Asiatisme

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Le terme d'asiatisme était souvent employé au début du 20e siècle, et en particulier par les marxistes russes. Il servait le plus souvent à désigner un développement économique (faible industrialisation) et politique (absence de démocratie) propre à l'Asie, qualifié d'arriéré.

Il est parfois synonyme de mode de production asiatique, mais souvent plus général et moins précis.

1 Exemples

1.1 Arriération et développement

Malgré l'emploi de ces termes, il y avait chez Lénine un enthousiasme pour l'émergence de l'Asie. Par exemple, lors de la guerre entre la Russie et le Japon (1904), il souhaite la victoire du Japon, au nom du fait qu'il s'agit d'un jeune pays capitaliste qui pourrait donc bousculer l'Empire tsariste, qui se retrouvait plus arriéré en comparaison. (Il considérait pourtant à cette époque le Japon comme la Russie comme des puissances impérialistes).

En 1913, Lénine écrit un article intitulé L'Europe arriérée et l'Asie avancée[1] dans lequel il souligne que paradoxalement, au nom de la « civilisation », les impérialistes européens « avancés » s'opposent aux mouvements politiques d'émancipation, en utilisant contre eux la réaction autochtone.

En 1914, Lénine semble déjà plus réticent à employer le terme d'asiatisme, en raison du racisme qu'il peut recouvrir :

« Bien que sachant parfaitement tout ce qu’il y a de non européen, d’anti-européen (d’asiatique, dirions-nous, si cela ne paraissait exprimer un dédain que rien ne justifie pour les Japonais et les Chinois) dans les rapports et frontières constitués ou déterminés par cette classe, messieurs les cadets les reconnaissent comme une limite au delà de laquelle on ne saurait aller. »[2]

En 1920, le philosophe anglais Bertrand Russel effectue un voyage en Russie, et décrit la bureaucratisation du régime, en soulignant la contradiction avec l'idéal communiste affiché, mais en avançant aussi l'idée que la coupure entre le régime et la population vient de facteurs structurels difficilement surmontables. Il ose une analogie avec l'administration anglaise en Inde, qui se voulait « modernisatrice », tout en réagissant brutalement à la désobéissance de la population :

« De tout cela est né un régime pénible semblable à l’ancien gouvernement du Tsar, un régime qui est asiatique par le centralisme de sa bureaucratie, par ses services secrets, par son atmosphère de mystère gouvernemental et de sourde terreur. Sous beaucoup de rapports, il ressemble à notre gouvernement de l’Inde. »[3]

Certains marxistes considèrent cependant comme discutable de caractériser l'Etat tsariste comme « asiatique ». [4]

1.2 Contre les bolchéviks

Les bolchéviks ont souvent été taclés d'asiatiques (donc brutaux, grossiers...) par leurs opposants se jugeant plus fidèles au marxisme occidental...

Par exemple, une conférence du BSI a été organisée le 30 juin 1914 à Bruxelles, afin de tenter de réaliser l'unité du parti russe. Les menchéviks et les bolchéviks tentaient donc d'être les mieux vus possible par l'Internationale et de rejeter la faute de la division sur le camp adverse. Pour préparer la conférence, Vandervelde, le président du Comité exécutif de l'Internationale, se rend en Russie en observation. Dans une correspondance entre menchéviks, Martov écrit : « Les Pravdistes se sont avérés pour nous d'un grand secours en se montrant à Vandervelde dans toute leur splendeur 'asiatique'. » [5]

Dans une correspondance de 1909, Rosa Luxemburg écrit aussi des bolchéviks que «  leur marxisme tartare tape sur les nerfs »[6].

2 Notes

  1. Lénine, https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1913/05/vil19130518.htm, 1913
  2. Lénine, Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes, écrit de février à mai 1914
  3. Bertrand Russell, Pratique et théorie du bolchevisme, 1920
  4. Antoine Artous, Trotsky et l’analyse de l’URSS, Contretemps, octobre 2017
  5. Lettre de Martov à Axelrod du 15 juin 1914
  6. Rosa Luxemburg, Lettres à Leo Jogisches, Paris, Denoël, 1971, II, p.205-206