A propos du discours de Kamenev au comité exécutif central des soviets sur la conférence de Stockholm

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La question de la convocation à Stockholm d'une conférence internationale des socialistes vint à l'ordre du jour en avril 1917. Le social-démocrate danois Bjorgberg vint à Petrograd inviter les partis socialistes de Russie, an nom du Comité Unifié des partis ouvriers du Danemark, de Norvège et de Suède, à prendre part à une «conférence de la paix des socialistes à Stockholm». Cette question fut débattue à la séance du Soviet de Petrograd des députés ouvriers et soldats. Les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires acceptèrent la proposition de Bjorgberg et décidèrent de prendre l'initiative de sa convocation. La VIIe conférence des bolcheviks de Russie (conférence d'Avril), sur proposition de Lénine, s'éleva résolument contre la participation à une conférence convoquée par les social-chauvins, dénonça son caractère impérialiste et qualifia Bjorgberg d'agent de l'impérialisme allemand.

Le 6 (19) août 1917, à la séance du Comité exécutif central où fut discutée la même question, Kaménev prononça un discours en faveur de la participation ; il déclara que la décision des bolcheviks devait être revue. La fraction bolchevique du C.E.C. se désolidarisa de Kamenev.

Lénine adressa une lettre- «A propos de l'intervention de Kamenev au C.E.C. sur la conférence de Stockholm» - à publier au journal Prolétari et une autre au Bureau du Comité central à l'étranger, le 17 (30) août. Il déclarait : «Je considère l'intervention de Kamenev... comme le summum de la bêtise, sinon de l'infamie, et j'ai déjà écrit à ce propos au C.C. et à l'intention de la presse » (Œuvres, Paris-Moscou, t. 35, p. 326). Le C.C. bolchevique, après avoir examiné la question, le 10 (29) août confirma sa décision de non-participation. La conférence n'eut pas lieu. [N.E.]

Le discours prononcé le 6 août par le camarade Kaménev, au Comité exécutif central des Soviets, sur la conférence de Stockholm, ne peut manquer de provoquer une riposte de la part des bolcheviks demeurés fidèles à leur parti et à leurs principes.

Dès la première phrase, le camarade Kaménev a fait une réserve de pure forme, qui donne à son discours un caractère vraiment monstrueux. Le camarade Kaménev déclare ne parler qu'en son nom propre, « notre fraction n'ayant pas encore débattu cette question ».

Premièrement, depuis quand les membres d'un parti organisé prennent-ils la parole «en leur nom propre» sur des questions importantes ? La fraction n'ayant pas débattu la question, le camarade Kaménev n'avait pas le droit d'intervenir.

C'est la première observation qu'appellent ses propres paroles.

Deuxièmement : de quel droit le camarade Kaménev a-t-il oublié qu'il existe une décision du C.C. du parti contre la participation à la conférence de Stockholm ? Tant que cette décision n'a pas été abrogée par un congrès ou par une nouvelle décision du Comité central, elle est la loi du parti. Si elle avait été abrogée, le camarade Kaménev n'aurait pas pu le passer sous silence et n'aurait pas pu dire, s'exprimant au passé : « Nous, bolcheviks, avons observé, jusqu'à ce jour, une attitude négative à l'égard de la conférence de Stockholm.»

Là encore on aboutit à la même conclusion : non seulement Kaménev n'avait pas le droit de prendre la parole, mais encore il a délibérément enfreint une décision du parti, délibérément parlé contre le parti, combattu la volonté du parti, puisqu'il n'a fait aucune mention de la décision du Comité central à laquelle il est tenu de se conformer. Cette décision a pourtant été publiée en son temps dans la Pravda, suivie même d'une note dans laquelle était dit que le délégué du parti quitterait la conférence de Zimmerwald si celle-ci se prononçait pour la participation à la conférence de Stockholm[1].

Kaménev a présenté inexactement les raisons qui déterminaient «naguère» l'attitude négative des bolcheviks à l'égard de la conférence de Stockholm. Il a passé sous silence le fait que des social-impérialistes y participeront et que tout rapport avec ces gens-là est déshonorant pour un social-démocrate révolutionnaire.

Si fâcheux qu'il soit de l'avouer, il faut le faire : Starostine, qui a commis tant d'erreurs et tant de coalisions, a exprimé le point de vue de la social-démocratie révolutionnaire mille fois mieux que Kaménev, avec mille fois plus d'exactitude et de dignité. Discuter avec des social-impérialistes, des ministres, des complices de la sanglante répression qui a lieu en Russie, c'est une honte et une trahison. On ne peut alors parler d'internationalisme.

Les arguments de fond invoqués par Kaménev en faveur de la «modification» de notre point de vue sur la conférence de Stockholm sont faibles à en être ridicules.

«Nous nous sommes rendu compte, a dit Kaménev, que Stockholm cessait (? ?) à partir de ce moment (? ?) d'être un instrument aveugle entre les mains des Etats impérialistes. »

C'est faux. Aucun fait ne le prouve et Kaménev n'a rien pu apporter de sérieux pour étayer son affirmation. Que les social-impérialistes anglo-français n'aillent pas à cette conférence et que ceux d'Allemagne y aillent, quoi de changé en principe ? Y aurait-il là un changement du point de vue d'un internationaliste ? Kaménev aurait-il déjà «oublié» la décision prise par la conférence de notre Parti (le 29 avril), dans le cas tout à fait analogue d'un social-impérialiste danois ?

A en croire les journaux, Kamenev a dit encore :

«Le large drapeau de la révolution, sous les plis duquel le prolétariat du monde entier mobilise ses forces, commence à flotter sur Stockholm.»

Déclamation la plus creuse, dans le goût de Tchernov et de Tsérétéli. Mensonge criant. Ce n'est pas le drapeau de la révolution, c'est celui des tractations, des accommodements, de l'amnistie accordée aux social-impérialistes, des négociations entre banquiers au sujet du partage des annexions, c'est ce drapeau-là qui commence en réalité à flotter sur Stockholm.

On ne peut pas tolérer qu'un parti d'internationalistes, répondant de l'internationalisme révolutionnaire devant le monde entier, se compromette par des complaisances envers les machinations des social-impérialistes russes et allemands, envers les machinations des ministres d'un gouvernement impérialiste bourgeois des Tchernov, des Skobélev et consorts.

Nous avons décidé de bâtir la IIIe Internationale. Nous devons y arriver, quelles que puissent être les difficultés. Ne reculons pas d'une semelle vers les arrangements avec les social-impérialistes et les transfuges du socialisme !

  1. Cf., Œuvres, Paris-Moscou, tome 24, p. 397, «Sur la convocation d'une conférence internationale prétendument socialiste avec la participation des social-chauvins» - (N.R.)