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La '''conférence d'État''', qui se déroule à Moscou à partir du 12 août 1917, était une tentative de Kerenski de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'offensive de juin et les journées de juillet.
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La '''conférence d'État''', qui se déroule à Moscou à partir du 12 août 1917, était une tentative de [[Kerenski|Kerenski]] de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'[[offensive_Kerensky|offensive de juin]] et les [[Journées_de_juillet_1917|journées de juillet]].
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Kerenski réinstaure la peine de mort au front, limite les droits des comités de soldats, envoie des troupes pour réprimer les révoltes paysannes. Pour faire face à la crise politique et renforcer l'autorité de l'Etat, Kerenski convoque une conférence d'État à Moscou, censée être plus contrôlable que Petrograd.
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La conférence d'État, s'ouvre à Moscou le 12 août. Environ 2000 délégués sont conviés, parmi des représentants du patronat, des syndicats, de l'État major, des églises et tous les partis politiques, à l'exception des bolcheviks.
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Mais les simagrées de Kerenski font long feu et la Conférence d'État s'enlise, montre son impuissance. Les conciliateurs sont perdus&nbsp;: d'une part ils souhaitent empêcher les bolcheviks de prendre le pouvoir, d'autre part ils ne veulent pas d'un coup d'État de la bourgeoisie.
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Les bolchéviks sont en revanche très actifs dans les usines et les quartiers ouvriers, où ils deviennent hégémoniques et organisent de plus en plus l'ensemble de la vie quotidienne. Le 3 août, dans quelques grandes usines de la capitale, ont lieu des élections aux caisses de maladie. Les bolcheviks raflent 190 sièges sur 230. C'est un vaste mouvement de fond. Le parti comprend alors 240&nbsp;000 membres. Dans les usines et les assemblées inter-quartiers de Petrograd, les ouvriers organisent des rondes, des tours de garde, des rendez-vous d'information à heures fixes. La Garde rouge (détachements ouvriers armés) s'organise de plus en plus ouvertement et prend contact avec les soldats dans les casernes. Dans les syndicats aussi, et le plus souvent sous l'impulsion de bolcheviks, on prend ses marques, on répartit les tâches en vue d'un éventuel coup d'État.
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Le commandant en chef de l'armée, le général Lavr Kornilov, rafle la vedette à Kerenski et apparaît comme l'homme à la poigne suffisamment solide pour ramener l'ordre.
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A l'origine, Kornilov est sans doute le plus républicain de tous les généraux russes. Il se déclare favorable à une certaine démocratisation de l'armée, mais entend que l'évolution soit étroitement contrôlée par l'État-major&nbsp;: il avait réprimé les mouvements démocratiques dans ses propres troupes, y avait interdit les meetings et avait fait fusiller les déserteurs. A la conférence d'État, il annonce clairement son objectif de dissoudre tous les comités populaires nés de la révolution que sont les soviets d'usine, de quartier, de caserne, les comités de quartier. Il annonce en outre qu'il imposera la peine de mort à l'arrière et militarisera les chemins de fer et les usines d'armement.
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C'est ce que Kornilov tentera de mettre en application lors de [[Putsch_de_Kornilov|sa tentative de putsch]], le 25 août 1917.
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Léon Trotsky, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr31.htm Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou]'', 1930
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[[Category:Russie / URSS]][[Category:Histoire]]

Version du 15 juillet 2017 à 00:48

La conférence d'État, qui se déroule à Moscou à partir du 12 août 1917, était une tentative de Kerenski de renforcer le pouvoir d'Etat autour de lui, après la crise ouverte par l'échec de l'offensive de juin et les journées de juillet.

1 Contexte

En juin, les bolchéviks sont devenus majoritaires dans le prolétariat de Petrograd, et leurs revendications gagnent du terrain parmi les soldats. Le "socialiste" Kerensky, nommé président en juillet, a lancé alors une offensive militaire qu'il espérait gagner à tout prix, misant sur une vague de ferveur chauvine qui noirait la popularité bolchévique. Mais c'est un échec, qui n'enraye pas la chute de l'estime dans le gouvernement. Cela conduit à une pression à droite (démission des ministres KD) et à gauche avec les journées de juillet : des ouvriers et soldats exaspérés de Petrograd manifestent armés les 3 et 4 juillet, et une bonne partie sont menaçants envers le gouvernement provisoire. Les bolchéviks tentèrent de canaliser ce mouvement (qui n'était pas mûr pour l'insurrection étant donné le rapport de force dans l'ensemble du pays), en se plaçant à sa tête. Les forces gouvernementales, avec l'appui des socialistes conciliateurs, réprimèrent durement le mouvement, et les dirigeants bolchéviks. Certains furent arrêtés (comme Trotsky), d'autres durent passer dans la clandestinité (comme Lénine).

Kerenski réinstaure la peine de mort au front, limite les droits des comités de soldats, envoie des troupes pour réprimer les révoltes paysannes. Pour faire face à la crise politique et renforcer l'autorité de l'Etat, Kerenski convoque une conférence d'État à Moscou, censée être plus contrôlable que Petrograd.

2 La Conférence d'État

La conférence d'État, s'ouvre à Moscou le 12 août. Environ 2000 délégués sont conviés, parmi des représentants du patronat, des syndicats, de l'État major, des églises et tous les partis politiques, à l'exception des bolcheviks.

2.1 L'impuissance de Kerenski et des conciliateurs

Kerenski tente de s'en sortir avec sa capacité habituelle à faire des discours. Il se déclare proche des milieux de gauche, mais en se présentant en même temps comme un chef militaire qui continuera la guerre et mènera les troupes russes jusqu'à la victoire. Il a le droit, pour cela, à une ovation debout, sauf de la part de quelques internationalistes présents et de quelques délégués de syndicats par ailleurs membres du parti bolchevik.

Mais les simagrées de Kerenski font long feu et la Conférence d'État s'enlise, montre son impuissance. Les conciliateurs sont perdus : d'une part ils souhaitent empêcher les bolcheviks de prendre le pouvoir, d'autre part ils ne veulent pas d'un coup d'État de la bourgeoisie.

2.2 Les bolchéviks

Les bolchéviks sont en revanche très actifs dans les usines et les quartiers ouvriers, où ils deviennent hégémoniques et organisent de plus en plus l'ensemble de la vie quotidienne. Le 3 août, dans quelques grandes usines de la capitale, ont lieu des élections aux caisses de maladie. Les bolcheviks raflent 190 sièges sur 230. C'est un vaste mouvement de fond. Le parti comprend alors 240 000 membres. Dans les usines et les assemblées inter-quartiers de Petrograd, les ouvriers organisent des rondes, des tours de garde, des rendez-vous d'information à heures fixes. La Garde rouge (détachements ouvriers armés) s'organise de plus en plus ouvertement et prend contact avec les soldats dans les casernes. Dans les syndicats aussi, et le plus souvent sous l'impulsion de bolcheviks, on prend ses marques, on répartit les tâches en vue d'un éventuel coup d'État.

2.3 L'émergence de Kornilov

Le commandant en chef de l'armée, le général Lavr Kornilov, rafle la vedette à Kerenski et apparaît comme l'homme à la poigne suffisamment solide pour ramener l'ordre.

A l'origine, Kornilov est sans doute le plus républicain de tous les généraux russes. Il se déclare favorable à une certaine démocratisation de l'armée, mais entend que l'évolution soit étroitement contrôlée par l'État-major : il avait réprimé les mouvements démocratiques dans ses propres troupes, y avait interdit les meetings et avait fait fusiller les déserteurs. A la conférence d'État, il annonce clairement son objectif de dissoudre tous les comités populaires nés de la révolution que sont les soviets d'usine, de quartier, de caserne, les comités de quartier. Il annonce en outre qu'il imposera la peine de mort à l'arrière et militarisera les chemins de fer et les usines d'armement.

C'est ce que Kornilov tentera de mettre en application lors de sa tentative de putsch, le 25 août 1917.

3 Notes et sources

Léon Trotsky, Histoire de la révolution russe - 31. La conférence d'Etat à Moscou, 1930