Guerre soviéto-polonaise

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Affiche soviétique : « Voilà comment mettre fin aux idées des maîtres. Longue vie à la Pologne soviétique ! ».

La guerre soviéto-polonaise, ou guerre russo-polonaise (février 1919 - mars 1921) est l'une des conséquences de la Première Guerre mondiale. Les frontières entre les deux États naissants, la Russie soviétique et la Deuxième République de Pologne n'avaient pas été clairement définies par le traité de Versailles. L'espoir que la révolution d'Octobre 1917 avait suscité parmi les ouvriers, les paysans et les soldats du monde entier avait entraîné une vague de soulèvements et de grèves dans de nombreux pays. Elle s'était traduite en particulier en Europe Centrale par une victoire temporaire de la révolution en 1919 en Hongrie et, dans les autres États, par une agitation populaire croissante, comme en Pologne depuis la reconstitution de l'État polonais fin 1918.

1 Prélude

Dans cette partie de l'Europe, la révolution russe et la défaite de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie à la fin de la guerre de 1914-1918, avaient en effet donné lieu à la naissance de nouveaux États. Ceux-ci correspondaient parfois, mais pas toujours exactement, à des aspirations nationales des populations auparavant opprimées par les grands Empires ; mais ils correspondaient surtout, et c'était là le but de leur création, à la volonté des impérialistes vainqueurs de la guerre de 1914-1918, de démanteler les États de leurs anciens adversaires et de créer des marches (sortes de zones-tampons) politico-militaires pour contenir l'expansion révolutionnaire et combattre la révolution russe.

L'État polonais s'était donc reconstitué fin 1918 après presque deux siècles de disparition, et il n'avait, dans ses premiers temps, qu'une existence bien faible. Différentes bandes nationalistes polonaises, qui avaient constitué en toute hâte chacune leur propre armée, issues des différents fronts parfois ennemis de la Première Guerre mondiale, se précipitaient sur ces territoires vides d'Etat et d'administration qu'étaient l'ancien morceau allemand de la Pologne, l'ancien morceau austro-hongrois, l'ancien morceau russe. Leurs rivalités et leurs affrontements faisaient et défaisaient, sans cesse et de façon chaotique, leurs alliances et les gouvernements polonais.

Il n'est donc pas surprenant qu'une partie de la population polonaise ait regardé avec plus d'espoir du côté de la révolution russe que du côté du jeune État polonais, sous la houlette de Pilsudski, « socialiste » mais hostile à la révolution. Et cela sans doute d'autant plus que pour le mouvement ouvrier, comme pour les militants eux-mêmes, tout leur passé récent était fait de liens humains et militants avec le mouvement ouvrier révolutionnaire russe comme avec le mouvement allemand.

La classe ouvrière polonaise participa à la montée révolutionnaire d'Europe centrale. De la fin 1918 à juin 1919, la Pologne se couvrit donc de Conseils ouvriers. Dans le bassin minier de la Dombrowa, en Silésie, une grande grève éclata en mars 1919, et une Garde rouge y fut créée, immédiatement combattue par les troupes de l'État polonais. Mais le jeune Parti Communiste polonais, né en décembre 1918, devait dans les Conseils partager son influence avec celle du PPS, le vieux Parti Socialiste gangrené par le nationalisme et dirigé par Pilsudski, qui faisait tout pour les éliminer. Le mouvement des Conseils s'affaiblit, et ceux-ci s'éteignirent au début de l'été 1919, avec cependant des mobilisations qui persistèrent, comme la grève des ouvriers agricoles lors de la récolte des pommes de terre à l'automne 1919.

Au printemps 1920, le mouvement se ranima. La reprise économique favorisait la réouverture des entreprises, et des luttes ouvrières éclataient partout, dirigées par les syndicats souvent animés par des militants communistes.

2 Le conflit

Ce ne sont cependant pas ces événements qui furent la cause de l'affrontement entre les soldats polonais et l'Armée rouge : depuis février 1919, Pilsudski avait lancé son armée dans une guerre contre le jeune État soviétique. Il agissait poussé par la France, dont la mission militaire en Pologne aidait directement son armée - c'est d'ailleurs en ces circonstances que de Gaulle débuta sa carrière d'officier supérieur. Mais il agissait aussi en proclamant son intention de recréer une « grande Pologne », comprenant entre autres la Lituanie et la Biélorussie, et surtout parce qu'il n'avait aucune confiance dans les intentions des armées blanches russes de laisser, si elles gagnaient, une quelconque existence à la Pologne.

Le régime de Pilsudski et ses alliés occidentaux menaient une propagande faisant planer une menace d'agression soviétique. Or, témoigne Trotski : « Nous tâchions par tous les moyens d'arriver à la paix, même au prix de très sérieuses concessions. Peut-être étais-je, de tous, celui qui voulait le moins cette guerre, car je voyais trop clairement combien il nous serait difficile de la mener après trois années d'incessante guerre civile. »[1]

En avril 1920, Pilsudski s'emparait de Kiev, en Ukraine soviétique. L'agression permit une remobilisation de l'Armée rouge, qui fit reculer les troupes polonaises plus facilement que prévu. « Une opinion se forma et s'affermit d'après laquelle la guerre qui, au début, avait été purement défensive, devait se transformer en une guerre d'offensive révolutionnaire. » A Moscou, les dirigeants bolchéviks - dont Lénine - pensaient qu'il fallait saisir l'occasion de prendre Varsovie. Mais d'autres, dont Trotski, Rykov ou le militant polonais Marchlewski, craignaient fortement que cela soit mal perçu par les ouvriers et paysans polonais. D'autant plus que Pilsudski demandait maintenant la paix.

Mais ce fut la position de l'offensive qui l'emporta. Et effectivement cela permit à Pilsudski de jouer sur les réflexes nationalistes anti-russes, raffermissant son pouvoir, et réprimant les sympathisants bolchéviks en Pologne.

Arrivées aux portes de Varsovie, les principales forces de l'Armée rouge, dirigées par Smilga et Toukhatchevsky, subirent de lourdes pertes face l'armée polonaise qui avait rassemblé toutes ses forces. La débâcle fut agravée par le fait que le groupe sud de l'Armée rouge (dirigé par Staline), continua à avancer vers l'ouest alors qu'il avait été demandé en renfort. Selon Trotski, Staline voulait absolument prendre Lvov en même temps que Varsovie serait prise, pour la gloriole.

L'armée polonaise repoussa alors les troupes soviétiques plus de 400 kilomètres à l'est. Pourtant, un certain entêtement persista dans la direction bolchévique. Même Rykov disait à présent : « Du moment qu'on a commencé, il faut finir ». Mais finalement, Trotski parvint à convaincre le bureau politique que la défaite serait encore plus grave si la paix n'était pas signée immédiatement, car l'état des troupes rouges était très mauvais.

Pendant la situation compliquée de la guerre civile russe, de nombreux débats eurent lieu dans le parti bolchévik, et Trotski et Lénine (alors en général très proches) se trouvèrent à plusieurs reprises en désaccord. Selon Trotski, le désaccord sur la Pologne fut « le dernier dissentiment, incontestablement le plus sérieux ».

3 Conclusion

Bien des années après, Trotsky écrivait sur ces faits dans Ma vie :

« Les événements d'une guerre et ceux d'un mouvement révolutionnaire de masse ont différentes mesures. Là où les armées en action comptent par journées et semaines, le mouvement populaire se calcule d'ordinaire en mois et années. Si l'on ne tient pas compte exactement de cette différence des vitesses, les roues dentées de la guerre ne peuvent que casser les roues dentées de la révolution, et non pas les mettre en mouvement »

La défaite était lourde de conséquences. Car elle n'était pas fatale que pour le mouvement ouvrier polonais, soumis à la terreur blanche. Elle était aussi lourde de conséquences pour l'avenir, dans la mesure où elle s'inscrivait dans la longue série d'évènements qui allaient priver l'URSS, et, avec elle, tout le mouvement ouvrier révolutionnaire, des possibilités qu'auraient ouverte l'extension de la révolution.

4 Notes et sources