Autogestion

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L'autogestion, pour un groupe ou une structure, signifie qu'il prend lui-même les décisions qui le concerne. C'est une notion proche de celle d'auto-organisation, mais avec avec des nuances selon quel courant politique l'emploie.

1 Définitions

L'autogestion renvoie à un ensemble divers de courants d'idées et de pratiques revendiquant une démocratie directe dans les entreprises ou les lieux de vie, une prise de décision collective et transparente, une suppression de la division dirigeants/dirigés...

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2 Exemples concrets

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  • Comités d'usines et de quartiers en Russie soviétique
  • Autogestion en Yougoslavie, années 1950-1970[1]
  • Usine de montres LIP (1973)[2]
  • Ambiance bois (scierie autogérée dans la Creuse depuis 1988)[3]
  • Fumel technologies, de 2003 à 2007[4]
  • Crisp, entreprise suédoise de services informatiques avec une cinquantaine de salarié·e·s, qui fonctionne sans PDG[5]

3 Formes légales

Dans le cadre du capitalisme, soit l'autogestion est réalisée dans une période de lutte intense qui sort de la légalité bourgeoise, soit elle doit rentrer dans les types d'entreprises légales qui existent :

  • SCOP : Société coopérative ouvrière de production (à l'origine) ou Société coopérative et participative (aujourd'hui)
  • SAPO : Sociétés anonymes à participation ouvrière

4 Historique des débats

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4.1 Chez Marx et Engels

Les statuts de l'Association internationale des travailleurs, rédigés par Marx, commençaient par le considérant que « l'émancipation de la classe ouvrière doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes »[6]. Plus généralement, cette idée était un des éléments clés de ce qui distinguait Marx et Engels des socialistes utopiques (Fourier ou Owen concevaient des plans idéaux de vie communautaire, Saint-Simon imaginait explicitement une gestion de la société par des scientifiques...).

De la Commune de Paris (1871), Marx dira que « c’est le peuple agis­sant pour lui-même et par lui-même »[7].

4.2 Révolution russe de 1917

Aussitôt après la Révolution de Février 1917, des comités d'usine se forment un peu partout. Leurs principales préoccupations sont d'ordre pratique et non idéologique : maintenir la production pour éviter le chômage, trouver du combustible ou des matières premières... Mais cela les conduit de fait à pratiquer une forme de contrôle ouvrier. Au début, cela est parfois fait en accord avec le directeur. Mais de plus en plus, les intérêts contradictoires engendrent de la méfiance et le contrôle ouvrier se durcit. Il constitue une vraie dualité de pouvoir dans l'usine.

Les références explicites à l’autogestion (samo-oupravlenié) étaient assez rares dans le discours des comités d’usine, mais l'idée est présente sous la forme de la revendication d'une entreprise « démocratique », de prendre l’usine « en main »... En octobre, dans quelques usines les comités prirent effectivement la direction, face à des patrons qui tentaient de cesser l'activité.

L'autogestion, c'était aussi les comités de quartier, qui se mirent spontanément à prendre en charge toute une partie de la vie locale : réquisition de logements, de gestion de services publics...

Mais très vite après octobre, des tensions émergent entre les comités d'usine et le pouvoir bolchévik, qui peu à peu fait taire les vélléités d'autogestion. Le décret sur le contrôle ouvrier fut le troisième publié par le nouveau pouvoir soviétique, juste après l'insurrection. La première proposition de Lénine laisse une assez grande place à l'autogestion, mais d'autres dirigeants bolchéviks veulent déjà la limiter fortement au profit du pouvoir de commissaires du gouvernement, au nom de l'efficacité. Lors du débat, il est proposé de n’introduire le contrôle ouvrier que dans les grandes usines et fabriques ou dans les chemins de fer. Un conseil suprême de l'économie sera créé en décembre, et très vite les décisions dans les usines descendront uniquement de cet organe.

Très vite, la majorité derrière Lénine et Trotsky défend l'idée que le prolétariat n'est pas encore capable de gérer lui même, directement, la production. Pour cette raison, il faut surtout se reposer sur les compétences des anciens techniciens ou administrateurs, en exerçant un contrôle ouvrier sur eux.

« On peut s'emparer des usines avec l'aide de la Garde rouge; mais pour les gérer de nouvelles prémisses juridiques et administratives sont nécessaires; il faut aussi des connaissances, des habitudes, des organismes appropriés. Tout cela rend nécessaire une période d'apprentissage. Durant cette période le prolétariat a intérêt à laisser la gestion entre les mains d'une administration expérimentée tout en la forçant à ouvrir tous ses livres de compte et en instaurant un contrôle vigilant sur toutes ses liaisons et ses actions. »[8]

La majorité communiste défendra aussi que la gestion ouvrière est équivalente à la gestion par l'Etat ouvrier. C'est ce que défendront aussi bien Lénine que Trotsky, notamment lorsqu'ils défendront qu'il fallait privilégier la direction unipersonnelle à la direction collégiale.[9]

En 1918 le bolchevik Stepanov publie une brochure intitulée Du contrôle ouvrier à la gestion ouvrière de l’industrie et de l’agriculture.

En 1920, Bertrand Russel raconte au sujet de son voyage en Russie : « Les bolcheviques sont partout les adversaires de l’autogestion dans l’industrie, parce qu’elle a échoué en Russie, et parce que leur amour-propre national les empêche de reconnaître que l’échec est dû au fait que la Russie est un pays arriéré. » Quant à lui, il défend : « L’autogestion dans l’industrie me paraît être le moyen le plus sûr permettant à l’Angleterre de parvenir au socialisme. Je suis sûr que les chemins de fer et les mines, après un peu de pratique, pourraient être mieux exploités par les ouvriers, en vue d’une meilleure production, qu’ils ne le sont actuellement par les capitalistes. » [10]

4.3 Années 1960

En 1962, dans son Traité d’économie marxiste, Ernest Mandel souligne fortement que la seule abolition juridique de la propriété n’est pas suffisante et qu’il est nécessaire de commencer à bouleverser « la structure hiérarchique de l’entreprise » dès la première phase de la période de transition. Il a même ces formules qui font penser à des critiques de gauche du léninisme :

« Les rapports de production ne se modifient pas aussi longtemps que le patron privé est simplement remplacé par l’État patron, incarné par quelque directeur, technocrate ou bureaucrate tout puissant. Ils ne se modifient que lorsque les collectifs d’ouvriers et d’employés commencent à avoir une prise réelle, quotidienne (et pas seulement formelle et juridique) sur la direction des entreprises, sur l’élaboration et l’exécution des plans, sur le surproduit social créé à l’entreprise ».

On peut penser que ce constat cadre mal avec son analyse de l'URSS qui reste celle d'un État ouvrier dégénéré.

4.4 Années 1970

Dans la France des années 1970, notamment sous l'influence de jeunes étudiants et travailleurs ayant vécu le mouvement de mai 1968, une critique de l'étatisme et du centralisme bucreaucratique du PCF et de la CGT traverse la société.

La CFDT revendique alors l'autogestion dans les entreprises, même si sa direction confédérale freine ou n'apporte pas réellement son soutien aux expériences qui vont le plus dans ce sens, comme celle des LIP. Le PSU met aussi en avant l'autogestion.

En 1968, le PCF rejetait sèchement ce terme, qui était pour le secrétaire général Waldeck Rochet « un néant, un cri en l’air, un vain bavardage ».[11] En 1973, Georges Marchais écrivait :

« Si l’autogestion veut dire démocratie dans l’entreprise, dans les communes, dans la société, alors nous ne sommes pas contre. Mais si cela signifie prétendre apporter des changements dans la gestion des entreprises, sans les modifications structurelles nécessaires, sans poser le problème de la propriété, alors l’autogestion n’a pas de sens. »[12]

Le PCF et la CGT subiront peu à peu une pression face à la popularité de ce terme.[13]

Début 1974, dans la revue du PCF, La Nouvelle critique, Jean Rony admet le concept d’autogestion. Un article du Monde titre « Le PCF se rallie à l’autogestion ». Ce qui est loin de refléter la réalité. La même année, répondant à une question, Georges Marchais explique :

« la société autogestionnaire, moi je veux bien, mais ils sont incapables eux-mêmes de l’expliquer. Je l’ai vue, moi, cette société en Yougoslavie… J’ai eu une longue conversation avec Tito … A quoi cela les a conduits que les travailleurs décident de tout dans l’entreprise ? A l’anarchie… »[14]

C'est peu après le 22e congrès (1976), en pleine polémique avec le Parti socialiste, que la direction du PCF emploie officiellement le mot « autogestion » pour la première fois, dans la brochure destinée aux organisations syndicales, La liberté guide nos pas.[15] C’est Au 22e congrès, le PCF a abandonné le terme de dictature du prolétariat, et parle de « voie démocratique au socialisme », vers « un socialisme aux couleurs de la France ». Jean Fabre, François Hincker et Lucien Sève dans Les communistes et l’état (Editions sociales, 1977) évoquent « une conception non étatiste de l’Etat ».

Le contexte en 1977, c’est celui des discussions pour l’actualisation du programme commun, quand il faut se distinguer encore plus d’un parti socialiste qui à l’approche d’une victoire escomptée aux élections législatives de 1978, refuse les conseils d’ateliers et l’élection des présidents des sociétés nationalisées (tout comme les revendications syndicales sur le SMIC).

Le 23e congrès (1979) adopte explicitement le terme d'autogestion. Des dirigeants du PCF précisent :

« lorsque nous parlons d’autogestion, ce n’est jamais en opposition avec la propriété collective des grands moyens de production et d’échange. Nous les considérons au contraire comme complémentaires. »[16]

En juin 1980 l’Institut de recherche marxiste – créée par le 23ème congrès – organise son premier colloque, intitulé, « L’autogestion : une stratégie révolutionnaire, une démarche au présent ».[17] Georges Marchais, candidat aux présidentielles de 1981, se réfère explicitement à l’autogestion[18], mais ce n'est clairement pas un axe de la campagne.[19]

La CGT connaît en parallèle des débats sur l'autogestion dans les années 1970[20].

5 Autogestion et bureaucratisation

Assez spontanément, on présente l'autogestion comme l'opposé de la bureaucratie : elle permet d'associer horizontalement tout le collectif à la prise de décision. On peut aussi la voir comme opposée au bureaucratisme au sens de fonctionnement inefficace ; en effet la discussion collective des problèmes peut permettre de contester certaines routines et fonctionnements rigides.

L'autogestion ne peut cependant pas être pensée en dehors du contexte (situation révolutionnaire ou non, limitée à un type d'entreprise particulier ou généralisée...). En situation révolutionnaire, la motivation générale pour la prise de décision est portée à un niveau bien plus élevé, alors que d'ordinaire, les catégories opprimées (majoritaires) se sentent moins légitimes à donner leur avis (ce qui se reflète aussi dans les instituations de la démocratie représentative bourgeoise avec l'abstention) du fait des différences d'instruction, de capital culturel, du fait du mépris de classe... Si la situation révolutionnaire se referme et laisse place à une recristrallisation des rôles de classe, la hiérarchie et la bureaucratie se reforme, même si les organes issus de l'autogestion restent formellement en place.

Par ailleurs, l'histoire Marc Ferro a montré que les personnes qui prennent la tête des organes d'autogestion, même si elles sont issues de classes populaires, peuvent rapidement se bureaucratiser. Il montre ainsi que les dirigeants des comités d'usine et des comités de quartier sont vite devenus des permanents, et ont donc cessé de vivre le même quotidien que leur classe, tandis qu'ils développaient des compétences particulières. Après la victoire de la révolution d'Octobre, la majorité de ceux qui sont devenus fonctionnaires du nouvel Etat étaient ceux qui étaient devenus dirigeants de ces organes depuis Février.

6 Notes et sources

  1. James Robertson, The Life and Death of Yugoslav Socialism, Jacobin Magazine, juillet 2017
  2. Tendance CLAIRE du NPA, Lip, les patrons de gauche et l’autogestion, 14 juillet 2014
  3. Revue Ballast, Ambiance Bois : « Le modèle autogéré est applicable à n’importe qui », 15 juillet 2016
  4. Association Autogestion, Fumel technologie : une expérience d’autogestion industrielle de 2003 à 2007
  5. Huffington Post, Cette start up suédoise fonctionne sans chefs ni PDG depuis 4 ans (et ça se passe très bien), 20 février 2017
  6. Statuts de l'Association Iinternationale des Travailleurs, 1864
  7. Karl Marx, La Guerre civile en France, 1871
  8. Léon Trotsky, La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, janvier 1932
  9. Léon Trotsky, Terrorisme et communisme, 1920
  10. Bertrand Russell, Pratique et théorie du bolchevisme, 1920
  11. Jean Lojkine, Le PCF entre étatisme et autogestion , note de la Fondation Gabriel Peri
  12. Georges Marchais, Le Défi démocratique, 1973
  13. Association Autogestion, 1976-1979, l’autogestion autour des 22ème et 23ème congrès du PCF
  14. André Harris et Alain de Sédouy, Voyage à l’intérieur du Parti communiste, Le Seuil, 1974
  15. Michel Peyret, Le parti communiste fut-il pour l’autogestion, mai 2011
  16. Pour une stratégie autogestionnaire, Félix Damette, Jacques Scheibling entretiens avec Gilbert Wasserman, Editions sociales, 1979
  17. Cf. l'introduction de Francette Lazard
  18. Georges Marchais, L’espoir au présent, Editions sociales, 1980
  19. Le PCF et l’autogestion, histoire d’un ralliement, 1968-1979, in Frank Georgi (dir) Autogestion, la dernière utopie, Presses de la Sorbonne, 2003
  20. Association Autogestion, Années 1970 : la CGT vers l’autogestion?