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== Introduction ==
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'''[[File:État CRS Soldat.png|right|238x239px|État CRS Soldat.png]]'''L’'''État''' est une structure sociale, politique et juridique qui organise la [[Société|société]]. Il est la forme politique élaborée qui sert de pérennisation au pouvoir de la [[Classe_dominante|classe dominante]]. La forme de l'État est donc déterminée par les conditions historiques et la [[Lutte_des_classes|lutte des classes]].
  
Des organisations comme la [[LCR|LCR]], [[LO|LO]], le [[NPA|NPA]]... participent aujourd’hui de manière régulière aux élections, ont des élus dans les collectivités locales... Elles doivent donner des réponses à celles et ceux qui nous demandent à quelles conditions nous sommes prêts à être dans un gouvernement, ou encore comment nous voyons une autre manière de gouverner. Peut-on, sans changer cet Etat qui existe dans la société capitaliste, accumuler des réformes progressives qui permettraient de passer pacifiquement au socialisme ? En effet il serait assez facile pour les travailleurs d’enlever le pouvoir à la bourgeoisie, de l’exproprier, d’abolir la propriété privée s’ils n’avaient à combattre qu’une classe sociale extrêmement minoritaire et si celle-ci était prête à accepter de perdre ses privilèges sans se défendre par tous les moyens. Mais la classe dominante s’appuie pour maintenir sa domination sur l’Etat, c’est-à-dire la police, l’armée, la justice, les institutions politiques. Et il faudra radicalement changer ces instruments aujourd’hui au service de la bourgeoisie pour que les travailleurs dirigent effectivement la société. L’Etat bourgeois est d’autant plus difficile à combattre qu’il est présenté par la classe dirigeante comme étant impartial, au-dessus des classes, de la masse des citoyens. Il faut combattre cette fiction d’un Etat au service de tous et l’analyse marxiste de l’Etat nous permet de le faire.
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== Caractéristiques principales de l'État ==
  
Quelles formes différentes a-t-il pris durant l’histoire, pourquoi ? Quelles formes pourrait-il prendre après la prise du pouvoir par les travailleurs ? D’où vient l’Etat ?
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Tous les États partagent les caractéristiques suivantes :
  
== D’où vient l’Etat ? ==
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*une armée distincte de la masse des citoyens armés ;
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*des juges distincts de la masse des citoyens jugeant leur semblables ;
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*des chefs héréditaires, des rois, etc. ;
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*des administrateurs : mandarins, scribes, bureaucrates, etc. ;
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*des producteurs d’idéologie : prêtres, enseignants, philosophes, etc.
  
Des sociétés humaines ont vécu et se sont développées sans avoir constitué une administration spéciale, un corps de fonctionnaires chargé des « affaires publiques ». Dans ces sociétés sans classes ni Etat (qu’il ne faut pas idéaliser, à cause de la pauvreté, de l’ignorance, des peurs, des croyances, et de la domination des aînés, des hommes sur les femmes… etc.), chacun portait des armes, participait aux assemblées qui prenaient des décisions concernant la vie collective et les rapports de la communauté avec le monde extérieur, réglaient les conflits personnels. L’Etat naît lorsque des fonctions qui étaient exécutées par l’ensemble des membres de la collectivité passent dans les mains d’un groupe d’hommes séparé : - une armée distincte de la masse des citoyens armés, - des juges distincts de la masse des citoyens jugeant leur semblables, - des chefs héréditaires, des rois, etc…, à la place de représentants désignés temporairement et révocables, - des administrateurs : mandarins, scribes, bureaucrates, etc, - des producteurs d’idéologie : prêtres, enseignants, philosophes, etc . Cela devient possible avec l’agriculture, l’élevage et le développement de l’artisanat. Cet accroissement des forces productives permet l’apparition d’un surproduit social. Une minorité s’approprie alors une part de ces richesses produites. Des classes différentes commencent à apparaître, avec un appauvrissement marqué pour les couches inférieures, très évident dans les sociétés où l’essentiel de la production est assuré par des esclaves, comme en Egypte, en Grèce ou à Rome. C’est au moment où une catégorie de gens commence à avoir intérêt à exercer une contrainte, une coercition sur le reste de la société que l’Etat commence à se former : « en dernière instance, l’Etat est une bande d’hommes armés » Mais une société de classe qui ne subsisterait que par la violence armée se trouverait en Etat de guerre civile permanente, en état de crise extrême. Pour consolider la domination d’une classe sur une autre, il est donc indispensable que les producteurs, les membres de la classe exploitée, soient amenés à accepter comme inévitable et juste le fait que la minorité s’approprie les richesses produites. Dans une société de classes, l’Etat est toujours celui de la classe dominante. Dans la société capitaliste, l’Etat est celui de la bourgeoisie.  
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Toutefois, toutes ces caractéristiques ne se valent pas entre États, et peuvent varier fortement : il est évident que le pouvoir militaire est quasi-inexistant au Vatican, quand bien même ce dernier est formellement reconnu comme État...
  
== Les grandes fonctions de l’Etat bourgeois ==
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== Communisme primitif ==
  
=== Fonction répressive ===
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Les sociétés humaines ont vécu et se sont développées sans avoir constitué une administration spéciale, un corps de fonctionnaires chargé des « affaires publiques ». Dans ces sociétés sans [[Classes_sociales|classes]] ni État que l'on peut appeler "[[Communisme_primitif|communisme primitif]]" (qu’il ne faut pas idéaliser, à cause de la pauvreté, de l’ignorance, des peurs, des croyances, et de la domination des aînés, des hommes sur les femmes, etc.), chacun portait des armes, participait aux assemblées qui prenaient des décisions concernant la vie collective et les rapports de la communauté avec le monde extérieur, réglaient les conflits personnels.
  
C’est historiquement la première des fonctions de l’Etat. Pour défendre la propriété privée, la bourgeoisie ne peut laisser aux travailleurs l’usage des armes et de la force, elle doit désarmer la population et disposer du monopole de la force publique. Elle constitue des corps spéciaux de répression, armée, police…, distincts de la population et isolés de celleci. Eux seuls peuvent réellement cantonner, si possible par la dissuasion, les luttes sociales dans des limites supportables par la propriété capitaliste. L’armée a également pour rôle de défendre, le cas échéant, les intérêts de chaque bourgeoisie face aux intérêts des autres classes dominantes ou des peuples en lutte pour leur liberté. Le système judiciaire et pénitentiaire a pour but principal la lutte contre les atteintes à la propriété privée.
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{{Voir|Communisme primitif}}<!--cke_bookmark_61S--><!--cke_bookmark_61E-->
  
=== Fonction idéologique ===
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== Origine de l’État ==
  
Mais la violence seule ne suffit pas pour maintenir une société inégalitaire. Les capitalistes cherchent à ce que les travailleurs acceptent comme inévitable et juste le fait qu’ils sont exploités. La plupart des individus réfléchissent à leur situation à l’aide d’idées apprises à l’école ou l’église, empruntées à la TV, aux journaux. La production d’idées, ou de système d’idées appelées idéologies est limitée&nbsp;: c’est une petite minorité de la société qui a le pouvoir de le faire. Dans chaque société, l’idéologie dominante est celle de la classe dominante. Depuis les prêtres et sorciers des temps anciens jusqu’aux journalistes, aux universitaires, aux institutions diverses d’aujourd’hui, l’idéologie est fabriquée et diffusée par des gens rétribués pour cette fonction. Même s’il existe dans les institutions étatiques des tensions politiques en relation avec les luttes de classe dans la société, leur fonction essentielle demeure. C’est ainsi que dans la société bourgeoise, l’idéologie dominante présente les citoyens comme tous égaux devant un Etat impartial, garant du respect de la devise républicaine «&nbsp;liberté, égalité, fraternité&nbsp;». En réalité, le pouvoir du citoyen se réduit à l’usage occasionnel du bulletin de vote. Ses droits civiques sont limités par un droit supérieur, le droit de propriété de ceux qui possèdent les moyens de production et d’échange. La réalité de la société capitaliste, c’est que tout est fait pour atomiser l’individu, le réduire à n’être qu’un électeur ou un consommateur parmi tant d’autres. La réalité de l’entreprise capitaliste où travaillent 8 heures par jour des salariés, c’est un lieu où règne le pouvoir patronal absolu, où n’existe pas la démocratie. La fiction selon laquelle tous sont égaux devant l’Etat a pour but de faire croire à la population qu’un ordre naturel, indispensable, inévitable, se place au dessus de la société et guide ses pas, et que tous doivent s’y plier. Il s’agit de veiller à ce que l’individu ne prenne pas conscience de sa communauté d’intérêts avec les autres exploité-e-s et dominés-e-s, comme travailleurs, comme femmes, comme jeunes… En dernière instance, la fonction idéologique de l’Etat est d’empêcher les exploité-e-s de prendre conscience de leur situation et de leurs intérêts réels .
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=== Découvertes techniques et surproduit social ===
  
=== Fonction économique ===
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L’agriculture, l’élevage et le développement de l’artisanat, rendus possibles par la maîtrise de la technique et de la nature par l'homme, ont modifié profonde son organisation sociale. En accroissant les forces productives, un surproduit social est apparu en même temps que la [[Division_du_travail|division du travail]]. Cela a conduit à des différentiations en [[Classes_sociales|classes sociales]] distinctes et notamment à une [[Classe_dominante|classe dominante]] qui s’approprie alors une part de ces richesses produites.
  
Les capitalistes sont divisés par la concurrence. Le libre fonctionnement du marché oriente la production vers le profit immédiat de chaque patron. Or le développement du capitalisme exige - que des productions non immédiatement rentables soient assurées&nbsp;: énergie, communications, transports, etc.. Pour mettre en place ces activités il faut des investissements supérieurs à ce que peuvent fournir des capitaux privés, - une police des marchés, de l’argent et du crédit. C’est l’Etat qui définit et met en oeuvre la politique économique qui permet ce développement, qui assure ces fonctions. La bourgeoisie a donc besoin d’un arbitre, d’une structure qui dépasse les intérêts immédiats et corporatistes&nbsp;: les sommets de l’appareil d’Etat assument plus ou moins bine cette fonction
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=== Domination et légitimation ===
  
=== Ces fonctions peuvent s’appliquer de manière très différente selon les rapports de force et les besoins de la bourgeoisie. ===
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L’État naît avec la société de classes, il est nécessaire en tant que force de la [[Classe_dominante|classe dominante]] pour maintenir l'organisation contradictoire de la [[Société|société]] et la [[Domination|domination]]. C'est pourquoi «&nbsp;en dernière instance, l’État est une bande d’hommes armés&nbsp;» ([[Friedrich_Engels|Engels]]). Des fonctions qui étaient exécutées par l’ensemble des membres de la collectivité passent dans les mains d’un groupe d’hommes séparé (des fonctionnaires, une armée...). En même temps que la force, des [[Idéologie_dominante|idéologies dominantes]] naissent pour légitimer l'ordre existant. (les [[Religion|religions]] deviennent un enjeu d'État, etc...)
  
La contestation de la classe ouvrière au XX° siècle a amené la bourgeoisie à acheter la paix sociale pour rester au pouvoir. Par exemple en France, la bourgeoisie à la fin de la seconde guerre mondiale, face à une grande combativité ouvrière inquiétante pour son pouvoir, a préféré concéder la création de services publics et de la sécurité sociale. Mais ces conquêtes partielles du mouvement ouvrier, si elles ont modifié notablement le rôle de l’Etat dans les dernières décennies, n’en ont pas changé la nature. Lorsque le rapport de forces devient moins favorable aux travailleurs, la bourgeoisie remet en cause ces «&nbsp;avantages acquis&nbsp;», et particulièrement les acquis non étatiques, comme la sécurité sociale dans laquelle à l’origine était géré par des représentants des salariés une part socialisé du salaire. Aujourd’hui, les politiques bourgeoises cherchent à remodeler le rôle de l’Etat&nbsp;: - les fonctions économiques et sociales doivent être réduites au profit du libre fonctionnement du marché, pour diminuer autant que possible la masse salariale. Tout ce qui est rentable doit être privatisé. Sur ce qui n’est pas rentable, on fait le maximum d’économies. Toutes les règles qui mettent du sable dans les rouages du capitalisme (le code du travail) doivent être assouplies. - par contre, il n’y a aucun déclin dans la fonction répressive de l’Etat.
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=== Autres interprétations ===
  
== Les différentes formes de l’Etat capitaliste Tous différents, tous pour défendre les intérêts des capitalistes ==
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Plusieurs autres interprétations de l'origine de l'État existent&nbsp;:
  
Au XIX° siècle, il n’était pas difficile d’expliquer aux travailleurs que l’Etat n’était pas «&nbsp;neutre&nbsp;» dans la lutte de classes, mais était un instrument de défense des intérêts du capital contre ceux du travail. Seule la bourgeoisie avait le droit de vote et les parlementaires, juges, hauts officiers, hauts fonctionnaires, évêques, tous venaient de la même classe sociale, tous étaient liés entre eux par les liens d’intérêt. Dès que les ouvriers se mettaient en grève, on envoyait les gendarmes ou l’armée, on leur tirait dessus, on les emprisonnait.
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*certains, et c'est notamment la vision "courante", ne voient pas qu'il y a un saut qualitatif entre les premiers chefs de tribus et les chefs des sociétés de classe. Dans cette vision, l'État est présent de tout temps, et serait expliqué pêle-mêle par la violence universelle de la nature humaine, la nécessité d'avoir des dirigeants, ou encore par des inégalités naturelles entre hommes&nbsp;;
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*parmi ceux qui raisonnent en terme de classes, certains pensent que celles-ci sont d'abord venues de conquêtes et d'asservissement de peuples par d'autres peuples. Cette vision ne repose donc pas sur une base socio-économique (la division du travail), et considère que les classes ont été créées par des actes politiques. C'est ce qu'on notamment défendu Eugen Dühring, Ludwig Gumplowicz ou Franz Oppenheimer.<ref name="boukharine">N. Boukharine, [https://www.marxists.org/francais/boukharine/works/1916/00/etat.htm Contribution à une théorie de l'Etat impérialiste], 1916</ref>
  
=== La démocratie parlementaire ===
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== Fonctions socialement utiles ==
  
Cette situation se modifie lorsque le mouvement ouvrier moderne prend son essor, arrache par des luttes très importantes le suffrage universel (d’abord seulement pour les hommes adultes) et les libertés d’organisation, de réunion, de grève, de manifestation, de presse, etc…. La conquête des libertés démocratiques permet à ce mouvement ouvrier de s’organiser, d’acquérir de l’assurance, de peser dans les rapports de force. Trotsky parle des «&nbsp;cellules de démocratie prolétarienne au sein de la démocratie bourgeoise&nbsp;» que représentent les organisations de masse de la classe ouvrière, la tenue de congrès, de manifestations, l’organisation de grèves, la possibilité d’avoir sa presse, ses loisirs, etc. Mais c’est précisément parce que ces libertés démocratiques revêtent une importance capitale, qu’il importe de saisir les limites de la démocratie parlementaire bourgeoise même la plus avancée. - C’est une démocratie indirecte&nbsp;: seuls quelques dizaines de milliers d’élus participent à la gestion de l’Etat. L’écrasante majorité des citoyens est exclue d’une telle participation, son seul pouvoir est de déposer un bulletin de vote dans une urne tous les 5 ou 6 ans. - L’égalité politique dans une démocratie bourgeoise n’existe pas vraiment, elle est formelle. Formellement le pauvre et le riche détiennent le même droit de fonder un journal, d’acheter un temps d’émission à la télé. Seul le riche jouit de ces droits, peut influencer les électeurs, voire même tenir des journalistes qui dépendent de lui, des parlementaires par son poids financier. A quoi pourrait servir une égalité politique entre le riche et le pauvre, tant qu’existe une inégalité économique et sociale énorme, qui va en augmentant&nbsp;? Pour la bourgeoisie, le système parlementaire vise à fournir une légitimité à l’Etat, à asseoir un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus de la société, doit masquer le conflit entre classes antagoniques. Mais cette classe minoritaire et exploiteuse ne peut laisser à la population l’accès direct aux décisions politiques&nbsp;: elle doit donc limiter au maximum l’impact de la représentation populaire et la stériliser. Elle arrive à ses fins par&nbsp;: - la séparation entre les élus du parlement et ceux qui exercent la gestion directe de l’Etat&nbsp;: le gouvernement, - parfois l’existence d’une seconde chambre élues au suffrage indirect ( «&nbsp;grands électeurs&nbsp;»), - la manipulation des lois électorales pour éliminer les contestataires du système, - la construction d’institutions permanentes, non électives, non contrôlables, dans lesquelles les hauts fonctionnaires sont choisis pour leur fidélité aux intérêts de la bourgeoisie après une longue sélection (écoles, concours, promotions, etc..). Il faut noter que, dans la période récente, comme si tout cela ne suffisait pas, la tendance à la réduction du parlement s’est accentuée dans tous les grands pays capitalistes&nbsp;: - le pouvoir de l’exécutif s’est beaucoup renforcé . En France, cela passe par le Président de la République. Mais, partout, les gouvernements cherchent à rendre le minimum de comptes aux parlements, - des institutions soit disant indépendantes ont été mises en place, comme la Banque centrale européenne qui n’a aucun compte à rendre aux élus. Y compris dans les démocraties parlementaires, la nature de classe apparaît clairement&nbsp;: - lorsqu’on examine son rôle répressif dans les conflits sociaux où la police intervient pour casser les piquets de grève, faire évacuer les usines occupées par les grévistes, disperser les manifestations. On ne connaît pas de cas où la police intervienne pour arrêter les patrons qui licencient, qui organisent la vie chère ou la fraude fiscale. Les défenseurs de l’Etat bourgeois nous diront que c’est parce que les ouvriers violaient la loi…mais c’est parce que la loi est une loi bourgeoise qui protège la propriété capitaliste, que les forces de répression sont au service de cette propriété et qu’elles se comportent très différemment selon que ce sont les ouvriers ou les capitalistes qui commettent des violations formelles de la loi . - lorsqu’on examine ce qui s’est passé dans toutes les expériences où les élections ont permis la mise en place de gouvernements dont la politique ne convenait pas à la bourgeoisie (comme au Chili en 1969). Ces gouvernements ont vite constaté qu’ils ne maîtrisaient pas vraiment l’Etat&nbsp;: la haute administration et l’armée sabotaient les décisions, favorisaient la fuite des capitaux, etc. Et si les gouvernements en question ne s’alignaient pas, les sommets de l’Etat passaient à l’étape suivante&nbsp;: le coup d’Etat militaire, comme au Chili en 1973, en Espagne en 1936.  
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L'État a endossé des fonctions qui sont socialement utiles, et qui se retrouvent entremêlées avec les fonctions de domination de classe.
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<blockquote>''«''&nbsp;[le but de l<span class="st">'État</span>] doit être défini par les intérêts des classes dirigeantes et seulement par ces intérêts. Cette situation n'est en rien contredite par le fait que l'<span class="st">État</span> rem''plit, et a rempli, une variété de fonctions socialement utiles.&nbsp;»'' <ref name="boukharine" /></blockquote>
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En fait, la présence de ces fonctions socialement utiles est une condition nécessaire pour l'existence et la stabilité d'un État. Par exemple, les institutions de police et de justice, si elles sont fondamentalement inégalitaires, peuvent rendre des actes "justes", notamment dans des conflits qui opposent des personnes de même classe. La condamnation de la violence ou du vol entre personnes de même rang est reconnue légitime par l'ensemble de la société.
  
=== Dictatures, Etats fascistes et démocratie ===
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Les classes dirigeantes ont également utilisé l'État pour impulser de nombreuses activités qui peuvent paraître généreuses, mais qui sont en réalité dans leur intérêt&nbsp;:
  
Plus stable est la société capitaliste, plus elle peut se permettre le luxe d’accorder des libertés démocratiques aux opprimés. Plus elle est instable et secouée par des crises profondes, plus elle doit exercer le pouvoir politique par la voie de la violence&nbsp;: la répression monte à l’avant-plan de la scène politique. Ainsi l’histoire est parsemée de diverses expériences de suppression de libertés démocratiques des travailleurs&nbsp;: dictatures militaires, voire le fascisme comme forme la plus brutale d’atomisation de la classe ouvrière. Ces types d’Etats, malgré leurs grandes différences, ont un point commun&nbsp;: être au service de la même classe dominante, la bourgeoisie. Cela ne veut pas dire que l’on soit indifférent à la forme que prend l’Etat bourgeois. Nous distinguons la démocratie parlementaire de la dictature militaire ou du fascisme, nous défendons les formes de liberté d’expression et d’organisation que permet la démocratie bourgeoise face aux dangers militaires ou fascistes, nous nous opposons à toute tentative de les limiter. Plus les travailleurs, les opprimés jouissent de liberté pour s’organiser, réfléchir, penser, défendre leurs idées, plus naissent les germes de la future société. Dans les Etats capitalistes, comme la France, nous sommes en faveur de toutes les mesures&nbsp;: - qui réduisent les pouvoirs de l’exécutif et le mettent sous le contrôle du Parlement. Ainsi, nous sommes pour la remise en cause des pouvoirs du président de la République&nbsp;; - qui introduisent plus de démocratie dans les parlements&nbsp;: élections fréquentes, élections à la proportionnelle, réduction des salaires des élus, etc. - qui permettent de la transparence dans toutes les décisions et actions du gouvernement, des élus et de l’administration. Mais nous n’avons pas d’illusions, pour mettre en place une société socialiste il faudra aller plus loin.  
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*éducation&nbsp;: afin de bénéficier d'administrateurs ou cadres formés, puis de plus en plus pour les besoins en travailleurs qualifiés&nbsp;;
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*infrastructures&nbsp;: afin de faciliter les communications de l'État, les transports commerciaux ou militaires&nbsp;;
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*droit du travail&nbsp;: afin d'éviter une surexploitation affaiblissant trop les potentiels soldats (c'est notamment ce qui a été la motivation première des premières lois sociales en Angleterre<ref>Friedrich Engels, [https://www.marxists.org/francais/engels/works/1845/03/fe_18450315.htm ''La situation de la classe laborieuses en Angleterre''], 1845</ref>).  
  
== Les expériences du mouvement ouvrier ==
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Depuis l'origine, l'[[Idéologie_dominante|idéologie dominante]] présente l'État comme garant de l'[[Intérêt_général|intérêt général]]. Le code de Hammurabi, en 1750 av. JC en Mésopotamie, annonçait que le but de l'Etat était ''«&nbsp;d'établir la loi dans le pays, d'éliminer la méchanceté et le mal, afin que le fort ne fasse plus de tort au faible&nbsp;»''. L'idéal de l'État basé sur le "contrat social" ([[Rousseau|Rousseau]]) ne fait que reprendre cette idée.
  
Les périodes révolutionnaires se caractérisent souvent par la création d’instances de débat et d’action permettant aux travailleurs d’agir&nbsp;: des soviets, des conseils, des AG, des comités de grève, etc. Ces instances permettent de dépasser la séparation entre le producteur et le citoyen. Elles sont les embryons d’un Etat alternatif. Nous devons tout faire pour favoriser ces lieux d’auto-organisation qui sont les plus à même de constituer au moment de la révolution, les instances d’un Etat de type nouveau, à même de commencer à dépérir dès sa naissance. Elles sont un lieu privilégié d’éducation des travailleurs et de la population à la prise en charge de leurs affaires par eux-mêmes, et donc de commencer à dessiner la société future. Lorsque ces instances se fédèrent et se dotent d’une direction, elles contestent le pouvoir de l’Etat bourgeois. Il se crée alors un double pouvoir&nbsp;: le pouvoir ouvrier conteste celui de la bourgeoisie, lui dispute sa légitimité. Se pose alors le problème de construire un nouvel Etat à partir de ces formes d’auto-organisation de la classe ouvrière et des formes anciennes de l’organisation de l’Etat. Le débat est ouvert dans notre courant sur ce sujet&nbsp;: faudra-t-il ou pas conserver d’anciennes formes de représentation, et si tel est le cas, comment articuler l’ensemble&nbsp;? Cet Etat doit être un Etat facilement et directement contrôlable par la majorité de la population, et la durée du travail doit être réduite de manière importante, non seulement pour éradiquer le chômage, mais encore et surtout pour permettre à chacun(e) d’avoir le temps de réfléchir et de débattre des affaires de la société. Il doit donc&nbsp;: - donner le pouvoir réel à la représentation de la population, - réduire au maximum la machine administrative, - instituer l’élection et la révocabilité non seulement de tous les élus, mais aussi des hauts fonctionnaires, - donner la possibilité à tous d’accéder aux fonctions Etatiques, - limiter les salaires et avantages des gestionnaires de l’Etat, qui ne doivent pas dépasser ceux d’un travailleur moyen.  
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L'État peut aussi endosser des fonctions qui ne sont pas utiles à la [[Classe_dominante|classe dominante]] sous la pression de la [[Lutte_de_classe|lutte de classe]]. Par exemple, une grande partie des acquis sociaux (congés payés, sécurité sociale, retraite...) ont été arrachés par de grandes luttes des travailleurs, et les [[Capitalistes|capitalistes]] cherchent en permanence à réduire cette composante.
  
== Conclusion ==
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== Evolutions historiques ==
  
Nous ne refusons pas par principe de participer à un gouvernement. Mais notre objectif n’est pas de prendre le pouvoir dans l’Etat actuel, même pas de réformer l’Etat existant. Pour construire le pouvoir des travailleurs, il faudra démanteler cet Etat bourgeois et construire une autre manière de gérer la société. Une manière qui assure les fonctions socialement nécessaires qu’il remplit très imparfaitement aujourd’hui, en mettant au centre les besoins de la population et en faisant en sorte que le gouvernement soit exercé par la population elle-même. De ce point de vue, les revendications démocratiques que nous mettons en avant visent surtout à renforcer les capacités d’action et d’organisation des organisations populaires et ouvrières. Nous voulons mettre en place une démocratie socialiste fondée sur un autre Etat. Il faut garder ouverte la question de savoir ce qui proviendra de l’Etat ancien et ce qui proviendra de formes issues du processus révolutionnaire lui-même. Il est en effet probable que le processus révolutionnaire lui-même produise des formes de démocratie à la base de ce nouvel Etat. La construction de lieux d’auto-organisation du mouvement ouvrier est essentielle même dans des phases non révolutionnaires comme instance de remise en cause de l’hégémonie de la bourgeoisie et de son Etat. Le but du socialisme est la disparition des classes sociales, et donc de tout appareil de répression. L’avancée du socialisme se mesurera donc au recul de l’Etat dans le fonctionnement de la société. Notre objectif final, le communisme, est une société qui continuera à discuter démocratiquement mais qui n’aura plus besoin d’Etat. L’établissement de cette société nécessite une évolution de long terme. Nous avons, en tant que marxistes, la responsabilité de réfléchir à la forme de l’Etat ouvrier que nous voulons pour approfondir la démocratie&nbsp;: il faut construire un Etat ouvrier qui puisse commencer à dépérir dès sa naissance, qui ne permette pas, comme cela a été le cas en URSS la consolidation d’une bureaucratie privilégiée
+
Des classes différentes commencent à apparaître, avec un appauvrissement marqué pour les couches inférieures, très évident dans les sociétés où l’essentiel de la production est assuré [[Esclavagisme|par des esclaves]], comme en Egypte, en Grèce ou à Rome. Dans la société actuelle, c'est ce que l'on appelle l’[[État_bourgeois|État bourgeois]] qui est le garant du [[Capitalisme|capitalisme]].
  
== Bibliographie ==
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[[Marx|Marx]] reconnaissait toutefois que l'État est une structure qui connaît, même au sein d'un [[Mode_de_production|mode de production]] donné, une grande variété de formes.
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<blockquote>''«&nbsp;La "société existante", c’est la société capitaliste qui existe dans tous les pays civilisés, plus ou moins libérée des vestiges du moyen âge, plus ou moins modifiée par le développement historique particulier à chaque pays. En revanche, l’''<span class="st">État</span> ''"existant" change avec la frontière de chaque pays. Dans l’empire Prusso-Allemand il est autre qu’en Suisse, en Angleterre ou aux '' <span class="st">État</span>s''-Unis. L"''<span class="st">État</span> ''existant" c’est donc une fiction.&nbsp;»''<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/1875/05/18750500.htm ''Critique du programme de Gotha''], 1875</ref></blockquote>
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[[Boukharine|Boukharine]] considérait en 1915 que la [[Centralisation_du_capital|centralisation du capital]] tendait vers des [[Trusts|trusts]] nationaux en concurrence entre eux ([[Impérialisme|impérialisme]]), ce qu'il appelait le [[Capitalisme_d'État|capitalisme d'<span class="st">État</span>]]. Cette thèse a fortement inspiré [[Lénine|Lénine]]. Boukharine avançait également que l'<span class="st">État</span> devenant un patron direct, la fiction d'un <span class="st">État</span> neutre, au dessus des classes, disparaîtrait.<ref>Boukharine, ''[https://www.marxists.org/archive/bukharin/works/1917/imperial/index.htm Imperialism and World Economy]', 1915'</ref>
  
*
+
== L'État impérialiste ==
  
F. Engels: «&nbsp;L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat&nbsp;» (notamment chapitre - barbarie et civilisation).  
+
L'État est non seulement le garant de l'exploitation au sein du peuple qu'il organise, mais il est aussi souvent le garant du pillage d'autres peuples. C'est ce que l'on appelle l'[[Impérialisme|impérialisme]], au sens large.
  
*Marx: «La guerre civile en France&nbsp;»
+
== Perspective marxiste ==
*Lénine: «l’Etat et la révolution&nbsp;»
 
*Mandel: «introduction au marxisme&nbsp;» et «démocratie socialiste et dictature du prolétariat&nbsp;»
 
*'''Blanqui ''': [http://www.marxists.org/francais/blanqui/1851/blanqui_toast_londres.htm Le toast de Londres]
 
  
[[Category:Bases_théoriques]][[Category:Capitalisme]][[Category:Politique_révolutionnaire]]
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=== État ouvrier ===
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Pour Marx, l'épisode du Printemps des Peuples et plus encore celui de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris]] lui prouvèrent la nécessité de détruire la machinerie d'<span class="st">État</span> bourgeoise et de la remplacer par une véritable [[Démocratie_ouvrière|démocratie ouvrière]]. Il était contre cependant les visions [[Anarchistes|anarchistes]], qu'il jugeait métaphysiques, et étapistes, qui privilégiaient la collaboration de classes à l'action révolutionnaire. Plus tard, la nécessité de construire un tel <span class="st">État</span> sera réaffirmée par [[Lénine|Lénine]] et les [[Bolchéviks|bolchéviks]] au cours de la [[Révolution_de_1917|Révolution de 1917]].
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{{voir|Etat ouvrier}}
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=== Fin de l'État ===
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De nombreux militants révolutionnaires inscrivent aujourd'hui leur lutte dans la perspective de la fin de l'État, entrevoyant une [[Société|société]] libérée de toute [[Domination|domination]] et en particulier de la violence étatique. Mais les descriptions des chemins à suivre pour parvenir à cette fin de l'État sont différentes, entre par exemple les [[Anarchisme|anarchistes]] qui revendiquent l'''abolition de l'État'', de façon un peu [[Métaphysique|métaphysique]], et les [[Marxisme|marxistes]] qui parlent plutôt d'[[Extinction_de_l'État|''extinction de l'État'']] dans la phase supérieure du [[Communisme|communisme]].
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{{voir|Extinction de l'Etat}}
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== Voir aussi ==
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*[[Démocratie_bourgeoise|Démocratie bourgeoise]]
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*[[Démocratie_ouvrière|Démocratie ouvrière]]  
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*[[Fascisme|Fascisme]]
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== Notes et sources ==
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Lénine, [https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/07/19190711.htm ''De l'État''], conférence faite le 11 juillet 1919 à l'université Sverdlov
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[[Catégorie:Théorie]]

Version du 8 novembre 2020 à 22:23

État CRS Soldat.png

L’État est une structure sociale, politique et juridique qui organise la société. Il est la forme politique élaborée qui sert de pérennisation au pouvoir de la classe dominante. La forme de l'État est donc déterminée par les conditions historiques et la lutte des classes.

1 Caractéristiques principales de l'État

Tous les États partagent les caractéristiques suivantes :

  • une armée distincte de la masse des citoyens armés ;
  • des juges distincts de la masse des citoyens jugeant leur semblables ;
  • des chefs héréditaires, des rois, etc. ;
  • des administrateurs : mandarins, scribes, bureaucrates, etc. ;
  • des producteurs d’idéologie : prêtres, enseignants, philosophes, etc.

Toutefois, toutes ces caractéristiques ne se valent pas entre États, et peuvent varier fortement : il est évident que le pouvoir militaire est quasi-inexistant au Vatican, quand bien même ce dernier est formellement reconnu comme État...

2 Communisme primitif

Les sociétés humaines ont vécu et se sont développées sans avoir constitué une administration spéciale, un corps de fonctionnaires chargé des « affaires publiques ». Dans ces sociétés sans classes ni État que l'on peut appeler "communisme primitif" (qu’il ne faut pas idéaliser, à cause de la pauvreté, de l’ignorance, des peurs, des croyances, et de la domination des aînés, des hommes sur les femmes, etc.), chacun portait des armes, participait aux assemblées qui prenaient des décisions concernant la vie collective et les rapports de la communauté avec le monde extérieur, réglaient les conflits personnels.

🔍 Voir : Communisme primitif.

3 Origine de l’État

3.1 Découvertes techniques et surproduit social

L’agriculture, l’élevage et le développement de l’artisanat, rendus possibles par la maîtrise de la technique et de la nature par l'homme, ont modifié profonde son organisation sociale. En accroissant les forces productives, un surproduit social est apparu en même temps que la division du travail. Cela a conduit à des différentiations en classes sociales distinctes et notamment à une classe dominante qui s’approprie alors une part de ces richesses produites.

3.2 Domination et légitimation

L’État naît avec la société de classes, il est nécessaire en tant que force de la classe dominante pour maintenir l'organisation contradictoire de la société et la domination. C'est pourquoi « en dernière instance, l’État est une bande d’hommes armés » (Engels). Des fonctions qui étaient exécutées par l’ensemble des membres de la collectivité passent dans les mains d’un groupe d’hommes séparé (des fonctionnaires, une armée...). En même temps que la force, des idéologies dominantes naissent pour légitimer l'ordre existant. (les religions deviennent un enjeu d'État, etc...)

3.3 Autres interprétations

Plusieurs autres interprétations de l'origine de l'État existent :

  • certains, et c'est notamment la vision "courante", ne voient pas qu'il y a un saut qualitatif entre les premiers chefs de tribus et les chefs des sociétés de classe. Dans cette vision, l'État est présent de tout temps, et serait expliqué pêle-mêle par la violence universelle de la nature humaine, la nécessité d'avoir des dirigeants, ou encore par des inégalités naturelles entre hommes ;
  • parmi ceux qui raisonnent en terme de classes, certains pensent que celles-ci sont d'abord venues de conquêtes et d'asservissement de peuples par d'autres peuples. Cette vision ne repose donc pas sur une base socio-économique (la division du travail), et considère que les classes ont été créées par des actes politiques. C'est ce qu'on notamment défendu Eugen Dühring, Ludwig Gumplowicz ou Franz Oppenheimer.[1]

4 Fonctions socialement utiles

L'État a endossé des fonctions qui sont socialement utiles, et qui se retrouvent entremêlées avec les fonctions de domination de classe.

« [le but de l'État] doit être défini par les intérêts des classes dirigeantes et seulement par ces intérêts. Cette situation n'est en rien contredite par le fait que l'État remplit, et a rempli, une variété de fonctions socialement utiles. » [1]

En fait, la présence de ces fonctions socialement utiles est une condition nécessaire pour l'existence et la stabilité d'un État. Par exemple, les institutions de police et de justice, si elles sont fondamentalement inégalitaires, peuvent rendre des actes "justes", notamment dans des conflits qui opposent des personnes de même classe. La condamnation de la violence ou du vol entre personnes de même rang est reconnue légitime par l'ensemble de la société.

Les classes dirigeantes ont également utilisé l'État pour impulser de nombreuses activités qui peuvent paraître généreuses, mais qui sont en réalité dans leur intérêt :

  • éducation : afin de bénéficier d'administrateurs ou cadres formés, puis de plus en plus pour les besoins en travailleurs qualifiés ;
  • infrastructures : afin de faciliter les communications de l'État, les transports commerciaux ou militaires ;
  • droit du travail : afin d'éviter une surexploitation affaiblissant trop les potentiels soldats (c'est notamment ce qui a été la motivation première des premières lois sociales en Angleterre[2]).

Depuis l'origine, l'idéologie dominante présente l'État comme garant de l'intérêt général. Le code de Hammurabi, en 1750 av. JC en Mésopotamie, annonçait que le but de l'Etat était « d'établir la loi dans le pays, d'éliminer la méchanceté et le mal, afin que le fort ne fasse plus de tort au faible ». L'idéal de l'État basé sur le "contrat social" (Rousseau) ne fait que reprendre cette idée.

L'État peut aussi endosser des fonctions qui ne sont pas utiles à la classe dominante sous la pression de la lutte de classe. Par exemple, une grande partie des acquis sociaux (congés payés, sécurité sociale, retraite...) ont été arrachés par de grandes luttes des travailleurs, et les capitalistes cherchent en permanence à réduire cette composante.

5 Evolutions historiques

Des classes différentes commencent à apparaître, avec un appauvrissement marqué pour les couches inférieures, très évident dans les sociétés où l’essentiel de la production est assuré par des esclaves, comme en Egypte, en Grèce ou à Rome. Dans la société actuelle, c'est ce que l'on appelle l’État bourgeois qui est le garant du capitalisme.

Marx reconnaissait toutefois que l'État est une structure qui connaît, même au sein d'un mode de production donné, une grande variété de formes.

« La "société existante", c’est la société capitaliste qui existe dans tous les pays civilisés, plus ou moins libérée des vestiges du moyen âge, plus ou moins modifiée par le développement historique particulier à chaque pays. En revanche, l’État "existant" change avec la frontière de chaque pays. Dans l’empire Prusso-Allemand il est autre qu’en Suisse, en Angleterre ou aux États-Unis. L"État existant" c’est donc une fiction. »[3]

Boukharine considérait en 1915 que la centralisation du capital tendait vers des trusts nationaux en concurrence entre eux (impérialisme), ce qu'il appelait le capitalisme d'État. Cette thèse a fortement inspiré Lénine. Boukharine avançait également que l'État devenant un patron direct, la fiction d'un État neutre, au dessus des classes, disparaîtrait.[4]

6 L'État impérialiste

L'État est non seulement le garant de l'exploitation au sein du peuple qu'il organise, mais il est aussi souvent le garant du pillage d'autres peuples. C'est ce que l'on appelle l'impérialisme, au sens large.

7 Perspective marxiste

7.1 État ouvrier

Pour Marx, l'épisode du Printemps des Peuples et plus encore celui de la Commune de Paris lui prouvèrent la nécessité de détruire la machinerie d'État bourgeoise et de la remplacer par une véritable démocratie ouvrière. Il était contre cependant les visions anarchistes, qu'il jugeait métaphysiques, et étapistes, qui privilégiaient la collaboration de classes à l'action révolutionnaire. Plus tard, la nécessité de construire un tel État sera réaffirmée par Lénine et les bolchéviks au cours de la Révolution de 1917.

🔍 Voir : Etat ouvrier.

7.2 Fin de l'État

De nombreux militants révolutionnaires inscrivent aujourd'hui leur lutte dans la perspective de la fin de l'État, entrevoyant une société libérée de toute domination et en particulier de la violence étatique. Mais les descriptions des chemins à suivre pour parvenir à cette fin de l'État sont différentes, entre par exemple les anarchistes qui revendiquent l'abolition de l'État, de façon un peu métaphysique, et les marxistes qui parlent plutôt d'extinction de l'État dans la phase supérieure du communisme.

🔍 Voir : Extinction de l'Etat.

8 Voir aussi

9 Notes et sources

Lénine, De l'État, conférence faite le 11 juillet 1919 à l'université Sverdlov