Consilience

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La Consilience signifiant Sauter ensemble est un terme du philosophe William Whewell pour désigner le type de démonstration qui apparaît lorsque de nombreuses sources indépendantes concourent à cerner un phénomène scientifique particulier.

« Selon Whewell, une fois qu'une théorie est inventée par induction, elle doit passer une série de tests avant de pouvoir être considérée comme une vérité empirique. Ces tests sont la prédiction, la consilience et la cohérence  »[1]

« la cohérence peut être vue comme un type de consilience qui se produit avec le temps. Whewell remarqua en effet que ces deux critères - consilience et cohérence - «ne sont en réalité guère différents» (1858b, 95) »[1]

La « Consilience de l'induction » est la stratégie qui consiste à coordonner les résultats disparates provenant de diverses sources.

Pour Edward Osborne Wilson dans L'unicité du savoir est consilant, les éléments ou les processus d'une discipline donnée qui sont conformes aux connaissances solidement établies dans d'autres disciplines. Il cherche ainsi l'unité absolue de la connaissance. Wilson ne sépare pas les processus naturelles des processus sociétales. La conception de Wilson est linéaire. Il n'y a pas de saut dialectique entre ses processus. Stephen Jay Gould montre dans son livre posthume que la consilience de L'unicité du savoir est un réductionnisme. Gould réitère ainsi son principe laïc de NOMA, de non-empiétement des magistères comme il l'avait fait au sujet de la religion et de la science[2]. Si il y a interaction entre processus naturels et processus humains, les processus humains ne se réduisent pas aux processus de la nature comme le voudrait Wilson. On ne peut pas faire l'histoire de l'homme par l'histoire de la nature de la même manière que l'on ne peut pas reconnaitre le réel en science en restant enfermer de manière a priori dans l'idée dont ce que l'on fait du réel par les visions religieuses et idéologiques.

On retrouve ce principe chez  Karl Marx dans l'Idéologie allemande[3]. En effet,

« Nous ne connaissons qu'une seule science, celle de l'histoire. L'histoire peut être examinée sous deux aspects. On peut la scinder en histoire de la nature et histoire des hommes. Les deux aspects cependant ne sont pas séparables; aussi longtemps qu'existent des hommes, leur histoire et celle de la nature se conditionnent réciproquement. L'histoire de la nature, ce qu'on désigne par science de la nature, ne nous intéresse pas ici; par contre, il nous faudra nous occuper en détail de l'histoire des hommes : en effet, presque toute l'idéologie se réduit ou bien à une conception fausse de cette histoire, ou bien à en faire totalement abstraction. L'idéologie elle même n'est qu'un des aspects de cette histoire. »

La consilence de Whewell et de Gould est dialectique.

Même si il existe des analogies méthodologiques et épistémologiques entre les disciplines sur la nature et sur les humanités dont entre la science et la religion, les processus ne se réduisent pas les uns aux autres.

Par exemples :

  • les « crises historiques » (1618-1648, 1789-1815, 1914-1945, 1952-1984) ne se réduisent pas aux « crises géologiques » (Ordovicien, Permien/trias, Crétacé/Tertiare) même si l'on rencontre les mêmes processus dialectiques permettant d'appréhender le concept de crise.
  • De la même manière « lutte » de lutte des classes est comparable aux pressions en physique, aux contraintes en géotechnique, aux conflits en psychologie chez Henri Wallon. Lutte des classes de Karl Marx est analogue à la gravitation, à la lutte pour la vie de Charles Darwin, à la lutte individuelle d'Alexandre Zinoviev, Ce sont des phénomènes immanents analogues. En effet, selon Jack London dans Talon de Fer[4] :

« Nous disons que la lutte de classes est une loi du développement social. Nous n'en sommes pas responsables. Ce n'est pas nous qui la faisons. Nous nous contentons de l'expliquer, comme Newton expliquant la gravitation. Nous analysons la nature du conflit d'intérêts qui produit la lutte de classes. »

L'unité de la connaissance ne peut pas se faire sans saut entre les connaissances des disciplines. Hegel avait déjà montré que le développement de la connaissance se faisait selon un mouvement de cercle en cercle.

Dans le cadre de la bibliomètre, selon Yves Gingras[5] :

« A cours des dix dernières années, beaucoup de travaux ont été consacrés à la visualisation du système de relations entre disciplines. La plupart des représenrations montrent que la chaïne des relations entre les disciplines ne forme pas une suite hiérarchique linéaire, comme le suggéraient la plupart des classifications des sciences de Francis Bacon à Auguste Comte, mais que l'ensemble des disciplines forment un cercle, comme Jean Piaget fut l'un des rares à le suggérer[6]. Ce sont en effet les mathématiques qui permettent de fermer la boucle en mettant en relation d'un côté la physique, et de l'autre, via les statistique, la psychologie et les sciences sociales[7]. »

Le mouvement du développement de la connaissance est en fait une spirale (Karl Marx, Henri Wallon). La boucle n'est jamais bouclée. Le devenir est permanent.

1 Bibliographie

  • Stephen Jay Gould, le renard et le hérisson: comment combler le fossé entre la science et les humanités ? (2003), éd. Point, 2012
  • E.O. Wilson, L'Unicité du savoir, Robert Laffont, 2000


2 Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 Traduit de Snyder, Laura J., William Whewell, Encyclopédie philosophique de Stanford (édition d'hiver 2017), Edward N. Zalta (ed.), URL = https://plato.stanford.edu/archives/win2017/entries/whewell.
  2. Gould, S.-J. (2013). Et Dieu dit « Qur Darwin soit ! ». Point.
  3. Note 5 de , L'idéologie Allemande
  4. London, J. (2013). Le talon de fer (p.43-44). éd. Libretto. (1908)
  5. Gringas, Y. (2014). Les dérives de l'évaluation de la recherche - Du bon usage de la bibliométrie (p.46). Raisons d'agir.
  6. Piaget, J. (1967). Le système de classification des sciences (p.1151-1224). in Jean Piaget (dir.), logique et la connaissance scientifique, Paris, Gallimard.
  7. Voir les représentation in Katy Börner, Atlas of science. Visualizing what we know, Cambridge, MIT Press, 2010; aussi le site internet : http://scimaps.org/atlas/maps