Forum social de Gênes

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Le Forum social de Gênes est une mobilisation altermondialiste qui s'est tenue dans la ville italienne de Gênes en juillet 2001. Il a donné lieu à une répression particulièrement féroce de la part de l'Etat italien : un manifestant a perdu la vie, et des centaines d'autres ont été arrêtés ou blessés.

1 Contexte

Le Forum social de Gênes (ou GSF, pour "Genoa Social Forum"), s'est tenue à Gênes en juillet 2001 à l'occasion du sommet du G8. Dans un contexte international marqué par la montée des contestations de l'ordre néolibéral et par l'apparition d'une nouvelle génération militante, et dans un contexte national marqué par de récentes mobilisations ouvrières massives contre les mesures antisociales de Berlusconi, le GSF était considéré, avant même d'avoir eu lieu, comme un moment-clé dans la construction et le développement du mouvement altermondialiste. Il s'agissait aussi, pour les organisateurs, de progresser dans la coordination des mouvements sociaux à l'échelle européenne, et de reprendre la main après les manifestations à Goteborg (Suède), violemment réprimées par la police.

2 Organisation et composition

Le GSF était une structure unitaire et ouverte, qui rassemblait essentiellement des réseaux et des associations, comme ATTAC, et des syndicats, comme la Fiom (fédération des métallurgistes). Le Parti de la Refondation communiste (PRC) était le seul parti qui participait en tant que tel au GSF. Le GSF a été, sur un plan numérique, un énorme succès. Par la jeunesse des participants, il a révélé l'essor d'une nouvelle génération militante. 100 000 personnes étaient attendues par les organisateurs à la manifestation du samedi 21 juillet ; il y en a eu 300 000. Chaque matin, les organisations parties prenantes se réunissaient pour organiser les événements de la journée, en respectant le principe suivant : il ne s'agit pas de se mettre d'accord sur tout, mais de se regrouper selon les affinités, en fonction de ce que les uns et les autres veulent faire.

3 Chronologie des faits

3.1 Déroulement des faits

Le jeudi 19 juillet, les premières manifestations se déroulent sans violence. Une manifestation en défense des immigrés réunit 50 000 personnes. Le gouvernement Berlusconi, au pouvoir depuis juin, contait en effet en son sein des partis appartenant à l'extrême-droite xénophobe, comme la Ligue du Nord ou l'Alliance nationale.

Le vendredi matin, divers regroupements affinitaires se constituent pour encercler la "zone rouge" (interdite aux manifestants), et éventuellement, pour certains de ses regroupements, pour essayer d'y pénétrer, souvent pacifiquement. Ce sont les groupes du Black Bloc qui suscitent les premiers affrontements en essayant d'impliquer les autres organisations. Les membres du Black Bloc, qui taxent le reste du GSF de réformisme, s'en prennent surtout à ce qu'ils analysent comme des symboles du capitalisme : façades de banque, vitrines de magasins, voitures de luxe. La police, sous les ordres du ministre de l'Intérieur Scajola, prend prétexte de ces provocations pour répondre par la répression. Mais cette répression était en réalité planifiée : les gouvernants s'inquiétaient de voir chaque sommet international, depuis celui de Seattle (1999) être l'occasion de véritables sièges militants. La police s'est donc livrée à des charges d'une violence extrême : tabassages massifs, tirs de grenades lacrymogènes à bout portant... Tous les cortèges, même les plus pacifiques, ont été touchés par la répression, qui a fait 600 blessés. Carlo Giuliani, un manifestant de 23 ans, est touché à la tête par une balle réelle, avant qu'une voiture de la gendarmerie ne lui roule dessus.

Face aux violences du vendredi, un appel a été lancé pour que la manifestation du samedi soit la plus massive possible. Elle réunit, en effet 300 000 personnes. La police charge à nouveau pour briser le cortège en plusieurs endroits.

Le dimanche, la police investit l'école Diaz, où se trouvait le cente de converence des médias alternatifs. Le matériel est détruit, et la plupart des 307 personnes qui s'y trouvaient sont arrêtées, détenues 3 jours, frappées et humiliées (obligées de chanter des chants fascistes, filles dénudées, garçons frappés dans les testicules...). C'est une répression sans précédent en Europe de l'Ouest, depuis un quart de siècle. Elle provoque en retour un élargissement de la mobilisation. Des manifestations sont organisées dans d'autres villes d'Italie : le lundi 23 juillet, il y a par exemple 200 000 personnes à Milan. À cette période de l'année, c'est un chiffre énorme.

3.2 Les suites

Gênes a représenté un point d'inflexion dans le développement des résistances à la mondialisation capitaliste. Après le Forum social de Porto Alegre, au début de l'année, le mouvement altermondialiste international prenait pied au coeur de l'Union européenne. Désormais, les initiatives s'enchaînaient, les forces militantes s'accumulaient, les réseaux s'étendaient. Chaque rencontre internationale permettait de nouer des liens entre des équipes militantes très diverses.

L'expérience de Gênes, après celle de Goteborg, a ouvert au sein du mouvement altermondialiste un débat parfois difficile sur la violence. Mais elle a surtout montré la capacité des jeunes générations à résister à la répression. Cette capacité allait être précieuse quand, quelques mois plus tard, suite aux attentats du 11 septembre, le mouvement altermondialiste allait faire l'objet d'une tentative de remise au pas au nom de la lutte anti-terroriste.

4 Sources