Différences entre les versions de « Conférence d'État de Moscou (1917) »

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La '''conférence d'État''', qui se déroule à Moscou à partir du 12 août 1917, était une tentative de [[Kerenski|Kerenski]] de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'[[Offensive_Kerensky|offensive de juin]] et les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]].
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{{InfoCalendrierJulien}}La '''conférence d'État''', qui se déroule à Moscou à partir du 12 au 14 août 1917 (a.s), était une tentative de [[Kerenski|Kerenski]] de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'[[Offensive_Kerensky|offensive de juin]] et les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]].
  
 
== Contexte ==
 
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[[Journées_de_juin_1917|En juin]], les [[Bolchéviks|bolchéviks]] sont devenus majoritaires dans le prolétariat de [[Petrograd|Petrograd]], et leurs revendications gagnent du terrain parmi les soldats. Le "<span class="mw-redirect">socialiste</span>" <span class="mw-redirect">[[Kerensky|Kerensky]], nommé président en juillet,</span> a lancé alors une offensive militaire qu'il espérait gagner à tout prix, misant sur une vague de ferveur chauvine qui noirait la popularité bolchévique. Mais c'est un échec, qui n'enraye pas la chute de l'estime dans le gouvernement. Cela conduit à une pression à droite (démission des ministres [[Parti_KD|KD]]) et à gauche avec les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]]&nbsp;: des ouvriers et soldats exaspérés de Petrograd manifestent armés les 3 et 4 juillet, et une bonne partie sont menaçants envers le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]]. Les bolchéviks tentèrent de canaliser ce mouvement (qui n'était pas mûr pour l'insurrection étant donné le rapport de force dans l'ensemble du pays), en se plaçant à sa tête. Les forces gouvernementales, avec l'appui des socialistes [[Conciliateurs|conciliateurs]], réprimèrent durement le mouvement, et les dirigeants bolchéviks. Certains furent arrêtés (comme [[Trotsky|Trotsky]]), d'autres durent passer dans la [[Clandestinité|clandestinité]] (comme [[Lénine|Lénine]]).
 
[[Journées_de_juin_1917|En juin]], les [[Bolchéviks|bolchéviks]] sont devenus majoritaires dans le prolétariat de [[Petrograd|Petrograd]], et leurs revendications gagnent du terrain parmi les soldats. Le "<span class="mw-redirect">socialiste</span>" <span class="mw-redirect">[[Kerensky|Kerensky]], nommé président en juillet,</span> a lancé alors une offensive militaire qu'il espérait gagner à tout prix, misant sur une vague de ferveur chauvine qui noirait la popularité bolchévique. Mais c'est un échec, qui n'enraye pas la chute de l'estime dans le gouvernement. Cela conduit à une pression à droite (démission des ministres [[Parti_KD|KD]]) et à gauche avec les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]]&nbsp;: des ouvriers et soldats exaspérés de Petrograd manifestent armés les 3 et 4 juillet, et une bonne partie sont menaçants envers le [[Gouvernement_provisoire_(Russie)|gouvernement provisoire]]. Les bolchéviks tentèrent de canaliser ce mouvement (qui n'était pas mûr pour l'insurrection étant donné le rapport de force dans l'ensemble du pays), en se plaçant à sa tête. Les forces gouvernementales, avec l'appui des socialistes [[Conciliateurs|conciliateurs]], réprimèrent durement le mouvement, et les dirigeants bolchéviks. Certains furent arrêtés (comme [[Trotsky|Trotsky]]), d'autres durent passer dans la [[Clandestinité|clandestinité]] (comme [[Lénine|Lénine]]).
  
Dans le même temps les forces les plus contre-révolutionnaires relèvent la tête. Au début du mois d'août, des rassemblements réactionnaires se succèdent : congrès des propriétaires fonciers, concile ecclésiastique, préparation d'une liste commune KD-généraux cosaques pour la Constituante...
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Dans le même temps les forces les plus contre-révolutionnaires relèvent la tête. Au début du mois d'août, des rassemblements réactionnaires se succèdent&nbsp;: congrès des propriétaires fonciers, concile ecclésiastique, préparation d'une liste commune KD-généraux cosaques pour la Constituante...
  
 
Kerenski réinstaure la peine de mort au front, limite les droits des comités de soldats, envoie des troupes pour réprimer les révoltes paysannes. Pour faire face à la crise politique et renforcer l'autorité de l'Etat, Kerenski convoque une conférence d'État.
 
Kerenski réinstaure la peine de mort au front, limite les droits des comités de soldats, envoie des troupes pour réprimer les révoltes paysannes. Pour faire face à la crise politique et renforcer l'autorité de l'Etat, Kerenski convoque une conférence d'État.
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=== Le choix de Moscou ===
 
=== Le choix de Moscou ===
  
La Conférence est convoquée à Moscou, censée être plus contrôlable que Petrograd. Plus généralement, tout un courant parmi la bourgeoisie voulait que le gouvernement provisoire viennent à Moscou, et que l'Assemblée constituante s'y tienne.
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La Conférence est convoquée à Moscou, censée être plus contrôlable que Petrograd. Plus généralement, tout un courant parmi la bourgeoisie voulait que le gouvernement provisoire viennent à Moscou, et que l'[[Assemblée_constituante_(Russie)|Assemblée constituante]] s'y tienne.
  
Le 10 août, le journal des industriels de Moscou écrivait : ''«&nbsp;Que le gouvernement de Petrograd vienne bien vite à Moscou, qu'il prête l'oreille à la voix des lieux sacrés, des cloches, des saintes tours du Kremlin.&nbsp;» ''Le "marxiste" [[Potressov|Potressov]], nationalo-libéral, proférait des malédictions sur Petrograd, comme un Girondin menaçant Paris. Un menchevik de province disait, en juin, au congrès des soviets : ''«&nbsp;N'importe quel Novotcherkask reflète beaucoup plus justement les conditions d'existence dans toute la Russie que Petrograd.&nbsp;»''
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Le 10 août, le journal des industriels de Moscou écrivait&nbsp;: ''«&nbsp;Que le gouvernement de Petrograd vienne bien vite à Moscou, qu'il prête l'oreille à la voix des lieux sacrés, des cloches, des saintes tours du Kremlin.&nbsp;» ''Le "marxiste" [[Potressov|Potressov]], nationalo-libéral, proférait des malédictions sur Petrograd, comme un Girondin menaçant Paris. Un menchevik de province disait, en juin, au congrès des soviets&nbsp;: ''«&nbsp;N'importe quel Novotcherkask reflète beaucoup plus justement les conditions d'existence dans toute la Russie que Petrograd.&nbsp;»''
  
Mais globalement, Moscou suivait la voie de Petrograd, avec seulement un peu de retard. Le nouvel organe du parti à Petrograd, le [[Prolétarii|''Prolétarii'']], avant d'être interdit, avait eu le temps de poser aux conciliateurs cette question : ''«&nbsp;De Petrograd à Moscou, mais de Moscou, où irez-vous ?&nbsp;»'' Les maîtres de la situation devaient eux-mêmes se poser cette question. A Kiev, à Kostroma, à Tsaritsyne, eurent lieu des grèves protestataires d'un jour, générales ou partielles.
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Mais globalement, Moscou suivait la voie de Petrograd, avec seulement un peu de retard. Le nouvel organe du parti à Petrograd, le [[Prolétarii|''Prolétarii'']], avant d'être interdit, avait eu le temps de poser aux conciliateurs cette question&nbsp;: ''«&nbsp;De Petrograd à Moscou, mais de Moscou, où irez-vous&nbsp;?&nbsp;»'' Les maîtres de la situation devaient eux-mêmes se poser cette question. A Kiev, à Kostroma, à Tsaritsyne, eurent lieu des grèves protestataires d'un jour, générales ou partielles.
  
 
=== Les délégués ===
 
=== Les délégués ===
  
La conférence d'État, s'ouvre à Moscou le 12 août. Sont invités, d'après la liste officielle, ''«&nbsp;les représentants des organisations politiques, sociales, démocratiques, nationales, commerciales et industrielles, coopératives, les dirigeants des organes de la démocratie, les hauts représentants de l'armée, des institutions scientifiques, des universités, les membres de la Douma d'Etat des quatre législatures&nbsp;»''.
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La conférence d'État, s'ouvre au Grand Opéra de Moscou le 12 août. Sont invités, d'après la liste officielle, ''«&nbsp;les représentants des organisations politiques, sociales, démocratiques, nationales, commerciales et industrielles, coopératives, les dirigeants des organes de la démocratie, les hauts représentants de l'armée, des institutions scientifiques, des universités, les membres de la Douma d'Etat des quatre législatures&nbsp;»''.
 
 
On prévoyait environ 1500 participants; il s'en rassembla environ 2500, et l'élargissement était tout à l'avantage de l'aile droite. Le journal moscovite des [[socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]] écrivait avec reproche à l'adresse de son gouvernement : ''«&nbsp;Contre 150 représentants du travail surgissent 120 représentants de la classe commerçante et industrielle. Contre 100 députés paysans sont invités 100 représentants de propriétaires de terres. Contre 100 représentants du soviet il y aura 300 membres de la Douma d'Etat...&nbsp;»''.
 
 
 
  
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On prévoyait environ 1500 participants; il s'en rassembla environ 2500, et l'élargissement était tout à l'avantage de l'aile droite. Le journal moscovite des [[Socialistes-révolutionnaires|socialistes-révolutionnaires]] écrivait avec reproche à l'adresse de son gouvernement&nbsp;: ''«&nbsp;Contre 150 représentants du travail surgissent 120 représentants de la classe commerçante et industrielle. Contre 100 députés paysans sont invités 100 représentants de propriétaires de terres. Contre 100 représentants du soviet il y aura 300 membres de la Douma d'Etat...&nbsp;»''.
  
 
=== L'impuissance de Kerenski et des conciliateurs ===
 
=== L'impuissance de Kerenski et des conciliateurs ===
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=== Les bolchéviks et la grève générale ===
 
=== Les bolchéviks et la grève générale ===
  
Les bolcheviks décidèrent de lire, au nom du parti, une déclaration et de quitter la conférence.
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Les bolcheviks décidèrent de lire, au nom du parti, une déclaration et de quitter la conférence. Seuls quelques rares bolcheviks seront présents en tant que délégués de syndicats.
  
Les bolchéviks sont en revanche très actifs dans les usines et les quartiers ouvriers, où ils deviennent hégémoniques et organisent de plus en plus l'ensemble de la vie quotidienne. Le 3 août, dans quelques grandes usines de la capitale, ont lieu des élections aux caisses de maladie. Les bolcheviks raflent 190 sièges sur 230. C'est un vaste mouvement de fond. Le parti comprend alors 240&nbsp;000 membres. Dans les usines et les assemblées inter-quartiers de Petrograd, les ouvriers organisent des rondes, des tours de garde, des rendez-vous d'information à heures fixes. La Garde rouge (détachements ouvriers armés) s'organise de plus en plus ouvertement et prend contact avec les soldats dans les casernes. Dans les syndicats aussi, et le plus souvent sous l'impulsion de bolcheviks, on prend ses marques, on répartit les tâches en vue d'un éventuel coup d'État.
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Les bolchéviks sont en revanche très actifs dans les usines et les quartiers ouvriers, où ils deviennent hégémoniques et organisent de plus en plus l'ensemble de la vie quotidienne. Le 3 août, dans quelques grandes usines de la capitale, ont lieu des élections aux caisses de maladie. Les bolcheviks raflent 190 sièges sur 230. C'est un vaste mouvement de fond. Le parti comprend alors 240&nbsp;000 membres. Dans les usines et les assemblées inter-quartiers de Petrograd, les ouvriers organisent des rondes, des tours de garde, des rendez-vous d'information à heures fixes. La [[Garde_rouge_(Russie)|Garde rouge]] (détachements ouvriers armés) s'organise de plus en plus ouvertement et prend contact avec les soldats dans les casernes. Dans les syndicats aussi, et le plus souvent sous l'impulsion de bolcheviks, on prend ses marques, on répartit les tâches en vue d'un éventuel coup d'État.
  
Face au danger d'une contre-révolution, les agitateurs bolchéviks obtenaient beaucoup d'echo. Le journal moscovite des bolcheviks écrivait : ''«&nbsp;Si les soviets sont impuissants le prolétariat doit se resserrer autour de ses organisations viables.&nbsp;»'' L'état d'esprit dans les usines était tellement hostile à la conférence d'Etat que l'idée, venue d'en bas, d'une [[grève_générale|grève générale]], fut adoptée presque sans opposition à la réunion des représentants de toutes les cellules de l'organisation moscovite des bolcheviks.
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Face au danger d'une contre-révolution, les agitateurs bolchéviks obtenaient beaucoup d'echo. Le journal moscovite des bolcheviks écrivait&nbsp;: ''«&nbsp;Si les soviets sont impuissants le prolétariat doit se resserrer autour de ses organisations viables.&nbsp;»'' L'état d'esprit dans les usines était tellement hostile à la conférence d'Etat que l'idée, venue d'en bas, d'une [[Grève_générale|grève générale]], fut adoptée presque sans opposition à la réunion des représentants de toutes les cellules de l'organisation moscovite des bolcheviks.
  
L'assemblée des directions de quarante et un syndicats décida d'appeler les ouvriers à une grève protestataire d'un jour. Une large majorité des ouvriers mencheviks et socialistes-révolutionnaires votaient aussi pour la grève. Le [[soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]], dont la composition n'avait pas été renouvelée depuis longtemps, se prononça contre la grève&nbsp;par une majorité de 364 voix contre 304. Mais cela ne freina pas l'élan gréviste. Au contraire, les soviets de quartiers se trouvèrent en majorité du côté du parti et des syndicats, et partout on réclamait de nouvelles élections au soviet de Moscou. La grève fut un succès impressionnant : Ni lumière, ni tramways; les fabriques, les usines, les ateliers et les dépôts des chemins de fer ne travaillaient pas, et même les garçons de restaurant étaient en grève.
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L'assemblée des directions de quarante et un syndicats décida d'appeler les ouvriers à une grève protestataire d'un jour. Une large majorité des ouvriers mencheviks et socialistes-révolutionnaires votaient aussi pour la grève. Le [[Soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]], dont la composition n'avait pas été renouvelée depuis longtemps, se prononça contre la grève&nbsp;par une majorité de 364 voix contre 304. Mais cela ne freina pas l'élan gréviste. Au contraire, les soviets de quartiers se trouvèrent en majorité du côté du parti et des syndicats, et partout on réclamait de nouvelles élections au soviet de Moscou. La grève le 12 août fut un succès impressionnant&nbsp;: Ni lumière, ni tramways; les fabriques, les usines, les ateliers et les dépôts des chemins de fer ne travaillaient pas, et même les garçons de restaurant étaient en grève.
  
En revanche, il n'y eut pas d'appel à descendre dans la rue, ce qui aurait exposé les ouvriers aux coups des chevaliers de Saint-Georges, des détachements d'officiers, des ''junkers'', de certains contingents de cavalerie qui brûlaient du désir de prendre leur revanche sur la grève.
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En revanche, il n'y eut pas d'appel à descendre dans la rue, ce qui aurait exposé les ouvriers aux coups des chevaliers de Saint-Georges, des détachements d'officiers, des ''junkers'', de certains contingents de cavalerie qui brûlaient du désir de prendre leur revanche sur la grève. Ce fut donc une démonstration de force réussie pour les bolchéviks à la tête du prolétariat de Moscou, qui montrait que Petrograd n'était pas isolée. Comme en témoigne [[Soukhanov|Soukhanov]]&nbsp;: ''«&nbsp;A Moscou, sur l'esprit patriarcal et la résignation duquel étaient placées de nombreuses espérances, les quartiers ouvriers montrèrent tout à coup les dents&nbsp;»''.
  
 
=== L'émergence de Kornilov ===
 
=== L'émergence de Kornilov ===
  
Le commandant en chef de l'armée, le général Lavr Kornilov, rafle la vedette à Kerenski et apparaît comme l'homme à la poigne suffisamment solide pour ramener l'ordre.
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Au sein de la conférence, le commandant en chef de l'armée, le général [[Lavr_Kornilov|Lavr Kornilov]], rafle la vedette à Kerenski et apparaît comme l'homme à la poigne suffisamment solide pour ramener l'ordre. Dès qu'il arrive à la gare de Moscou le 13 août (a.s), il reçoit un chaleureux accueil des capitalistes, des cosaques, des dirigeants du clergé. Le cadet Roditchev termina son discours d'accueil par cette exclamation&nbsp;: ''«&nbsp;Sauvez la Russie, et le peuple reconnaissant vous couronnera.&nbsp;»'' Des sanglots patriotiques éclatèrent. Morozova, négociante millionnaire, se précipita à genoux.
  
 
A l'origine, Kornilov est sans doute le plus républicain de tous les généraux russes. Il se déclare favorable à une certaine démocratisation de l'armée, mais entend que l'évolution soit étroitement contrôlée par l'État-major&nbsp;: il avait réprimé les mouvements démocratiques dans ses propres troupes, y avait interdit les meetings et avait fait fusiller les déserteurs. A la conférence d'État, il annonce clairement son objectif de dissoudre tous les comités populaires nés de la révolution que sont les soviets d'usine, de quartier, de caserne, les comités de quartier. Il annonce en outre qu'il imposera la peine de mort à l'arrière et militarisera les chemins de fer et les usines d'armement.
 
A l'origine, Kornilov est sans doute le plus républicain de tous les généraux russes. Il se déclare favorable à une certaine démocratisation de l'armée, mais entend que l'évolution soit étroitement contrôlée par l'État-major&nbsp;: il avait réprimé les mouvements démocratiques dans ses propres troupes, y avait interdit les meetings et avait fait fusiller les déserteurs. A la conférence d'État, il annonce clairement son objectif de dissoudre tous les comités populaires nés de la révolution que sont les soviets d'usine, de quartier, de caserne, les comités de quartier. Il annonce en outre qu'il imposera la peine de mort à l'arrière et militarisera les chemins de fer et les usines d'armement.
  
C'est ce que Kornilov tentera de mettre en application lors de [[Putsch_de_Kornilov|sa tentative de putsch]], le 25 août 1917.
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[[Kornilov|Kornilov]] et [[Kerensky|Kerensky]] étaient officiellement main dans la main, mais le conflit pour l'hégémonie politique se préparait dans l'ombre, dans un contexte qui appelait un [[Bonapartisme|tournant bonapartiste]]. Dans ses dépositions ultérieures à la commission d'enquête sur l'affaire Kornilov, Kerensky déclara&nbsp;: ''«&nbsp;Nous avions été avertis que, pendant la conférence de Moscou, la dictature serait proclamée&nbsp;»''. Le régiment de cosaques d'Orenbourg fut expédié par le Grand Quartier Général sur Moscou pour "maintenir l'ordre", mais, sur l'injonction de Kerensky, se trouva retenu en cours de route.
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Au [[Soviet_de_Moscou|soviet de Moscou]], tous les partis socialistes percevaient le danger de la réaction derrière Kornilov. On créa un comité révolutionnaire non déclaré publiquement, de six personnes, comprenant deux délégués de chacun des partis soviétiques. Un ordre secret interdit de laisser faire la haie aux chevaliers de Saint-Georges, aux officiers et aux ''junkers'' dans les rues où passait Kornilov. Aux bolcheviks qui, depuis les journées de juillet, n'avaient plus officiellement accès dans les casernes, l'on distribuait maintenant avec empressement des laissez-passer&nbsp;: sans eux, il était impossible de conquérir les soldats. Tandis que, sur la scène, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires menaient des pourparlers avec la bourgeoisie au sujet de la création d'un pouvoir fort contre les masses dirigées par les bolcheviks, les mêmes mencheviks et socialistes-révolutionnaires, dans la coulisse, d'accord avec les bolcheviks qu'ils n'avaient pas admis à la conférence, préparaient les masses à la lutte contre le complot de la bourgeoisie. S'étant opposés la veille à une grève démonstrative, les conciliateurs appelaient aujourd'hui les ouvriers et les soldats à des préparatifs de lutte.
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Mais en réalité il semble que Kornilov avait fixé la date du 27 août pour son putsch, et ce moment-là ne semblait pas opportun. Dès qu'il devint clair qu'un danger direct n'existait pas, les SR et les mencheviks arrêtèrent de renouveler aux bolcheviks leurs laissez-passer pour les casernes.
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=== Les discours ===
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Les discours de la Conférence d'Etat étaient chargés de tabous. On ne prononça pas le nom des bolchéviks, qui pourtant étaient la crainte principale des possédants. [[Plekhanov|Plekhanov]] mentionna seulement, en passant, ''«&nbsp;le Lenine de triste mémoire&nbsp;»'', comme s'il parlait d'un adversaire éliminé. Pour ne pas agacer les réactionnaires en parlant de [[République|république]], Kerensky salua ''«&nbsp;les représentants de la terre russe&nbsp;»'' au nom du gouvernement de ''«&nbsp;l'Etat russe&nbsp;»''. La [[Mouvement_paysan_en_Russie|question agraire]] fut aussi largement esquivée, et notamment [[Tchernov|Tchernov]] fut prié de ne rien dire.
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Sur la composition de la salle, [[Soukhanov|Soukhanov]] écrit&nbsp;:
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<blockquote>''«&nbsp;La brillante salle de spectacle se partageait assez nettement en deux moitiés&nbsp;: à droite la bourgeoisie et, à gauche, la démocratie. A droite, à l'orchestre et dans les loges, on voyait un bon nombre d'uniformes de généraux, mais, à gauche, c'étaient des sous-lieutenants, des sous-officiers, des soldats. En face de la scène, dans l'ancienne loge impériale, s'étaient installés les hauts représentants diplomatiques des puissances alliées et amies... Notre groupe, l'extrême-gauche [les partisans de [[Martov|Martov]]], occupait un petit coin de l'orchestre.&nbsp;»''</blockquote>
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Kérenski se fait chaudement applaudir par l'ensemble de la salle en avertissant que toutes nouvelles tentatives contre le pouvoir ''«&nbsp;seront nettement réprimées par le fer et dans le sang.&nbsp;»'' Il lance aussi un avertissement à Kornilov&nbsp;: ''«&nbsp;Quelque soient les ultimatums qui me viendraient de quiconque, je saurai soumettre cet homme à la volonté du pouvoir suprême et à moi qui en suis le chef.&nbsp;»'' Il ne reçoit des applaudissements que de la moitié gauche de la conférence.
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Quand Kérenski fait un discours jurant fidélité aux Alliés (c'est-à-dire continuer la guerre impérialiste), et impulse une ovation des diplomates alliés, seuls quelques internationalistes refusent. D'une loge occupée par des officiers, un cri&nbsp;: ''«&nbsp;Martov, debout!&nbsp;»'' Martov resta ferme.
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Kéresnki lanca aussi des leçons de morale teintées de menaces à l'adresse des [[Minorités_nationales_en_Russie|minorités nationales]], exigeant qu'elles restent fidèles à son gouvernement.
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== Suites ==
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Les tensions au sommet ne firent qu'augmenter dans les jours suivant la conférence, jusqu'à la [[Putsch_de_Kornilov|tentative de putsch de Kornilov]], le 25 août 1917.
  
 
== Notes et sources ==
 
== Notes et sources ==
  
Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr30.htm Histoire de la révolution russe - 30. Kerensky et Kornilov]'', 1930
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*Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr30.htm Histoire de la révolution russe - 30. Kerensky et Kornilov]'', 1930  
 
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*Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930  
Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930
 
  
 
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Version du 21 juillet 2017 à 18:28

Jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui avait à l'époque 13 jours de retard sur le calendrier grégorien. Le 23 février « ancien style » correspond donc au 8 mars « nouveau style » (n.s.).

La conférence d'État, qui se déroule à Moscou à partir du 12 au 14 août 1917 (a.s), était une tentative de Kerenski de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'offensive de juin et les journées de juillet.

1 Contexte

En juin, les bolchéviks sont devenus majoritaires dans le prolétariat de Petrograd, et leurs revendications gagnent du terrain parmi les soldats. Le "socialiste" Kerensky, nommé président en juillet, a lancé alors une offensive militaire qu'il espérait gagner à tout prix, misant sur une vague de ferveur chauvine qui noirait la popularité bolchévique. Mais c'est un échec, qui n'enraye pas la chute de l'estime dans le gouvernement. Cela conduit à une pression à droite (démission des ministres KD) et à gauche avec les journées de juillet : des ouvriers et soldats exaspérés de Petrograd manifestent armés les 3 et 4 juillet, et une bonne partie sont menaçants envers le gouvernement provisoire. Les bolchéviks tentèrent de canaliser ce mouvement (qui n'était pas mûr pour l'insurrection étant donné le rapport de force dans l'ensemble du pays), en se plaçant à sa tête. Les forces gouvernementales, avec l'appui des socialistes conciliateurs, réprimèrent durement le mouvement, et les dirigeants bolchéviks. Certains furent arrêtés (comme Trotsky), d'autres durent passer dans la clandestinité (comme Lénine).

Dans le même temps les forces les plus contre-révolutionnaires relèvent la tête. Au début du mois d'août, des rassemblements réactionnaires se succèdent : congrès des propriétaires fonciers, concile ecclésiastique, préparation d'une liste commune KD-généraux cosaques pour la Constituante...

Kerenski réinstaure la peine de mort au front, limite les droits des comités de soldats, envoie des troupes pour réprimer les révoltes paysannes. Pour faire face à la crise politique et renforcer l'autorité de l'Etat, Kerenski convoque une conférence d'État.

2 La Conférence d'État

2.1 Le choix de Moscou

La Conférence est convoquée à Moscou, censée être plus contrôlable que Petrograd. Plus généralement, tout un courant parmi la bourgeoisie voulait que le gouvernement provisoire viennent à Moscou, et que l'Assemblée constituante s'y tienne.

Le 10 août, le journal des industriels de Moscou écrivait : « Que le gouvernement de Petrograd vienne bien vite à Moscou, qu'il prête l'oreille à la voix des lieux sacrés, des cloches, des saintes tours du Kremlin. » Le "marxiste" Potressov, nationalo-libéral, proférait des malédictions sur Petrograd, comme un Girondin menaçant Paris. Un menchevik de province disait, en juin, au congrès des soviets : « N'importe quel Novotcherkask reflète beaucoup plus justement les conditions d'existence dans toute la Russie que Petrograd. »

Mais globalement, Moscou suivait la voie de Petrograd, avec seulement un peu de retard. Le nouvel organe du parti à Petrograd, le Prolétarii, avant d'être interdit, avait eu le temps de poser aux conciliateurs cette question : « De Petrograd à Moscou, mais de Moscou, où irez-vous ? » Les maîtres de la situation devaient eux-mêmes se poser cette question. A Kiev, à Kostroma, à Tsaritsyne, eurent lieu des grèves protestataires d'un jour, générales ou partielles.

2.2 Les délégués

La conférence d'État, s'ouvre au Grand Opéra de Moscou le 12 août. Sont invités, d'après la liste officielle, « les représentants des organisations politiques, sociales, démocratiques, nationales, commerciales et industrielles, coopératives, les dirigeants des organes de la démocratie, les hauts représentants de l'armée, des institutions scientifiques, des universités, les membres de la Douma d'Etat des quatre législatures ».

On prévoyait environ 1500 participants; il s'en rassembla environ 2500, et l'élargissement était tout à l'avantage de l'aile droite. Le journal moscovite des socialistes-révolutionnaires écrivait avec reproche à l'adresse de son gouvernement : « Contre 150 représentants du travail surgissent 120 représentants de la classe commerçante et industrielle. Contre 100 députés paysans sont invités 100 représentants de propriétaires de terres. Contre 100 représentants du soviet il y aura 300 membres de la Douma d'Etat... ».

2.3 L'impuissance de Kerenski et des conciliateurs

Kerenski tente de s'en sortir avec sa capacité habituelle à faire des discours. Il se déclare proche des milieux de gauche, mais en se présentant en même temps comme un chef militaire qui continuera la guerre et mènera les troupes russes jusqu'à la victoire. Il a le droit, pour cela, à une ovation debout, sauf de la part de quelques internationalistes présents et de quelques délégués de syndicats par ailleurs membres du parti bolchevik.

Mais les simagrées de Kerenski font long feu et la Conférence d'État s'enlise, montre son impuissance. Les conciliateurs sont perdus : d'une part ils souhaitent empêcher les bolcheviks de prendre le pouvoir, d'autre part ils ne veulent pas d'un coup d'État de la bourgeoisie.

2.4 Les bolchéviks et la grève générale

Les bolcheviks décidèrent de lire, au nom du parti, une déclaration et de quitter la conférence. Seuls quelques rares bolcheviks seront présents en tant que délégués de syndicats.

Les bolchéviks sont en revanche très actifs dans les usines et les quartiers ouvriers, où ils deviennent hégémoniques et organisent de plus en plus l'ensemble de la vie quotidienne. Le 3 août, dans quelques grandes usines de la capitale, ont lieu des élections aux caisses de maladie. Les bolcheviks raflent 190 sièges sur 230. C'est un vaste mouvement de fond. Le parti comprend alors 240 000 membres. Dans les usines et les assemblées inter-quartiers de Petrograd, les ouvriers organisent des rondes, des tours de garde, des rendez-vous d'information à heures fixes. La Garde rouge (détachements ouvriers armés) s'organise de plus en plus ouvertement et prend contact avec les soldats dans les casernes. Dans les syndicats aussi, et le plus souvent sous l'impulsion de bolcheviks, on prend ses marques, on répartit les tâches en vue d'un éventuel coup d'État.

Face au danger d'une contre-révolution, les agitateurs bolchéviks obtenaient beaucoup d'echo. Le journal moscovite des bolcheviks écrivait : « Si les soviets sont impuissants le prolétariat doit se resserrer autour de ses organisations viables. » L'état d'esprit dans les usines était tellement hostile à la conférence d'Etat que l'idée, venue d'en bas, d'une grève générale, fut adoptée presque sans opposition à la réunion des représentants de toutes les cellules de l'organisation moscovite des bolcheviks.

L'assemblée des directions de quarante et un syndicats décida d'appeler les ouvriers à une grève protestataire d'un jour. Une large majorité des ouvriers mencheviks et socialistes-révolutionnaires votaient aussi pour la grève. Le soviet de Moscou, dont la composition n'avait pas été renouvelée depuis longtemps, se prononça contre la grève par une majorité de 364 voix contre 304. Mais cela ne freina pas l'élan gréviste. Au contraire, les soviets de quartiers se trouvèrent en majorité du côté du parti et des syndicats, et partout on réclamait de nouvelles élections au soviet de Moscou. La grève le 12 août fut un succès impressionnant : Ni lumière, ni tramways; les fabriques, les usines, les ateliers et les dépôts des chemins de fer ne travaillaient pas, et même les garçons de restaurant étaient en grève.

En revanche, il n'y eut pas d'appel à descendre dans la rue, ce qui aurait exposé les ouvriers aux coups des chevaliers de Saint-Georges, des détachements d'officiers, des junkers, de certains contingents de cavalerie qui brûlaient du désir de prendre leur revanche sur la grève. Ce fut donc une démonstration de force réussie pour les bolchéviks à la tête du prolétariat de Moscou, qui montrait que Petrograd n'était pas isolée. Comme en témoigne Soukhanov : « A Moscou, sur l'esprit patriarcal et la résignation duquel étaient placées de nombreuses espérances, les quartiers ouvriers montrèrent tout à coup les dents ».

2.5 L'émergence de Kornilov

Au sein de la conférence, le commandant en chef de l'armée, le général Lavr Kornilov, rafle la vedette à Kerenski et apparaît comme l'homme à la poigne suffisamment solide pour ramener l'ordre. Dès qu'il arrive à la gare de Moscou le 13 août (a.s), il reçoit un chaleureux accueil des capitalistes, des cosaques, des dirigeants du clergé. Le cadet Roditchev termina son discours d'accueil par cette exclamation : « Sauvez la Russie, et le peuple reconnaissant vous couronnera. » Des sanglots patriotiques éclatèrent. Morozova, négociante millionnaire, se précipita à genoux.

A l'origine, Kornilov est sans doute le plus républicain de tous les généraux russes. Il se déclare favorable à une certaine démocratisation de l'armée, mais entend que l'évolution soit étroitement contrôlée par l'État-major : il avait réprimé les mouvements démocratiques dans ses propres troupes, y avait interdit les meetings et avait fait fusiller les déserteurs. A la conférence d'État, il annonce clairement son objectif de dissoudre tous les comités populaires nés de la révolution que sont les soviets d'usine, de quartier, de caserne, les comités de quartier. Il annonce en outre qu'il imposera la peine de mort à l'arrière et militarisera les chemins de fer et les usines d'armement.

Kornilov et Kerensky étaient officiellement main dans la main, mais le conflit pour l'hégémonie politique se préparait dans l'ombre, dans un contexte qui appelait un tournant bonapartiste. Dans ses dépositions ultérieures à la commission d'enquête sur l'affaire Kornilov, Kerensky déclara : « Nous avions été avertis que, pendant la conférence de Moscou, la dictature serait proclamée ». Le régiment de cosaques d'Orenbourg fut expédié par le Grand Quartier Général sur Moscou pour "maintenir l'ordre", mais, sur l'injonction de Kerensky, se trouva retenu en cours de route.

Au soviet de Moscou, tous les partis socialistes percevaient le danger de la réaction derrière Kornilov. On créa un comité révolutionnaire non déclaré publiquement, de six personnes, comprenant deux délégués de chacun des partis soviétiques. Un ordre secret interdit de laisser faire la haie aux chevaliers de Saint-Georges, aux officiers et aux junkers dans les rues où passait Kornilov. Aux bolcheviks qui, depuis les journées de juillet, n'avaient plus officiellement accès dans les casernes, l'on distribuait maintenant avec empressement des laissez-passer : sans eux, il était impossible de conquérir les soldats. Tandis que, sur la scène, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires menaient des pourparlers avec la bourgeoisie au sujet de la création d'un pouvoir fort contre les masses dirigées par les bolcheviks, les mêmes mencheviks et socialistes-révolutionnaires, dans la coulisse, d'accord avec les bolcheviks qu'ils n'avaient pas admis à la conférence, préparaient les masses à la lutte contre le complot de la bourgeoisie. S'étant opposés la veille à une grève démonstrative, les conciliateurs appelaient aujourd'hui les ouvriers et les soldats à des préparatifs de lutte.

Mais en réalité il semble que Kornilov avait fixé la date du 27 août pour son putsch, et ce moment-là ne semblait pas opportun. Dès qu'il devint clair qu'un danger direct n'existait pas, les SR et les mencheviks arrêtèrent de renouveler aux bolcheviks leurs laissez-passer pour les casernes.

2.6 Les discours

Les discours de la Conférence d'Etat étaient chargés de tabous. On ne prononça pas le nom des bolchéviks, qui pourtant étaient la crainte principale des possédants. Plekhanov mentionna seulement, en passant, « le Lenine de triste mémoire », comme s'il parlait d'un adversaire éliminé. Pour ne pas agacer les réactionnaires en parlant de république, Kerensky salua « les représentants de la terre russe » au nom du gouvernement de « l'Etat russe ». La question agraire fut aussi largement esquivée, et notamment Tchernov fut prié de ne rien dire.

Sur la composition de la salle, Soukhanov écrit :

« La brillante salle de spectacle se partageait assez nettement en deux moitiés : à droite la bourgeoisie et, à gauche, la démocratie. A droite, à l'orchestre et dans les loges, on voyait un bon nombre d'uniformes de généraux, mais, à gauche, c'étaient des sous-lieutenants, des sous-officiers, des soldats. En face de la scène, dans l'ancienne loge impériale, s'étaient installés les hauts représentants diplomatiques des puissances alliées et amies... Notre groupe, l'extrême-gauche [les partisans de Martov], occupait un petit coin de l'orchestre. »

Kérenski se fait chaudement applaudir par l'ensemble de la salle en avertissant que toutes nouvelles tentatives contre le pouvoir « seront nettement réprimées par le fer et dans le sang. » Il lance aussi un avertissement à Kornilov : « Quelque soient les ultimatums qui me viendraient de quiconque, je saurai soumettre cet homme à la volonté du pouvoir suprême et à moi qui en suis le chef. » Il ne reçoit des applaudissements que de la moitié gauche de la conférence.

Quand Kérenski fait un discours jurant fidélité aux Alliés (c'est-à-dire continuer la guerre impérialiste), et impulse une ovation des diplomates alliés, seuls quelques internationalistes refusent. D'une loge occupée par des officiers, un cri : « Martov, debout! » Martov resta ferme.

Kéresnki lanca aussi des leçons de morale teintées de menaces à l'adresse des minorités nationales, exigeant qu'elles restent fidèles à son gouvernement.

3 Suites

Les tensions au sommet ne firent qu'augmenter dans les jours suivant la conférence, jusqu'à la tentative de putsch de Kornilov, le 25 août 1917.

4 Notes et sources