Assemblée constituante russe de 1918

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche

L'Assemblée constituante était une revendication pendant la révolution russe de 1917. Le gouvernement provisoire russe ne l'a pas convoqué, et les bolchéviks ont maintenu cette revendication, tout en mettant l'accent sur le pouvoir aux soviets. Après la révolution d'Octobre, une assemblée constituante est convoquée et délibère durant 13 heures, les 5/18 et 6/17 octobre 1918, avant d'être dissoute par le gouvernement bolchévique.

Il s'agit d'un des principaux angles d'attaques de la bourgeoisie contre la politique des bolchéviks et le gouvernement soviétique.

1 La revendication contre le gouvernement provisoire

La revendication d'une assemblée constituante est classique pendant les révolutions bourgeoises. Lorsqu'un régime est remis à plat, en particulier un régime tyrannique comme l'aristocratie tsariste, la convocation de représentants délégués de tout le pays a pour but de délibérer pour mettre au point la constitution du régime démocratique. Or jusqu'en 1917, l'ensemble de la social-démocratie russe considère que la révolution à venir en Russie (suite aux secousses de 1905) sera bourgeoise.

Dès la révolution de février et l'abdication du tsar Nicolas II, le gouvernement provisoire s'engage à faire élire une Assemblée constituante. Mais le gouvernement provisoire est dominé par la bourgeoisie libérale (parti cadet) et les socialistes réformistes qui la soutiennent (majorité des menchéviks et des socialistes-révolutionnaires). Le gouvernement continue la participation à la guerre impérialiste, et au nom de l'urgence refuse toute mesure socialiste déstabilisatrice comme la réforme agraire. Au nom de la situation également, la convocation de l'assemblée constituante est sans cesse différée (alors que les soviets parviennent eux à organiser plusieurs congrès pan-russes des soviets...).

Les bolchéviks réclament depuis avril 1917 « tout le pouvoir aux soviets », défendant l'idée que ceux-ci sont une forme supérieure de gouvernement, qui permet au peuple ouvrier et paysan de gérer le pouvoir directement (Lénine parle « d'Etat-commune » en référence à la Commune de Paris). Vu le haut niveau d'auto-organisation et d'initiative des soviets, le pays est dans une situation de double pouvoir. Mais étant donné que les bolchéviks sont encore minoritaires, en plus de leur revendication pro-soviets, ils interpellent également le gouvernement provisoire pour qu'il applique au moins sa promesse de convoquer l'assemblée constituante.

2 Convocation et vague réactionnaire

Le 14 juin 1917, Kerensky, ministre de la Justice, fixe la date des élections au 12/25 novembre.

L'été 1917 voit les réactionnaires relever la tête. Le gouvernement réprime les bolchéviks, et un général tsariste, Kornilov, tente de faire un putsch et de marcher sur Petrograd avec des troupes cosaques. Les soviets ouvriers des grandes villes sont particulièrement ciblés par les Blancs. Kérensky essaie de s'appuyer sur Kornilov pour diminuer le danger à son extrême gauche, mais il est rapidement débordé.

Les ouvriers et soldats révolutionnaires mettent en échec le putsch, avec un rôle de premier plan des bolchéviks qui n'hésitent pas à « défendre le gouvernement provisoire » contre Kornilov.

Les élections à la constituante approchent. A ce moment-là en Russie, les bourgeois veulent absoluement que le régime prenne la forme d'une démocratie bourgeoise classique qu'ils pourraient contrôler comme dans tout pays capitaliste, et les réactionnaires se rallient à cette solution de moindre mal face aux soviets.

3 L'insurrection d'Octobre, les soviets et la constituante

En septembre-octobre, les bolchéviks deviennent majoritaires dans les soviets de toute la Russie. Pour la direction bolchévique, c'est alors le moment de l'insurrection, qui est victorieuse presque sans aucune effusion de sang à Petrograd.

Un Conseil des commissaires du peuple est alors mis en place, vu comme l'émanation des soviets. La question se pose alors de la politique à l'égard de l'assemblée constituante, déjà convoquée. La décision des bolchéviks est que si celle-ci confirme leur majorité, elle déclarera son auto-dissolution pour reconnaître le pouvoir des soviets.

Les élections se déroulent donc normalement à la date prévue. La participation est importante avec environ 60 % du corps électoral. Il faut cependant attendre fin décembre pour colliger les résultats, très défavorables aux bolchéviks qui n'obtiennent que 168 sièges sur 703. Les SR en remportent 299 ; les SR de gauche, les seuls alliés des bolchéviks 39 ; les mencheviks 18 ; et les Cadets 17. 158 élus représentent différents groupes nationaux.

Ce résultat est un défi face au pouvoir bolchévique. Le 28 novembre, Lénine interdit le parti Cadet, accusé d'être contre-révolutionnaire et fait arrêter ses dirigeants. Le 12 décembre, il publie dans la Pravda ses Thèses sur l'Assemblée constituante où il expose que l'Assemblée est constituée de partis bourgeois, et qu'accepter sa domination serait un recul pour la révolution sociale.

Dans les jours qui précèdent la convocation de l'Assemblée, l'atmosphère est tendue. Des mesures policières sont prises pour éviter les manifestations de soutien. Le 1er/14 janvier 1918, Lénine échappe à un attentat. Le 4/17 janvier, l'état de siège est proclamé par le chef de la Tchéka, Moïsseï Ouritsky. L'Assemblée s'ouvre le 5/18 janvier sous la présidence du SR Victor Tchernov, élu par 246 voix, contre la SR de gauche Maria Spiridonova soutenue par les bolchéviks, 151 voix. Sverdlov, assisté de Boukharine et Sokolnikov encadrent les élus bolchéviques. Ces derniers demandent à l'Assemblée d'approuver les décrets pris par le gouvernement bolchévique, initiative que la majorité SR repousse, ce qui entraîne le départ des bolchéviks, suivi des SR de gauche. S'appuyant sur le Congrès des Soviets, organe selon lui de la volonté populaire, Lénine prend la décision de dissoudre l'Assemblée.

Ce coup de force s'accompagne dans Pétrograd de violences faisant quelques victimes, dont deux députés libéraux. Gorki salua la mémoire des victimes ouvrières qui se sont portées au secours de la Constituante.

Le 10/23 janvier 1918, le IIIe Congrès des soviets donne une légitimité à l'action des bolchéviks.

4 Notes et références