Antisémitisme

De Wikirouge
Aller à la navigation Aller à la recherche

L'antisémitisme est le sentiment d'hostilité manifesté à l'égard des personnes de confession juives ou du judaïsme en général. Il s'agit d'une caractéristique récurrente de nos sociétés, perdurant encore aujourd'hui, et qui atteignit son apogée avec la Shoah[1]

1 Origine et évolution

1.1 Antiquité

La religion juive et ses adeptes entrent rapidement en concurrence avec la religion d'Etat de l'Empire Romain. La persécution commence officiellement en 167 avant J.-C., avec l'empereur Antiochus IV Épiphane qui entend interdire la pratique de la religion juive en Judée et force les Juifs à participer aux rites païens. Mais des actions plus violentes sont entreprises : génocides et pillages, notamment la profanation et le pillage du Temple de Jérusalem en l'an 70, lieu qui leur était (et est encore) sacré[2]
Une partie des intellectuels de l'époque n'étaient pas non plus en reste et faisaient preuve d'une certaine intolérance : ainsi, des "sages" comme Cicéron, Sénèque colportèrent de nombreuses rumeurs sur les us et coutumes du peuple juif[3], qui persistèrent bien des siècles plus tard en partie, notamment la crainte de leur diaspora (qui plus tard se commua en crainte de leur "pouvoir financier").  Avec la christianisation de l'Empire Romain, les persécutions, loin de cesser, se renforcèrent, portant déjà atteinte à l'image de tolérance prônée par l'Eglise : en 399, le pape Anastace 1er convoque un concile et décrète que les mariages interreligieux (entre Chrétiens et Juifs) sont désormais interdits, interdiction qui perdurera pratiquement jusqu'à la Révolution française. Et quatre décennies plus tard, il leur est interdit d'exercer dans l'Empire des professions publiques ou militaires[4]

Ces mesures entraînèrent certaines communautés à se révolter : ainsi, en 66, la révolte des Zélotes, massacrant tous les dignitaires romains de Jérusalem, poussèrent ces derniers à la reconquérir par la force et à réduire en esclavage la quasi-totalité des habitants de la cité qui n'auraient pas été tués[5]. D'autres révoltes sporadiques éclatèrent, mais tous fûrent de moindre intensité et matées avec succès par les occupants romains. Avec le temps, les tensions en même temps que les discriminations s'affaiblirent, mais ne manquaient pas de ressurgir par moments, jusqu'à l'effondrement de l'Empire Romain d'Occident où une partie de la communauté juive, notamment de Judée, choisit de s'exiler dans la partie orientale de l'Empire (qui deviendra l'Empire byzantin, jusqu'à sa chute en 1455) plutôt que de coopérer avec les "barbares".

1.2 Moyen Âge

Durant tout le Moyen Âge, la situation des Juifs en Europe fût contrastée. Avec l'établissement des barbares consécutive à la désintégration de l'administration romaine, aucun Etat, aucune administration stable ne se démarqua durant un certain temps, ce qui permis aux Juifs restés dans l'ancien territoire romain de se mélanger plus ou moins facilement avec les envahisseurs. Ce qui n'empêchaient pas les Rois catholiques, surtout en temps de crise, de prendre des mesures pénalisantes à leur encontre. A contrario, bien que discriminés, les Juifs jouissaient de grandes libertés dans le califat de Cordoue, du moins jusqu'à la Reconquista[6].

La situation des Juifs s'aggrava à partir de l'an mil, notamment à l'issue de la Reconquista. Les Juifs n'avaient plus le choix : conversion, clandestinité ou exil. Ainsi, en mai 1096, huit cents Juifs sont massacrés à Worms (dans l'ancienne Allemagne), et beaucoup choisirent le suicide, portant le nombre de morts à plus d'un millier. Notamment, en 1215, le pape décrète que les Juifs doivent porter sur leurs vêtements une marque spécifique les distinguant des personnes de confession catholique[7] : parmi ces signes, la tristement célèbre rouelle jaune, qui sera bien plus tard reprise par les nazis. L'apogée de l'antisémitisme moyennageux sera atteint en 1306, avec l'extorsion des biens et l'expulsion de plus d'une centaine de miliers de Juifs francs par Philippe le Bel[8]...

Avec l'apparition et l'extension du protestantisme, les tensions diminuèrent en partie.

1.3 Époque moderne

Durant cette époque, avec le rayonnement des Lumières et la perte de vitesse des institutions religieuses de l'Epoque, la condition des Juifs en Europe s'améliora. De nombreuses professions qui leur étaient fermées leur deviennent accessibles y compris la carrière militaire (en France par exemple). Mais des siècles de condamnation du « peuple déicide » et de l’« usure juive » par l’église catholique ont laissé des traces.

Un des courants politiques qui recyclera l'ancienne judéophobie et fera une passerelle avec l'antisémitisme moderne est l'aristocratie contre-révolutionnaire, profondément haineuse envers 1789. Tour à tour, la noblesse dépossédée a accusé les protestants, les francs-maçons et enfin les Juifs d’être la source de ses malheurs.

1.4 19ème siècle : critique socialiste et antisémitisme

Le mouvement socialiste et le mouvement ouvrier se développent rapidement au 19ème siècle sous l'effet de la révolution industrielle. Certains auteurs nourrissent des analyses et des visions utopistes du socialisme, d'autres avancent vers le socialisme scientifique et la lutte des classes. Mais en parallèle émergent des visions qui mêlent la question sociale et l'antisémitisme, faisant des Juifs les maîtres occultes du monde.

La réussite des banques juives, et notamment la famille Rothschild présente dans plusieurs pays européens, cristallise les attaques de ceux qui dénoncent le nouveau roi de l’époque : l’argent ou le capital. Parmi les pionniers du socialisme, Fourrier, Saint-Simon, nombre d’entre eux ont confondu dans leur condamnation les Juifs et les capitalistes, comme ils ont opposé le « peuple producteur » à la « finance juive ». Ainsi en 1845 le fouriériste Alphonse Toussenel écrit un pamphlet intitulé Les juifs, rois de l'époque, qui aura une large influence sour tout un courant antisémite de gauche.

La question juive suscita l'intérêt de Marx, qui écrivit une brochure intitulée Sur la Question Juive et qui fût utilisée par les philosophes bourgeois comme outil de discréditation de l'auteur[9].

Proudhon, lui, était ouvertement antisémite. Il écrit dans ses carnets le 26 décembre 1847 « Le Juif est l'ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie, ou l'exterminer. » ; ses attaquent visaient d'ailleurs aussi Marx, ce « ténia du socialisme ».

Bakounine a également écrit une attaque antisémite de Marx :

« Les Juifs constituent aujourd'hui en Allemagne une véritable puissance. Juif lui-même, Marx a autour de lui tant à Londres qu'en France et dans beaucoup d'autres pays, mais surtout en Allemagne, une foule de petits Juifs, plus ou moins intelligents et instruits, vivant principalement de son intelligence et revendant en détail ses idées. Se réservant à lui-même le monopole de la grosse politique, j'allais dire de la grosse intrigue, il leur en abandonne volontiers le côté petit, sale, misérable, et il faut dire que, sous ce rapport, toujours obéissants à son impulsion, à sa haute direction, ils lui rendent de grands services : inquiets, nerveux, curieux, indiscrets, bavards, remuants, intrigants, exploitants, comme le sont les Juifs partout, agents de commerce, bellettrists, politiciens, journalistes, courtiers de littérature en un mot, en même temps que courtiers de finance, ils se sont emparés de toute la presse de l'Allemagne, à commencer par les journaux monarchistes les plus absolutistes, et depuis longtemps ils règnent dans le monde de l'argent et des grandes spéculations financières et commerciales : ayant ainsi un pied dans la Banque, ils viennent de poser ces dernières années l'autre pied dans le socialisme, appuyant ainsi leur postérieur sur la littérature quotidienne de l'Allemagne... Vous pouvez vous imaginer quelle littérature nauséabonde cela doit faire. Eh bien, tout ce monde juif qui forme une seule secte exploitante, une sorte de peuple sangsue, un parasite collectif dévorant et organisé en lui-même, non seulement à travers les frontières des États, mais à travers même toutes les différences d'opinions politiques, ce monde est actuellement, en grande partie du moins, à la disposition de Marx d'un côté, et des Rothschild de l'autre. Je sais que les Rothschild, tout réactionnaires qu'ils sont, qu'ils doivent être, apprécient beaucoup les mérites du communiste Marx ; et qu'à son tour le communiste Marx se sent invinciblement entraîné, par un attrait instinctif et une admiration respectueuse, vers le génie financier des Rothschild. La solidarité juive, cette solidarité si puissante qui s'est maintenue à travers toute l'histoire les unit. » [10]

1.5 Fin du 19ème siècle : un antisémitisme populaire

Un des théoriciens de l'antisémitisme français de la fin du 19e siècle est Edouard Drumont, dont les livres se vendent alors autant que ceux de Zola... Son premier livre est La France juive (avril 1886), dans lequel il oppose « Aryens » et « Sémites », avançant même que cette lutte a été le moteur de l'histoire... Il affirme « Le seul auquel la Révolution ait profité est le Juif. Tout vient du Juif ; tout revient au Juif. ». Le monarchiste Drumont n'hésite pas à se revendiquer du fouriériste Toussenel en se parant d'une pseudo-critique sociale :

« Aujourd’hui, grâce au Juif, l’argent auquel le monde chrétien n’attachait qu’une importance secondaire et n’assignait qu’un rôle subalterne est devenu tout-puissant. La puissance capitaliste concentrée dans un petit nombre de mains gouverne à son gré toute la vie économique des peuples, asservit le travail et se repaît des gains iniques acquis sans labeur. »

La Ligue antisémitique de France naît au cours de l’année 1889 et sa première manifestation est une affiche appelant les électeurs parisiens à voter pour tout candidat voulant « abattre la puissance de Rothschild ». Ce sont Drumont et Jacques de Biez qui en sont à l’origine. Ce dernier expose les idées de la ligue dans une interview en 1889 :

« Nous sommes des socialistes, car nous demandons des comptes à la féodalité financière. Nous sommes des nationaux-socialistes, car nous attaquons la finance internationale et nous voulons que la France soit aux Français. Nous sommes pour les ouvriers contre les exploiteurs. »

En septembre 1890, La Croix se proclame « le journal le plus antijuif de France » et un de ses rédacteurs peut affirmer : « L’affaire de la juiverie passionne de nouveau tous les Chrétiens… Un grand nombre de semi-incrédules commencent à trouver qu’en France, il n’y a de vrais Français que les catholiques. »

L'antisémitisme est aussi présent chez Rochefort, ancien communard qui dirige le journal L’Intransigeant. Il représente au départ l’extrême gauche et soutient les blanquistes. Il sera antidreyfusard et chaud partisan de Boulanger.

Les bandes antisémites de la région parisienne, dont l’un des foyers se trouve à la Villette, parmi les bouchers des abattoirs, mènent des opérations coup de poing entre 1892 et 1894. Peu de temps avant l’arrestation de Dreyfus en 1894, La Libre Parole (journal antisémite fondé par Drumont en 1892) a entrepris de publier les noms des officiers juifs dans l’armée, pour en dénoncer l’influence et le rôle néfaste.

De 1894 à 1906, l'affaire Dreyfus clive profondément les forces politiques en France entre dreyfusards et anti-dreyfusards. Hannah Arendt écrit dans son ouvrage Sur l’antisémitisme : « le meilleur terrain d’étude de l’antisémitisme en tant que mouvement politique, au XIXe siècle, est la France où, pendant près de dix ans, il domina la scène politique. »  Le nombre des journaux dreyfusards est de huit au début de l’affaire, dont sept à Paris, ils n’atteignent que 8 % des lecteurs ; malgré des progrès en 1898 et 1899, la presse favorable à la révision du procès de Dreyfus ne touche au maximum que 11 % des lecteurs à Paris et 17 % en province.

C'est à propos de l'antisémitisme se prétendant populaire que certains marxistes parlaient à cette époque de « socialisme des imbéciles » (attribué à Bebel).

L’agitation antisémite atteint alors son apogée, la période des émeutes s’étend sur plus de dix-huit mois, de janvier 1898 à août 1899. De mi-janvier à fin février 1898 de graves émeutes éclatent à Paris, à Marseille, à Lyon, à Nancy, à Bordeaux, à Perpignan, à Nantes, à Angers, à Rouen et à Chalon-sur-Saône. Les manifestations vont du simple chahut de lycéens au cortège de plusieurs milliers de personnes qui saccagent les boutiques réputées juives. Ils sont 4000 à Marseille, à Bordeaux et à Angers, 3000 à Nantes, 2000 à Rouen, de 1000 à 2000 dans l’Est, à Nancy, à Bar-le-duc, à Saint-Dié, à Reims, à Lyon, à Dijon. Les manifestations durent entre trois jours et plus d’une semaine selon les villes73. Mais c’est en Algérie française que les manifestations antisémites y sont le plus nombreuses, le journal L’Antijuif d’Alger tire à 20 000 exemplaires, pour une population européenne d’un million d’habitants. D’ailleurs, sur les six députés d’Algérie, en 1898, quatre sont antisémites, dont Drumont.

1.6 Juifs d'orient et d'occident

La force de l'antisémitisme dans la petite-bourgeoisie est étoitement liée aux crises. En Allemagne et en Autriche-Hongrie, la vague d’antisémitisme suit comme son ombre la crise économique et financière, elle retombe dès que la reprise s’amorce.

Les persécutions des Juifs en Europe de l'Est vont amener 2,5 millions de Juifs à quitter leurs ghettos pour l’Europe de l’Ouest. Dans les pays comme la France, les bourgeois juifs (qui se désignent plutôt comme « israélites ») n'affichent pas spontanément de solidarité envers eux, mais plutôt un mépris ouvert, en les traitant de « barbares ». Pourtant la vague d'antisémitisme finira par les englober.

Le développement de l’antisémitisme n’a aucun rapport direct avec le nombre des Juifs, ils sont 60 000 en France sur 39 millions et 500 000 en Allemagne pour 65 millions. Ils représentent 15 % à Vienne où un maire antisémite est élu en 1893 et 25 % à Budapest où l’antisémitisme ne joue aucun rôle politique.

1.7 Révolution russe

En Russie, on assiste à la mise en place d’un antisémitisme gouvernemental, une législation spécifique pour les Juifs de Russie et l’organisation des pogroms à partir de 1881. L'antisémitisme conduisait à des traitements différenciés en cas de répression politique. Par exemple, lors de la répression qui les frappe tous deux en 1896, Martov, juif, subira des conditions d'exil plus difficiles que Lénine.[11] Par ailleurs, les juifs étant un peu plus nombreux parmi les menchéviks que parmi les bolchéviks, Staline n'hésita pas opposer  « la véritable faction russe » à la « faction juive »...

Lors de la révolution bourgeoise de Février 1917, l'antisémitisme d'Etat disparaît officiellement. Près de 700 textes de lois et décrets tsaristes sur les Juifs sont abolis. Un des délégués du soviet, Moishe Grouzenberg, s'exclame :

« A présent par la volonté souveraine du peuple révolutionnaire nous sommes des citoyens. Camarades, si l'Etat russe d'avant la révolution était une prison de dimensions monstrueuse, qui ne connaissait que des prisonniers et des géôliers, la cellule la plus infecte, la chambre de la torture, en était réservée à nous, peuple juif de six millions d'âmes. »[12]

Mais cet antisémitisme structurel en Russie n'a pas disparu subitement. D'abord, les cent-noirs font une propagande haineuse contre les Juifs qu'ils accusent d'être partout parmi les révolutionnaires (libéraux comme socialistes), de spéculer, de comploter pour diriger la Russie... Quand des émeutes d'affamés s'en prennent aux boutiquiers, comme cela arrive souvent en 1917, les boutiques juives sont plus fréquemment visées. L'antisémitisme est très présent dans la paysannerie, et les soldats en sont majoritairement issus. Suite au fiasco de « l'offensive Kerensky » en juin, des soldats en repli dévastent sur leur passage les villages juifs.

A tel point qu'en réaction, le 21 juin, le 1er congrès des soviets vote à l'unanimité un appel aux soviets locaux « à la plus grande vigilance face à l'activité des agitateurs antisémites, à une action incessante, à un travail constant d'explication parmi les masses populaires les plus larges afin de combattre les campagnes antisémites. » Une conférence de délégués militaires juifs se réunit spéficiquement sur le sujet de l'antisémitisme le 10 octobre, et constate : « Le pouvoir est impuissant et ne peut donner aucune garantie pour la défense des droits et de la vie des juifs. La Rada centrale est impuissante à lutter contre les pogroms. La Garde rouge ne garantie pas une véritable défense car l'antisémitisme s'y développe. » La conférence appelle donc à constituer des organismes d'autodéfense juive.[12]

L'antisémitisme s'exprimait confusément y compris au coeur des troupes bolchéviques à Petrograd, lors de la prise du Palais d'Hiver. Ainsi au cours de sa fuite cette nuit-là, Kerensky voit sur un mur l'inscription : « A bas le juif Kerensky, vive Trotsky ! » Un autre témoin, Margoline, a rencontré des soldats déserteurs qui vantaient les mérites de Trotsky et crachaient sur « Kerensky et ses 12 ministres, tous des juifs ! » Lorsque Margoline a essayé d'expliquer qu'en réalité Kerensky n'était pas juif mais Trotsky si, les soldats ont rétorqué : « Et alors ? C'est peut-être un juif mais il est pour la paix, ça veut dire qu'il est l'un de nous ! »[12]

Par ailleurs, si les nationalistes russes rejettent les juifs hors de la nation, les traditionnalistes juifs rejettent les révolutionnaires hors du peuple juif. par exemple Simon Doubnov déclare dans un meeting du 8 juin : « De notre milieu sont issus quelques démagogues, qui se sont joints aux héros de la rue et aux prophètes de la confiscation. Ils interviennent sous des pseudomnymes russes, par honte de leur origine juive (Trotsky, Zinoviev...). Mais ce sont plutôt leurs noms juifs qui sont des pseudonymes : ils n'ont pas de racines dans notre peuple. »

Factuellement, la majorité des organisations juives, des sionistes jusqu'au Bund, se sont opposées à la révolution d'Octobre. Réunis les 7-9 novembre à Minsk, 5 membres du bureau du comité central du Bund déclarent : « La terreur bolchévique, appuyée sur la dictature militaire de soldats en armes, est un grand danger pour la révolution et ouvre la voie à l'instauration d'une dicature militaire de la contre-révolution. » Trois d'entre eux (Esther Froumkina, Mikhail Rafes, Tcheremiski) seront pourtant plus tard, 3 ans plus tard, les principaux dirigeants des sections juives du parti communiste. Certains militants juifs ont néanmoins rejoint dès 1917 les bolchéviks, comme Boris Hessen, dirigeant du soviet d'Elizabethgrad, qui organisa la nationalisation de la banque fondée par son propre père.

Les violences de la guerre civile russe ont été particulièrement génératrices de pogroms anti-Juifs. La plupart d'entre eux ont été commis par les forces réactionnaires, qui attisaient officiellement l'antisémitisme (par exemple l'Osvag, le service de propagande du gouvernement de Dénikine, fait courir de nombreuses rumeurs pendant la guerre sur l'existence de complots juifs). Mais des bataillons de l'Armée rouge en ont également commis spontanément, surtout dans les débuts où elle était très peu structurée. Les estimations sur la responsabilité de chacune des principales forces sont les suivantes :

  • Armée nationaliste ukrainienne de Petlioura : 40 %
  • Armées vertes : 25 %
  • Armée blanche de Dénikine : 17 %
  • Armée rouge : 8,6 %

Des groupes juifs au sein du camp révolutionnaire ont été les premiers à réagir et à faire pression pour que la direction bolchévique condamne ces pogroms.[13]

En mars 1919, Lénine prononçait un discours contre l'antisémitisme :

« Ce ne sont pas les juifs qui sont les ennemis du peuple travailleur. Les ennemis des ouvriers sont les capitalistes de tous les pays. Parmi les juifs, il y a des travailleurs, et ils forment la majorité. Ce sont nos frères, qui, comme nous, sont opprimés par le capital ; ce sont nos camarades dans la lutte pour le socialisme. Parmi les juifs, il y a des koulaks, des exploiteurs et des capitalistes, tout simplement comme il y en a chez les russes, et parmi les peuples de toutes les nations. »[14]

Lénine accusait principalement les capitalistes de « fomenter la haine contre les juifs afin d’aveugler les ouvriers, de détourner leur attention du véritable ennemi du peuple travailleur, le capital », il pensait que l'antisémitisme appartenait au passé :

« Cela est une survivance des anciens temps féodaux, où les prêtres brûlaient les hérétiques au bûcher, où les paysans vivaient dans le servage, et que où les gens étaient écrasés et amorphes. Cette vieille ignorance féodale est en train de s’éteindre ; les yeux du peuple sont en train de s’ouvrir.  »

1.8 20e siècle : le nazisme

Le régime nazi en particulier a fait de l'antisémitisme son ciment, et transformé la colère issue de la décomposition sociale en la plus terrible boucherie de l'histoire humaine.

Peu avant le déclenchement de la Seconde guerre mondiale, Trotsky faisait un pronostic qui s'est avéré terriblement réel :

« On peut sans peine imaginer ce qui attend les Juifs dès le déclenchement de la guerre mondiale à venir. Même si la guerre est écartée, le prochain développement de la réaction mondiale implique avec certitude l’extermination physique des Juifs. »[15]

L'historiographie de l'antisémitisme est notamment marquée par la Shoah, c'est-à-dire l'extermination systématique et industrielle des populations Juives annexées par le Reich (ce qui a amené au moins six millions d'individus à la mort) ; mais également, dans une moindre mesure, par l'antisémitisme du régime stalinien (complot des Blouses blanches).

1.9 Aujourd'hui

Par la politique de sensibilisation menée par les Etats bourgeois à la suite de la guerre, l'antisémitisme a considérablement reculé, bien qu'il continue d'imprégner certaines mouvances, qui voient encore un "complot sioniste mondial"[16]...

Aujourd'hui, des éléments de cet antisémitisme sont encore présents de façon diffuse. Ils regagnent même en importance à mesure que la crise sociale s'approfondit. De nombreux courants tentent de brouiller les repères idéologiques entre l'extrême droite et l'extrême gauche, par exemple en assimilant les Juifs et une certaine "oligarchie financière" qui seraient "toute puissante", réalisant une sorte de déformation complotiste et raciste du communisme.

2 Notes et sources