Le Parti Communiste Allemand pendant l'aventure de Kapp

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Essai critique

I. — Inaction

Le Parti Communiste allemand n'est pas seulement un parti de critique, — celui d'une critique qui a pour objet de montrer la désagrégation de la société bourgeoise, la servilité des social-patriotes qui la soutiennent, l'action de la social-démocratie allemande indépendante qui trompe et démoralise des ouvriers et enfin celle du Parti Ouvrier Communiste allemand (K.A.P.D.) qui tente de tourner les difficultés à force d'éloquence. Ce n'est pas assez : le Parti Communiste allemand doit également être un parti sachant se critiquer lui-même, — d'autant plus sévèrement que, malgré toutes les fautes qu'il a commises, il reste seul le centre du mouvement ouvrier en Allemagne.

Et précisément parce qu'il n'y a pas d'autre axe de cristallisation au mouvement ouvrier en Allemagne que le noyau formé par le Parti Communiste ; parce que dans le mouvement ouvrier allemand, à part le K.P.D. il n'y a pas de centre spirituel qui puisse étudier objectivement les besoins du mouvement et tirer de cette étude des déductions pratiques, — précisément pour toutes ces raisons le Parti doit analyser impitoyablement ses propres erreurs et en découvrir la source. La discussion commencée dans le Parti après l'aventure de Kapp ne peut être considérée comme close depuis que le Congrès du Parti a dit son mot sur « l'opposition loyale » du Comité Central.

Il est indispensable de continuer cette discussion pour découvrir la source des erreurs commises et tâcher de les éviter à l'avenir. Quant à moi, bien que je reconnaisse qu'une certaine responsabilité m'incombe dans la ligne politique du K.P.D., — je n'ai pourtant pas donné jusqu'à présent d'avis sur les questions sujettes à controverse, n'étant pas assez renseigné pour émettre un avis. Mais à présent, je ne crois plus possible de m'abstenir, ayant à ma disposition toute la presse bourgeoise, social-patriotique, indépendante et communiste du moment, plus les avis des camarades Zetkin, Levi, Braun et Meyer. Je commence par dire que la conduite du Comité Central pendant les jours de l'aventure de Kapp fut marquée par une erreur impardonnable.

L'aventure de Kapp fut une tentative en vue de rétablir le rogne des junkers et du militarisme. La coalition des social-démocrates avec la bourgeoisie donnait aux officiers d'humeur belliqueuse, trop de pouvoir, — ce qui a rendu le coup de main possible. Mais la tentative même a démontré que les junkers ne sont guère satisfaits de l'état de choses actuel, du règne des Erzberger[1] et des Noske. Tenter de rétablir la réaction des junkers signifiait tenter de liquider tout ce qui fut fait par l'Allemagne depuis le mois de novembre 1918, époque où la direction de l'Etat passa dans les mains du capitalisme industriel et commercial. Comme le gouvernement des capitalistes est impossible chez nous sans l'appui des social-démocrates, l'existence de ce gouvernement veut dire l'usure de la social-démocratie, dernier rempart du capitalisme, dont la décomposition entraînera la chute du pouvoir du capital. Le retour de la politique allemande du règne des junkers et du militarisme permettrait à la social-démocratie, après toute sa trahison, de s'affubler du masque de l'opposition : elle lui donnerait la possibilité de tromper de nouveau les masses. Cette dernière appréciation de la situation démontre que le Parti Communiste avait le devoir d'appeler le prolétariat à la lutte contre Kapp et Lüttwitz. Ce devoir était d'autant plus clair que la lutte avec Kapp-Lüttwitz menée énergiquement et sans pitié, pouvait avoir un autre résultat que le rétablissement du pouvoir d'Ebert et de Noske.

Elle devait entraîner un changement de forces, un coup de barre à gauche pour tous les spectateurs passifs des événements du 13 mars. Toute la difficulté de la tactique communiste en 1919 consistait justement en ce que, grâce au pouvoir de MM. Noske et Lüttwitz, les ouvriers ne voyaient pas que chaque manifestation du Parti Communiste ne mobiliserait qu'une partie de la masse ouvrière... Au moment, où les syndicats et la social-démocratie étaient forcés, pour leur propre salut, d'appeler les ouvriers à une grève générale, — à ce moment, sans doute, le Parti Communiste devait se confier aux vagues de la lutte pour l'approfondir, la mener plus loin, que ne voulaient les Ebert et les Scheidemann. Il est vrai qu'il y avait chez nous diverses opinions. Wolffheim et Laufenberg, en décembre 1919, quand on sentait de plus en plus l'imminence du coup d'Etat militaire écrivaient dans le Journal Communiste Ouvrier, qu'ils ne feraient que sourire « en voyant Ludendorff casser la figure à Scheidemann et vice versa ».

Dès lors, dans un article qui fut reproduit par toute la presse communiste, je déclarais que seuls les simples d'esprit pouvaient tenir ce langage ; que nous ne lutterions certes pas pour MM. Noske et Ebert, mais que nous combattrions pourtant les Ludendorff de toutes nos forces.

Les camarades qui sont à la tête du K. P. D. partageaient mon opinion. Comment se peut-il que le Comité Central, bien qu'affaibli par les arrestations et l'absence des militants les plus actifs, ait encore trouvé indispensable de déclarer que l'heure de la lutte n'avait pas encore sonné ?

Dans la brochure[2] du camarade Braun nous lisons que cette altitude était due à la faiblesse de l'organisation berlinoise, incapable alors d'entrer dans la lutte.

Mais les ouvriers berlinois sont autrement nombreux que l'organisation berlinoise du K. P. D. et il est certain que tout membre du Comité Central doit bien comprendre qu'il ne s'agissait pas d'enflammer l'organisation berlinoise du Parti Communiste mais d'indiquer le but du mouvement au prolétariat berlinois, de lui donner le mot d'ordre qui le ferait passer les limites tracées par MM. Legien et consorts.

On voit par l'appel du Comité Central les causes, non-seulement de l'inaction du Comité, mais aussi de son attitude, contre toute manifestation... Dans la lutte contre le « putschisme » nous n'avons pas cessé pendant 6 mois d'indiquer, que dans l'état de choses actuel en Allemagne, le terrain n'est pas encore assez préparé pour la conquête du pouvoir par le prolétariat. Bien que le capitalisme ayant rempli sa mission économique soit en voie de désagrégation, la majorité de là classe ouvrière n'éprouve encore le désir de la révolution que trop faiblement pour pouvoir conquérir et retenir le pouvoir dans la lutte contre le capitalisme admirablement organisé.

Notre opinion est tout à fait fondée et les camarades s'en souvinrent quand ils publièrent leur appel.

Leur désapprobation du coup d'Etat, servit de terrain de développement à une sorte de quiétisme ; de l'impossibilité de conquérir le pouvoir politique en Allemagne, — impossibilité déjà établie empiriquement en 1919, — en mars 1920 ils ont conclu à l'impossibilité d'une manifestation révolutionnaire en général, conclusion qui était déjà inexacte pour l'année dernière, et, au moment de l'aventure de Kapp, était non seulement inexacte, mais objectivement préjudiciable au mouvement révolutionnaire.

Si en 1919 nous n'étions pas de force à établir la dictature du prolétariat, nous étions pourtant de force à organiser une manifestation active contre la dictature du capital.

Et au moment, où nous étions menacés d'un affermissement ouvert du régime des junkers (ce qui forçait même les ouvriers social-démocrates à prendre part à la lutte), la position du Comité Central fut une manifestation de crétinisme complet.

Si Braun déclare dans sa brochure que le 13 mars, l'appel à la lutte était psychologiquement impossible, car les ouvriers se réjouissaient du renversement de Noske, — il se montre mauvais observateur ; comment expliquer autrement la grève générale qui, 24 heures plus tard, éclatait à Berlin. On ne peut accuser les masses d'inactivité ; seuls sont fautifs les membres du Comité Central qui étaient alors à Berlin et se placèrent à un point de vue tout à fait faux.

Avant mon départ de Berlin, je voyais clairement, que l'antiputschisme menaçait de faire reculer les communistes jusque dans les marécages d'une tactique d'expectative et j'ai manifesté cette appréhension dans ma lettre au Congrès du Parti autrichien, en faisant remarquer que la Rote Fahne de Vienne adoptait une position de critique et d'observation dans la lutte sociale prolétarienne. Je n'ai jamais cru que les chefs du prolétariat allemand, élevés dans les combats, pussent atteindre dans leur opposition au « putsch » à des absurdités telles que l'appel du Comité Central du 13 mars.

Après l'expérience des événements de mars, le devoir des camarades luttant contre le « Putschisme », consistait non pas à empêcher la manifestation du prolétariat, mais à lui aplanir le chemin, en écartant tous les détracteurs, tous les phraseurs révolutionnaires du « putschisme » qui empêchent le prolétariat de saisir le moment favorable pour la révolution ; le devoir de ces camarades était de crier au Parti Communiste, que bien que nous soyons en minorité, nous sommes le Parti de l'action, et non le Parti de la propagande, que la passivité est un crime à un moment où les événements appellent à la lutte non seulement l'avant-garde du prolétariat, mais le prolétariat tout entier.

Il est temps que les communistes allemands comprennent que nous n'en sommes plus au 6e ou au 9e mois de la révolution allemande ; voici dix-huit mois que l'Allemagne est en révolution. Pendant ces mois le processus de désagrégation du capitalisme a progressé à pas de géant ; pendant cette année et demie, les dissensions de l'Entente n'ont pas cessé d'augmenter en gravité et le peuple comprend après l'aventure de Kapp que la soi-disant démocratie le mène à la domination des généraux. D'après la manière dont la presse contre-révolutionnaire allemande décrit la chute imminente de la garde-blanche polonaise, on voit que si l'armée rouge russe vient à bout de la Pologne contre-révolutionnaire, la contre-révolution allemande se tournera contre le prolétariat allemand, pour mettre un frein à la révolution mondiale qui commence en Occident. La conférence de San Remo et de Hythe et la conférence qui doit avoir lieu à Spa prouvent que l'Entente est entrée dans la voie des compromis avec la contre-révolution allemande. La raison qui a fait naître cette nouvelle tendance, il ne la faut pas seulement chercher dans la conscience grandissante de l'inéluctabilité du naufrage du capitalisme allemand, auquel sont étroitement rattachés les intérêts les plus grands de l'Entente elle-même, mais également dans la conscience, que la chute de la contre-révolution polonaise priverait l'Entente de la possibilité de se soumettre définitivement l'Allemagne et forcerait l'Entente à prendre la défense de la contre-révolution allemande et du capital allemand, qui leur servirait désormais de tampon contre la révolution mondiale. Dans ces conditions, le renforcement de l'activité politique du communisme allemand devient la question vitale de l'Internationale.

Le Parti ne peut d'année en année ruminer les « vérités » anti-putschistes qui deviennent des erreurs par suite de l'irrésistible croissance de la révolution dans l'avant-garde du prolétariat allemand.

Il est impossible de donner de Moscou des directives concrètes au Parti Communiste allemand, et nous considérons toujours que sa tâche consiste à se créer lui-même sa ligne de conduite. Mais de même que le comité exécutif de Moscou comprit bien l'année passée que, dans le mouvement politique allemand, ceux qui luttaient avec les « putschistes » avaient raison, il lui devient aujourd'hui évident que la propagande doctrinaire antiputschiste n'est plus qu'un frein au mouvement, l'heure venant pour le parti de faire de grandes choses. Les erreurs du 13 mars ne doivent pas être amoindries, elles doivent être appréciées historiquement comme le retour aux tendances de 1919.

L'activité montrée dans tout le pays par le Parti Communiste allemand, malgré l'absence de soutien de la part du Comité Central, dans les événements du 13 mars, est une preuve de sa maturité. Une autre preuve de sa maturité c'est que le Parti, réuni en Congrès, a ouvertement condamné les erreurs du Comité Central.

II.— L'opposition loyale

Après que le poing de fer de la grève des masses ouvrières de Berlin eut fait rentrer sous terre les bandes de Kapp, les travailleurs se trouvèrent devant cette situation : Kapp avait disparu, mais les soldats de Kapp étaient restés. À Berlin et dans les environs ils étaient 10 000 hommes de troupes. Et il y avait mieux : ce qu'on appelait les troupes gouvernementales en province n'étaient rien autre que la même garde blanche. Cette situation créait tout le problème à résoudre efficacement : combattre les blancs, les combattre pour les désarmer et pour armer le prolétariat. Le reste n'était que sornettes présentant quelque intérêt dans certaines coulisses, mais qui ne pouvaient modifier la corrélation des forces. Pour la classe ouvrière allemande toute la question était de savoir si elle pourrait concentrer suffisamment la lutte dans tous les centres pour que le gouvernement désarçonné de Noske et d'Ebert ne pût, de ces centres mêmes, faire son pauvre de réaction et pour que les éléments militaires de la contre-révolution privés de leurs chefs par la disparition du groupe de Kapp ne pussent pas servir d'appareils de répression.

Et c'est dans cette situation que les social-démocrates dirigés par le saltimbanque le plus impudent Legien, jettent l'appât aux Indépendants. Ils traitent avec eux de la rupture de la coalition avec la bourgeoisie, ni plus ni moins, et de l'établissement d'un gouvernement socialiste auquel devaient participer les paladins indépendants et... dépendants. Que ce n'était là qu'une manœuvre de filous, que Legien ne fut qu'un droitier — et d'ailleurs vendu — de la social-démocratie allemande, la chose ne pouvait être perdue de vue à Berlin à l'heure de la lutte. On ne pouvait non plus perdre de vue, dans la mesure où les acteurs de la révolution se rendaient compte de la corrélation réelle des forces, le fait que le gouvernement d'Ebert ne pouvait en aucun cas rompre avec la coalition et chercher un point d'appui à gauche. Il ne constituait un facteur réel que dans la mesure où il disposait de certaines troupes de la Reichswehr qui n'avaient pourtant pas été envoyées contre Kapp ; d'une part le gouvernement s'en défiait et de l'autre il voulait les réserver pour tenir tête, le cas échéant, aux masses ouvrières. Le gouvernement n'aurait pu s'appuyer quelque peu sur la Reichswehr que parce qu'il n'avait pas rompu avec les partis bourgeois et s'était sauvé à Stuttgart au moment où était rentré à Berlin l'ancien gouvernement national. Mais il lui eût suffi de rompre avec la bourgeoisie pour que ses troupes restées fidèles se fussent à l'instant jointes à celles de Kapp. Le gouvernement se fût ainsi trouvé absolument sans appui militaire et n'aurait pu trouver que dans les masses ouvrières des forces suffisantes pour maîtriser la Reichswehr. Et il fallait des fourbes conscients de l'espèce de Crispien et Hilferding pour songer à ce moment à l'établissement d'un gouvernement nouveau au lieu de penser à la continuation de la lutte et au désarmement à tout prix de la Reichswehr. Malheureusement une fraction du Comité Central du Parti Communiste allemand prit part à ce petit jeu, témoignant ainsi de son incapacité à concevoir les rapports véritables des forces. Et comme au 15 mars, lorsque cette fraction du Comité Central avait déclaré que l'heure des actions décisives n'était pas encore venue, elle ne fut pas cette fois encore une force motrice. La tâche du parti communiste à ce moment était uniquement d'adresser au prolétariat un puissant appel, de lui annoncer qu'il était temps de ramasser toutes ses forces pour une lutte armée contre la Reichswehr ; car une semblable conjoncture, pendant laquelle ses troupes se trouvent dispersées dans le pays en fermentation peut ne pas se reproduire de longtemps ; de longtemps une semblable confusion, une semblable discorde au camp de la réaction peut ne pas se reproduire. Les considérations sur l'insuffisance de maturité des masses doivent en ce moment passer au second plan et céder le pas à la résolution de combattre qui prouvera, elle seule, la maturité politique du prolétariat... L'époque révolutionnaire se distingue précisément du temps de paix en ce que l'expérience des masses s'y cristallise quelquefois à des moments spasmodiques de la crise : ce qui paraissait impossible hier devient aujourd'hui réalisable. Celui qui dans une semblable situation se borne à enregistrer le mouvement de l'histoire et n'est pas lui-même une force motrice est un historien et non un politique. Il peut en qualité d'historien avoir raison par la suite et passer brillamment son examen d'histoire, mais il fera en attendant la culbute et c'est toujours là l'examen des faits. La fraction du Comité Central du Parti Communiste allemand qui dirigeait à ce moment le parti politique a échoué à ses examens d'histoire ; et comme l'incapacité d'action et la débilité de volonté mènent toujours aux illusions, de ce marécage d'incapacité d'action a surgi la déclaration du 21 mars, celle de l'opposition loyale.

Après que la social-démocratie eut proposé aux Indépendants d'entrer en négociations au sujet de la création d'un gouvernement socialiste, les droitiers du parti des Indépendants firent pression sur la gauche refusant naturellement de participer sans eux au gouvernement. Les Indépendants de gauche auxquels pendant toute une année nous n'avons pas cessé de répéter qu'un gouvernement de coalition avec Scheidemann ne pourrait être qu'un gouvernement de trahison, qu'il n'y a pas de gouvernement ouvrier autre que celui des soviets, les Indépendants de gauche s'opposèrent à la constitution d'un gouvernement qui eût été formé de social-démocrates et de membres de leur parti. Le camarade Braun l'écrit dans sa brochure. Qu'est-ce à dire ? Les Indépendants de gauche ont avec eux des millions d'ouvriers. Si, sous l'influence de ces masses ouvrières, ils se prononçaient contre l'illusion d'un gouvernement ouvrier sans désarmement de la garde blanche, sans formation de soviets, ce seul fait donnait la possibilité de les pousser plus en avant au combat pour le désarmement. Il y avait une possibilité de les prendre au mot, de les contraindre à l'action et de les démasquer s'ils n'avaient pas tenu leurs promesses. Que fit donc la fraction du Comité Central qui avait à ce moment la responsabilité des actes du parti ? Le compte rendu du camarade Braun est à cet égard une perle digne de passer à la postérité. Il écrit : « Les communistes n'ont certes pas le droit de prendre le pouvoir tant qu'ils ne l'ont pas conquis et tant qu'ils ne peuvent s'appuyer sur les couches les plus profondes de la classe ouvrière. Il fallait d'autre part rendre impossible le retour du gouvernement de coalition. Pour tout parti indépendant qui n'est pas communiste, qui ne reconnaît pas dans la pratique la dictature du prolétariat et reflète ainsi de façon saisissante la maturité insuffisante du prolétariat pour la prise du pouvoir, un devoir historique s'impose. Celui de tirer les conclusions nécessaires et de se montrer tel qu'il est ». On peut en variant quelque peu ces paroles dire du camarade Braun et de ceux dont il exprime l'opinion qu'ils ont véritablement le courage de se montrer tels qu'ils sont : des ratiocineurs et non des militants.

Il suffit d'y penser. Voici 18 mois que nous soutenons une lutte acharnée contre les Indépendants, grâce à l'action des faits mêmes et à nos efforts, les neuf dixièmes des adhérents du Parti Indépendant sont devenus des combattants et participent au combat de la révolution à côté des communistes.

Certains leaders des Indépendants font preuve de tendances communistes tellement prononcées que le Comité Central du Parti Communiste allemand est entré avec eux en pourparlers de principe concernant leur adhésion à la 3e Internationale. Dans les conditions les plus favorables de la révolution allemande, les Indépendants de la gauche ont démontré qu'ils étaient effectivement enclins à reconnaître la dictature du prolétariat, mais une partie du Comité Central leur adressa l'appel suivant : « Vous n'êtes communistes qu'en apparence ; en réalité, vous devez représenter l'insuffisance de la préparation des masses, et nullement, leur maturité croissante... Dieu vous garde de rompre avec votre aile droite. Dieu vous préserve de renoncer à prendre part au gouvernement des Scheidemann... Votre devoir historique est de leurrer encore une fois le prolétariat... » Au lieu d'être une force motrice, incitant les Indépendants à défendre leurs opinions, cette partie du Comité Central les pousse à la suite des Scheidemanniens, à la trahison de la classe ouvrière.

Malgré l'opposition de l'autre groupe, cette partie du Comité Central répondit à la question des Indépendants de la gauche sur l'attitude des communistes envers le pouvoir ouvrier par la déclaration du 21 mars, déclaration qui, sous forme marxiste, et se donnant l'apparence d'exprimer ce qui est, exprimait non la situation générale véritable du moment, mais l'opinion que s'en faisait alors cette partie du Comité Central, c'est-à-dire un simple cercle de raisonneurs politiques... Le paragraphe 4 de cette déclaration fut vivement critiqué. Il reconnaissait évidemment la possibilité d'un ordre de choses où la domination de la démocratie bourgeoise serait possible sous une forme autre que celle de la dictature du capital. Or, cela ne peut être qu'un lapsus calami... Mais là ne réside pas le centre de gravité, le péché de la déclaration. Le vice de la déclaration consiste, premièrement, en ce que le Comité Central induisait les masses en erreur en prétendant qu'elles pouvaient organiser un nouveau pouvoir révolutionnaire sans avoir préalablement désarmé les blancs dans une tenace lutte individuelle et de classe. Il consiste en ceci que le Parti Communiste, poursuivant le fantôme du pouvoir révolutionnaire, renonce à ses positions révolutionnaires ; en déclarant qu'il va poursuivre une politique d'opposition loyale envers le pouvoir, et fait remarquer qu'il entend par les mots « opposition loyale » son renoncement aux préparatifs d'une révolution par la violence, tout en restant fidèle à son devoir d'agitation politique, à la condition toutefois, que le pouvoir socialiste combattrait la contre-révolution et n'opposerait point d'obstacles aux ouvriers dans leur lutte. Ainsi Don-Quichotte, embrassant une souillon dans une étable, lui prêtait serment de fidélité, s'imaginant qu'elle était fille de roi, qu'elle resplendissait de beauté et possédait toutes les qualités morales et physiques. — De même, toutes ces suppositions ne correspondant en rien à la réalité, ne furent qu'une manifestation de Don-Quichottisme, c'est-à-dire d'une conception irrationnelle de la vie. Quand les défenseurs de cette déclaration nous disent maintenant qu'ils se réservaient la possibilité de commencer une lutte impitoyable contre le gouvernement ouvrier s'il ne remplissait pas son devoir, il ne reste plus qu'à leur répondre qu'il n'entre nullement dans la tâche du parti communiste de paraître plus sot qu'il ne l'est en réalité. Le Parti Communiste aurait dû savoir que dans les circonstances données, le gouvernement dit ouvrier aurait trahi le prolétariat. Quand les social-démocrates commencèrent, de concert avec les Indépendants, leurs bavardages sur la formation d'un gouvernement ouvrier, le premier devoir des communistes était de mettre les prolétaires en garde contre ce jeu. Leur second devoir était de chercher à continuer la lutte. Ce n'est que dans le cas où l'on n'y aurait pas réussi, et où la formation d'un gouvernement ouvrier représenterait un couteau sans lame, s'il ne devient pas un poignard tourné contre la classe ouvrière. Ne lui portant pas confiance, nous nous tiendrons néanmoins en armes ; si les social-démocrates annulent l'ordre de dissolution déjà mis en vigueur, s'ils reconnaissent les soviets ouvriers comme étant des organes constitutifs du gouvernement ; s'ils le font, nous lutterons contre eux au sein des soviets ouvriers et nous ne leur casserons le cou que lorsque nous aurons, dans les soviets ouvriers élus démocratiquement, une majorité acceptant la plateforme de la politique communiste et de la dictature du prolétariat. Ce don, ce cadeau d'un gouvernement ouvrier ne pourrait être accepté par le Parti Communiste que lance en main, « pointe contre pointe », comme il est dit dans le chant de Hildebrandt, et pas autrement.

En défense de la politique opposée, parfaitement illusoire, Braun signale la politique des bolcheviks russes exposée par Lénine à la fin de septembre 1917, après l'insurrection de Kornilov, dans son article sur les compromis. Braun a parfaitement raison en disant que les contingents de la classe ouvrière doivent étudier le plus minutieusement possible les expériences de l'autre classe dans la lutte révolutionnaire et doivent s'en servir. Mais étudier les expériences veut dire connaître à fond les conditions de lutte de chaque armée ouvrière. On ne peut pas étudier l'histoire des guerres sans avoir de bonnes cartes topographiques, sans se rendre clairement compte de la disposition des troupes ennemies et la corrélation de leurs forces. Il n'y a point d'autre stratégie que l'étude détaillée des campagnes et des batailles isolées. Quelle que fût la situation du gouvernement mencheviste-social-révolutionnaire de Kérensky pendant la révolte de Kornilov, la majeure partie de l'armée était opposée à la contre-révolution. L'insurrection de Kornilov essuya une défaite, non pas tant à cause de la pression de la classe ouvrière, qu'à cause du refus de l'armée à la suivre. Si les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires avaient consenti à rompre avec la bourgeoisie, ils auraient pu s'appuyer non seulement sur la classe ouvrière armée, mais encore sur la majeure partie de l'armée révolutionnaire. C'est là que réside la première différence, car tandis que les Scheidemanniens se trouvaient à la merci de la Reichswehr, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires pouvaient s'appuyer, pour faire front à la coalition Bourgeoise, sur des forces armées considérables et pouvaient, par conséquent, en théorie, modifier effectivement leur politique. Deuxièmement ; aux jours de Kornilov la classe ouvrière s'arma ; un sang nouveau afflua dans les veines des soviets ouvriers, ils devinrent le facteur décisif du pouvoir ; en proposant aux mencheviks et aux socialistes-révolutionnaires de rompre avec la bourgeoisie, les bolcheviks leur proposaient par là-même de se transformer en un gouvernement soviétiste. Braun lui-même cite les paroles suivantes empruntées à la brochure de Trotski : « De la révolution d'octobre à la paix de Brest-Litowsk » ; Toutes les expériences de coalition précédentes ont démontré la possibilité d'une seule issue : la rupture avec les cadets et la création d'un gouvernement soviétiste. La corrélation des forces au sein des soviets était à cette époque telle que le gouvernement soviétiste se serait trouvé entre les mains des socialistes-révolutionnaires et des mencheviks. En lançant leur mot d'ordre « Tout le pouvoir aux soviets », les bolcheviks offraient donc aux mencheviks : 1° de rompre avec la bourgeoisie et 2° d'établir un gouvernement soviétiste... Ils poursuivaient, par conséquent, une politique qui non seulement n'était pas en contradiction avec leur programme, mais qui s'y conformait entièrement, politique de création d'un gouvernement soviétiste sur base de la corrélation de forces au sein des soviets. L'article célèbre de Lénine sur les compromis a précisément trait à cette question. Or, les auteurs de la déclaration sur l'opposition loyale me voulaient pas de gouvernement soviétiste, au contraire ils n'aspiraient qu'à la répétition du Gouvernement Ouvrier, du modèle Scheidemann-Haase, et cela justement à l'époque où ce gouvernement des ouvriers se trouvait indubitablement sans appui : l'allusion à la politique réaliste des bolcheviks dans le but de défendre cette politique illusoire ne fait que dévoiler le fait qu'une partie des camarades du Comité Central furent des imitateurs et non des lutteurs politiques. Certes, Braun a parfaitement raison quand il traite de non-marxiste toute critique de principe qui n'admet pas de période de transition. Si les Indépendants et les Scheideimanniens avaient formé un gouvernement qui aurait entrepris de combattre la contre-révolution, nous aurions été obligés de prêter appui à ce gouvernement afin de le pousser en avant. Qui décline cela, propose des principes irréels ; or, la souplesse de la tactique ne consiste pas à faire la chasse aux ombres, mais uniquement à mettre à profit pour la révolution les faits réels.

Quelle est donc la source des erreurs de la partie du Comité Central qui a fait la chasse au fantôme du gouvernement ouvrier et rappelé aux Indépendants leurs devoirs contre-révolutionnaires, au lieu de leur rappeler leurs devoirs révolutionnaires ? La déclaration du 21 mars naquit de la déclaration du 13 mars. L'expérience de la stratégie a établi que les erreurs commises au début de la campagne sont difficiles à réparer durant son cours. Ce fait empirique a une signification d'autant plus grande pour la stratégie de la lutte de classe que de telles erreurs ne résultent pas d'erreurs de calculs ordinaires, mais ont généralement leur source dans la direction d'ensemble. Ce que nous avons dit au début, dans la première partie de notre article, à savoir qu'une partie du Comité Central appréciait en mars 1920 la tactique du communisme du point de vue de mars 1919, qu'elle craignait les aventures révolutionnaires, alors qu'elle se trouvait au centre de l'action révolutionnaire de masse — voilà la source de cette erreur. Certes, la révolution n'avance pas plus rapidement qu'elle ne peut, mais celui qui à tout moment de l'action au lieu de chercher à hâter le cours de l'histoire s'efforce de le ralentir, celui-là cesse d'être un facteur de transformation sociale, pour devenir une force d'inertie. Au commencement de mars 1920 une partie du Comité Central était convaincue de l'inaptitude de la classe ouvrière au combat.

La classe ouvrière et le Parti Communiste leur donnèrent un démenti sur toute la superficie de l'Etat. Poussé par ses éléments plus perspicaces, le Comité Central entama la lutte. Il ne prêchait déjà plus la cessation de la grève générale ; mais le chant de l'inaptitude de la classe ouvrière au combat demeurait toujours dans son âme, et quand les Indépendants commencèrent leurs coquetteries avec les social-démocrates, il poussa un soupir de soulagement. S'il est permis de nous exprimer ainsi, nous dirons : Le Comité Central atteignit donc l'oasis, où ceux qui n'avaient pas foi en la combativité des masses pouvaient se reposer sur le terrain d'une opposition loyale à l'ombre d'un fantôme de gouvernement ouvrier. Le crétinisme parlementaire céda la place au crétinisme gouvernemental. Le Comité Central ne se demanda pas s'il était possible du continuer la lutte, n'examina même pas la possibilité existante, en général, d'un soi-disant gouvernement ouvrier, sans un combat préalable contre la garde blanche. Le gouvernement ouvrier était pour lui, comme pour Kapp, identique à l'entrée triomphale de Legien et de Crispien dans la Wilhelmstrasse. Alors les ouvriers devaient être armés. Dans sa déclaration du 21 mars 1920, le Comité Central répète en trois paragraphes, que la classe ouvrière n'a pas de forces armées suffisantes à sa disposition. Qu'est-ce à dire ? Que les armes et les arsenaux se trouvaient entre les mains des contre-révolutionnaires, de la garde blanche. Comment pourrait-on modifier ce fait dans la réalité révolutionnaire ? Uniquement par la lutte des masses ouvrières désarmées ou insuffisamment armées ; ce n'est qu'au moyen d'une offensive énergique et profonde dans tout le pays qu'elles auraient pu vaincre et disperser la garde blanche. C'était là une possibilité réelle. Au lieu de cela, le Comité Central fondait ses espérances sur un gouvernement qui désarmerait par ordre ou décret la garde blanche de la Wilhelmstrasse. La Wilhelmstrasse, terre promise : tel est le mot d'ordre qui renferme toute la sagesse de cette partie du Comité Central. Mais cette terre promise s'effondra dès que Legien eut réussi, au moyen de négociations avec les indépendants, à duper et calmer les masses ouvrières ; les social-démocrates revinrent alors à leur premier amour, la coalition avec la bourgeoisie et en récoltèrent les fruits dans leur défaite aux élections.

III. — Contre le danger du possibilisme communiste

Au Congrès des ouvriers communistes ces derniers se dressèrent énergiquement contre les erreurs et les aberrations de leurs chefs. L'épisode de « l'opposition loyale » fut liquidé, mais c'eût été la plus grande erreur que de l'oublier ou de le considérer, par esprit de conciliation, comme une simple méprise. Que cette erreur fut possible de la part d'un parti fondé par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, voilà qui prouve seulement que le Parti Communiste Allemand a une psychologie quelque peu dangereuse. Cela prouve aussi que la lutte contre les aventures révolutionnaires a laissé dans le parti un courant « possibiliste » qui, s'il n'est pas définitivement liquidé intellectuellement, ne ferait que renforcer la tendance semi-anarchique qui se manifeste dans le Parti Communiste ouvrier. Le danger du « possibilisme » doit être liquidé par ce moyen unique : le Parti doit comprendre que les contrastes de classe s'accentuent de plus en plus, que les résultats des élections créent en Allemagne une confusion politique, que la situation politique mondiale devient de plus en plus compliquée, que la lutte de la Russie soviétiste contre la Pologne ouvre des perspectives nouvelles, et que, par conséquent, le devoir du Parti est de penser de plus en plus obstinément à ses fonctions actives et non pas à ses fonctions enrayantes. Nous ne voulons pas dire par là qu'il n'y a plus d'étapes possibles sur la route qui mène à la république soviétiste en Allemagne, bien que nous disions tout aussi franchement, que cette possibilité est, à notre avis, fort médiocre. Nous le pensons, parce que la social-démocratie allemande n'a pas en définitive de gauche qui consentirait à prendre sur elle la lutte contre la bourgeoisie, ne serait-ce que sous forme démocratique. En outre, si les ouvriers entreprennent une lutte armée contre la garde blanche, ils perdront vite leurs illusions démocratiques. Toutefois, comme il a été dit, la politique cache des possibilités dont, bien qu'elles ne fussent que peu probables, il faut absolument tenir compte. Si nous réussissions à la prochaine collision révolutionnaire, à inciter les ouvriers à combattre pour la république soviétiste, et si l'histoire nous imposait un Etat transitoire sous forme d'un gouvernement social-démocratique indépendant — sans aucun doute, nous ne nous jetterions pas dans la lutte avec des forces insuffisantes, nous ne refuserions pas à user de la liberté d'action considérablement élargie qu'un semblable gouvernement serait bien obligé de nous accorder. Mais nous devons nous opposer à ce gouvernement, à cette possibilité, en ne reconnaissant qu'un loyalisme : le loyalisme envers le programme et la tactique du communisme, qui nous dit ; Ne moissonne pas où tu n'as pas semé. Et non le loyalisme envers les social-démocrates et les indépendants en cas de formation par eux d'un gouvernement socialiste et ouvrier dans le but évident de trahir la classe ouvrière.

Les leçons des journées de mars sont édifiantes non seulement parce qu'elles ont montre le péril caché dans le Parti Communiste, mais encore parce qu'elles ont posé le problème sur lequel devront s'arrêter en passant les communistes de tous pays, ceux qui font l'éducation du Parti Communiste dans sa lutte avec les éléments instables de la classe ouvrière, qui dans certaines circonstances sont capables de former un bloc avec les opportunistes.

Dans son livre sur les maladies infantiles du communisme le pilote de la révolution mondiale, Lénine, préconise une si grande élasticité d'action dans le développement de la classe ouvrière qu'elle va jusqu'au bloc électoral avec Henderson et consorts en Angleterre tant que les masses ouvrières les suivent. Mais il dit aussi aux communistes : si les circonstances nous obligent à élire Henderson pour porter un coup à la coalition bourgeoise, faites-le, mais répétez aussi le plus souvent possible aux travailleurs : Henderson est un traître, Henderson vous trahira, et nous le jetterons bas. Répétez-le plus souvent afin que les travailleurs puissent perdre leur confiance en lui. Nous le suivons comme ses héritiers. Et il n'est pas question d'opposition loyale. Et c'est ici le centre de gravité de votre action révélatrice ; c'est ici que vous devez vous montrer capable de rejeter aux ordures les produits tarés de l'histoire. Et ceci est de la politique réaliste.

La politique communiste est menacée de deux dangers. Tout d'abord c'est que, par suite des appels réitérés et des coups de trompette de ceux qui, dans la masse ouvrière, se tiennent à l'écart de l'action, cette politique pourrait être tentée de remplacer l'action directe. Le second danger réside dans la possibilité, pour le parti, de perdre, dans son désir de s'unir à la masse sur le terrain de l'action, ses traits intrinsèques et ses propres devises. L'Internationale Communiste doit lutter contre ces deux dangers. Nous ne pouvons pas poursuivre une politique communiste sans nous rattacher aux masses qui ne se développent que lentement, et nous ne pouvons pas, d'autre part, poursuivre une politique communiste en nous abaissant au niveau des masses qui se trouvent encore dans les phases inférieures de leur développement. La solution du problème consiste à avoir notre propre politique communiste, qui pénétrerait les masses, les pousserait en avant et à lutter pour la conquête des syndicats. Le Parti Communiste Allemand a échappé au premier danger. Mais en mars dernier il a prouvé que le second dépassait ses forces ; et ce second danger menace les partis communistes de tous les pays, qui partout absorbent les éléments centristes et sont contraints de maîtriser les éléments les plus impétueux en se conformant au rythme donné du développement. En ce dernier cas, nous sommes en présence d'un autre danger ; ceci pourrait amener la dégénérescence du Parti Communiste, en tant qu'élément d'action d'avant-garde, et la formation de partis centristes sous le drapeau du communisme. L'attitude du Parti Communiste Allemand envers l'erreur commise par certains éléments du Comité Central permet de conclure que le danger ne peut être pour lui ni de longue durée, ni d'une grande importance. Il est plus grand pour le parti italien et pour le mouvement communiste français, c'est pourquoi le Parti Communiste Allemand et l'Internationale Communiste doivent, en tenant compte de la leçon des journées de mars, s'adresser aux partis communistes, en reconnaissant devant eux que le jour et l'heure de notre victoire dépendent non seulement des forces historiques, mais encore de notre propre force, de notre volonté de vaincre, de notre énergie. Prenez en considération les autres côtés du parallélogramme historique, mais augmentez, en premier lieu, votre pression, votre énergie, et le tracé des lignes changera autrement vite en notre faveur, que si nous tentions de devenir la diagonale de ce parallélogramme. Cette diagonale — ce sera l'action générale des masses ; quant à nous, l'histoire nous prédestine à être la force impulsive de la révolution.

  1. Mathias Erzberger, membre du Zentrum et ministre de Scheidemann. Il allait être assassiné par l'extrême-droite en août 1921.
  2. M. Braun, Die Lehren des Kapp-Putsches (Les leçons du putsch de Kapp), Leipzig, édition Frank.