Pour l'union syndicale

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Les communistes doivent-ils travailler au sein des organisations ouvrières réformistes, ou bien doivent-ils créer de nouvelles organisations dont ils auraient la direction et dont le programme d'action serait conforme à leurs principes ?

La question ne s'est posée en France, d'une manière concrète, que tout récemment. Elle s'est posée pour la première fois devant les éléments de gauche car, avant la guerre, quand la Confédération Générale du Travail était révolutionnaire, certaines organisations réformistes l'avaient déjà tranchée pour leur compte. C'est ainsi que la Fédération des mineurs, de tendance réformiste dans sa majorité, est restée longtemps en dehors de la Confédération Générale du Travail.

C'est dans la Fédération des Métaux que des propositions de scission ont surgi tout d'abord vers la fin de 1918. La défection de Merrheim, secrétaire de la Fédération qui se produisit à cette époque, lorsqu'il se réconcilia avec Jouhaux, sociétaire de la Confédération Générale du Travail, qu'il n'avait cessé d'attaquer jusqu'alors, indigna beaucoup de bons camarades qui proposèrent de boycotter la Fédération, en cessant d'y verser désormais leurs cotisations. Dans le département de la Seine, notamment, où les éléments révolutionnaires étaient nombreux, la question se posa tout de suite avec force. Notre argent disaient-ils est employé à nous combattre et à duper la classe ouvrière ; gardons le pour nous et servons-nous en pour notre propagande.

Mais des camarades non moins indignés de la défection du secrétaire fédéral mais plus clairvoyants montrèrent que cet argument était trop simpliste. Sans doute les cotisations des révolutionnaires servaient désormais à alimenter l'action réformiste et néfaste de la Fédération, mais il fallait envisager le problème dans l'ensemble et ce problème était le suivant. Comment ramener la Fédération dans la voie révolutionnaire ? Comment chasser ses chefs devenus des renégats ? Quitter la Fédération, c'était laisser à ceux-ci le champ libre pour leur action détestable, c'était leur abandonner la masse des travailleurs syndiqués car il était bien sûr que ceux-ci n'auraient eu que des effectifs faibles et auraient perdu le contact avec la masse.

Le point de vue favorable à la scission fut défendu avec acharnement et persévérance surtout par des camarades anarchistes. Mais il ne triompha pas. Il fut vivement combattu par le groupe de la « Vie Ouvrière », resté fidèle aux principes du syndicalisme révolutionnaire, qui avait, dès le début de la guerre, lorsque la trahison de Jouhaux et Cie avait entraîné la Confédération Générale du Travail dans la voie réformiste, préconisé la formation dans tous les syndicats, de noyaux syndicalistes révolutionnaires pour mener la lutte contre les renégats du syndicalisme et ramener la Confédération générale du Travail à sa tradition révolutionnaire. C'était là, comme on le voit, une tactique assez semblable à celle adoptée par le 2e Congrès de l'Internationale Communiste, quand il demanda aux communistes de rester dans les syndicats réformistes, de s'y grouper et de former partout des noyaux communistes. C'est cette tactique qui a finalement triomphé et aujourd'hui les syndicats « minoritaires » — c'est-à-dire révolutionnaires — sont reliés entre eux par un organisme qui a pour tâche de coordonner leur action d'ensemble. Et, bien que des propositions de scission surgissent encore de temps en temps, elles ont peu de chance d'être adoptées.

Les arguments qu'on peut faire valoir en faveur de l'unité syndicale ouvrière et contre la scission sont bien connus. Les discussions qui ont eu lieu au 2e Congrès de l'Internationale Communiste et les thèses qui ont été adoptées, les ont mis une fois de plus en relief. Il peut toutefois se présenter des situations particulières, comme c'est le cas, par exemple pour les Etats-Unis. Ces situations particulières ne peuvent être tranchées par l'application pure et simple de la règle commune admise. Elles exigent un examen particulier et une solution particulière.

Aux Etats-Unis les Fédérations de métiers qui composent l' « American Federation of Labor ». dont le président est le jaune avéré Gompers, ne groupent qu'une faible minorité des ouvriers de ce vaste pays. C'est là un état de choses voulu par elles, car ce qu'elles désirent ce n'est pas unir tous les travailleurs mais n'en grouper au contraire qu'une petite partie, de manière à constituer une sorte d'aristocratie ouvrière. Les moyens employés pour atteindre ce but consistent, entre autres, dans l'imposition d'un droit d'entrée très élevé et dans l'élimination systématique de tous les ouvriers non- qualifiés, dédaignés par les nouveaux aristocrates du travail et abandonnés sans défense à l'exploitation capitaliste.

Cependant, des événements récents ont montré que cet état de choses, qui existe depuis de longues années, est aujourd'hui travaillé par de nouveaux courants. La domination exercée par Gompers et ses acolytes se trouve menacée sérieusement, et même au sein de ces organisations ultra-réformistes et aristocratiques, la lutte révolutionnaire devient possible. C'est là un fait très important.

Mais cette situation n'a d'équivalent nulle part ailleurs et presque partout en Europe, la question se pose d'une façon identique, en Angleterre, comme en Allemagne, comme en France.

Là où des organisations existent qui groupent déjà des dizaines et des dizaines de mille de travailleurs, c'est dans ces organisations que tous les vrais révolutionnaires doivent mener la bataille.

Sans doute, il est plus facile de faire la scission, de déserter les syndicats réformistes et de créer, à côté d'eux, des syndicats révolutionnaires.

Mais les nouveaux syndicats ainsi formés sont condamnés, par la force même des choses, à rester peu importants comme nombre d'adhérents et, ce qui est plus grave, à demeurer sans influence sur la masse des travailleurs, à se renfermer d'avance dans une action, qui, si excellente qu'elle puisse être théoriquement, se trouve, en fait, limitée à un cadre étroit.

La lutte est plus dure dans les vieux syndicats réformistes, mais elle est aussi plus fructueuse. Dans les circonstances présentes les occasions d'agir ne manquent pas. L'instabilité de la production, l'élévation incessante du coût de la vie, jettent les ouvriers dans des grèves fréquentes. Et c'est alors la tâche des communistes de tirer la leçon des événements, de montrer que la lutte pour la simple augmentation de salaires est une lutte insuffisante puisqu'elle est aussitôt suivie d'une augmentation correspondante du coût de la vie, et que c'est au système capitaliste lui-même qu'il faut s'attaquer.

Ils trouvent en outre dans ces mouvements, des possibilités de montrer, d'une manière concrète, la duplicité des chefs réformistes qui ne peuvent dissimuler, au cours de ces mouvements, leur volonté de les paralyser, de les canaliser et de les détourner dans des voies sans issue pour les empêcher d'aller jusqu'à leur conclusion logique et nécessaire. Ces chefs ont, sur le fond des choses, le même point de vue que les capitalistes ; comme eux ils s'efforcent de consolider le vieux monde que la guerre impérialiste a si fortement ébranlé et irrémédiablement atteint dans son équilibre.

Les communistes doivent dire tout cela aux travailleurs ; ils doivent pour eux, tirer la leçon des événements qui se déroulent actuellement à une si prodigieuse allure, en même temps qu'ils précisent le rôle des chefs réformistes et des renégats.

Mais il faut qu'ils soient convaincus qu'ils n'auront de chance d'être entendus de la masse des travailleurs que s'ils restent en contact étroit avec cette masse, s'ils mènent la bataille, avec elle, dans les mêmes syndicats. C'est sur ce terrain qu'ils peuvent exercer leur action avec le maximum de résultats.