Différences entre les versions de « Austromarxisme »

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Par '''austromarxisme''', on désigne les idées développées au sein du [[Parti social-démocrate d'Autriche|Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche]] apparu pendant les dernières décennies de l'Empire austro-hongrois. Les théoriciens de l'austromarxisme furent [[Max Adler|Max Adler]], [[Victor Adler|Victor Adler]], [[Otto Bauer|Otto Bauer]], [[Rudolf Hilferding|Rudolf Hilferding]], [[Gustav Eckstein|Gustav Eckstein]], [[Friedrich Adler|Friedrich Adler]] et [[Karl Renner|Karl Renner]]<ref>[[Yvon Bourdet]], ''Otto Bauer et la révolution'', Paris, 1968, p. 14</ref>. Sur le plan pratique, l'austro-marxisme n'a pu se développer pendant la [[Première République d'Autriche|Première République d'Autriche]] (1918-1934) en raison de la montée du [[Nationalisme|nationalisme]] et de la radicalisation du [[Communisme|communisme]], et c'est ce qui a fait écrire à l'un de ses principaux penseurs, Otto Bauer, que «&nbsp;la guerre [1914-1918] et la révolution [de 1917] ont dissous l'école austromarxiste<ref>Yvon Bourdet, ''Otto Bauer et la révolution'', Paris, 1968, p. 15</ref>&nbsp;».
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Par '''austromarxisme''', on désigne les idées développées au sein du [[Parti_social-démocrate_d'Autriche|Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche]] apparu pendant les dernières décennies de l'Empire austro-hongrois. Les théoriciens de l'austromarxisme furent [[Max_Adler|Max Adler]], [[Victor_Adler|Victor Adler]], [[Otto_Bauer|Otto Bauer]], [[Rudolf_Hilferding|Rudolf Hilferding]], [[Gustav_Eckstein|Gustav Eckstein]], [[Friedrich_Adler|Friedrich Adler]] et [[Karl_Renner|Karl Renner]]. Sur le plan pratique, l'austro-marxisme n'a pu se développer pendant la [[Première_République_d'Autriche|Première République d'Autriche]] (1918-1934) en raison de la montée du [[Nationalisme|nationalisme]] et de la radicalisation du [[Communisme|communisme]], et c'est ce qui a fait écrire à l'un de ses principaux penseurs, Otto Bauer, que «&nbsp;la guerre [1914-1918] et la révolution [de 1917] ont dissous l'école austromarxiste&nbsp;».<ref>Yvon Bourdet, ''Otto Bauer et la révolution'', Paris, 1968, p. 15</ref>
  
 
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Le groupe austromarxiste s'agrégea à partir de 1904 autour de magazines comme les ''Blätter zur Theorie und Politik des wissenschaftlichen Sozialismus'' et les''Marx-Studien''. Loin de constituer un mouvement homogène, il fut le foyer de penseurs et de politiciens aussi différents que le néo-kantien [[Max Adler|Max Adler]] et le marxiste orthodoxe [[Rudolf Hilferding|Rudolf Hilferding]].
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Le groupe austromarxiste s'agrégea à partir de 1904 autour de magazines comme les ''Blätter zur Theorie und Politik des wissenschaftlichen Sozialismus'' et les''Marx-Studien''. Loin de constituer un mouvement homogène, il fut le foyer de penseurs et de politiciens aussi différents que le néo-kantien [[Max_Adler|Max Adler]] et le marxiste orthodoxe [[Rudolf_Hilferding|Rudolf Hilferding]].
  
Quand le terme «&nbsp;austromarxiste&nbsp;» est évoqué en français, c'est le plus souvent en référence au principe d'autonomie nationale-culturelle développé par Otto Bauer en 1907 dans ''La question des nationalités et la social-démocratie'' (traduit et publié pour la première fois en français 80 ans plus tard par Études et documentation internationales à Paris). Mais d'autres idées austo-marxistes ont aussi été considérées comme intéressantes par les promoteurs du "socialisme à la hongroise" et du "[[Socialisme à visage humain|socialisme à visage humain]]"&nbsp;: [[Imre Nagy|Imre Nagy]] (1956) et [[Alexander Dubček|Alexander Dubček]] (1968)<ref>Miklós Molnar : ''Histoire de la Hongrie'', Hatier, 1996 ; Vernon Aspaturian, David Burke et Jiří Valenta : ''Eurocommunism Between East and West'', Indiana Univ Press ; Aleksandr Dubček et Jiří Hochman: ''Hope Dies Last: The Autobiography of Alexander Dubcek'', Kodansha International.</ref>, tous deux qualifiés de "social-traîtres" par les [[Pacte de Varsovie|communistes fidèles à l'Union Soviétique]].
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Quand le terme «&nbsp;austromarxiste&nbsp;» est évoqué en français, c'est le plus souvent en référence au principe d'autonomie nationale-culturelle développé par Otto Bauer en 1907 dans ''La question des nationalités et la social-démocratie'' (traduit et publié pour la première fois en français 80 ans plus tard par Études et documentation internationales à Paris). Mais d'autres idées austo-marxistes ont aussi été considérées comme intéressantes par les promoteurs du "socialisme à la hongroise" et du "[[Socialisme_à_visage_humain|socialisme à visage humain]]"&nbsp;: [[Imre_Nagy|Imre Nagy]] (1956) et [[Alexander_Dubček|Alexander Dubček]] (1968)<ref>Miklós Molnar : ''Histoire de la Hongrie'', Hatier, 1996 ; Vernon Aspaturian, David Burke et Jiří Valenta : ''Eurocommunism Between East and West'', Indiana Univ Press ; Aleksandr Dubček et Jiří Hochman: ''Hope Dies Last: The Autobiography of Alexander Dubcek'', Kodansha International.</ref>, tous deux qualifiés de "social-traîtres" par les [[Pacte_de_Varsovie|communistes fidèles à l'Union Soviétique]].
  
Le principe austromarxiste d'autonomie nationale-culturelle (non-territoriale, mais sur toute l'étendue d'un état) en tant que substitut à la dichotomie assimilation-séparatisme (le [[Séparatisme|séparatisme]] menaçant l'état autrichien, qui échouait à [[Assimilation|assimiler]] ses populations, à l'exception, peut-être, des juifs cultivés) a été ultérieurement adopté tant par d'autres partis d'inspiration socialiste, comme le [[Union générale des travailleurs juifs|Bund]], la [[Fédération socialiste ouvrière de Salonique|Fédération socialiste ouvrière de Salonique]], les sionistes de gauche ([[Hachomer Hatzaïr|Hachomer Hatzaïr]] e.a.) ou encore les partisans d'un [[État binational|État binational]] en Palestine comme [[Martin Buber|Martin Buber]], que par des partis émanant de diverses minorités comme le [[Folkspartei|Folkspartei]] juif dans l'entre-deux-guerres ou l'Union démocratique des Magyars de Roumanie après 1989. Il aurait également inspiré le système de communautés (francophone et flamande) en Belgique, en particulier dans la Région de Bruxelles-Capitale.
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Le principe austromarxiste d'autonomie nationale-culturelle (non-territoriale, mais sur toute l'étendue d'un état) en tant que substitut à la dichotomie assimilation-séparatisme (le [[Séparatisme|séparatisme]] menaçant l'état autrichien, qui échouait à [[Assimilation|assimiler]] ses populations, à l'exception, peut-être, des juifs cultivés) a été ultérieurement adopté tant par d'autres partis d'inspiration socialiste, comme le [[Union_générale_des_travailleurs_juifs|Bund]], la [[Fédération_socialiste_ouvrière_de_Salonique|Fédération socialiste ouvrière de Salonique]], les sionistes de gauche ([[Hachomer_Hatzaïr|Hachomer Hatzaïr]] e.a.) ou encore les partisans d'un [[État_binational|État binational]] en Palestine comme [[Martin_Buber|Martin Buber]], que par des partis émanant de diverses minorités comme le [[Folkspartei|Folkspartei]] juif dans l'entre-deux-guerres ou l'Union démocratique des Magyars de Roumanie après 1989. Il aurait également inspiré le système de communautés (francophone et flamande) en Belgique, en particulier dans la Région de Bruxelles-Capitale.
  
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''«&nbsp;Ce qui caractérise l'austro-marxisme, c'est l'aversion et la peur de toute action révolutionnaire. Un marxiste autrichien est capable de creuser un puits de pensées profondes pour expliquer le passé et de faire preuve d'une grande hardiesse dans le domaine des prophéties relatives à l'avenir; mais lorsqu'il s'agit du présent, il n'a jamais les grandes pensées qui sont la condition des grandes actions. (...) Un austro-marxiste est intarissable quand il s'agit de rechercher les causes qui font obstacle à l'initiative et rendent plus difficile l'action révolutionnaire. Le marxisme autrichien est la théorie savante et hautaine de la passivité et des capitulations.&nbsp;»<ref>Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/t_c/t_c_11.htm Terrorisme et communisme]'', 1920</ref>''
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Et il poursuit par un portrait acerbe de chacun des principaux représentants de ce courant ([[Karl_Renner|Karl Renner]], [[Otto_Bauer|Otto Bauer]], [[Max_Adler|Max Adler]], [[Rudolf_Hilferding|Rudolf Hilferding]], [[Friedrich_Adler|Friedrich Adler]]), et dit à propos de [[Karl_Kautsky|Karl Kautsky]] :
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''«&nbsp;L'école marxiste autrichienne était autrefois souvent opposée à l'école de Kautsky, comme représentante d'un opportunisme masqué en face du marxisme authentique. Cette opposition est apparue comme un pur malentendu historique qui a égaré plus ou moins longtemps les esprits, mais qui, finalement, s'est dévoilé avec la plus grande clarté : Kautsky est le fondateur et le plus parfait représentant de la falsification autrichienne du marxisme.&nbsp;»''
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== Notes et références ==
 
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=== Bibliographie ===
 
=== Bibliographie ===
  
*Detlev Albers u.a. (Hg.), Otto Bauer und der „dritte‟ Weg. Die Wiederentdeckung des Austromarxismus durch Linkssozialisten und Eurokommunisten, Frankfurt/M 1979
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*Detlev Albers u.a. (Hg.), Otto Bauer und der „dritte‟ Weg. Die Wiederentdeckung des Austromarxismus durch Linkssozialisten und Eurokommunisten, Frankfurt/M 1979  
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Version du 28 novembre 2016 à 23:41

Par austromarxisme, on désigne les idées développées au sein du Parti ouvrier social-démocrate d'Autriche apparu pendant les dernières décennies de l'Empire austro-hongrois. Les théoriciens de l'austromarxisme furent Max Adler, Victor Adler, Otto Bauer, Rudolf Hilferding, Gustav Eckstein, Friedrich Adler et Karl Renner. Sur le plan pratique, l'austro-marxisme n'a pu se développer pendant la Première République d'Autriche (1918-1934) en raison de la montée du nationalisme et de la radicalisation du communisme, et c'est ce qui a fait écrire à l'un de ses principaux penseurs, Otto Bauer, que « la guerre [1914-1918] et la révolution [de 1917] ont dissous l'école austromarxiste ».[1]

1 Description

Le groupe austromarxiste s'agrégea à partir de 1904 autour de magazines comme les Blätter zur Theorie und Politik des wissenschaftlichen Sozialismus et lesMarx-Studien. Loin de constituer un mouvement homogène, il fut le foyer de penseurs et de politiciens aussi différents que le néo-kantien Max Adler et le marxiste orthodoxe Rudolf Hilferding.

Quand le terme « austromarxiste » est évoqué en français, c'est le plus souvent en référence au principe d'autonomie nationale-culturelle développé par Otto Bauer en 1907 dans La question des nationalités et la social-démocratie (traduit et publié pour la première fois en français 80 ans plus tard par Études et documentation internationales à Paris). Mais d'autres idées austo-marxistes ont aussi été considérées comme intéressantes par les promoteurs du "socialisme à la hongroise" et du "socialisme à visage humain" : Imre Nagy (1956) et Alexander Dubček (1968)[2], tous deux qualifiés de "social-traîtres" par les communistes fidèles à l'Union Soviétique.

Le principe austromarxiste d'autonomie nationale-culturelle (non-territoriale, mais sur toute l'étendue d'un état) en tant que substitut à la dichotomie assimilation-séparatisme (le séparatisme menaçant l'état autrichien, qui échouait à assimiler ses populations, à l'exception, peut-être, des juifs cultivés) a été ultérieurement adopté tant par d'autres partis d'inspiration socialiste, comme le Bund, la Fédération socialiste ouvrière de Salonique, les sionistes de gauche (Hachomer Hatzaïr e.a.) ou encore les partisans d'un État binational en Palestine comme Martin Buber, que par des partis émanant de diverses minorités comme le Folkspartei juif dans l'entre-deux-guerres ou l'Union démocratique des Magyars de Roumanie après 1989. Il aurait également inspiré le système de communautés (francophone et flamande) en Belgique, en particulier dans la Région de Bruxelles-Capitale.

2 Point de vue de Trotsky,

Dans Terrorisme et communisme, écrit en 1920 pour défendre la politique du pouvoir bolchévik contre ses détracteurs socialistes, Trotsky écrit :

« Ce qui caractérise l'austro-marxisme, c'est l'aversion et la peur de toute action révolutionnaire. Un marxiste autrichien est capable de creuser un puits de pensées profondes pour expliquer le passé et de faire preuve d'une grande hardiesse dans le domaine des prophéties relatives à l'avenir; mais lorsqu'il s'agit du présent, il n'a jamais les grandes pensées qui sont la condition des grandes actions. (...) Un austro-marxiste est intarissable quand il s'agit de rechercher les causes qui font obstacle à l'initiative et rendent plus difficile l'action révolutionnaire. Le marxisme autrichien est la théorie savante et hautaine de la passivité et des capitulations. »[3]

Et il poursuit par un portrait acerbe de chacun des principaux représentants de ce courant (Karl Renner, Otto Bauer, Max Adler, Rudolf Hilferding, Friedrich Adler), et dit à propos de Karl Kautsky :

« L'école marxiste autrichienne était autrefois souvent opposée à l'école de Kautsky, comme représentante d'un opportunisme masqué en face du marxisme authentique. Cette opposition est apparue comme un pur malentendu historique qui a égaré plus ou moins longtemps les esprits, mais qui, finalement, s'est dévoilé avec la plus grande clarté : Kautsky est le fondateur et le plus parfait représentant de la falsification autrichienne du marxisme. »

3 Notes et références

  1. Yvon Bourdet, Otto Bauer et la révolution, Paris, 1968, p. 15
  2. Miklós Molnar : Histoire de la Hongrie, Hatier, 1996 ; Vernon Aspaturian, David Burke et Jiří Valenta : Eurocommunism Between East and West, Indiana Univ Press ; Aleksandr Dubček et Jiří Hochman: Hope Dies Last: The Autobiography of Alexander Dubcek, Kodansha International.
  3. Léon Trotsky, Terrorisme et communisme, 1920

4 Annexes

4.1 Bibliographie

  • Detlev Albers u.a. (Hg.), Otto Bauer und der „dritte‟ Weg. Die Wiederentdeckung des Austromarxismus durch Linkssozialisten und Eurokommunisten, Frankfurt/M 1979