Différences entre les versions de « Commune de Paris (1871) »

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[[Image:Vive-la-commune.jpg|right|200px|Vive-la-commune.jpg]]La '''Commune de Paris''' est l'une des premières révolutions sociales de l'histoire. Malgré son échec, ou grâce à lui, elle est une précieuse source d'enseignement pour tous les révolutionnaires. Survenue du vivant de [[Karl Marx|Marx]], elle suscita l'intérêt du père du [[Socialisme scientifique|socialisme scientifique]], et plus tard, celui de [[Léon Trotsky|Trotsky]] et de nombreux autres auteurs. {{#set:Date=1871}}  
 
[[Image:Vive-la-commune.jpg|right|200px|Vive-la-commune.jpg]]La '''Commune de Paris''' est l'une des premières révolutions sociales de l'histoire. Malgré son échec, ou grâce à lui, elle est une précieuse source d'enseignement pour tous les révolutionnaires. Survenue du vivant de [[Karl Marx|Marx]], elle suscita l'intérêt du père du [[Socialisme scientifique|socialisme scientifique]], et plus tard, celui de [[Léon Trotsky|Trotsky]] et de nombreux autres auteurs. {{#set:Date=1871}}  
  
== Genèse d'une Révolution ==
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== Contexte ==
  
En 1871, l'empereur [[Napoléon III]] règne depuis son [[Coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte|coup d'Etat du 2 décembre 1851]]. Peu à peu lâché par ses soutiens, il voit dans la [[Guerre franco-prussienne de 1870|guerre de 1870 avec la Prusse]] l'unique moyen pour tenter de durer.  
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En 1871, l'empereur [[Napoléon III]] règne depuis son [[Coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte|coup d'Etat du 2 décembre 1851]]. Il a combiné une politique de paternalisme envers les plus pauvres à une dure répression contre l'opposition. Il entreprenait souvent des guerres extérieures dont un rôle constant était de renforcer son gouvernement lorsqu'il était affaibli et contesté à l'intérieur. Mais lorsqu'il entreprend la [[Guerre franco-prussienne de 1870|guerre de 1870 avec la Prusse]], il échoue. Son armée est mal préparée et rapidement la situation s'inverse, c'est la Prusse qui avance sur le sol français.  
  
Las! son armée capitule à Sedan et il est lui-même fait prisonnier. A cette nouvelle, le peuple parisien se soulève et la République est proclamée le 4 septembre, avec la volonté de "chasser l'envahisseur prussien". Un gouvernement bourgeois de la "Défense nationale" est constitué, alors que Paris subit un siège terrible. Le 8 février 1871 est élue une assemblée nationale composée en grande majorité de royalistes représentant les "ruraux". Elle siège à Bordeaux et élit [[Adolphe Thiers|Thiers]] chef du pouvoir exécutif. Celui-ci se rend à Versailles pour négocier la capitulation avec [[Otto von Bismarck|Bismarck]] (elle est signée le 26 février).  
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La grande [[Bourgeoisie française|bourgeoisie française]], financière, commerçante et liée à l'ancienne [[Aristocratie|aristocratie]] encore puissante, est très conservatrice. Elle contestait peu sous l'Empire, et majoritairement, elle trouve son expression politique dans le [[Monarchisme|monarchisme]], afin avant tout de "ramener l'ordre". Une faible partie de la bourgeoisie est républicaine modérée, mais c'est surtout parmi la [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoisie]] et le [[Prolétariat|prolétariat]] des grandes villes que l'on défend le plus la République. Les petits artisans et boutiquiers sont dominés par les riches créanciers, et sont très solidaires des ouvriers. Dans ces milieux populaires, la revendication d'une République ''sociale'' est idéologiquement confuse, mais exprime le souhait d'une rupture avec le régime ploutocratique décevant issu de 1789. C'est parmi cette plèbe qui préfigure le [[Mouvement ouvrier|mouvement ouvrier]] moderne que l'on trouve des révolutionnaires [[Socialistes|socialistes]].<br>
  
A Paris, la Garde nationale regroupe tous les hommes valides (200 bataillons et 170000 hommes). Ils sont bien armés, disposent de centaines de canons payés avec leurs deniers et ont des chefs élus. Inquiet devant leur farouche volonté de résistance, Thiers veut s'emparer des canons qu'ils ont regroupés à Montmartre. C'est la fameuse journée du 18 mars, qui voit le début de la révolte populaire&nbsp;: peuple et soldats fraternisent, le gouvernement s'enfuit à Versailles accompagné par une troupe démoralisée. Sans qu'il l'ait sollicité le moins du monde, le pouvoir va retomber entre les mains du comité central de la Garde nationale, composé de [[Petite-bourgeoisie|petits-bourgeois]] modérés, sortis du peuple, ayant horreur de l'illégalité et de la violence, et dont le plus cher désir est de laisser la place à un conseil municipal régulièrement élu. Celui-ci verra le jour le 28 mars: ce sera le conseil général de la Commune. Sur 90 élus, la majorité sont des révolutionnaires (parmi eux 25 ouvriers), mais ils vont se partager en 3 groupes qui vont s'affronter en permanence: l'Internationale (la première, l'[[Association internationale des travailleurs]]); le parti [[Auguste Blanqui|blanquiste]]; la majorité va aux "jacobins", petits-bourgeois rêvant d'une révolution seulement politique.<br>  
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== Événements<br> ==
  
== L'oeuvre de la Commune  ==
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=== Guerre perdue et gouvernement bourgeois  ===
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L'armée française capitule à Sedan le 4 septembre 1870, et Napoléon III est fait prisonnier. À cette nouvelle, le peuple parisien se soulève et la [[Troisième République|Troisième République]] est proclamée le jour même, les bourgeois républicains étant la seule force organisée capable de récupérer l'[[État|État]]. Les parisiens ont majoritairement envie de "chasser l'envahisseur prussien" et un gouvernement de "défense nationale" est constitué. Paris est assiégée et connaît une dure famine durant l'hiver.
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Le 18 janvier 1871, un armistice est signé avec le chancelier allemand Bismarck à Versailles, dans l'attente d'élections. La nouvelle commence à échauder le petit-peuple parisien, qui se sent trahi par sa soit-disant représentation.
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Les élections sont orgnisées en hâte le 8 février et les campagnes élisent majoritairement des candidats monarchistes "pour la paix"&nbsp;:&nbsp;sur 750 députés, 450 sont des monarchistes (sans compter les bonapartistes). En revanche, à Paris, 33 députés sur 43 sont des républicains plus ou moins radicaux, et 4 sont des révolutionnaires. Ces élus parisiens sont pour continuer la guerre, les parisiens considérant qu'ils se défendent bien et ne sont pas vaincus. Mais l'Assemblée nationale, réunie à Bordeaux, élit [[Adolphe Thiers|Thiers]] chef du pouvoir exécutif et l'envoie négocier la capitulation, qui sera signée le 26 février.<br>
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=== Exacerbation de la lutte de classe  ===
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L'Assemblée nationale, via les votes des provinces rurales, exprimait en fait les intérêts de la bourgeoisie conservatrice. Face à elle, le peuple parisien qui se plaçait de plus en plus en opposition, bien que largement isolait, représentait historiquement le [[Progrès social|progrès social]] et la possibilité de la [[Révolution socialiste|révolution socialiste]].
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Le gouvernement durcit rapidement le ton, en nommant trois bonapartistes à des postes haut-placés à Paris&nbsp;:
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*Marie-Edmond Valentin comme préfet de police,
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*le général d'Aurelle de Paladines comme chef de la Garde nationale,
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*le général Vinoy comme gouverneur militaire (le 6 mars).
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Le 9&nbsp;mars&nbsp;1871, le préfet de police interdit 6 journaux d'extrême gauche, dont ''[[Le Cri du peuple|Le Cri du peuple]]'' de [[Jules Vallès|Jules Vallès]], et ferme les [[Clubs populaires|clubs populaires]].
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Le 10&nbsp;mars&nbsp;1871, l'Assemblée, qualifiée d'«&nbsp;assemblée de ruraux&nbsp;» par les parisiens, transfère son siège à Versailles parce qu'elle craint «&nbsp;le chef-lieu de la révolution organisée, la capitale de l'idée révolutionnaire&nbsp;»<ref>Jules Simon, Le Gouvernement de Monsieur Thiers, tome I, p. 95</ref>. Ce même jour, elle promulgue une loi qui&nbsp;:
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*met fin au moratoire sur les loyers et les effets de commerce&nbsp;: 40 000 commerçants en faillite et 300 000 locataires menacés d’expulsion
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*supprime la solde d'un franc cinquante par jour payée aux gardes nationaux, soldats issus du Paris populaire<br>
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Ce gouvernement était résolument au service de la [[Classe dominante|classe dominante]] dans son but immédiat de désarmer le dangereux prolétariat parisien. Thiers l'a confirmé de façon éclatante après coup, lors de l'enquête parlementaire sur la Commune&nbsp;:
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<blockquote>«&nbsp;''Les gens d’affaires allaient répétant partout&nbsp;: vous ne ferez jamais d’opérations financières si vous n’en finissez pas avec ces scélérats et si vous ne leur enlevez pas les canons. Il faut en finir, et alors on pourra traiter d’affaires.''&nbsp;» </blockquote>
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=== Les canons de Montmartre  ===
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En effet, la plus grosse épine dans le pied de l'État français officiel, c'est que cette plèbe parisienne est armée. La Garde nationale de Paris regroupe tous les hommes valides (200 bataillons et 180 000 hommes). Ils sont bien armés, disposent de centaines de canons payés avec leurs deniers et ont des chefs élus.&nbsp;Leurs canons, qui cristallisent la crainte du gouvernement, sont regroupés à Montmartre. Thiers va alors mettre le feu aux poudres le 18 mars, en ordonnant à l'armée d'aller les confisquer.
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Les gardes nationaux refusent, et les soldats refusent de faire feu sur eux. C'est le début de la révolte populaire&nbsp;: peuple et soldats fraternisent, le gouvernement s'enfuit à Versailles accompagné par une troupe démoralisée. Le pouvoir retombe de fait entre les mains du comité central de la Garde nationale.
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=== Le conseil général de la Commune  ===
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Ce comité est composé essentiellement de [[Petite-bourgeoisie|petits-bourgeois]] modérés qui ne sont pas "au dessus" du peuple parisien mais en sont totalement solidaires. Ils appellent de leurs voeux à ce que soit élu un conseil municipal. Celui-ci verra le jour le 28 mars: ce sera le conseil général de la Commune. Sur 90 élus, la majorité sont des révolutionnaires (parmi eux 25 ouvriers), mais ils vont se partager en 3 groupes qui vont s'affronter en permanence:
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*une minorité de partisans de l'[[Association internationale des travailleurs]]
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*le parti [[Auguste Blanqui|blanquiste]], alors très influent dans la classe ouvrière
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*la majorité allant aux "[[Jacobins|jacobins]]", petits-bourgeois prônant une révolution seulement politique.<br>
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=== La semaine sanglante  ===
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L'écrasement de la Commune par les armées de Versailles est bien connu: le 21 mai commence la "Semaine sanglante", le plus effroyable massacre pratiqué par un pouvoir aux abois, désireux de se venger et d'écraser pour longtemps la [[Classe ouvrière|classe ouvrière]] (plus de 20 000 morts, des milliers de condamnés et déportés outre-mer).
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== L'oeuvre progressiste de la Commune  ==
  
 
Insurrection populaire devenue en quinze jours une véritable révolution sociale, la Commune a pris de nombreuses décisions exemplaires.<br>  
 
Insurrection populaire devenue en quinze jours une véritable révolution sociale, la Commune a pris de nombreuses décisions exemplaires.<br>  
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*incendie de la maison de [[Adolphe Thiers|Thiers]]&nbsp;;  
 
*incendie de la maison de [[Adolphe Thiers|Thiers]]&nbsp;;  
 
*crémation de la guillotine.<br>
 
*crémation de la guillotine.<br>
 
== Le progressisme de la Commune<br>  ==
 
 
Face à une bourgeoisie qui s'accommodait plutôt bien des anciennes moeurs, la Commune a bien prouvé qu'elle était fondamentalement progressiste. Elle a montré dans son élan ce que l'humanité a de meilleur.
 
  
 
=== La laïcité  ===
 
=== La laïcité  ===
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<blockquote>"Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle&nbsp;; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent (...), la commission est d'avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l'admission du citoyen Frankel." </blockquote>  
 
<blockquote>"Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle&nbsp;; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent (...), la commission est d'avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l'admission du citoyen Frankel." </blockquote>  
 
Le citoyen Frankel n'aurait pas eu cet honneur sous le règne du "[[Social-démocratie|socialiste]]" [[Lionel Jospin|Jospin]]...<br>  
 
Le citoyen Frankel n'aurait pas eu cet honneur sous le règne du "[[Social-démocratie|socialiste]]" [[Lionel Jospin|Jospin]]...<br>  
 
== Fin de la Commune  ==
 
 
L'écrasement de la Commune par les armées de Versailles est bien connu: le 21 mai commence la "Semaine sanglante", le plus effroyable massacre pratiqué par un pouvoir aux abois, désireux de se venger et d'écraser pour longtemps la [[Classe ouvrière|classe ouvrière]] (plus de 20 000 morts, des milliers de condamnés et déportés outre-mer).<br>
 
  
 
== Faiblesses et leçons  ==
 
== Faiblesses et leçons  ==
  
=== Insuffisance de la spontanéité ===
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=== Insuffisance de la spontanéité ===
  
 
De ces 72 jours, [[Karl Marx|Marx]], [[Friedrich Engels|Engels]], [[Lénine]], [[Léon Trotsky|Trotsky]] ont tiré de nombreuses leçons. Tous sont d'accord pour souligner que la principale faiblesse de la Commune est l'absence d'une direction révolutionnaire. La spontanéité des masses a montré les prodigieuses forces qu'elles sont capables de développer, de façon difficilement prédictible, mais elle est insuffisante. Leur fantastique essor s'est accompagné d'une tendance à s'arrêter en chemin et à se contenter des premiers succès.  
 
De ces 72 jours, [[Karl Marx|Marx]], [[Friedrich Engels|Engels]], [[Lénine]], [[Léon Trotsky|Trotsky]] ont tiré de nombreuses leçons. Tous sont d'accord pour souligner que la principale faiblesse de la Commune est l'absence d'une direction révolutionnaire. La spontanéité des masses a montré les prodigieuses forces qu'elles sont capables de développer, de façon difficilement prédictible, mais elle est insuffisante. Leur fantastique essor s'est accompagné d'une tendance à s'arrêter en chemin et à se contenter des premiers succès.  
  
Toutes les expériences révolutionnaires ultérieures l'ont démontré : des organisations révolutionnaires bien préparées sont indispensables. Jamais, nulle part, une insurrection populaire spontanée n'est parvenue à renverser le régime capitaliste et à assurer le pouvoir des travailleurs.&nbsp;
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Toutes les expériences révolutionnaires ultérieures l'ont démontré&nbsp;: des organisations révolutionnaires bien préparées sont indispensables. Jamais, nulle part, une insurrection populaire spontanée n'est parvenue à renverser le régime capitaliste et à assurer le pouvoir des travailleurs.&nbsp;  
  
Voyant qu'une révolution contre le régime bonapartiste était inévitable, Marx et Engels déploraient l'absence d'une organisation du prolétariat pour la diriger. Dès le 15 août 1870, Engels écrivait : "Le pire c'est qu'en cas de véritable mouvement révolutionnaire à Paris personne n'est là pour prendre sa direction."  
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Voyant qu'une révolution contre le régime bonapartiste était inévitable, Marx et Engels déploraient l'absence d'une organisation du prolétariat pour la diriger. Dès le 15 août 1870, Engels écrivait&nbsp;: "Le pire c'est qu'en cas de véritable mouvement révolutionnaire à Paris personne n'est là pour prendre sa direction."  
  
=== Nécessité de détruire l'État bourgeois ===
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=== Nécessité de détruire l'État bourgeois ===
  
 
C'est malgré lui que le [[Prolétariat|prolétariat]] parisien s'est retrouvé au pouvoir et, dépourvu de direction révolutionnaire consciente, il a laissé passer toutes les occasions d'écraser son ennemi&nbsp;: ses deux principales erreurs furent de ne pas immédiatement marcher sur Versailles et de vouer un respect sacro-saint à la propriété privée et notamment à la Banque de France (qui finança largement Versailles).  
 
C'est malgré lui que le [[Prolétariat|prolétariat]] parisien s'est retrouvé au pouvoir et, dépourvu de direction révolutionnaire consciente, il a laissé passer toutes les occasions d'écraser son ennemi&nbsp;: ses deux principales erreurs furent de ne pas immédiatement marcher sur Versailles et de vouer un respect sacro-saint à la propriété privée et notamment à la Banque de France (qui finança largement Versailles).  
  
Avec la Commune, Marx s'est vu renforcé dans son idée que l'[[État bourgeois|État bourgeois]] ne se réforme pas mais doit être brisé et remplacé par d'autres institutions. La Commune avait commencé à le faire mais très timidement et les représentants de cet Etat bourgeois à qui les atermoiements de la Commune avaient donné la possibilité de se reconstituer à Versailles, bien que "républicains", ont accompli le pire carnage ouvrier de l'histoire française.<br>  
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Avec la Commune, Marx s'est vu renforcé dans son idée que l'[[État bourgeois|État bourgeois]] ne se réforme pas mais doit être brisé et remplacé par d'autres institutions. La Commune avait commencé à le faire, mais très timidement et empiriquement, à mesure qu'elle prenait conscience de l'obstacle que constituaient les forces étatiques laissées en place. Cela laissa le temps à la réaction de se reconstituer à Versailles, et de préparer l'écrasement de ce pouvoir populaire naissant.<br>  
  
== Sources ==
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C'est pourquoi notamment Marx écrit dans la préface de 1872 au Manifeste&nbsp;: "il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. [...] La Commune, notamment, a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte".
  
<span class="author_name">Jean-Michel Krivine,</span>[http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?option=com_sectionnav&view=article&Itemid=53&id=2012 ''<span class="author_name"> </span>Il y a 140 ans: La Commune de Paris<span class="author_name" />'']''<br>''
+
== Voir aussi  ==
  
== Livres  ==
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[[Patriotisme de gauche|Patriotisme de gauche]]
  
«&nbsp;''[[La guerre civile en France]]''&nbsp;» de [[Karl Marx|Marx]]
+
== Sources  ==
  
«&nbsp;''Le canon fraternité''&nbsp;» Roman de Jean-Pierre Chabrol
+
Revue Que faire&nbsp;? [http://quefaire.lautre.net/que-faire/que-faire-no07-juillet-aout-2011/article/la-commune-de-paris ''La commune de Paris, une révolution par les urnes&nbsp;?'']
  
«&nbsp;''[[Les leçons de la Commune]]''&nbsp;» de [[Léon Trotsky]]
+
<span class="author_name">Jean-Michel Krivine,</span>[http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?option=com_sectionnav&view=article&Itemid=53&id=2012 ''<span class="author_name"> </span>Il y a 140 ans: La Commune de Paris'']''<br>''
  
«&nbsp; ''La Commune de 1871''&nbsp;» de C. Talès
+
== Livres  ==
  
«&nbsp; "[[L'Histoire de la Commune de 1871]]" de [[Prosper-Olivier Lissagaray]].  
+
«&nbsp;''[[La guerre civile en France]]''&nbsp;» de [[Karl Marx|Marx]]<br>«&nbsp;''Le canon fraternité''&nbsp;» Roman de Jean-Pierre Chabrol<br>«&nbsp;''[[Les leçons de la Commune]]''&nbsp;» de [[Léon Trotsky]]<br>«&nbsp;''La Commune de 1871''&nbsp;» de C. Talès<br>«&nbsp;[[L'Histoire de la Commune de 1871|''L'Histoire de la Commune de 1871'']] de [[Prosper-Olivier Lissagaray]].  
  
== Notes ==
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== Notes ==
  
<references />
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<references />  
  
 
[[Catégorie:Histoire]] [[Catégorie:France]] [[Catégorie:Révolution]]
 
[[Catégorie:Histoire]] [[Catégorie:France]] [[Catégorie:Révolution]]

Version du 4 novembre 2011 à 19:53

Vive-la-commune.jpg

La Commune de Paris est l'une des premières révolutions sociales de l'histoire. Malgré son échec, ou grâce à lui, elle est une précieuse source d'enseignement pour tous les révolutionnaires. Survenue du vivant de Marx, elle suscita l'intérêt du père du socialisme scientifique, et plus tard, celui de Trotsky et de nombreux autres auteurs.

1 Contexte

En 1871, l'empereur Napoléon III règne depuis son coup d'Etat du 2 décembre 1851. Il a combiné une politique de paternalisme envers les plus pauvres à une dure répression contre l'opposition. Il entreprenait souvent des guerres extérieures dont un rôle constant était de renforcer son gouvernement lorsqu'il était affaibli et contesté à l'intérieur. Mais lorsqu'il entreprend la guerre de 1870 avec la Prusse, il échoue. Son armée est mal préparée et rapidement la situation s'inverse, c'est la Prusse qui avance sur le sol français.

La grande bourgeoisie française, financière, commerçante et liée à l'ancienne aristocratie encore puissante, est très conservatrice. Elle contestait peu sous l'Empire, et majoritairement, elle trouve son expression politique dans le monarchisme, afin avant tout de "ramener l'ordre". Une faible partie de la bourgeoisie est républicaine modérée, mais c'est surtout parmi la petite-bourgeoisie et le prolétariat des grandes villes que l'on défend le plus la République. Les petits artisans et boutiquiers sont dominés par les riches créanciers, et sont très solidaires des ouvriers. Dans ces milieux populaires, la revendication d'une République sociale est idéologiquement confuse, mais exprime le souhait d'une rupture avec le régime ploutocratique décevant issu de 1789. C'est parmi cette plèbe qui préfigure le mouvement ouvrier moderne que l'on trouve des révolutionnaires socialistes.

2 Événements

2.1 Guerre perdue et gouvernement bourgeois

L'armée française capitule à Sedan le 4 septembre 1870, et Napoléon III est fait prisonnier. À cette nouvelle, le peuple parisien se soulève et la Troisième République est proclamée le jour même, les bourgeois républicains étant la seule force organisée capable de récupérer l'État. Les parisiens ont majoritairement envie de "chasser l'envahisseur prussien" et un gouvernement de "défense nationale" est constitué. Paris est assiégée et connaît une dure famine durant l'hiver.

Le 18 janvier 1871, un armistice est signé avec le chancelier allemand Bismarck à Versailles, dans l'attente d'élections. La nouvelle commence à échauder le petit-peuple parisien, qui se sent trahi par sa soit-disant représentation.

Les élections sont orgnisées en hâte le 8 février et les campagnes élisent majoritairement des candidats monarchistes "pour la paix" : sur 750 députés, 450 sont des monarchistes (sans compter les bonapartistes). En revanche, à Paris, 33 députés sur 43 sont des républicains plus ou moins radicaux, et 4 sont des révolutionnaires. Ces élus parisiens sont pour continuer la guerre, les parisiens considérant qu'ils se défendent bien et ne sont pas vaincus. Mais l'Assemblée nationale, réunie à Bordeaux, élit Thiers chef du pouvoir exécutif et l'envoie négocier la capitulation, qui sera signée le 26 février.

2.2 Exacerbation de la lutte de classe

L'Assemblée nationale, via les votes des provinces rurales, exprimait en fait les intérêts de la bourgeoisie conservatrice. Face à elle, le peuple parisien qui se plaçait de plus en plus en opposition, bien que largement isolait, représentait historiquement le progrès social et la possibilité de la révolution socialiste.

Le gouvernement durcit rapidement le ton, en nommant trois bonapartistes à des postes haut-placés à Paris :

  • Marie-Edmond Valentin comme préfet de police,
  • le général d'Aurelle de Paladines comme chef de la Garde nationale,
  • le général Vinoy comme gouverneur militaire (le 6 mars).

Le 9 mars 1871, le préfet de police interdit 6 journaux d'extrême gauche, dont Le Cri du peuple de Jules Vallès, et ferme les clubs populaires.

Le 10 mars 1871, l'Assemblée, qualifiée d'« assemblée de ruraux » par les parisiens, transfère son siège à Versailles parce qu'elle craint « le chef-lieu de la révolution organisée, la capitale de l'idée révolutionnaire »[1]. Ce même jour, elle promulgue une loi qui :

  • met fin au moratoire sur les loyers et les effets de commerce : 40 000 commerçants en faillite et 300 000 locataires menacés d’expulsion
  • supprime la solde d'un franc cinquante par jour payée aux gardes nationaux, soldats issus du Paris populaire

Ce gouvernement était résolument au service de la classe dominante dans son but immédiat de désarmer le dangereux prolétariat parisien. Thiers l'a confirmé de façon éclatante après coup, lors de l'enquête parlementaire sur la Commune :

« Les gens d’affaires allaient répétant partout : vous ne ferez jamais d’opérations financières si vous n’en finissez pas avec ces scélérats et si vous ne leur enlevez pas les canons. Il faut en finir, et alors on pourra traiter d’affaires. »

2.3 Les canons de Montmartre

En effet, la plus grosse épine dans le pied de l'État français officiel, c'est que cette plèbe parisienne est armée. La Garde nationale de Paris regroupe tous les hommes valides (200 bataillons et 180 000 hommes). Ils sont bien armés, disposent de centaines de canons payés avec leurs deniers et ont des chefs élus. Leurs canons, qui cristallisent la crainte du gouvernement, sont regroupés à Montmartre. Thiers va alors mettre le feu aux poudres le 18 mars, en ordonnant à l'armée d'aller les confisquer.

Les gardes nationaux refusent, et les soldats refusent de faire feu sur eux. C'est le début de la révolte populaire : peuple et soldats fraternisent, le gouvernement s'enfuit à Versailles accompagné par une troupe démoralisée. Le pouvoir retombe de fait entre les mains du comité central de la Garde nationale.

2.4 Le conseil général de la Commune

Ce comité est composé essentiellement de petits-bourgeois modérés qui ne sont pas "au dessus" du peuple parisien mais en sont totalement solidaires. Ils appellent de leurs voeux à ce que soit élu un conseil municipal. Celui-ci verra le jour le 28 mars: ce sera le conseil général de la Commune. Sur 90 élus, la majorité sont des révolutionnaires (parmi eux 25 ouvriers), mais ils vont se partager en 3 groupes qui vont s'affronter en permanence:

2.5 La semaine sanglante

L'écrasement de la Commune par les armées de Versailles est bien connu: le 21 mai commence la "Semaine sanglante", le plus effroyable massacre pratiqué par un pouvoir aux abois, désireux de se venger et d'écraser pour longtemps la classe ouvrière (plus de 20 000 morts, des milliers de condamnés et déportés outre-mer).

3 L'oeuvre progressiste de la Commune

Insurrection populaire devenue en quinze jours une véritable révolution sociale, la Commune a pris de nombreuses décisions exemplaires.

3.1 Le socialisme

  • Remise des loyers ;
  • création des futures Bourses du travail ;
  • suppression du travail de nuit chez les boulangers ;
  • interdiction des amendes et des retenues sur salaire dans les ateliers et les administrations ;
  • suppression des monts-de-piété ;
  • enseignement obligatoire, laïque et gratuit avec intégration de l'instruction professionnelle ;
  • recensement des fabriques abandonnées pour être remises à des coopératives ouvrières.

3.2 La démocratie ouvrière

  • suppression de l'armée permanente, remplacée par la Garde nationale dont tous les citoyens doivent faire partie ;
  • élection et révocabilité de tous les responsables dans l'administration, la justice, l'enseignement et la Garde nationale ;
  • limitation du traitement des employés de la Commune à celui d'un ouvrier ;

3.3 Actes symboliques

  • démolition de la "colonne impériale de la place Vendôme" ;
  • incendie de la maison de Thiers ;
  • crémation de la guillotine.

3.4 La laïcité

Le socialisme est par essence incompatible avec la théologie. La Commune a ordonné la séparation de l'Eglise et de l'Etat, instituant par là la laïcité, 34 avant que la bourgeoisie ne la déclare enfin.

3.5 L'éducation gratuite et obligatoire

Dix ans avant que le républicain bourgeois Jules Ferry (membre du gouvernement qui l'a écrasée) ne le fasse, la Commune avait instauré à Paris l'éducation gratuite et obligatoire...

3.6 Les femmes en action

Les femmes ont pris une part massive aux mobilisations et se sont organisées en comités de quartier. Si Louise Michel est bien connue, il ne faut pas oublier Elisabeth Dimitrieff, qui a créé la première Union des femmes. Plus de mille d'entre elles passeront en conseil de guerre et les "Pétroleuses", accusées d'avoir incendié les maisons bourgeoises, seront flétries par de célèbres écrivains, tel Alexandre Dumas fils (l'auteur de "La Dame aux Camélias") qui osera s'exprimer ainsi: "Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes à qui elles ressemblent - quand elles sont mortes."

3.7 Les étrangers et la Commune

Les étrangers furent des centaines à participer à la Commune et, fait unique dans l'histoire mondiale, plusieurs d'entre eux occupèrent des postes de direction : les meilleurs généraux étaient polonais (Dombrowski et Wroblewski) et le ministre du Travail fut un Juif hongrois, ouvrier bijoutier, Léo Frankel. Il avait été élu au conseil général de la Commune suivant les recommandations ci-après de la commission des élections :

"Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent (...), la commission est d'avis que les étrangers peuvent être admis, et vous propose l'admission du citoyen Frankel."

Le citoyen Frankel n'aurait pas eu cet honneur sous le règne du "socialiste" Jospin...

4 Faiblesses et leçons

4.1 Insuffisance de la spontanéité

De ces 72 jours, Marx, Engels, Lénine, Trotsky ont tiré de nombreuses leçons. Tous sont d'accord pour souligner que la principale faiblesse de la Commune est l'absence d'une direction révolutionnaire. La spontanéité des masses a montré les prodigieuses forces qu'elles sont capables de développer, de façon difficilement prédictible, mais elle est insuffisante. Leur fantastique essor s'est accompagné d'une tendance à s'arrêter en chemin et à se contenter des premiers succès.

Toutes les expériences révolutionnaires ultérieures l'ont démontré : des organisations révolutionnaires bien préparées sont indispensables. Jamais, nulle part, une insurrection populaire spontanée n'est parvenue à renverser le régime capitaliste et à assurer le pouvoir des travailleurs. 

Voyant qu'une révolution contre le régime bonapartiste était inévitable, Marx et Engels déploraient l'absence d'une organisation du prolétariat pour la diriger. Dès le 15 août 1870, Engels écrivait : "Le pire c'est qu'en cas de véritable mouvement révolutionnaire à Paris personne n'est là pour prendre sa direction."

4.2 Nécessité de détruire l'État bourgeois

C'est malgré lui que le prolétariat parisien s'est retrouvé au pouvoir et, dépourvu de direction révolutionnaire consciente, il a laissé passer toutes les occasions d'écraser son ennemi : ses deux principales erreurs furent de ne pas immédiatement marcher sur Versailles et de vouer un respect sacro-saint à la propriété privée et notamment à la Banque de France (qui finança largement Versailles).

Avec la Commune, Marx s'est vu renforcé dans son idée que l'État bourgeois ne se réforme pas mais doit être brisé et remplacé par d'autres institutions. La Commune avait commencé à le faire, mais très timidement et empiriquement, à mesure qu'elle prenait conscience de l'obstacle que constituaient les forces étatiques laissées en place. Cela laissa le temps à la réaction de se reconstituer à Versailles, et de préparer l'écrasement de ce pouvoir populaire naissant.

C'est pourquoi notamment Marx écrit dans la préface de 1872 au Manifeste : "il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. [...] La Commune, notamment, a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte".

5 Voir aussi

Patriotisme de gauche

6 Sources

Revue Que faire ? La commune de Paris, une révolution par les urnes ?

Jean-Michel Krivine, Il y a 140 ans: La Commune de Paris

7 Livres

« La guerre civile en France » de Marx
« Le canon fraternité » Roman de Jean-Pierre Chabrol
« Les leçons de la Commune » de Léon Trotsky
« La Commune de 1871 » de C. Talès
« L'Histoire de la Commune de 1871 de Prosper-Olivier Lissagaray.

8 Notes

  1. Jules Simon, Le Gouvernement de Monsieur Thiers, tome I, p. 95