La lutte de Classe de l’État Prolétarien

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Les formes économiques en Russie des Soviets ; C’est la lutte des classes qui décidera de l’avenir
par N. Boukharine (Moscou).

Le sytème économique en voie de formation chez nous est habituellement qualifié “capitaliste d’Etat”. En réalité il est si complexe que nulle formule ne le définit. En outre, les économistes désignaient jusqu’à présent sous le nom de capitalisme d’Etat tout autre chose que ce que nous entendons par là. Essayons de classer les différentes formes économiques eu voie de développement chez nous.

1° Ce sont d’abord les entreprises de l'Etat prolétarien, nationalisées, — les monopoles. Il faut les distinguer des monopoles d’Etat capitalistes qui appartiennent à la bourgeoisie, « constituée en Etat » (Marx). Chez nous, elles appartiennent à la classe ouvrière et comme c’est la propriété des moyens de production qui est l’essentiel on voit que les termes de « capitalisme d’Etat » sont déjà assez impropres. D'autre part ces entreprises sont encore loin d'être socialistes car l'économie socialiste sous-entend un plan d'ensemble de l’exploitation, rigoureusement appliqué, alors que nous nous efforçons en ce moment de nous adapter à la situation du marché.

Mais la forme capitaliste de l’exploitation (base commerciale, salaires, production pour le marché) ne modifie en rien la question essentielle de la propriété de ces moyens de production.

2° Viennent ensuite les entreprises mixtes, dont l’Etat prolétarien est en même temps que certains groupes capitalistes le copropriétaire. L’Etat prolétarien y possède un certain nombre d’actions, le reste pouvant appartenir à des capitalistes russes ou étrangers. Ici, les ouvriers et les capitalistes sont à la fois propriétaires. Une partie de la plus value revient à l’Etat ouvrier, une autre aux actionnaires privés. Une lutte incessante ne manquera pas de se produire dans ces entreprises entre l’Etat ouvrier et les capitalistes. Au fur et à mesure que se développera la puissance économique du prolétariat, sa part d'influence et de propriété y augmentera. Normalement l'état prolétarien devrait diriger ces entreprises de même qu'en système capitaliste les grandes banques et les trusts dirigent les entreprises secondaires.

3° Les concessions. L'Etat ouvrier en est le propriétaire mais pas complètement car le concessionnaire peut y apporter son outillage et ses moyens de production. La plus-value est aussi divisée en deux parts et la lutte des classes dans les concessions se traduira par une lutte pour la définition et l’importance de ces parts.

4° Aux entreprises capitalistes privées, contrôlées par l'Etat ouvrier, se rapportent celles qui sont entièrement la propriété des particuliers. Les banques de l’Etat, ses institutions de crédit, la législation de l’Etat ouvrier, etc. les contrôleront.

5° A l’économie petite bourgeoise. se rattachent les entreprises des petits producteurs, artisans, gens de métier, paysans, qui offrent la plus large base au développement des relations sociales purement bourgeoises et capitalistes. Cette économie contient souvent, surtout dans les régions orientales de la Russie, tous les éléments de l’économie primitive précapitaliste.

I1 va de soi que la liberté du commerce, étant donné le nombre incalculable de petites entreprises développera sans cesse les rapports économiques capitalistes et renforcera constamment les grandes entreprises capitalistes concurrentes de l’Etat ouvrier.

Telles sont les formes économiques les plus importantes existant actuellement en Russie des Soviets.

Mais nous devons encore aborder une question tout à fait importante. Considéré comme un tout le système économique de la Russie est placé sur le marché mondial en face des grands organismes capitalistes. Et l’on peut supposer qu'une partie importante de la plus-value produite par toute l’industrie russe. y compris celle de l’Etat, finira toujours par tomber dans la poche de la bourgeoisie étrangère, sous forme de paiement de dettes et de bénéfices commerciaux réalisés à notre détriment. Cette hypothèse ne fait que souligner une fois de plus que tout notre développement économique ne sera pas autre chose qu'une forme particulière de lutte des classes. En Russie, cette lutte revêtira les formes de la concurrence entre les entreprises de l’Etat et les entreprises privées, celle des litiges et des discussions sur les contrats imposés aux concessionnaires, celles du combat pour la part plus ou moins grande des bénéfices que prélèvera l’une des parties ou pour l'influence plus on moins grande qu’elle exercera dans les entreprises mixtes.

Dans l'économie mondiale notre lutte de classe se traduira par l’obtention des traités de commerce, des tarifs douaniers, des crédits, etc., dans des conditions plus ou moins avantageuses. Si nous nous développons, la part de plus-value revenant à l’Etat prolétarien s’accroîtra infailliblement. Si, au contraire, nous sommes les plus faibles, cette part sera de plus en plus dévorée par les groupes capitalistes.

Comme on le voit notre « capitalisme d'Etat » ne ressemble en rien à celui dont on parle trop souvent en Europe et qui ne serait que l'aboutissement suprême d’un développement capitaliste, concentrant entre les mains de l’Etat bourgeois, organisation de classe la plus puissante et la plus achevée, la totalité des moyens de production.

Certes, notre système économique peut aboutir à cela si nous sommes vaincus dans la lutte des classes, vaincus dans la production, et si le pouvoir politique échappe au prolétariat. Mais tout dépend désormais de la lutte et il y a bien des chances, — surtout en tenant compte de la désorganisation réelle de l’économie capitaliste mondiale, — que l'issue de cette lutte nous soit favorable. Et s’il en est ainsi, les organismes capitalistes en formation au sein de notre système n’auront joué que le rôle de techniciens au service de la classe ouvrière.

La variété des formes économiques existant dans la république des Soviets est un des faits les plus importants à connaître. Son importance est surtout apparue à l'occasion de la discussion sur le rôle des syndicats dans la nouvelle politique économique. Car c’est la graduation des formes économique« qui détermine les tâches, les méthodes et les formes organisatrices de l’action syndicale.