire la classe ouvrière telle que le produit le capitalisme, simple force de travail objet de l’exploitation. Sans conscience d’elle-même ni de ses intérêts historiques. Partageant les idées, les valeurs et les conceptions de la classe dominante (les capitalistes). • La « classe pour soi » : la domination idéologique de la bourgeoisie ne conserve pas éternellement cette efficacité. Elle entre en crise au fur et à mesure que le système économique lui-même entre en crise. C’est cela qui ouvre la possibilité de l’émergence d’une classe ouvrière comme sujet, comme acteur, consciente de ses intérêts immédiats et à plus long terme, du système qui l’exploite, qui l’opprime et, partant de l’antagonisme qui l’oppose à la classe capitaliste de la nécessité d’une autre société. Cela signifie que le passage de la classe en soi à la classe pour soi est un phénomène conscient, que c’est l’enjeu du combat politique. Il y a donc une part d’idéologie, de politique. Mais à la différence d’autres théories, par exemple celles issues de la « sociologie constructiviste », pour le marxisme, ce passage repose sur une réalité sociale objective : l’existence de classe sociales, la réalité de la classe ouvrière. Ainsi le choix de valoriser le « clivage de classe » et la question sociale (par rapport à d’autres comme, par exemple, le clivage racial ou ethnique,), la lutte de classe n’est pas un choix arbitraire, une possibilité parmi d’autres…

3 Importance de l’expérience pratique / Lutte économique et lutte politique

Le processus qui va permettre le passage de la classe en soi à la classe pour soi, c’est l’expérience pratique, l’expérience de la lutte sociale et politique, la « praxis révolutionnaire ». C’est à travers l’expérience de la lutte (pour améliorer ses conditions d’existence et de travail, vire pour sa survie) que la classe ouvrière ca acquérir progressivement une conscience de sa situation, de l’état de la société, de l’existence et de la réalité de ses adversaires, de la nature du système qui l’exploite et de la nécessité de le transformer. Cela a, au moins 3 conséquences : • Les moments privilégiés de transformation de la conscience des travailleurs sont les moments de grandes luttes de masse grèves générales, situations prérévolutionnaires, etc…). Ces ont les moments où l’habitude de l’obéissance, le fait de considérer l’ordre social comme naturel et immuable s’estompent : les gens changent plus en quelques jours d’effervescence politique ou sociale qu’en des années de routine… • Ces moments ne durent pas. La conscience politique reflue avec le reflux des mobilisations. D’où l’importance de l’organisation qui cristallise la conscience de classe la plus avancée, organise ceux qui sont acquis à l’idée d’une lutte prolongée, qui conserve la mémoire et les leçons des luttes passées. Le syndicat correspond à la prise de conscience du caractère prolongé, permanent de la lutte. Le parti – notamment le parti révolutionnaire—correspond à la volonté de maintenir vivantes les leçons des confrontations révolutionnaires, de ne pas repartir à zéro à chaque fois… • Si le moteur principal des transformations de la conscience de classes sont l’expérience pratique de la lutte, cela fixe les enjeux et, surtout les limites de l’interventions des organisations politiques, y compris du ou des partis révolutionnaires. Par son intervention propre, la diffusion de ses idées, la lutte idéologique et la « propagande », un parti peut convaincre des individus. Mais convaincre des larges masses ne pet se faire uniquement par le débat d’idées, il faut l’expérience de la lutte collective. Quelques aperçus théoriques et historiques : Il s’agit naturellement d’une présentation extrêmement synthétique qui ne rend compte ni de la richesse… ni des limites et des contradictions des thèses évoquées ci-après. Marx : Premier stade de l’antagonisme de classe : A travers les luttes élémentaires, les travailleurs prennent conscience d’’eux-mêmes, de leur rôles dans la production, de leurs intérêts comme producteurs, de l’antagonisme qui les oppose à leur patron. Ils prennent conscience de leur identité et de celle de leur adversaire. Mais l’antagonisme de classe n’en reste pas à ce niveau élémentaire, micro-social, de l’opposition entre patrons et ouvriers. Il débouche sur la prise de conscience de rôle des institutions qui visent entre patrons et ouvriers. Il débouche sur la prise de conscience du rôle des institutions qui visent à consolider et reproduire les mécanismes d’exploitation (notamment lorsque les situations de luttes « économiques » débouchent sur la confrontation avec les appareils d’état : police, justice, administration, médias, armée). Enfin, le développement des crises capitalistes conduit à contester la finalité même du système et débouche sur la nécessité du combat pour une autre société. Pour Marx, du fait du développement des contradictions du capitalisme et de ses crises, la pratique de lutte du prolétariat tend à devenir une pratique révolutionnaire et c’est cette pratique révolutionnaire qui engendre la conscience politique de classe. Plus généralement le processus de formation de la conscience de classe se traduit en processus d’auto-organisation du prolétariat. Le mouvement naturel de lute de la classe ouvrière engendre ses propres formes d’organisation : piquet de grève, syndicat, association parti etc. « L’émancipation des travailleurs ne peut-être l’oeuvre que des travailleurs eux-mêmes ». Et les « communistes ne sont que « la fraction la plus résolue des partis ouvrier de tous les pays, la fraction qui entraîne toutes les autres ». A cette époque d’ailleurs, la première Internationale (Association Internationale des Travailleurs) tend à regrouper l’ensemble des organisations ouvrières (syndicats, partis, associations) et l’ensemble des « courants » (socialistes, socialistes « utopiques », anarchistes, etc.). Rosa Luxembourg : Elle partage avec Marx l’idée de la continuité de l’identité entre le mouvement ouvrier de masse (sous ses différentes formes d’organisation : syndicats, associations, parti) et le mouvement socialiste (c'est-à-dire le parti social-démocrate) : « la social- démocratie n’est pas liée à l’organisation de la classe ouvrière ; elle est le mouvement propre de la classe ouvrière ». C’est la pratique de lutte de la classe ouvrière qui engendre sa conscience socialiste. Mais elle considère que cette pratique sociale ne permet pas l’extension de sa conscience au-delà de certaines limites, fixées par le fait que ces luttes se déroulent dans le cadre du système et visent, en règle général à défendre les intérêts et la position des travailleurs au sein du système. D’où le développement des tendances réformistes et opportunistes qui caractérisent, en particulier, la social- démocratie allemande. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles de crise révolutionnaires ou de lutte de masse – dont la grève générale est le meilleur exemple – que de larges masses expérimentent une pratique révolutionnaire et peuvent donc acquérir une conscience révolutionnaire ( ou « communistes »). La théorie de Rosa Luxembourg de la conscience de classe est donc une théorie de l’auto-éducation de la classe ouvrière à travers la crise et la grève générale de masse. Mais le débouché reste le parti ouvrier, qui va regrouper les meilleurs éléments issus de la grève de masse et donner une perspective de pouvoir aux travailleurs en lutte. Lénine Les conceptions de Lénine, notamment celles explicitées dans « Que faire ? », constituent une rupture avec les conceptions en vigueur de Marx. Pour Lénine, la conscience politique (« social-démocrate », c’est à dire socialiste, révolutionnaire) n’est pas le produit naturel du mouvement spontané de lutte de la classe ouvrière, y compris de sa pratique révolutionnaire lors des moments de crise. Spontanément, le niveau le plus élevé que peut produire spontanément le mouvement ouvrier est la conscience syndicale, « trade-unioniste ». L’ensemble du programme communiste, la classe ouvrière ne peut y accéder ni spontanément, ni dans son ensemble. Cela fonde - la nécessité de l’intervention et des initiatives d’un parti - la nécessité de la construction d’un parti séparé En effet, la conscience « socialiste » doit être « apportée de l’extérieur », par un parti dont les principales caractéristiques sont la sélection des militants d’avant-garde et l’assimilation de la pensée socialiste, élaborée par les intellectuels révolutionnaires. Surtout, elle ne peut naître exclusivement de la lutte économique entre ouvriers et patrons. Elle implique que le parti se saisisse de toutes les contradictions et de toutes les luttes pour tracer la perspective d’un changement révolutionnaire global. Ultérieurement, le mouvement communiste sous domination stalinienne poussera à l’extrême, en les déformant, les aspects les plus discutables de cette logique : rôle « dirigeant » du parti, subordination des mouvements sociaux (en premier lieu, le syndicat), parti unique, etc. Autant de conclusions qui ne figurent pas dans les oeuvres de Lénine. Eléments de débat : • Distinguer ce qui dans la conception de Lénine (telle qu’elle est exposée dans « Que faire ? ») relève : o D’aspect conjoncturels : « Que faire ? » est un ouvrage polémique contre les tendances « économistes » et « populistes » et l’amateurisme organisationnel, qui dominaient le mouvement ouvrier russe. D’autres ouvrages de Lénine (« La maladie infantile du communisme », «L’Etat et la Révolution ») sont beaucoup plus nuancés. o D’aspect spécifiques au mouvement ouvrier russe de son époque (clandestinité due à la répression tsariste, classe ouvrière concentrée mais, globalement, minoritaire et peu développée). Ainsi, Lukacs – qui a systématisé les conceptions léninistes - : « la grande majorité de la population n’appartient à aucune des classes décisives dans la lutte des classe, ni de la bourgeoisie, ni du prolétariat ». o D’aspect plus généraux ayant une portée universelle : la nécessité pour les révolutionnaire de « faire de la politique » c'est-à-dire de fournir des réponses à l’ensemble des problèmes de la société (et pas seulement au conflit ouvriers – patrons) qui n’est pas seulement l’expression du mouvement ouvrier mais un acteur particulier, qui n’est pas seulement l’expression du mouvement ouvrier mais un acteur particulier, qui prend des initiatives. • Intégrer le développement du mouvement ouvrier, ses expériences, sa capacité autonome à théoriser lui-même sa propre pratique, l’élévation générale du niveau culturel de la classe ouvrière. • L’avancée des réflexions sur le pluralisme, les dangers de dégénérescence bureaucratique, la démocratie.

3.1 Le syndicalisme révolutionnaire

Globalement, la conception « syndicaliste révolutionnaire », qui a connu une influence significative principalement en France et en Espagne, confère au syndicat l’ensemble des « prérogatives » qui, chez les théoriciens marxistes révolutionnaires, sont partagées entre les différents modes d’organisation de la classe ouvrières, principalement les partis et les syndicats. Pour les «syndicalistes révolutionnaires », le syndicat est, au fond, considéré comme l’organisation ouvrière par excellence, celle où le prolétariat va faire l’expérience de sa force, de son autonomie, mener ses luttes quotidiennes mais aussi penser sa stratégie de la révolution (socialiste). Le coeur de cette stratégie est la grève générale qui est conçue à la fois comme expropriatrice (c'est-à-dire balayant la propriété privée des moyens de productions) et autogestionnaire (s’étant emparés des entreprises, les travailleurs les remettent en marche, sous leur propre contrôle et pour leurs propres objectifs). Les grèves partielles sont à la fois un moyen de lutte, un moyen d’auto-éducation des travailleurs et une « gymnastique » visant à préparer la grève générale. La grève générale est censée tout à la fois poser le problème du pouvoir dans la société et le résoudre, dans la mesure où la question du pouvoir politique et de l’Etat ne sont pas posées, sinon sous la forme de leur destruction immédiate.

4 Les racines matérielles du réformisme (aristocratie ouvrière, bureaucratie)

Question : comment expliquer l’évolution assez systématique du mouvement ouvrier, de la naissance d’organisations de lutte aux positions radicales en appareils bureaucratiques et réformistes ayant, de fait abandonné la lutte pour une transformation révolutionnaire ? Comment expliquer la dégénérescence bureaucratique et réformiste du mouvement ouvrier ? Rosa Luxembourg • Contradiction entre le but poursuivi (la révolution socialiste) et les médiations (la prise en charges des luttes « élémentaires » dans le cadre de la société bourgeoise). La logique d’efficacité entre – partiellement- en contradiction avec la fonction essentielle du parti (l’éducation des travailleurs, leur prise de conscience de la nécessité d’une autre société). • Le conservatisme d’appareil et le fétichisme d’organisation : pour mener la lutte, le mouvement ouvrier se dote d’organisations de plus en plus puissantes, avec des permanents, des « fonctionnaires » (syndicaux ou de parti), un appareil. D’où une logique qui conduit à « surestimer l’organisation qui, peu à peu, de moyen en vue d’une fin se change en elle-même, en un bien suprême auquel doivent être subordonnés tous les intérêts de la lutte ». Paradoxalement, ce sont les succès mêmes du mouvement ouvrier – le développement de son organisation, les droits qu’il conquiert – qui vont se retourner contre lui… Lénine L’hégémonie réformiste sur les organisations du mouvement ouvrier a une autre base sociale, produit du développement du capitalisme, notamment dans sa phase d’expansion impérialiste : l’aristocratie ouvrière. Cette expansion « procure des profits de monopole très élevés à une poignée de pays très riches, crée les possibilités économiques de corrompre les couches supérieures du prolétariat », notamment en entretenant « cette couche d’ouvriers embourgeoisés ou de l’aristocratie ouvrière, entièrement petit-bourgeois par leur mode de vie, par leurs salaires, par leur conception du monde (…) qui est le principal soutien social de la bourgeoisie ». Le réformisme et l’opportunisme ont donc une double cause : • La scission du prolétariat des pays impérialistes en une couche supérieure, petite-bourgeoise, l’aristocratie ouvrière et la masse du prolétariat. • Le fait qu’une fraction de cette aristocratie ouvrière – la bureaucratie ouvrière – contrôle les organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier.

4.1 Problèmes d’aujourd’hui

La prise en compte des rapports entre la classe ouvrière et le réformisme (et réciproquement…) doit prendre en compte des éléments aux effets contradictoires. En particulier : • Le capitalisme ne connaît pas seulement des phases d’expansion impérialiste mais aussi des phases de crises et de récession où les marges de manoeuvres économiques de la bourgeoisie se restreignent, de même que sa capacité à « acheter » une fraction du salariat. • Le développement des appareils syndicaux et politiques a engendré l’existence d’une couche « privilégiée » de représentant, de délégués et d’élus dont les conditions d’existence n’ont plus rien à voir avec celles des travailleurs de base, sur le plan des revenus mais, surtout, sur le rapport au travail et à l’exploitation salariée. • Différenciation sociales (aristocratie ouvrière, bureaucraties) et évolutions idéologiques s’alimentent mutuellement. Un élément essentiel : la question du réformisme soulève évidemment la question des divergences d’orientation et de stratégie ; mais elle ne se limite pas à cela : l’arrière-fond, ce sont les divergences d’intérêts sociaux.