Anticléricalisme

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L'anticléricalisme est l'opposition au clergé, souvent nourrie de sentiments hostiles à la religion.[1]

1 Anticléricalisme et socialisme

Fondamentalement, si le socialisme scientifique est athée, et si la laïcité doit être au coeur de ses revendications, l'anticléricalisme vulgaire est une dérive pour lui, le plus souvent d'orgine petit-bourgeoise. C'est pourquoi Rosa Luxemburg disait en 1902 "L'anticléricalisme bourgeois aboutit à consolider le pouvoir de l'Eglise."[2]

Voir Religion et socialisme scientifique.

2 Origine de l'anticléricalisme

2.1 Bourgeoisie progressiste

La bourgeoisie a adopté des positions différentes, par opportunisme, envers le clergé.

Ainsi, par une opposition prudente aux pratiques les plus réactionnaires de l'Église et surtout une attaque idéologique importante contre l'obscurantisme catholique qui servait la classe noble, la bourgeoisie européenne en pleine ascencion, avec Les Lumières et la Réforme notamment, a ouvert la voie à l'anticléricalisme.

Celui-ci a vraiment éclaté avec la Révolution française, notamment en 1793 avec les Jacobins de la Montagne, poussés par les sans-culotte.

De l'autre côté de la Manche, certains libéraux étaient également athées, comme David Hume et Adam Smith.

Adam Smith fut détesté par la prêtraille. On en peut juger par un écrit intitulé « A letter to A. Smith, L. L. D. On the Life, Death and Philosophy of his Friend David Hume. By one of the People called Christians », 4° éd. Oxford, 1784. L'auteur de ce pamphlet, docteur Horne, évêque anglican de Norwich, sermonne A. Smith pour avoir publié une lettre à M. Strahan où « il embaume son ami David » (Hume), où il raconte au monde que « sur son lit de mort Hume s'amusait à lire Lucien et à jouer au whist »' et OÙ il pousse l'impudence jusqu'à avouer : « J'ai tou­jours considéré Hume aussi bien pendant sa vie qu'après sa mort comme aussi près de l'idéal d'un sage parfait et d'un homme vertueux que le comporte la faiblesse de la nature humaine. » L'évêque courroucé s'écrie : « Convient-il donc, monsieur, de nous présenter comme parfaitement sage et vertueux le caractère et la conduite d'un homme, possédé d'une antipathie si incurable contre tout ce qui porte le nom de religion qu'il tourmentait son esprit pour effacer ce nom même de la mémoire des hommes ?... Mais ne vous laissez pas décourager, amis de la vérité, l'athéisme n'en a pas pour longtemps... Vous (A. Smith) avez eu l'atroce perversité (the atrocious wickedness) de propager l'athéisme dans le pays (notamment par la Théorie des Sentiments Moraux)... Nous connaissons vos ruses, maître docteur ! ce n'est pas l'intention qui vous manque, mais vous comptez cette fois sans votre hôte. Vous voulez nous faire croire par l'exemple de David Hume, Esquire, qu'il n'y a pas d'autre cordial pour un esprit abattu, pas d'autre contre-poison contre la crainte de la mort que l'athéisme... Riez donc sur les ruines de Babylone, et félicitez Pharaon, le scélérat endurci ! » (L. c., p. 8, 17, 21, 22.) - Un autre anglican orthodoxe qui avait fréquenté les cours d'Adam Smith, nous raconte à l'occasion de sa mort : « L'amitié de Smith pour Hume l'a empêché d'être chrétien Il croyait Hume sur parole, Hume lui aurait dit que la lune est un fromage vert qu'il l'aurait cru. C'est pourquoi il a cru aussi sur parole qu'il n'y avait ni Dieu ni miracle... Dans ses principes politiques il frisait le républicanisme. » (« The Bee, By James Anderson », Edimb., 1791-93.) - Enfin le « révérend » Th. Chalmers soupçonne Adam Smith d'avoir inventé la catégorie des « travailleurs improductifs » tout exprès pour les ministres protestants, malgré leur travail fructifère dans la vigne du Seigneur.[3]

2.2 La religion utilisée par la bourgeoisie

En revanche, tout comme en politique la bourgeoisie une fois au pouvoir a été tentée de revenir sur ses conquêtes libérales avec la Restauration, en religion elle a voulu utiliser l'influence catholique pour affermir sa domination.

"M. Thiers, dans le sein de la Commission sur l’instruction primaire de 1849, disait : "Je veux rendre toute-puissante l’influence du clergé, parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir[...]". La bourgeoisie, alors qu’elle luttait contre la noblesse, soutenue par le clergé, arbora le libre examen et l’athéisme ; mais, triomphante, elle changea de ton et d’allure ; et, aujourd’hui, elle entend étayer de la religion sa suprématie économique et politique. Aux XVe et XVIe siècles, elle avait allègrement repris la tradition païenne et glorifiait la chair et ses passions, réprouvées par le christianisme ; de nos jours [...] elle prêche l’abstinence aux salariés. [...] Les socialistes évolutionnaires ont à recommencer le combat qu’ont combattu les philosophes et les pamphlétaires de la bourgeoisie ; ils ont à monter à l’assaut de la morale et des théories sociales du capitalisme..."[4]

3 Anticléricalisme moderne

L'anticléricalisme est un courant important dans la bourgeoisie au début du XX° siècle. Il est notamment au coeur de l'idéologie des "bourgeois radicaux" (appellation reçue fin XIX° face aux monarchistes réactionnaires...), qui dominent à la "Belle-Epoque" (1896-1914). Leurs attaques contre l'Église, notamment dans leur presse, sont frontales et trouvent un echo jusque chez les socialistes. C'est sous leur pression que la séparation des Églises et de l'État est votée en 1905.

Plus prosaïquement, si la bourgeoisie donne alors du crédit à l'anticléricalisme, c'est que le développement économique alors florissant nécessite des travailleurs un minimum instruits (Ecole obligatoire et gratuite à la même époque...). L'idéologie dominante est alors clairement positiviste. Par ailleurs, l'anticléricalisme sert alors de diversion pour faire oublier la lutte des classes avec un cheval de bataille interclassiste. Ce qui ne veut évidemment pas dire que les socialistes doivent éviter toute implication, mais garder à l'idée ce que signifie un front unique. Citons encore Rosa Luxemburg, dans un article de 1902 :

"Les socialistes sont précisément obligés de combattre l'Eglise, puissance antirépublicaine et réactionnaire, non pour participer à l'anticléricalisme bourgeois, mais pour s'en débarrasser. L'incessante guérilla menée depuis des dizaines d'années contre la prêtraille est, pour les républicains bourgeois français, un des moyens les plus efficaces de détourner l'attention des classes laborieuses des questions sociales et d'énerver la lutte des classes. L'anticléricalisme est en outre resté la seule raison d'être du parti radical ; l'évolution de ces dernières trente années, l'essor pris par le socialisme a rendu vain tout son ancien programme."[2]

4 En savoir plus

Anticléricalisme et socialisme sur la Bibliothèque internationale de la gauche communiste

1905-2005 : Cent ans après le vote des lois laïques

5 Notes et sources

  1. Mais pas systématiquement, par exemple il existe des mouvements religieux organisés sans clergé comme les quakers.
  2. 2,0 et 2,1 Rosa Luxemburg, Le socialisme en France, page 213-214, éditions Belfond.
  3. Karl Marx, Le Capital, Livre I, Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste, I., 1867
  4. Paul Lafargue, avant propos du Droit à la paresse