I. Bolivie : la clé de la discussion actuelle

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1. Les prévisions de la majorité pour la Bolivie.[modifier le wikicode]

Quand Trotski disait que « diriger c'est prévoir », il affirmait que sans prévisions correctes sur le futur immédiat de la lutte de classes, il est impossible d'élaborer une politique révolutionnaire. Pour obtenir ces prévisions correctes, un marxiste a deux points de référence :

  1. l'analyse objective de la situation réelle de la lutte de classes ;
  2. faire cette analyse avec l'arsenal théorique accumulé par le mouvement ouvrier en plus de cent ans de lutte : le marxisme-léninisme-trotskysme.

Quand quelqu'un renie cette tradition pratique et théorique, il tombe inévitablement dans des analyses erronées, des prévisions fausses et des orientations incorrectes. C'est ce qui est aux camarades de la majorité en Bolivie.

Les camarades de la majorité, et en particulier le camarade Germain, ont jeté par dessus bord toutes les connaissances antérieures pour adhérer presqu'inconditionnellement à la théorie guévariste. Quelle est cette théorie ? C'est très simple: le schéma guévariste dit qu'en Amérique latine il y a unité monolithique entre bourgeoisies nationales , armés et impérialisme. C'est ce dernier qui décide des changements de régimes, optant pour des régimes « fascistes » ou « démocratiques » selon sa convenance, mais la tendance générale allant vers les régimes « fascistes ». Cette situation (toujours selon le schéma guévariste) favorise le développement de la lutte armée, car les régimes fascistes, en liquidant toute possibilité de luttes ou mouvements légaux, amènent inévitablement toutes les protestations à se faire les armes à la main. Le contraire se passe quand s'instaurent des régimes de démocratie bourgeoise; dans ce cas-là, la perspective de lutte armée s'éloigne jusqu'à disparaître.

Nous verrons plus loin que cette série de raisonnements n'a rien à voir avec le marxisme et encore moins le trotskysme. Ce que nous verrons ici, c'est comment les camarades de la majorité adhèrent à ces conceptions et comment cette adhésion les amena à faire des prévisions totalement incorrectes et à formuler des orientations complètement erronées en Bolivie pendant les années qui vont du IX° congrès à nos jours.

Les prévisions de Maïtan[modifier le wikicode]

Avant le IX° congrès déjà, le camarade Maïtan commença à appliquer l'analyse guévariste à la Bolivie :

« Étant donnée la situation économique et sociale dans le pays, le régime capitaliste - (...) à travers Barrientos comme tout autre, successeur possible - ne peut survivre qu'en employant la violence la plus systématique. Cela implique que le travail préparatoire et organisationnel plus ou moins légal sera impossible possible pour le mouvement ouvrier et paysan. Et, dans le contexte actuel, cela exclut également toute perspective où la lutte prenne la forme d'une insurrection urbaine à son début. Les contradictions explosives ont encore lieu à la campagne et il y a encore des possibilités pour que s'y produisent de dramatiques conflits armés. » (Maitan : "Experiences and perspectives of the armed struggle in Bolivia", I° septembre 68, vol.6, n°28, P.7O6).

Pour qu'il ne reste aucun doute, le camarade Maitan précise un peu plus loin dans ce même article :

« Cela signifie plus concrètement que la méthode de la guérilla, commençant dans les zones rurales, reste la méthode correcte » (p.7O6) .

A la grande surprise des camarades de la majorité. vint d'abord le gouvernement d'Ovando puis celui Torres, gouvernement bourgeois qui permit d'amples marges démocratiques au mouvement de masses et aux partis de gauche. L'étonnement que provoqua cet événement inattendu chez les camarades de la majorité fut évident dans les deux pronostics apparemment opposés des camarades Germain et Frank.

Les prévisions de Frank et de Germain[modifier le wikicode]

Le camarade Frank, fidèle à une partie du raisonnement guévariste (gouvernements démocratiques = absence de perspective de lutte armée), annonça ce qui suit :

« Pour le moment, et personne ne sait pour combien de temps, la lutte armée n'est pas à l'ordre du jour au Chili et en Bolivie. » (P. Frank ."Letter to the 1971 SWP Convention" , 26-7-71, IIB).

Le camarade Germain, fidèle à une partie - différente de celle que prit le camarade Frank - du raisonnement guévariste (unité monolithique entre impérialisme, bourgeoisies nationales et armées = tendance à des régimes totalitaires) en déduisit que :

« Ceux qui pensent que le général Torres, parce qu'il est monté au pouvoir avec l'appui de la gauche, sera plus tolérant, subiront nombre de surprises désagréables dès que celui-ci réussira à rétablir l'unité de l'armée, ce qui est son objectif principal. » (Germain et Knoeller : "The Strategie Orientation of the Revolutionists in Latin America", 1968-71, p.89).

Comme nous le voyons, il y eut une véritable division du travail et une concurrence passionnée entre les camarades Frank et Germain pour appliquer le mieux possible la conception guévariste. Pour l'un, comme le gouvernement Torres (et celui d'Allende) donnait des libertés démocratiques, la perspective de lutte armée disparaissait en Bolivie (et au Chili). Pour l'autre, l' « objectif principal » de Torres était de rétablir « l'unité de l'armée » pour ensuite réprimer les masses et la gauche, Torres n'étant qu'une variante de cette unité monolithique entre impérialisme, militaires et bourgeoisies nationales. Apparemment contradictoires, les deux pronostics se réunissent en un tout supérieur : le schéma guévariste de la lutte de classes en Amérique latine.

Les prévisions de la majorité du SU[modifier le wikicode]

Après Torres vint Banzer. Les camarades de la majorité respirèrent certainement avec soulagement. Enfin la Bolivie revenait à la « normalité » guévariste ! Nous étions de nouveau face à un régime d'unité monolithique avec l'impérialisme. La répression venait à nouveau s'abattre sur la gauche et les travailleurs boliviens, la lutte armée revenait donc à l'ordre du jour :

« La victoire du coup d'état pro-impérialiste - téléguidé et coordonné par des représentants directs de l'impérialisme américain et dirigé par ses principaux agents sur le terrain - représente une défaite tactique des masses travailleuses de Bolivie. Mais ce n'est pas la fin de la guerre civile, ce n'est que son commencement ouvert. D'une guerre civile larvée et intermittente, la Bolivie passe maintenant à une guerre civile ouverte et permanente. » (Déclaration de la IVème Internationale sur le coup d'État réactionnaire en Bolivie. "Quatrième Internationale" no51, septembre 1971, p.11).

Tandis que la majorité prévoyait toutes ces perspectives, la minorité tirait des conclusions totalement opposées que nous verrons à le fin de ce chapitre. Le moment vient de faire un bilan en regardant ce qui s'est passé réellement dans la lutte de classes bolivienne.

Les prévisions se sont-elles accomplies ?[modifier le wikicode]

Tous les faits se chargèrent de démentir les pronostics de la majorité. Au lieu de « survivre par la violence systématique » comme disait Maïtan à l'époque de Barrientos, le régime survécut grâce aux concessions faites aux masses par Ovando et Torres. Le travail légal, qui selon Maïtan devait « devenir impossible pour le mouvement ouvrier et paysan », se fit de plus en plus possible sous Ovando et pleinement sous Torres. La lutte armée n'eut pas lieu à la campagne comme il le prévoyait mais dans, les villes (perspective expressément « exclue » par ce camarade) et ne prit pas la forme de guérilla rurale mais celle de l'insurrection urbain. Elle ne se produisit pas non plus sous le régime le plus réactionnaire (Barrientos) mais le plus démocratique (Torrez).

Cela n'alla pas mieux non plus pour les camarades Germain et Frank. Les premiers exemples de lutte armée depuis Saint Domingue n'apparurent dans aucun pays de régime dictatorial mais se produisirent en Bolivie et au Chili, pays où selon le camarade Frank elle « n'était pas à l'ordre du jour ». Le gouvernement Torres n'eut aucune possibilité de « rétablir l'unité de l'armée » comme le prévoyait Germain, et ne fit non plus aucune « surprise » répressive aux masses et à la gauche. Au contraire, l'armée bolivienne ne fut jamais autant divisée depuis la révolution de 1952 à nos jours que sous le gouvernement Torres, et un putsch militaire fut nécessaire pour liquider Torres, « rétablir l'unité de l'armée » et lancer la répression.

Finalement, nous n'avons toujours pas vu la fameuse « guerre civile ouverte et permanente » qui selon les camarades de la majorité allait venir comme conséquence du coup d'Etat de Banzer. Nous avons vu par contre que le mouvement ouvrier bolivien tarda relativement peu à récupérer après la défaite signifiée par la chute de Torres, et qu'il est en train de développer d'importantes luttes défensives. Nous avons vu également qu'au cours d'une de ces batailles il y a eu de grands affrontements de rue à La Paz. Et finalement nous pouvons prévoir que, si la montée du mouvement ouvrier et des masses boliviennes continue à développer ces luttes défensives, cela débouchera sur un nouveau régime « démocratique » qui redonnera des libertés et des concessions au mouvement de masse et remettra à l'ordre du jour la lutte armée.

Les prévisions des camarades de la majorité ne servent que si nous les inversons, c'est-à-dire que si nous basons notre orientation sur le fait qu'il se passera exactement le contraire de ce qu'ils prévoient. Avec des conseillers pareils, ce serait une grande erreur de rejeter la responsabilité de toutes les erreurs commises sur la section bolivienne.

2. Ultragauchisme et trotskysme face au danger fasciste[modifier le wikicode]

L'ultragauchisme n'est pas un phénomène nouveau dans le mouvement révolutionnaire mondial. Avec l'opportunisme, il a été un danger permanent pour la construction du parti révolutionnaire et fut l'axe de quelques unes des plus violentes batailles politiques de Lénine et Trotski.

Deux de ces batailles, fondamentalement, ont laissé une riche expérience théorique et pratique : celle de Lénine dans l'Internationale communiste (quand il écrivit « le gauchisme, maladie infantile du communisme ») et celle de Trotski contre le stalinisme de la « troisième période ».

Aujourd'hui est née une nouvelle version de l'ultragauchisme : le guévarisme. Ces trois types d'ultragauchisme ont des origines historiques et des contenus sociaux distincts.

Le premier, combattu dans l'IC, était l'ultragauchisme que reflétaient les secteurs radicalisés touchés par la révolution russe, impatients de répéter la même expérience dans tous les pays. C'était un ultragauchisme de la jeune génération.

Le second type d'ultragauchisme combattu par Trotski lui était diamétralement opposé. Ce n'était qu'un moment, un virage ultragauche du centrisme stalinien. Il exprimait la politique conjoncturelle d'une caste contre-révolutionnaire qui mena le mouvement ouvrier mondial à la pire défaite de son histoire : le triomphe du nazisme.

L'ultragauchisme guévariste[modifier le wikicode]

Le troisième type d'ultragauchisme, le guérillérisme, ressemble plus au premier par son origine historique et son contenu social : c'est l'ultragauchisme de la jeunesse de gauche rebutée par le stalinisme. Il n'a donc rien à voir de par son origine avec l'ultragauchisme des staliniens de la « 3ème période », mais il lui ressemble dans ses postulats théoriques et dans le mécanisme de son raisonnement politique.

Nous avons accusé mille et une fois les camarades de la majorité d'avoir une conception et de suivre une politique guévariste - par conséquent ultragauche -. Nous maintenons cette caractérisation et pour la démontrer nous essaierons de préciser en quoi consistent cette conception et cette politique.

Nous commencerons par décrire quelle fut la politique stalinienne de la « 3ème période » que combattit Trotski et quelle fut sa position. Ensuite nous verrons en quoi la conception guévariste ressemble à celle de la « 3ème période » et nous verrons si ce fut réellement cette conception guévariste que les camarades de la majorité appliquèrent pour formuler leur orientation en Bolivie.

L'ultragauchisme stalinien de la 3ème période[modifier le wikicode]

Avant qu'Hitler ne prenne le pouvoir, le stalinisme se donna une politique ultragauche nommé « 3ème période ». Cette politique englobe les année 1928 à 33. En refusant de lutter pour le front ouvrier antifasciste en Allemagne, le stalinisme permit la montée d'Hitler au pouvoir.

Dans la lutte à mort contre l'ultragauchisme de la 3ème période, le trotskysme naquit comme tendance internationale organisée. La rupture avec la IIIème Internationale et le problème de la nécessité d'une nouvelle organisation international révolutionnaire furent une conséquence de cette catastrophique politique stalinienne. Ce qu'affirmèrent Trotski et les trotskystes à cette époque fait partie de notre héritage programmatique, c'est l'une des pages les plus brillantes de notre histoire.

Nous allons résumer les 5 aspects fondamentaux sur lesquels Trotski attaqua cette politique ultragauche.

a) Ne pas savoir distinguer le gouvernement fasciste - ou le danger de gouvernement fasciste ou ultraréactionnaire - des autres formes bourgeoises de gouvernement :

Trotski répéta inlassablement que tous les gouvernements bourgeois ne sont pas égaux. Qu'il faut savoir distinguer avec soin les différents types de gouvernement et savoir s'il existe des conflits entre des secteurs de la bourgeoisie. Trotski insistait sur le fait que s'il y a danger fasciste, il faut le marquer au rouge, le signaler aux travailleurs comme le danger le plus urgent et le plus immédiat qu'ils doivent combattre à mort par tous les moyens. Pour cela, il faut mesurer consciemment s'il existe les forces suffisantes pour renverser le gouvernement bourgeois et prendre le pouvoir ou si au contraire il faut unir les travailleurs pour des luttes défensives contre le fascisme.

Le stalinisme au contraire définissait les deux camps bourgeois comme également dangereux (réactionnaire et « démocratique »). Il caractérisait comme fascistes tous les gouvernements et partis politiques et particulièrement les partis ouvriers (« social-fascistes », etc.). Finalement, quand l'eau lui arriva jusqu'au cou, le stalinisme se vit obligé de lutter pour un gouvernement bourgeois démocratique et finit par capituler devant lui avec les « fronts populaires ».

b) Ne pas appliquer la politique de front unique ouvrier contre le danger de gouvernement fasciste ou ultraréactionnaire:

L'Internationale communiste au temps de Lénine - en particulier à son 3ème congrès - avait formulé la politique de front unique ouvrier pour des tâches défensives principalement. Trotski disait qu'en Allemagne il fallait appeler la direction et la base de toutes les organisations qui se réclamaient du prolétariat à accomplir unies la tâche la plus urgente et vitale pour les ouvriers : se défendre du fascisme.

Le stalinisme par contre appliquait sa propre version ultragauche du front unique: il appelait à l'unité pour l'action révolutionnaire et non pour l'action défensive antifasciste. Et cet appel il le faisait seulement en direction de la base des organisations ouvrières réformistes, ignorant leurs directions. Il appelait cela le « front unique à la base ». Dans les faits, cela voulait dire que le parti communiste allemand ne faisait le front unique avec personne, ou tout au plus une parodie de front unique ! avec sa périphérie de sympathisants et les rares ouvriers réformistes qui avaient déjà rompu avec leurs dirigeants et organisations.

Trotski insista sans cesse sur le fait que la politique de front unique ouvrier est basée sur la proposition de tâches ressenties par tous les travailleurs, principalement les travailleurs réformistes. Il insista également sur le fait que l'appel au FUO devait s'adresser aux organisations réformistes en commençant par leurs directions. Les raisons que donnait Trotski étaient les suivantes : s'il y a d'amples secteurs ouvriers qui restent au sein des organisations réformistes, ce parce qu'ils croient en elles et en leur dirigeants. Par conséquent, le seul fait de prétendre ignorer les dirigeants réformistes ruine toute possibilité d'action commune avec les ouvriers de ces organisations. De même, si au lieu d'appeler à des actions communes défensives contre le fascisme, on appelle à des actions communes révolutionnaires offensives. Concrètement: un ouvrier social-démocrate ressentait Hitler comme un péril et pouvait accepter l'unité de son parti avec le PC pour se défendre contre lui. Mais ce même ouvrier était social-démocrate justement parce qu'il ne ressentait pas encore la nécessité de renverser le gouvernement bourgeois démocratique. Tout appel a l'action commune pour cette dernière tâche tombait dans le vide, car c'était beaucoup trop éloigné de ce que les ouvriers social-démocrate ressentaient et comprenaient de leur devoir.

Finalement en proposant le front unique sous cette forme sectaire et ultra-gauchiste, le Parti communiste n'avait aucune chance de démasquer les directions réformistes et de gagner leur base ouvrière à une politique révolutionnaire.

c) Créer des organisations de masses artificielles, parallèles aux traditionnelles (dirigées par les réformistes) :

Ces inventions organisationnelles (syndicats « rouges », soviets sur mesure...) imaginées par le stalinisme pour développer le processus révolutionnaire étaient la conséquence de l'abandon de la politique de front unique ouvrier. Toute organisation de masse est - de fait - un front unique ouvrier, étant donné que s'y regroupent des travailleurs de toutes tendances.

Contre cette ligne de création d'organismes artificiels, Trotski réitéra la position léniniste de maintien et de travail dans les organisations traditionnelles du mouvement ouvrier (syndicats, comités d'usine, soviets du mouvement des masses...) quelqu'un soit la direction. C'était doublement indispensable : en premier lieu pour affronter de façon unie le danger de l'extrême droite, en second lieu pour disputer la direction du mouvement de masse aux réformistes.

d) Appeler à l'armement du prolétariat comme une tâche en soi :

Le stalinisme voyait cette activité comme quelque chose d'indépendant de la situation politique d'ensemble. Pour citer un cas dont Trotski fit une magnifique analyse, voyons celui de l'Espagne en 1931. le problème politique central, et celui qui intéressait alors le plus les masses, était les élections aux Cortès (parlement). Le stalinisme, tout en ne disant mot de ces élections, avançait le mot d'ordre « d'armement du prolétariat ». Trotski montra, avec raison, qu'« opposer le mot d'ordre d'armement du prolétariat à la réalité des problèmes politiques qui coulaient dans les veines des masses, signifie s'isoler des masses - et les masses des armes - ». Et il proposait par contre que le mot d'ordre d'armement fasse partie d'un programme politique structuré qui prenne en compte la situation de la lutte de classes.

e) Soutenir que le triomphe du nazisme ouvrirait de nouvelles et meilleures perspectives de lutte révolutionnaire et de développement du parti que celles existant sous le régime démocratique bourgeois :

Cela n'était déjà plus pour Trotski une « erreur ». C'était un suicide et une trahison inqualifiables, car le triomphe réactionnaire devait faire régresser, dans des limites incalculables, le processus révolutionnaire.

Une répétition élargie : le guévarisme[modifier le wikicode]

Nous avons résumé ces 5 erreurs fondamentales du stalinisme dans son étape ultragauche de la « 3ème période ». En tant que conception, le guérillérisme guévariste est une répétition et une extension de ces tragiques erreurs ultragauche.

De même que le stalinisme, qui ne faisait pas de différence entre fascisme et social-démocratie réformiste, le guévarisme ne fait pas de différence entre les divers régimes existant en Amérique latine. Pour lui, nationalisme bourgeois et régime ultraréactionnaire pro-impérialiste ne sont que les formes distinctes de gouvernement que revêt l'accord monolithique entre bourgeoisies nationales et impérialisme, dont la tendance va vers le monolithisme total, fasciste ou semi-fasciste.

De même que le stalinisme refusait de fait d'appeler au front unique ouvrier contre le fascisme (en appelant au front unique à la base) le guévarisme commet une erreur semblable, mais aggravée. Il n'appelle à aucun front unique et abandonne même toute tentative de travail dans le mouvement de masse.

Tout comme le stalinisme, le guévarisme tente de créer des organismes artificiels pour la prise du pouvoir, méprisant les organismes traditionnels que se donnent les masses. Mais il aggrave également cette erreur car le stalinisme essayait, lui au moins, de copier les organisations du mouvement de masse (syndicats et soviets), tandis que le guévarisme propose comme organe de pouvoir « l'armée guérillériste ».

Tout comme le stalinisme, le guévarisme prône toujours l' « armement en soi », mais il approfondit son erreur car, au contraire du stalinisme, il ne le propose même pas aux masses mais à une avant-garde.

Enfin, de même que le stalinisme soutenait que les régimes fascistes étaient la meilleure base objective pour les luttes révolutionnaires et la construction du parti, le guévarisme pousse cette erreur à l'extrême en affirmant qu'ils sont les meilleures bases objectives pour le développement de la lutte armée.

Nos camarades de la majorité sont les dignes disciples de l'ultragauchisme guévariste et, comme nous le verrons plus loin, ces critères furent, et sont, les axes de la politique majoritaire en Bolivie.

3. Pour le POR (C), tous les gouvernements sont identiques.[modifier le wikicode]

Nous savons que l'une des erreurs que Trotski reprochait à l'ultragauchisme était celle de mettre un signe d'égalité entre tous les gouvernements bourgeois. Pour les ultragauche, tous les gouvernements étaient « fascistes » de par leur seule nature bourgeoise.

Les camarades du POR(C) - de la même manière que l'ultragauchisme stalinien - ne voient pas la possibilité de régimes distincts, provoqués par les contradictions générales entre l'impérialisme et la montée du mouvement des masses. Ils tombent ainsi dans une dangereuse confusion. Une chose est de se défier et de ne pas soutenir tout gouvernement bourgeois, même s'il est "de gauche" ou « nationaliste », une autre est de ne pas les distinguer des gouvernements ultraréactionnaire et de ne pas se doter d'une politique appropriée à chacun. Ne pas soutenir Torres ou le premier gouvernement de Perón est correct, ne pas les distinguer des régimes de Banzer et Ongania est incorrect.

Barrientos = Ovando = Torres[modifier le wikicode]

Que le régime de Barrientos ait été réactionnaire et agent de l'impérialisme, cela ne fait aucun doute. Mais après Barrientos vint Ovando et le régime changea. Cependant pour le POR(C) le gouvernement d'Ovando était gouvernement :

« du capitalisme impérialiste moribond qui a mis un masque « révolutionnaire » pour sa sauvegarde » (POR(C), tract au Congrès des Mineurs, IP vol.8-18, 11-mai-1970, p.434).

Camarades du POR(C), la différence entre Barrientos et Ovando n'était-elle qu'un masque ?

La réalité continua à changer, le régime d'Ovando fut remplacé par celui de Torres. Mais les caractérisations restèrent inchangées pour le POR(C) :

« La tendance du « nationalisme révolutionnaire » qui apparut avec Ovando est celle qui continue au pouvoir avec Torres ». (Torres se situe) « dans le cadre de la politique économique appelée de « développement » que prône l'impérialisme pour les pays semi-coloniaux (...) ». « Les opportunistes confondent ce nouveau rôle des militaires, qui rentre dans le cadre de la tactique moderne de l'impérialisme, avec le processus révolutionnaire qui est une chose très différente » « Par conséquent, le haut commandement militaire, conseillé par l'ambassade yankee, est arrivé à la conclusion qu'il fallait remplacer le gouvernement Ovando » (déclaration du CE : du POR(C), 11 octobre 1970, « Combate » n°3, 1ère quinzaine de novembre 70).

Pour terminer en beauté la caractérisation du régime de Torres, lisons de nouveau « Combate », l'organe officiel du POR(C) :

« Dans la crise militaire et politique d'octobre, les masses n'ont pas été victorieuses. La victoire du général Torres est bien plus une défaite ! des masses révolutionnaires et une victoire de l'armée comme parti de la bourgeoisie. » (“Combate” n°3, 1er novembre 1970).

Comme nous le voyons, de Barrientos à Torres en passant par Ovando, rien n'avait changé en Bolivie pour les camarades du POR(C). Tout était défaite des masses. Tout se réduisait à différentes combinaisons tactiques, concoctées par l'impérialisme et les chefs militaires boliviens dans le laboratoire aseptisé de l'ambassade yankee, totalement à l'écart des effets de la lutte de classes.

Trotski contre le POR(C)[modifier le wikicode]

Cependant, Trotski avait déjà signalé - à l'époque de la "3ème période" - que :

« le malheur pour la bureaucratie stalinienne c'est que, ni en Espagne ni en Allemagne, elle ne voit les différences. réelles qui existent dans le camp ennemi. » ("The spanish Revolution" Pathfinder Press, p.183). « En théorie (si ce mot peut être employé ici), on se protège contre le danger de déviations opportunistes par un refus général de faire des distinctions politiques et de classe : Hoover, Von Papen, Vandervelde, Ghandi, Rakovsky sont tous des "contre-révolutionnaires", "fascistes", "agents de l'impérialisme". Mais chaque changement soudain dans les événements, chaque nouveau danger oblige les forces staliniennes à entrer en lutte contre un ennemi et à s'agenouiller devant les autres "contre-révolutionnaires" et "fascistes" » (Id. p.1B5).

Cette trajectoire que signale Trotski nous suggère un parallèle avec notre section bolivienne : le POR(C) ne commença-t-il pas par caractériser Torres comme exécuteur de « la moderne tactique impérialiste », pour se voir ensuite obligé de combattre à ses côtés et terminer par s'agenouiller devant lui dans le FRA ?

Sans attacher aucune importance aux enseignements de Trotski, les camarades du POR(C) continuèrent à dire ceci sous le gouvernement Torres :

« Les travailleurs et leur avant-garde révolutionnaire n'ont pas à choisir entre deux camps militaires en conflit. » (déclaration du CE du POR(C), "Combate" n°8 déjà cité).

Face à une situation semblable, Trotski disait le contraire :

« Les bolcheviques ne sont pas restés neutres entre la camp de Kerensky et celui de Kornilov. Ils luttèrent avec le premier contre le second. Ils obéirent au commandement officiel tant qu'ils ne furent pas assez fort pour le renverser. » ("The spanish Revolution", p.296).

Une armée monolithique[modifier le wikicode]

Pour démontrer que cette politique aveugle ne fut pas un éblouissement momentané, les camarades du POR(C), deux mois avant le second coup d'état de Miranda, lancèrent alors leur célèbre pronostic :

« L'armée, parti armé de la bourgeoisie, continue à contrôler le pouvoir. Les divergences et frictions entre les chefs militaires, même si elles n'ont pas disparu, ne sont toujours pas assez profondes pour opposer un secteur aux autres et rompre la structure militaire » (déclaration du CE déjà citée).

Du point de vue des camarades du POR(C), il ne pouvait en être autrement : comment pouvait-il y avoir des « frictions entre les différents secteurs » ou une rupture dans le haut commandement, si tous obéissaient au doigt et à l'œil de l'impérialisme et si les militaires formaient une unité monolithique et éternelle avec le département d'Etat yankee ?

Le POR(C) voit, enfin, une « fissure »[modifier le wikicode]

Quelques mois plus tard - enfin ! -, après un an de préparatifs putschistes ouverts, la rupture du haut commandement en mille morceaux et le déroulement de deux putschs "fascistes", le camarade Gonzalez découvrit, étonné, que :

« Les fissures dans l'armée sont trop larges » (Hugo Gonzalez, "An Interview", IP vol.9 no23, 14 juin 1971, p.544).

Mais, pour le POR(C), Banzer était identique à Torres.[modifier le wikicode]

Malheureusement, ce changement salutaire n'amena pas le camarade Gonzalez à distinguer entre Kerensky et Kornilov, entre Torres et Miranda-Banzer; il continua à lutter contre les deux comme si tous deux étaient ses ennemis immédiats. La citation que donne le camarade Gonzalez (pour démontrer le contraire) nous donne raison :

« C'est pour cela que nous disons que le processus révolutionnaire se trouve face à deux dangers. D'une "part le putsch fasciste fomenté à l'ambassade yankee avec les gorilles argentins et brésiliens, putsch qui couve dans les divisions des forces armées boliviennes, et d'autre part le réformisme militaire et civil qui cherche à endormir la conscience des masses et s'est converti de fait en un obstacle pour le triomphe de la révolution. » (POR(C) , Manifeste du 1er mai 1971, cité par Germain dans "En défense du léninisme...").

Il est dit clairement ici qu'il existe « deux dangers » : le « fascisme » et le « réformisme », mais il est mis un signe égal entre les deux et il n'est pas dit que le danger immédiat, certain, objectif pour le mouvement des masses est le danger « fasciste ». Il est encore moins signalé le rôle contradictoire du réformisme qui, selon Trotski, n'est pas seulement une barrière contre la révolution mais aussi une barrière contre le fascisme. Cette différence qui est justement celle entre Kérensky et Kornilov ne fut jamais avancée par le POR(C). La meilleure démonstration du fait qu'il n'ait jamais distingué lequel des dangers était immédiat et du fait qu'il ait mis dans le même sac tous le secteurs et régimes bourgeois, est synthétisée dans cette affirmation concernant la politique des secteurs ; « les plus avancés et combatifs de la classe ouvrière », faite quelques semaines avant le putsch de Banzer :

« En réalité, ils luttent... pour un gouvernement ouvrier et paysan qui soit définitivement et concrètement anti-impérialiste et socialiste. » (Interview with Gonzalez Moscoso, IP vol.9 no23. p.544, 14 juin 1971).

Les camarades du POR(C) ont fait des caractérisations similaires à celles des staliniens pendant la « 3ème période » ; ils confondirent réformistes et "fascistes", nationalistes bourgeois et « agents de l'impérialisme », Barrientos et Ovando, Ovando et Torrez et Torrez avec les officiers qui préparaient le putsch. Et après tout, pourquoi s'ennuyer à chercher des différences si les changements de gouvernement ne sont qu'un changement de « masques » et que les présidents sont faits et défaits par l'ambassadeur yankee, après une simple discussion avec les militaires et sur un simple coup de sonnette !

4. Le POR (C) n'avertit pas du danger Putschiste, il n ' appela pas à lutter contre lui, ni à construire le front unique ouvrier.[modifier le wikicode]

Cette absence de distinction entre les différents types de régimes amena les camarades du POR(C) à se donner une même orientation face à tous. Le contenu de cette orientation est le thème d'autres sous-chapitres. Nous allons voir maintenant ce qu'aurait dû être cette orientation. C'est très important car les camarades du POR(C) tombèrent précisément dans le type de modèle « 3ème période » critiqué par Trotski : ils n'appelèrent pas au front unique ouvrier pour combattre les putschs « fascistes ».

Trois putschs « fasciste » :[modifier le wikicode]

Pour nous rafraîchir un peu la mémoire, rappelons quelques dates : Barrientos mourut dans un étrange « accident » d'avion le 27 avril 1969 ; le 29 septembre de la même année, le général Ovando parvint au pouvoir ; c'est également en 1969 que recommencèrent les activités de la guérilla. Elles se terminèrent sans peine et sans gloire à Teoponte en octobre 1970. Le 6 octobre 1970 se produisit la première tentative de putsch « fasciste », celle du général Miranda. De l'échec de ce putsch naquit le gouvernement Torrez. Le général Miranda se souleva de nouveau en janvier 1971, secondé par le général Banzer. Ce dernier renversa finalement Torrez le 21 août 1971 et il est toujours au pouvoir.

Comme nous le voyons, pendant la courte période qui va d'octobre 1970 à août 1971, il y eut trois putschs « fascistes ». Comment le POR(C) prépara-t-il politiquement les masses boliviennes, la classe ouvrière et son avant-garde, à affronter ces putschs ? A notre avis il ne les prépara absolument pas, car il ne se donna pas la seule orientation possible : le front unique ouvrier.

Le premier putsch[modifier le wikicode]

C'est sous Ovando qu'eut lieu le premier putsch « fasciste », le premier de Miranda. Nous avons cherché soigneusement dans les matériels du POR(C) une quelconque mention du danger d'un putsch ou un appel à l'unité de tous les partis et courants ouvriers pour le combattre. Nous n'avons rien trouvé.

Par contre, nous avons trouvé des passages comme celui-ci :

« Que se passe-t-il avec le gouvernement ? Puissant et téméraire pour parler au peuple, il est incapable d'affronter la droite anti-nationale qu'il dénonce lui-même. Ou peut-être cette droite agit-elle sur mission officielle ? ». « S'il est nécessaire de parler de conjuration anti-nationale, la seule qui existe consiste à se mettre une peau de brebis pour cacher la gueule du loup et pouvoir planter ses crocs dans le peuple » (POR(C) , "Combate" n°1, 2ème quinzaine de juin 1970.).

Ainsi, non seulement les camarades du POR(C) dissent qu'ils avaient des doutes sur l'existence d'une conspiration de droite, mais ils insinuaient que cette conspiration agissait « sur mission » du gouvernement lui-même, se cachant « sous une peau de brebis » pour pouvoir « planter ses crocs dans le peuple ».

Mais cela va encore plus loin. Dans le numéro suivant de "Combate" nous lisons :

« Avec ce critère, pour nous la crise militaire n'excède pas les limites de l'idéologie de cette institution appelée armée et dont le fondement est l'anticommunisme ». « Alors, où sont les divergences entre les généraux ? Ces différences existent-elles ? Bien sûr, mais attention ! le désaccord est tactique et se rapporte au moyen de défaire le communisme et d'empêcher la montée des masses au pouvoir. » ("Combate" n°2, 2ème quinzaine de juillet 1970).

Pour les camarades du POR(C), les divergences entre les militaires boliviens, trois mois avant le putsch de Miranda, étaient « idéologiques », des désaccords « tactiques », et ils disaient « attention ! » de ne pas se tromper en donnant de l'importance à ces divergences. C'est tout à fait l'opposé d'alerter sur le danger d'un putsch de droite.

Ce que conseillait Trotski[modifier le wikicode]

Cela soulève plusieurs questions très importantes. Pourquoi les camarades du POR(C) ne conseillèrent-ils pas comme Trotski :

« d'adopter une position défensive, (ce qui) signifie serrer les rangs avec la majorité de la classe ouvrière... et former un front unique avec les ouvriers socialistes et sans partis contre la menace fasciste » ("The Struggle Against Fascism in Germany", p.72).

Il est certain que les camarades du POR(C) tirèrent un tract pour le Congrès des Mineurs de Siglo XX. Mais pourquoi ne portèrent-ils pas, comme nous l'enseigne Trotski, à ce congrès et à tous les syndicats et partis ouvriers :

« un programme concret, soigneusement détaillé et pratique, pour une lutte commune contre le fascisme, exigeant des réunions communes des exécutifs des partis avec la participation des directions des syndicats... et simultanément... avoir fait de l'agitation énergique sur ce même programme en direction de tous les secteurs des partis et des masses » ? ("The Struggle...", Pathfinder Press, 1971, p.172).

Quand le danger de putsch « fasciste » est détecté par une organisation trotskyste (et le seul fait de ne pas le détecter est une grave erreur), il s'ouvre dans ce pays une étape de la lutte de classes où le combat contre le putsch devient prioritaire et doit se faire au moyen de la stratégie du front unique ouvrier avec les organisations réformistes. Proposer aux mineurs qu'ils s'arment, non pas pour combattre le putsch mais pour « (...) ranimer les piquets de grève armés et proclamer combativement la solidarité militante avec ceux qui en ce moment luttent dans la guérrilla » (tract au Congrès des Mineurs déjà cité) c'est et ce fut un crime politique. Dire aux mineurs qu'ils s'arment, non pas pour combattre le putsch qui se préparait contre Ovando, mais pour rejoindre la guérilla contre Ovando, c'est se couper immédiatement de tout ouvrier anti-putschiste qui n'est pas d'accord avec la guérilla. C'est appeler le mouvement ouvrier à se diviser entre proguérillistes et anti-guérilléristes, alors qu'il y a une grande tâche commune à tous : lutter contre la droite mirandiste (y compris de manière armée). Cette tâche tous les ouvriers boliviens la ressentaient, celle de la guérilla pratiquement personne. Et cela s'est avéré dans les faits : la classe ouvrière se mobilisa contre le putsch mirandiste et provoqua la crise de l'armée et des institutions bourgeoises pendant deux ou trois jours, mais elle ne répondit en aucune manière aux appels du POR(C).

Un appel véritablement trotskiste[modifier le wikicode]

Notre politique aurait dû être trotskiste et non pas guérillériste. Nous aurions dû dire aux mineurs ce qui suit :

« Camarades : bien que nombre d'entre vous et les organisations auxquelles vous appartenez ne vous en soyez pas rendus compte, nous vous lançons une alerte et un appel : nous courons un grave danger de putsch ultraréactionnaire. Nous devons nous défendre unis. Pour cela nous devons former des piquets armés et proposer également à tous les syndicats du pays et à la COB de les organiser, afin de combattre l'inévitable coup d'état" que prépare la réaction. Les militaires - de même que la bourgeoisie - sont divisés à cause de la montée de nos luttes. Un secteur de la bourgeoisie et de l'armée veulent employer des méthodes dures contre nous, d'autre secteurs - par contre - veulent employer des méthodes plus « douces » et nous dominer au moyen de négociations. Nous sommes contre les conceptions de Lechin et des partis communistes, en qui nombre d'entre vous font confiance et nous voulons vous convaincre que nos conceptions révolutionnaires sont les meilleurs. Nous voulons vous convaincre qu'il ne faut faire confiance en aucun secteur et qu'il faut lutter avec intransigeance contre tous les exploiteurs, les « doux » comme les durs. Mais nous avons le temps pour cela, alors que pour combattre le putsch « fasciste » le temps presse. Nous savons que vous haïssez le fascisme comme nous. Nous vous proposons donc de nous organiser contre lui, de haut en bas et de bas en haut. Nous avons commencé par inviter au front unique Lechin et les PC. A ce front unique ouvrier de lutte contre le putsch « fasciste », nous invitons également les guérilleros, à condition qu'ils soient prêts à s'unir à l'action commune et ne rompent pas le front ou ne le sabotent pas par des actions isolées ou aventurières. Si nous ne nous organisons pas ainsi contre le putsch, si nous ne faisons pas de piquets, cela ne sera pas la faute des trotskistes mais de vos directions. Car nous sommes prêts à tout, sauf abandonner notre indépendance politique et le droit de défendre nos positions, pourvu que soit obtenue l'unité des travailleurs afin de lutter contre le putsch réactionnaire. Si nous nous unissons, syndicats et partis qui nous réclamons de la classe ouvrière, nous pouvons entraîner à court terme les paysans et les étudiants. ».

Cela aurait été une position trotskiste ; mais ce qui est le plus important, cela aurait permis que notre organisation apparaisse comme la direction politique indiscutée de tout le prolétariat bolivien.

Le POR(C) n'en fit rien et n'apprit rien non plus de ses erreurs. Sous Torrez, ils continuèrent à faire les mêmes caractérisations et la même politique que sous Ovando. Pour le POR(C), le fait que la classe ouvrière bolivienne se soit mobilisée, ait créé un front unique de fait et défait le putsch réactionnaire en imposant un régime nationaliste bourgeois, ce fait est passé complètement inaperçu. Ce régime faible qui cédait constamment à la pression des masses, qui accentuait de jour en jour ses caractéristiques kérenskystes, fut une grande victoire de la classe ouvrière bolivienne. Les masses n'ont pas imposé un gouvernement ouvrier et paysan ? Cela est tout à fait certain, mais à qui la responsabilité ? La faute en est à ses directions bureaucratiques et réformistes et, du point de vue révolutionnaire, à celle des camarades du POR(C). S'ils avaient disputé la direction de la lutte contre le putsch « fasciste », s'ils avaient été les premiers et les plus conséquents dénonciateurs de ce putsch, s'ils avaient été les champions du front unique pour le combattre, ils auraient imposé tôt ou tard leur direction et impulsé la lutte vers la prise du pouvoir.

Des documents du POR(C) on peut déduire que s'il n'y eut pas naissance d'un gouvernement ouvrier et paysan, ce fut la faute des masses, et que le fait que Torrez ait été imposé signifia une défaite du mouvement des masses et non de la réaction « fasciste ». Et ils le dirent ainsi :

« Dans la crise militaire et politique d'octobre, les masses n'ont pas été victorieuses. La victoire du général Torrez est bien plus une défaite des masses révolutionnaires et une victoire de l'armée comme parti ce la bourgeoisie. La crise d'octobre démontre les limites de l'action directe des masses. » ("Combate" du 1er novembre 1970).

Le second putsch[modifier le wikicode]

Cette caractérisation sera la base de la politique du POR(C) sous Torrez. Nous avons déjà vu que lors des dix mois du gouvernement Torrez il y eut deux putschs « fascistes » : le second de Miranda (le premier de Banzer) et le putsch définitif de Banzer en août 1971. Mais la lutte contre eux, à travers le front unique ouvrier, ne fut jamais la principale tâche de notre section bolivienne.

La ligne adoptée par le CE du POR (C), dès la prise du pouvoir par Torrez, et dont nous avons déjà cité les considérations, se base sur trois revendications-clés (qui n'ont pas grand chose à voir avec le programme que lui attribue Germain) :

a) « L'organisation d'un commandement révolutionnaire ouvrier et populaire, avec toutes les tendances politiques qui sont pour le socialisme comme issue à la situation actuelle du pays et qui soutiennent la lutte armée pour le pouvoir, dépassant l'économisme et le réformisme, la capitulation et la collaboration de classes, causes des défaites successives du peuple bolivien. »

b) « la création d'une armée révolutionnaire ouvrière et populaire, instrument indispensable pour prendre le pouvoir... »

c)« La formation d'un organisme représentatif des masses, où elles apportent leur force révolutionnaire, leurs initiatives, leurs aspirations et leur volonté transformatrice. » (déclaration du CE du POR(C) "Combate" n°3, 1ère quinzaine de novembre 1970).

Comme nous le voyons, à l'exception de ce dernier mot d'ordre (qui a une relation, bien faible, avec le front unique ouvrier et l'Assemblée populaire postérieure), les tâches essentielles que pose ce programme s'opposent à 180° au front unique ouvrier pour lutter contre le putsch « fasciste ». Par ailleurs, ni dans ce programme du POR(C) ni dans aucun autre ne figure comme axe central la lutte contre le putsch.

La "Pravda" en 1931, le POR(C) en 1970 : Le même programme[modifier le wikicode]

Certes, dans le programme sont compris des mots d'ordre économiques et démocratiques corrects et sûrement ressentis par le mouvement des masses. Mais Trotski critiqua inlassablement les programmes similaires des ultragauchistes, Pour l'Espagne par exemple, la « Pravda » du 14 mai 1931 donnait le programme suivant: organiser les ouvriers « pour désarmer la réaction, pour l'armement du prolétariat, pour les élections de comités d'usines, pour obtenir les 7 heures de travail par jour ».

Ce programme mérita la critique suivante de Trotski :

« Les mots d'ordre énumérés sont incontestables même s'ils sont présentés sans aucune cohésion interne et sans la progression qui devrait découler de la logique du développement des masses. ». Car « En parlant seulement de la journée de 7 heures, des comités d'usines et de l'armement des ouvriers, en ignorant la « politique » et sans dire un seul mot dans tous ses articles au sujet des élections aux Cortès, la "Pravda" suit en tout point les anarcho-syndicalistes... ». « Opposer le mot d'ordre d'armement du prolétariat à la réalité des processus politiques qui coulent dans les veines des masses, cela signifie s'isoler des masses - et les masses des armes - ». ("The Spanish Revolution", déjà cité, p.114 et 117).

Le programme du POR (C) a tous les défauts que trouve Trotski dans la "Pravda" ; il n'y a pas de cohésion interne et les mots d'ordre ne tournent autour d'aucun problème politique central réel. N'y avait-il à ce moment-là en Bolivie aucun problème politique central qui nous permette de concrétiser un ou plusieurs mots d'ordre décisifs ? Nous pensons que si, que cet axe central était l'armement des organisations ouvrières pour freiner l'inévitable putsch de droite et la formation d'un front unique avec toutes les organisations ouvrières voulant lutter contre le coup d'état « fasciste ».

Le programme du POR(C) au contraire était opposé au front ouvrier et à la lutte contre le putsch « fasciste ». Il proposait de former un « commandement révolutionnaire » pour lutter contre le « réformisme » et « l'économisme », alors qu'il devait appeler au front unique avec le réformisme pour lutter contre le putsch « fasciste ». Il prônait l'unité avec tous ceux qui sont d'accord avec le « socialisme » et la « lutte armée », alors qu'il devait proposer l'unité à tous les secteurs ouvriers prêts à lutter contre le putsch, en premier lieu avec Lechin et les PC, c'est;-à-dire avec « l'économisme et le réformisme ».

Mais tout cela est excusable puisque le danger de putsch « fasciste » fut systématiquement ignoré par le POR(C). Ce qui n'est pas excusable, c'est justement cette ignorance, car après le premier putsch de Miranda se produisit le second putsch sous Torrez (le premier de Banzer) et le POR(C), comme ceux qui laissent passer l'orage, resta sans politique contre le danger « fasciste ». Autrement dit, sans en dire un seul mot !

Et le troisième putsch éclata[modifier le wikicode]

Ce n'est qu'à partir d'avril 1971 - six mois après la venue de Torrez et après déjà deux putschs "fascistes" - soit lorsque l'eau lui arriva jusqu'au cou, que le POR(C) commença, comme en passant, à parler de l'inévitabilité d'un putsch. Nous soulignons qu'il ne commença qu'à en parler, car il ne se donna toujours pas de politique d'ensemble et centra encore moins toute son activité sur une campagne antiputschiste.

Pour voir cela un peu plus en détail, examinons quelques-unes des cinq recommandations adoptées à un CC élargi d'avril 1971 - à la veille seule­ment du dernier putsch de Banzer. De prime abord, on voit qu'aucune d'entre elles n'appelle à lutter contre le putsch.

La première recommandation adoptée par la direction du POR (C) est la suivante : « Intensifier le travail politique en direction des masses pour les arracher à l'influence des réformistes et faire surgir des directions authentiquement révolutionnaires » (Rapport du CC, IP vol.9, n°25, p.599, 2B-juin 1971).

La seconde recommandation est d'intervenir « avec ce critère » dans toutes les organisations ouvrières.

Les troisième, quatrième et cinquième que nous verrons plus loin se réfèrent à l'activité militaire du parti (voir IP déjà cité).

Pas un seul mot sur notre politique de front unique vers les organisations réformistes afin de lutter contre le putsch « fasciste ». Au contraire, ce qui ressort de ces recommandations, c'est qu'elles posent comme travail politique fondamental la lutte contre le réformisme et non le front unique avec celui-ci pour affronter le péril « fasciste ».

Comment lutter contre le réformisme ?[modifier le wikicode]

Nous pensons également que la lutte contre le réformisme était, est , un problème de vie ou de mort pour la révolution bolivienne. Mais le problème est de savoir comment lutter contre lui. Les masses boliviennes assistaient au spectacle suivant : le putsch approchait et c'était clair pour tout le monde. Lechin et les partis communistes alertaient sur ce péril et appelaient à maintenir le calme et à freiner les mobilisations ouvrières pour l'éviter. Le POR(C) ne lui donnait pas la moindre importance et parlait de la nécessité d'un gouvernement ouvrier et paysan imposé par la guerre révolutionnaire. Comment convaincre les travailleurs que le POR(C) était la direction qu'ils devaient reconnaître alors qu'il était le seul à ne pas faire du combat contre le putsch l'axe de sa politique ?

La seule manière de battre le réformisme aurait été justement de faire un front unique avec lui contre le coup d'état. Au sein de ce front unique, avec cet objectif commun, venait la lutte pour la direction. Le réformisme et la bureaucratie disaient « pas de mobilisations », le POR(C) devait répondre « la seule façon de défaire le putsch est de se mobiliser ». Le réformisme et la bureaucratie n'armaient pas la classe ouvrière ; le POR(C) devaient répondre « la seule façon de défaire le putsch est d'armer les travailleurs ». C'était la seule et unique manière de lutter contre le réformisme ! En démasquant leurs hésitations et leurs trahisons devant les masses face à la plus importante tâche et la plus urgente et ressentie comme telle par celles-ci : la lutte contre le coup d'état de droite.

Le mot d'ordre du POR(C) pour le 1er mai : à l'assaut du pouvoir !

Le camarade Germain, malgré l'évidence des faits, affirme que le POR(C) eut une politique correcte contre le putsch. Il insiste principalement sur le numéro de « Combate » précédant le 1er mai 1971. Nous ne connaissons pas l'entièreté de ce numéro, mais nous avons la photocopie de sa première page. Réellement, avec ce que l'on peut y lire, il y a plus qu'il n'en faut pour que toutes les preuves du camarade Germain s'écroulent. Il y a deux articles, le titre du premier est déjà un symbole :

« Partons à l'assaut final du pouvoir pour le socialisme ! »

Bien sûr, on n'y appelle pas à lutter contre le coup d'état réactionnaire mais à se lancer dans la prise du pouvoir. Mais n'était-ce pas le général Torrez. Qui était au pouvoir à ce moment-là ? le POR(C), une nouvelle fois, était en train d'appeler les masses, qui faisaient confiance à Torrez, à le renverser et à prendre le pouvoir et non à se préparer à lutter contre le putsch réactionnaire.

Dans la partie de l'article sous ce titre - que nous avons à notre disposition et dont le camarade Germain tire sa citation - on prévoit le coup d'état. Cela n'est pas un grand mérite car il y avait déjà un bon moment que les préparatifs putschistes étaient publics et notoires. Mais appelle-t-on à lutter contre ce danger le plus immédiat et fondamental pour les travailleurs boliviens ? Encore une fois non.

Un autre sous-titre est un autre symbole :

« Ni avec le fascisme, ni avec le réformisme : avec la révolution socialiste ! »

Peut être que dans une autre partie de l'article que nous n'avons pas, nous pourrions trouver le sous-titre correct : « Avec le réformisme dans un front unique contre le fascisme ! ». Nous en doutons beaucoup. Si cela était le cas cependant, nous prions le camarade Germain de nous indiquer où il se trouve.

Le second article de la une, nous l'avons en entier. Nous pouvons y trouver quelle était la véritable politique du POR(C). Son titre dit : l'Assemblée populaire doit naître de la base et propose l'élection démocratique de ses délégués. Dans cet article, on ne dit rien du putsch ni de la nécessité que l'Assemblée populaire le combatte en mobilisant et en armant les masses, ni de l'urgence impérative de construire un front unique contre lui. Il se termine par trois mots d'ordre qui, nous le supposons, devaient être fondamentaux pour le POR(C) alors :

« Réformisme non, socialisme oui, armée bourgeoise non, armée révolutionnaire du peuple oui, parlement bourgeois non, Assemblée populaire oui ! »

Il est évident que pour les camarades du POR(C) le danger le plus important pour le « socialisme » (c'est-à-dire pour les masses boliviennes) était le réformisme, pas le coup d'état réactionnaire puisqu'ils n'en parlent même pas dans leurs mots d'ordre.

Armons-nous contre...Torrez ![modifier le wikicode]

Le dernier journal que nous connaissions du POR(C) date de deux mois avant le putsch. Il porte le n°6 et correspond à la première quinzaine de juin. On y prédit que : « Les jours de Torrez sont comptés ».

On y parle également de la contre-révolution « fasciste », de la responsabilité de « la gauche », mais on n'y appelle pas les partis de gauche à s'unir contre le putsch et, ce qui est plus grave, on ne dit mot de l'Assemblée populaire. La position du POR(C) y est résumée ainsi :

« Concrètement, il est indispensable de créer en même temps les forces armées des universités, des mines, des usines, de la campagne, etc. Il faut s'armer et s'entraîner pour le combat qui vient.

« En même temps, pas de répit dans les occupations et les actions contre les propriétés capitalistes et impérialistes. Il faut frapper le pouvoir économique, les centres nerveux de l'impérialisme et de la bourgeoisie nationale.

« Il faut renforcer le Parti Ouvrier Révolutionnaire, outil indispensable pour souder les courants révolutionnaires dans un solide front."

« En avant pour les occupations et l'armement ouvrier ! Mort à l'impérialisme, mort au capitalisme ! »

Une fois de plus, à deux mois du putsch, le POR(C) appelle au front des « courants révolutionnaires » (pas des partis ouvriers et surtout pas des réformistes), avec pour objectif la mise à mort de l'impérialisme et du capitalisme (c'est-à-dire une fois de plus Torrez et pas les putschistes qui se préparaient).

Pourquoi continuer ? Le POR(C) n'avança jamais une politique contre le putsch « fasciste », ni pour le front unique ouvrier, ni pour la mobilisation ouvrière à partir de l'Assemblée populaire. Si du point de vue de la lutte de classes les coupables de la défaite devant Banzer furent la réaction et l'impérialisme, si du point de vue du mouvement ouvrier les coupables furent les réformistes et les bureaucrates, du point de vue du mouvement révolutionnaire le coupable de cette défaite fut notre section bolivienne ; le POR(C).

5. La véritable politique du POR(C): la formation de « l'armée révolutionnaire » ou « l'armement en soi ».[modifier le wikicode]

Nous avons vu ce que ne fut pas la politique du POR(C), voyons maintenant ce que fut sa véritable politique. Pour nous, le POR(C) avait et continue à avoir une seule politique, indépendante des changements de régime. Cette orientation est celle que Trotski reprochait aux ultragauches : elle pose l'armement des masses comme une tâche « en soi », à n'importe quel moment de la lutte de classes et en dehors des problèmes politiques concrets qu'affrontent la classe ouvrière et les masses exploitées.

Personne ne conteste le fait que le POR(C) a pris comme tâche centrale la guérilla rurale sous le régime de Barrientos. Personne ne peut non plus contester le fait que cette guérilla n'avait rien à voir avec le changement qui se produisit avec Ovando, ni non plus avec les conquêtes obtenues par le mouvement des masses sous le gouvernement de ce dernier, comme par exemple le fonctionnement légal du mouvement syndical et la semi-légalité de la gauche.

Nous avons soutenu et continuons à soutenir que, avec quelques variantes, la ligne de « l'armement en soi » et de construction d'une « armée révo­lutionnaire populaire » qu'a eu le POR(C) sous Barrientos fut continuée sous Ovando, Torrez et Banzer. Sous Barrientos, Ovando et les premiers moments de Torrez, elle s'est exprimée par la guérilla rurale. Ensuite, elle changea de forme, allant même jusqu'à proposer quelque chose d'apparemment correct : les piquets armés des syndicats. Elle se fit toujours sous l'enseigne de la « construction d'une armée révolutionnaire » ; et elle fut toujours et totalement menée en marge de la situation de la lutte de classes et des besoins des masses. Pour ne pas donner plus d'exemples, jamais, jamais, l'armement ne fut proposé pour lutter contre les putschs « fascistes ».

Sous Ovando, la guérilla rurale continue ![modifier le wikicode]

Le camarade Germain affirme le contraire en formulant une question: « La section bolivienne faillit-elle en faisant la distinction entre Kornilov et Kérensky, entre Torrez et Barrientos ou Banzer ? » Et il répond : (l'affirmation selon laquelle) « le POR(C) continua essentiellement la même ligne sous Torrez que sous Barrientos ou Banzer est complètement infondée ». ("En défense du léninisme...", BII n°7, p.27). Dans la question comme dans la réponse, le camarade Germain « oublie » le gouvernement Ovando sous lequel eut lieu le premier coup d'état « fasciste », celui du général Miranda. Pour les marxistes, la mémoire es politique. Ce n'est donc pas un hasard si le camarade Germain oublie justement le gouvernement Ovando et le putsch de Miranda, car ce putsch eut une importance extraordinaire.

Comme le camarade Hugo Gonzalez nous en informe, il ne provoqua pas moins qu'une :

« bataille des chefs militaires (qui) paralysa la force répressive de l'armée : pendant deux jours il y eut un vide de pouvoir, le palais du gouvernement et les ministères furent désertés, il fallait alors agir avec les masses dans la rue, il fallait défaire les mirandistes par l'action et la lutte » POR(C). « L'université et le Commandement po­litique de la COB », Edition Lucha Obrera, décembre 1970, reproduit dans Revista de America n°6/7, octobre 1971, p.50).

Nous voyons que, pour le camarade Gonzalez, il y eut deux jours « de vide de pouvoir », où la tâche centrale était de « défaire les mirandistes » (et non lutter contre Ovando et Miranda en même temps), où il fallait mener la lutte « avec les masses dans la rue » (et non avec un groupe de guérilla à la campagne). Nous sommes d'accord avec cette caractérisation et, cette tâche que propose le camarade Gonzalez, mais la politique du POR(C) fut-elle celle-ci ?

Nous soutenons, malgré le camarade Germain, que sous Ovando la section bolivienne se consacra exactement à la même activité que sous Barrientos : se préparer à la guérilla rurale. Nous soutenons également qu'il n'utilisa pas les marges légales que laissait le régime d'Ovando pour travailler en direction du mouvement de masse. Enfin, nous soutenons qu'il ne fit pas de la lutte contre le coup d'état l'axe de son activité, et proposa encore moins le front unique ouvrier pour « défaire le mirandisme ». En résumé, et cela l'éclatement du putsch le démontra, le POR(C) n'était pas en condition de lutter « avec les masses dans la rue » pour « défaire les mirandistes », car il ne se donna jamais cette ligne politique.

Gonzalez contre Germain[modifier le wikicode]

C'est ce qu'affirme par ailleurs les camarades du POR(C) eux-mêmes. Le camarade Gonzalez nous dit que :

« Sous le régime d'Ovando, le parti opérait dans des conditions de clandestinité complète et était totalement absorbé par la lutte armée » (Hugo Gonzalez, interview déjà citée, p.545).

Il est évident qu'un parti qui opéra dans la « clandestinité complète » ne put pas ou peu profiter des marges légales que laissait le régime pour s'insérer dans le mouvement de masses. Par ailleurs, cela n'était pas son objectif, puisqu'il était « totalement absorbé par la lutte armée ».

De quelle lutte armée s'agit-il ? De la guérilla rurale comme l'expriment clairement les propres publications du POR(C) :

Décembre 1969, le camarade Vallejos, directeur de "Combate" affirme : « Dans ce contexte (de nouvelle montée), la guérilla n'est que la continuation du mouvement révolutionnaire des masses, dont le développement fut freiné et brisé par les massacres et la répression militaires ». « Alors qu'à l'époque du Ché, en 1967, le mouvement de guérilla comptait déjà sur un large soutien populaire, sa réapparition en 1969, avec Inti Peredo, s'est produite dans une situation beaucoup plus mûre... » (The Replacement of Siles, IP vol.7, n°41, 8 décembre 1969, p.1100-1).

Février 1970 : le POR(C) dit officiellement la même chose que Vallejos sur la guérilla d'Inti et ajoute : « Ce discernement populaire qui admet et fait sienne la voie de la guérilla, c'est ce qui soutient et encourage la guérilla ». « Notre position est claire, le retard et le sous-développement de la Bolivie ne seront pas résolus par les mesures partielles d'un programme bourgeois mais par la révolution socialiste, dirigée par une Armée de libération nationale et sociale, partant de la guérilla... » « La guérilla reste en vigueur. Peu importe les coups reçus et les pertes en hommes et en munitions. Tout cela, même si c'est douloureux, peut se surmonter. L'important est de voir qu'il n'y a pas d'autre issue pour les véritables révolutionnaires » ("Le gouvernement Ovando et la situation bolivienne", Edition Lucha obrera, février 1970, p.10 et suivantes).

Avril 1970 : Dans son message au congrès des mineurs (le premier réalisé légalement depuis de nombreuses années), le POR(C) appelle les mineurs à suivre l'exemple du Ché, à soutenir Inti, « réarmer les syndicats des mineurs et créer une grande force armée qui fera partie de la grande Armée de Libération nationale et sociale, dont la construction a commencé à Nancahuazu. C'est là le chemin de la victoire. » (POR(C) ; tract au congrès des mineurs de Siglo XX; IP vol.8, n°18, 11 mai 1970 ; p.434).

Mai 1970 : « Par ailleurs, il apparaît que pour les révolutionnaires d'Amérique latine les méthodes révolutionnaires employées (référence au rapt de l'ambassadeur allemand Von Lolleben au Brésil) sont les plus efficaces pour sauver de la prison et de la torture les patriotes anti-impérialistes qui tombent dans les griffes de l'obscure CIA ». « Dans notre pays, à partir de Nancahuazu s'est valorisée une stratégie de pouvoir concrète et réelle, découlant de notre propre réalité politique et sociale » ("Combate", Nueva Epoca, n°1, 15 juin 1970).

Juillet 1970 : « Par conséquent, loin d'être arbitraire, la guérilla est l'issue naturelle à la situation actuelle » « (...) la politique des masses, à partir d'un certain moment, devient la lutte armée, la guérilla est donc la poursuite, par d'autres moyens, du mouvement des masses » « Pour prendre le pouvoir, pour le socialisme, il est donc vital de construire une véritable armée du peuple, qui naisse de son sein et qui se lève contre l'armée professionnelle bourgeoise. En Bolivie, une telle armée populaire de libération nationale a commencé sa marche à Nancahuazu avec le commandant Ché Guevara ». « La thèse du IVème congrès de la COB, tout comme auparavant le congrès des mineurs du Siglo XX, a ignoré une des conquêtes les plus importantes des masses boliviennes, l'expérience de la guerre révolutionnaire et de la guérilla. Un document qui ne prend pas en compte la guérilla du Ché Guevara, d'Inti et celle que mènent actuellement l'ELN et le POR, est un document qui ne tient pas compte de la réalité concrète du pays. Les masses, dans leur affrontement avec la dictature militaire, arriveront à ressentir la nécessité de nouvelles méthodes de lutte, auxquelles la guérilla du Ché a su donner une expression; c'est, pour cela qu'elles lui donnèrent leur sympathie et leur soutien, que ces mêmes guérilleros, de par une série de circonstances, ne surent pas mettre à profit. Mais indépendamment de cela, les masses ont vu et voient maintenant que la guerre révolutionnaire est la voie à suivre pour triompher d'une armée qui les massacrait et les muselait. » ("Combate", 15 juillet 1970, n°2).

Pourquoi continuer plus longtemps ? Des mots, encore des mots sur les guérillas, l'armée populaire, le soutien inconditionnel à la guérilla d'Inti, des affirmations catégoriques sur le fait que c'est la seule et unique voie pour les révolutionnaires. Quel est l'objectif de tout ce verbiage guérillériste ? Renverser Ovando et faire la « révolution socialiste ». Pas un seul mot avertissant du danger d'un putsch de droite, pas un seul appel au front unique ouvrier contre le putsch. Et quand on appelle les mineurs à s'armer, ce n'est pas sous la discipline de leurs syndicats ni pour lutter en front unique contre la droite : on leur demande de s'armer à partir des syndicats pour faire partie (!) de la guérilla rurale (« l'armée qui a commencé à se construire à Nancahuazú »).

Malgré le POR(C), les masses se sont mobilisées[modifier le wikicode]

Le putsch de Miranda éclata, la bourgeoisie et l'armée entrèrent en crise, il y eut un vide de pouvoir de deux jours que remplit finalement Torrez. Les masses « sortirent dans la rue » avec leurs directions réformistes et bureaucratiques, « défirent les mirandistes » et imposèrent un président nationaliste bourgeois. Autrement dit, les masses remplirent les deux tâches que signalait le camarade Gonzalez. Mais, en toute logique avec sa politique, le POR(C) n'y fut pour rien.

Les masses ne sortirent pas armées dans les rues, mais cette responsabilité appartient à ceux qui ne leur dirent pas que menaçait un coup d'état et qu'elles devaient s'armer pour le combattre. Les coupables sont ceux qui les appelèrent à s'armer pour aller faire la guérilla, ceux qui proposèrent l'armement « en soi » et non pas pour défaire le mirandisme. Les masses n'imposèrent pas un gouvernement ouvrier et paysan, mais les responsables sont ceux qui se coupèrent d'elles car ils étaient « totalement absorbés » par la « lutte armée » et les laissèrent à la merci de leurs directions bureaucratiques et réformistes.

Défaire la droite mirandiste par la mobilisation est une tâche colossale que réalisèrent les masses, une victoire héroïque si l'on considère que le seul espoir de parti révolutionnaire, le POR(C), ne les avait pas alertées contre le péril de putsch, ni appelait au front unique pour le combattre, ni à l'armement pour réaliser cette tâche.

Octobre 1970 : une défaite des masses ?

Mais ce n'est pas la conclusion que tira le POR(C) de la crise d'octobre. Comme nous l'avons vu, pour le POR(C), la venue de Torrez signifia « une défaite des masses » et « une victoire de l'armée ». Et même plus :

« Il y en a qui soutiennent encore que contre la lutte armée l'action directe des masses a triomphé, appelant triomphe le gouvernement de Torrez. » « La crise d'octobre démontre les limites de l'action directe des masses. La grève générale ne peut conduire au pouvoir ouvrier que si en même temps existe une armée révolutionnaire qui précisément se forme à travers la lutte armée. Tant que cette armée ouvrière n'existe pas, la mobilisation des masses ne peut que mettre au pouvoir un secteur de la bourgeoisie, quand elle ne se termine pas par un massacre sanglant. » ("Combate" n°3, 1er novembre 1970).

Le début du gouvernement Torrez: la guérilla rurale continue

C'est ainsi que le POR(C) affronta la nouvelle étape, celle du gouvernement Torrez. Et il continua, n'en déplaise au camarade Germain, à prôner encore la guérilla rurale, dans le cadre de sa politique constante d'armement « en soi » :

« Malgré les défaites, la guérilla reste la voie de la libération natio­nale et sociale ». « Comme en octobre 67, sont réapparus les théoriciens de l'échec de la guérilla comme méthode de prise du pouvoir ». « Indépendamment des contingences de chaque front de guérilla, en dehors des qualité personnelles des combattants, malgré la perte de vies valeureuses, la guérilla reste la voie pour prendre le pouvoir. » ("Combate" n°3).

Qu'on ne nous dise pas ici que l'on ne parle pas de la guérilla rurale. Les « seuls fronts de guérilla » connus en Bolivie furent ruraux et « Combate » est très clair quand il dit que « indépendamment des contingences de chaque front de guérilla... la guérilla reste la voie pour prendre le pouvoir ».

De la guérilla rurale à « l'armement en soi »[modifier le wikicode]

Le kérenskysme chaque jour plus accentué du régime de Torrez, ses constantes concessions au mouvement des masses. La naissance d'embryons d'organismes de double pouvoir, la quasi absolue légalité pour les tendances de gauche et révolutionnaires, laissèrent la guérilla de plus en plus isolée, la condamnant à faire sa propre cuisine. Cela provoqua un réajustement formel dans la politique d'armement « en soi » du POR(C). La sacro-sainte guérilla disparu peu à peu de la propagande de notre section bolivienne et fut remplacée, comme nous l'avons déjà dit, par des appels généraux à l'armement des masses. Ces appels arrivèrent à prendre la forme, apparemment correcte, d'appels à des détachements armés des syndicats. Mais ces changements, nous insistons, furent formels. La nouvelle manière de poser le problème de l'armement restait dans la ligne ultragauche de « l'armement en soi ». Jamais, non jamais, l'armement ne fut posé comme une nécessité liée à la lutte de classes concrète et réelle.

Au CC élargi d'avril 71 du POR(C), déjà tout proche du coup d'état, fut discuté l'ordre du jour suivant :

« a) Rapport sur l'Internationale. Situation du processus révolutionnaire en Amérique latine et rôle rempli par les sections de la IVème Internationale. Situation en Argentine et luttes développées par nos camarades du PRT et de l'ERP.

« b) Situation nationale : caractérisation du gouvernement Torrez, situation dans l'armée et son alliance avec la droite civile. Le mouvement des masses et ses limites. La gauche et ses déviations. Le péril permanent de putsch. Perspectives.

« c) La guérilla : bilan et expériences. La conception du POR sur la guerre révolutionnaire. » (IP n°25, 1971).

Dans le sous-chapitre antérieur, nous avons vu les deux premières recommandations des cinq adoptées par ce CC élargi de la direction du POR(C) .Il y était donné l'axe politique de lutte contre le réformisme sans un mot sur le coup d'état ni sur la nécessité du front unique pour le combattre. Voyons maintenant les trois recommandations restantes :

« 3) Impulser l'armement ouvrier, en prenant l'initiative de la formation de détachements armés au niveau syndical.

« 4) Intensifier en même temps le travail militaire du parti et le renforcement de son appareil militaire, pour les prochaines actions, intimement unis aux masses révolutionnaires.

« 5) Le travail politique en direction des masses et l'activité militaire du parti se réajustent d'une manière équilibrée, tout cela sous la direction unique et centralisée de celui-ci. » (IP n°25, 28 juin 1971,p.599).

Comme nous la voyons, sur 5 résolutions, 3 se rapportent à la question militaire, mais aucune ne fait référence au fait que l'appel à l'armement des travailleurs doit se faire sur la base de la nécessité de la lutte contre le coup d'état « fasciste ». Pourquoi le POR(C) proposait-il aux travailleurs d'organiser des « détachements armés au niveau des syndicats » ? Si nous sommes conséquents avec les 2 points politiques de ces recommandations, ce devrait être pour la seule tâche centrale de « lutter contre le réformisme ». Mais nous ne pensons pas que le POR(C) ait poussé aussi loin sa paresse politique. Il proposait simplement l'armement pour « l'armement en soi », sans aucun objectif politique concret, sauf la lutte pour « la libération nationale », le « socialisme » et la « construction de l'armée révolutionnaire ».

Programme et recommandations véritablement trotskistes[modifier le wikicode]

Quels auraient dû être le programme et les recommandations du CC élargi d'un parti trotskiste en Bolivie à ce moment-là ? C'est très simple :

Programme :

1) Le danger de coup d'état de droite contre le gouvernement Torrez est le plus grand des dangers pour le mouvement ouvrier et des masses. La politique de front unique ouvrier contre le putsch doit être centrale. Le travail du parti dans les organisations de masses: syndicats et Assemblée populaire.

2) L'armement des travailleurs à partir de la lutte contre le putsch et des organisations de masses (syndicats et Assemblée populaire).

Recommandations :

1) Lancer tout de suite un appel à toutes les organisations ouvrières et particulièrement aux réformistes et à la bureaucratie syndicale, pour former un front unique contre le péril « fasciste ».

2) Lancer immédiatement une campagne de dénonciation contre toute et chaque hésitation ou trahison des directions réformistes et bureaucratiques autour de cette tâche centrale.

3) Défendre dans les syndicats et l'Assemblée populaire la nécessité d'organiser des détachements armés pour lutter contre le coup d'état.

4) Prendre des initiatives dans la construction de ces détachements là où notre parti a déjà gagné le soutien des travailleurs pour cette tâche.

5) Commencer sur l'heure le travail politique en direction de la base de l'armée, avec le mot d'ordre de démocratisation interne, élections de délégués des soldats et sous-officiers pour l'Assemblée populaire. Maintenir dans leurs régiments les soldats et sous-officiers qui sympathisent avec nous et leur donner une orientation pour former des groupes du parti dans leurs casernes.

C'est là la seule manière correcte de poser l'armement. Et c'est également la seule manière d'y arriver.

L'armement « en soi » quelques jours avant le putsch de Banzer[modifier le wikicode]

Mais le POR(C) n'avait malheureusement pas cette orientation. Revenons au numéro préféré par le camarade Germain de « Combate », le n°5 du 1er mai 1971. Nous avons déjà vu qu'un des trois mots d'ordre était :

« Armée bourgeoise non, Armée révolutionnaire du peuple oui ! »

Apparaît de nouveau ici cette fameuse « Armée révolutionnaire du peuple » dont la construction, selon le camarade Germain, ne fut pas la tâche et la politique centrale de la section bolivienne. Encore une fois, la stratégie de « l'armement en soi » se déploie ici dans toute sa splendeur. Cette splendeur est encore plus éblouissante dans le dernier journal du POR(C) avant le putsch, le n°6 que nous avons déjà cité. Or y commente la forte mobilisation ouvrière du 1er mai, avec un titre sur toute la page : « Socialisme et armes, cri de guerre du 1er mai ! ».

De nouveau, les armes servent à l'avènement du socialisme et non pour combattre le péril de putsch, qui n'est pas mentionné une seule fois dans l'article portant ce titre. Il ne fait que félicitations et éloges à l'orientation et aux banderoles de la manifestation, principalement du cortège du syndicat contrôlé par le parti :

« C'est sous les applaudissements nourris et le signe de l'allégresse que défila la Fédération des Travailleurs des Minoteries, avec une banderole disant : « Il nous faut une Armée révolutionnaire du peuple », et derrière elle des groupes sélectionnés d'ouvriers sous l'uniforme des guérilleros avec le béret et l'étoile du Ché, et portant quelques armes. C'est l'armée ouvrière qui est en train de naître pour nous conduire au socialisme par la seule voie réaliste : « la guerre révolutionnaire ». Les masses suivent la ligne de la lutte armée et de la guerre révolutionnaire et font surgir de leur sein les embryons de la future Armée ouvrière révolutionnaire. » (p.3).

Une fois de plus réapparaissent « l'Armée révolutionnaire du peuple », les uniformes de « guérilleros », « l'Armée ouvrière » pour faire « la guerre révolutionnaire » et conduire au « socialisme ». Pour le POR(C), la position de ces manifestants est tout à fait correcte, même si n'est pas mentionné le péril de putsch, même si l'armement n'est pas proposé pour le combattre. Plus loin, le POR(C) résume sa position en disant que l'on doit :

« Impulser la création des instruments politiques et militaires populaires ». « Il faut faire naître dans chaque syndicat, dans les universités, à la campagne, des détachements armés, les embryons de la future force militaire révolutionnaire indispensable pour vaincre les militaires fascistes et laquais de l'impérialisme. Dans l'affrontement de classes qui approche, ce seront les armes qui décideront du destin de la révolution. » (p.3).

Quel est le but de ces « instruments politiques et militaires populaires », de cette « future force militaire révolutionnaire » où devraient s'incorporer les détachements armés des syndicats, des universités et de la campagne ? Pour la première et seule fois, il semblerait que le POR(C) pose le problème de l'armement d'une manière adaptée à l'objectif: défaire les « militaires fascistes et laquais de l'impérialisme ». Mais, malheureusement, cela n'est qu'une lueur, un point lumineux au milieu d'un article où l'armement est posé en permanence pour faire « la guerre révolutionnaire », pour instaurer le « socialisme ». Lequel de ces deux objectifs était celui que proposait réellement le POR(C) aux travailleurs quand il les appelait à s'armer ? Pour le POR(C), cela n'a aucune importance, n'importe lequel des deux peut servir ; appeler à s'armer pour le socialisme ou contre Banzer, c'est pareil ; appeler à s'armer pour la guerre révolutionnaire ou pour vaincre les militaires fascistes, c'est la même chose : le problème c'est d'appeler à s'armer. Et cette position, exemple clair et net de l'armement « en soi », est celle que continue à défendre le POR(C) dans son dernier journal avant le coup d'État « fasciste ».

Malgré toutes les tentatives du camarade Germain pour cacher la vérité elle réapparaît. Tous les appels aux armes lancés par le POR(C) à tout moment et comme tâche centrale en Bolivie, que ce soit sous Barrientos, Ovando, Torrez ou Banzer, se résumèrent à un seul objectif, même pas politique mais organisationnel, la construction de « l'Armée révolutionnaire ». C'était quelques fois pour la guérilla rurale d'autres pour une « Armée ouvrière », d'autres encore pour une « Armée ouvrière et paysanne » ou une « Armée révolutionnaire du peuple » ou encore la « Force militaire révolutionnaire ». Si ce n'est pas avoir une seule et même orientation (ou stratégie) dans n'importe quelle situation de la lutte de classes et sous n'importe quel régime, si ce n'est pas la ligne ultragauche de « l'armement en soi », nous demandons aux camarades de la majorité, et en particulier au camarade Germain, qu'ils nous expliquent ce que c'est.

6. La politique du POR(C) de création d'organismes artificiels (« Armée révolutionnaire ») et de sous-estimation du mouvement des masses l'amena à l'échec.[modifier le wikicode]

Nous avons vu comment - face aux putschs « fascistes » et sous tous les gouvernements - le POR(C) ne centra jamais son orientation sur le front unique contre les putschs. Sous tous les gouvernements et face à tous les putschs, il eut une seule et unique politique : la « construction de l'Armée révolutionnaire », sans jamais lutter pour que les organisations ouvrières s'unissent et s'arment contre le putsch.

Le POR(C) déprécie le mouvement des masses[modifier le wikicode]

La raison profonde de cette politique est la totale sous-estimation des possibilités du mouvement des masses. Le camarade Gonzalez nous dit :

« Une mobilisation insurrectionnelle des masses, pour très ample qu'elle soit, finira par être défaite par les armées modernes au service des partis de la bourgeoisie. Par exemple : Mexico, Córdoba... Les insurrections massives de Mexico et Córdoba, de la COB en Bolivie, furent vaincues car il leur manquait deux éléments fondamentaux :... b) l'instrument armé organisé militairement, préparé, entraîné, capable de riposter au niveau des armes à l'armée capitaliste » ("Le gouvernement Ovando...", Edition Lucha obrera, février 1970).

Bien qu'il ne soit pas clairement formulé ici, se cache un argument connu des guérilléristes : on pouvait combattre les anciennes armées avec le mouvement des masses et une politique correcte, pas les armées modernes. Cet argument est faux à la base. Les nouvelles armées impérialistes se différencient des anciennes par l'aviation, les tanks, les armes atomiques et les missiles. Aujourd'hui, il est encore plus impossible qu'autrefois d'opposer et de construire une armée populaire qui batte militairement la bourgeoisie. Pour affronter les armées modernes, le mouvement des masses et une politique correcte sont plus nécessaires que jamais. Toute tentative d'opposer une armée à l'armée réactionnaire, au lieu de lui opposer le mouvement des masses avec une orientation correcte, est condamnée à l'échec, justement à cause du caractère des armées modernes. Pourtant cet argument est constant :

« Si l'armée révolutionnaire manque, on ne peut pas la construire uniquement avec l'héroïsme des masses. » ("Our rol in battling against the military coup", IP n°38, vol.9, 1er novembre 1971).

Ce terrible pessimisme des camarades du POR(C) sur les possibilités du mouvement des masses explique sa ligne permanente sous tous les gouvernements : « la construction de l'Armée révolutionnaire ». Cette impuissance des masses est constante, éternelle, permanente, sous n'importe quel type de gouvernement », sous Barrientos, Ovando, Torrez et Banzer. Ainsi se diluent les différences entre les gouvernements, les avancées et les reculs du mouvement ouvrier, les problèmes politiques cruciaux qu'affrontent et subissent les travailleurs - comme par exemple la menace du putsch "fasciste" -. Et, après tout, pourquoi s'ennuyer à préciser des étapes, des caractérisations, des mots d'ordre, etc., si tout se simplifie avec la panacée universelle que les masses sont incapables de construire : « l'Armée révolutionnaire » ?

La proposition du POR(C) au Congrès des Mineurs, les appelant à prendre les armes pour se « solidariser avec la guérilla » s'éclaire ainsi. S'éclaire également la position, prise au début du gouvernement Torrez, de créer « une Armée révolutionnaire ouvrière et populaire, instrument indispensable pour la prise du pouvoir » (déclaration du CE déjà citée).

Qui doit prendre le pouvoir ?[modifier le wikicode]

En résumé, le syllogisme ultragauche nous est présenté une nouvelle foi d'une manière parfaite, bien qu'inutile et fausse. Prémisse principale : les grandes luttes des masses culminent toujours par la lutte armée contre l'armée; prémisse secondaire : on ne peut vaincre une armée moderne que par une autre armée; conclusion : commençons à construire tout de suite l'armée révolutionnaire, puisqu'il faut des années pour le faire. La conclusion finale, morale - et non politique - est évidente :

« Prend le pouvoir celui qui a les armes et qui est décidé à le prendre en comptant sur ses propres forces » (" Le gouvernement Ovando...").

La prise du pouvoir n'est déjà plus un problème de politique juste, de situation objective, de rapports entre les classes, de lutte et de « confiance » dans le mouvement des masses, elle devient par contre un problème moralo-militaire: avoir des armes et être prêt à s'en servir.

La conclusion organisationnelle du POR(C) a deux faces : la première est l'invention par le parti d'organismes artificiels (une fois de plus ce que Trotski critiquait chez les ultragauche, dans ce cas-là il s'agit de "l'Armée révolutionnaire) ; la seconde est la dépréciation des organismes naturels du mouvement des masses, dans ce cas-là des syndicats et de l'Assemblée populaire. Sur cette seconde question, nous nous arrêterons dans le prochain chapitre. Entrons maintenant dans le problème de l'organisme artificiel inventé par le POR(C), la fameuse « Armée révolutionnaire ».

La conception selon laquelle, pour l'Amérique latine et à cette étape, notre tâche centrale est la construction de ces « Armées révolutionnaires », modifie tout notre Programme de transition et notre conception marxiste, car cela signifie que notre tâche centrale a cessé d'être la construction de partis révolutionnaires, bolcheviques et trotskistes. Le camarade Germain fait un jeu de mots autour de tout cela: il dit que le parti se construit en construisant l'armée ou en appelant les masses à la lutte armée. Le camarade Gonzalez est plus précis quand il dit que la seule façon de construire l'armée révolutionnaire se fait « à travers la lutte armée ». Mais ce n'est pas de cela que nous discuterons, c'est de savoir si l'armée révolutionnaire est « l'instrument essentiel pour prendre le pouvoir », à la place des organisations de type soviétique et du parti révolutionnaire comme l'affirme le Programme de transition.

Cette discussion est beaucoup plus profonde qu'elle ne le parait. Elle est liée à la puissance de la classe ouvrière, à ses faiblesses, à ses carences. Pour le POR(C), la carence essentielle est « l'Armée révolutionnaire » ; pour nous, c'est le parti révolutionnaire et une politique révolutionnaire correcte.

C'est ce que nos maîtres affirmaient en permanence, comme le fit l'IC à son troisième Congrès :

« Il peut arriver que l'on soit obligé, dans un laps de quelques jours, de mobiliser le parti pour une lutte armée, de mobiliser non seulement le parti mais aussi ses réserves, d'organiser les sympathisants et toute l'arrière-garde, c'est-à-dire les masses révolutionnaires non organisées. Il ne sera pas question à un tel moment de former une armée rouge régulière. Nous devons vaincre sans armée construite d'avance, seulement avec les masses sous la direction du parti. » (3ème Congrès de l'Internationale Communiste ; Thèses sur la structure, les méthodes et l'action des Partis communistes. Maspero, 1971, p.122).

Pour Lénine et Trotski, et pour nous, les travailleurs sont capables de tout - oui de tout ! - même de défaire l'armée bourgeoise sans avoir construit au préalable leur propre armée, à condition qu'ils suivent une politique correcte, qu'ils aient à leur tête un parti bolchevique et se soient débarrassés des directions réformistes, bureaucratiques traîtres. La défaite des travailleurs boliviens n'est pas due au fait qu'ils n'aient pas réussi à former une armée, mais à un fait beaucoup plus simple : ils n'ont pas réussi (ou plutôt, nous trotskistes, n'avons pas réussi) à se débarrasser de ces directions traîtres et à construire notre parti avec une influence de masse.

Trotski et la lutte armée[modifier le wikicode]

Voilà la conception de Trotski de la lutte armée. Il ne proposa jamais de construire des « armées révolutionnaires », même s'il fut le plus grand organisateur de l'Armée rouge. Il montra avant tout la nécessité d'armer les masses par une politique correcte, seul moyen de pouvoir les armer avec des armes proprement dites et de construire les milices ouvrières. La victoire ne peut être assurée que par une politique correcte, en détruisant l'armée du régime de l'intérieur, en portant la lutte de classes en son sein, en gagnant politiquement et en organisant les ouvriers, les étudiants et les paysans qui sont sous l'uniforme.

Tout comme Trotski ne posa jamais comme tâche centrale ou permanente, avant l'éclatement de la révolution, la construction de n'importe quel type d'armée, il ne dit jamais non plus que l'orientation correcte fut d'appeler constamment les masses à se préparer à la lutte armée. Pour le trotskysme, la politique correcte est de lancer les mots d'ordre adaptés à chaque moment de la lutte de classes. Tout comme personne ne peut appeler à la grève générale comme mot d'ordre permanent (excepté le posadisme), car il ne vient à l'idée de personne que ce soit la tâche quotidienne des masses jusqu'au triomphe de la révolution socialiste, personne ne peut avancer la lutte armée de cette façon, car la lutte armée est la réponse à une certaine étape de la lutte de classes, pas une tâche permanente des masses exploitées ni de leur parti révolutionnaire. Et tout comme la grève générale appelée à un moment où elle n'a aucune raison d'être, nous isole des masses et porte préjudice à la possibilité que les masses se lancent dans la grève au moment nécessaire, l'appel permanent, "en soi", à la lutte armée - ou à sa préparation en construisant des « armées révolutionnaires » - signifie, insistons avec Trotski, « s'isoler des masses et les masses des armes ».

Ce fut l'erreur tragique du POR(C) en Bolivie, car s'il y avait une manière d'armer les masses, c'était de les convaincre qu'elles fassent un front unique et s'arment pour combattre le putsch. Le POR(C) a choisi une autre solution celle de réunir le petit groupe de militants du POR(C) - ou de l'ELN - et de se consacrer à fabriquer un organisme artificiel, la fameuse « armée ». Cela fait déjà huit ans qu'il s'en occupe et une telle « armée » n'a encore été vue nulle part. Sauf si l'on veut faire passer pour une « armée » les poignées de militants qui de temps en temps, comme à Teoponte, se font massacrer par l'armée bolivienne. Pendant ce temps-là, une situation révolutionnaire colossale a été gâchée.

Notre Programme de transition dit justement le contraire de ce que soutient le camarade Gonzalez :

« Quand le prolétariat le voudra, il trouvera les chemins et les moyens de s'armer. Cela incombe naturellement, également dans ce domaine, aux sections de la IVème Internationale ».

Bien que les camarades de la majorité soutiennent le fait qu'ils disent la même chose, que le prolétariat doit vouloir et se donner cette tâche, cette phrase signifie véritablement que la classe ouvrière peut s'armer à tout moment, si les conditions en sont mûres. Exactement l'opposé de dire que c'est une tâche permanente des masses et du parti. C'est Trotski qui précise :

« il n'y a pas de verrous ni de murs qui séparent le prolétariat des armes, mais l'habitude de la soumission, l'hypnose de la classe dominante, le poison nationaliste ». « Il suffit de détruire ces barrières psychologiques et même un mur de pierres ne pourra leur barrer le chemin. Il suffit que le prolétariat veuille des armes - et il les trouvera. La tâche du parti révolutionnaire est de réveiller ce désir et de faciliter sa réalisation » ( Où va la France, p.36).

Le travail dans l'armée[modifier le wikicode]

Cette tâche de propagande - « réveiller ce désir et faciliter sa réalisation » - est complémentaire d'une autre, celle de détruire de l'intérieur l'armée bourgeoise. Les opportunistes et leurs jumeaux de « l'ultra » considèrent que cette dernière tâche est impossible car on ne peut rien faire contre les armées modernes.

« Nous répondons - dit Trotski - que derrière chaque machine il y a des hommes qui ne sont pas seulement liés par la technique mais par des raisons sociales et politiques. Quand le développement historique pose à la société une tâche révolutionnaire impossible à reporter, une question de vie ou de mort, quand il existe une classe progressive à la victoire de laquelle est lié le sort de la société, le développement même de la politique ouvre à la classe révolutionnaire les possibilités les plus diverses, comme celle de paralyser la force militaire de l'ennemi, pour la faire passer de notre côté, du moins partiellement. » (Où va la France, p.37).

Quand nous accusons le POR(C) (et le PRT(C) de ne pas intervenir dans les armées bourgeoises, le camarade Germain élude élégamment la question en disant que la première chose à faire ce sont les milices ouvrières. Cela personne ne le discute, bien que nous établissions nettement la différence entre « milices ouvrières » et fantomatiques « armées révolutionnaires ». Mais cela ne veut pas dire que le POR(C) et le PRT(C) n'aient pas travaillé dans les armées bourgeoises, mais que, au contraire, ils ont appelé à les déserter, à abandonner les casernes pour gagner "l'armée révolutionnaire" ! C'est une orientation typiquement anarchiste, guérillériste, une position incompatible avec la présence dans nos rang. Son meilleur exposant en est encore le POR(C) :

« Dans cette nouvelle armée, les officiers et militaires de l'armée bourgeoise pourront avoir leur place, s'ils rompent avec elle et veulent lutter effectivement pour la libération de la Bolivie... » (CE du POR(C), octobre 1970).

Depuis quand la désertion individuelle est-elle une position marxiste et trotskiste ? Est-ce un hasard si elle est soutenue par aussi bien le POR(C) que le PRT(C) ? Ou au contraire n'est-ce pas la conséquence logique de la politique ultragauche et guérillériste adoptée au IX° Congrès ?

Les camarades du POR(C) n'ont jamais compris qu'il est impossible de construire des organismes artificiels pour la lutte armée (ni pour aucun autre type de lutte) ; ils n'ont jamais compris que la lutte armée (comme tout autre type de lutte) doit être posée à partir des besoins immédiats et concrets du mouvement des masses, découlant de la situation momentanée de la lutte de classes. C'est ainsi que le POR(C) arriva au putsch sans comprendre que :

« L'organisation armée du prolétariat, qui en ce moment présent coïncide presque entièrement avec la défense contre le fascisme, est un nouveau bras de la lutte de classes. » (Trotski, où va la France, p. 93).

Six ans de guérillérisme contre un jour des masses[modifier le wikicode]

Que se passa-t-il avec la fameuse « Armée révolutionnaire » artificielle inventée par le POR(C) lorsqu'éclata le putsch ? Voyons ce que nous dit le camarade Gonzalez lui-même :

« la lutte fut féroce et héroïque: plus de 5 000 combattants - mais 70% d'entre eux sans armes. Au dernier moment, l'assaut contre un dépôt d'armes nous fournit 1300 rifles de la guerre du Chaco... » ("Our role..." IP n°38, 1971).

Jamais personne ne pourra enterrer les « Armées révolutionnaires », et avec elles la politique du POR(C) (et de la majorité), d'une manière aussi définitive que le camarade Gonzalez dans ces quelques lignes. Le POR(C) se préparait à la lutte armée inévitable, à la « guerre prolongée » depuis 1965, avec l'adhésion enthousiaste et le soutien financier et moral des camarades de la majorité. De plus existe l'ELN (Armée de Libération Nationale) qui faisait la même chose depuis la guérilla de Nancahuazu, et cela avec le soutien, du moins au début, des Cubains. Tous deux, le POR(C) et l'ELN, avaient pris comme tâche stratégique la construction de « l'Armée révolutionnaire ». Et quand vint le moment crucial, après tant d'années de « préparation » intense pour la lutte armée, de construction jour après jour de l'armée qui allait combattre et défaire l'armée bourgeoise, entre le POR(C), l'ELN et toutes les organisations de gauche, 500 armes seulement furent réunies (pour 10% des 5000 combattants) ! Alors que les masses en prirent 1300 en un seul jour...

Il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond. Le camarade Germain affirme que la ligne politique du POR(C) fut un modèle ; la résolution du CEI sur la Bolivie assure qu'il n'y eut que des fautes organisationnelles. Nous demandons alors : les camarades de la majorité considèrent-ils comme satisfaisants les résultats de cette ligne correcte ? Ne pensent-ils pas qu'il est un peu « faible » d'obtenir, après tant d'années d'application d'une ligne « correcte », si peu d'armes ?

La majorité rejette la faute sur les masses[modifier le wikicode]

Au lieu d'assumer ses responsabilités, la majorité du SU - ce que faisait également l'ultragauche comme le dit Trotski - rejette ce fardeau sur le dos de l'incompréhension du mouvement des masses ou sur les réformistes. Elle ne dit mot du fait que, depuis 1965, notre section se préparait soi-disant à la lutte armée et que, par conséquent, elle est responsable du résultat.

« L'expérience bolivienne montre le caractère illusoire de toutes les conceptions qui attendent qu'un vigoureux soulèvement des masses, par ses seules forces et courage, mette sous son contrôle les appétits des « gorilles » latino-américains. Si un tel mouvement de masse ne comprend pas la nécessité impérieuse de se préparer lui-même à l'affrontement armé avec la bourgeoisie, de s'armer lui-même et de désarmer la réaction, il sera repoussé et liquidé par la violence, comme cela s'est produit une fois de plus avec les masses en Bolivie ». (Déclaration du SU, IP, septembre 1971, n°32).

C'est là une insulte faite aux masses travailleuses. Il est dit que si « elles ne comprennent pas » la « nécessité de s'armer », elles sont condamnées au massacre. Et qu'avons-nous donc fait pour qu'elles comprennent ? Leur avons-nous expliqué que notre plus grand ennemi était le coup d'état « fasciste » et qu'il fallait s'unir pour le défaire ? Les avons-nous appelées à s'armer pour combattre le putsch ? Leur avons-nous dit de s'armer à partir de leurs propres organisations, celles qu'elles reconnaissent, les syndicats et l'Assemblée populaire ? Non, rien de tout cela. Nous leur avons dit qu'il n'y avait pas de différence entre un Torrez et un putsch pro-impérialiste et qu'elles n'avaient pas à choisir entre « deux bandes militaires en conflit ». Nous leur avons dit de s'armer, non pas pour combattre le putsch, mais pour combattre le régime bourgeois (qui à ce moment-là était représenté par Torrez), nous leur avons dit de s'armer contre Torrez et contre le putsch en même temps. Nous leur avons dit de former un organisme artificiel, « l'Armée révolutionnaire », et non pas de construire les bras armés de leurs organisations, des syndicats et de l'Assemblée populaire.

Et par-dessus tout, nous avons le culot de jeter au visage des travailleurs boliviens la responsabilité de ne pas avoir compris qu'il fallait s'armer ! Celui qui n'a pas compris la nécessité d'armer les travailleurs, malgré toute la propagande qu'il a faite sur la « lutte armée », malgré la préparation technique qu'il a réalisée et malgré « l'Armée révolutionnaire » qu'il a imaginée, c'est le POR(C), section officielle de la IVème Internationale en Bolivie.

7. Préoccupé par la construction de « l'Armée révolutionnaire » (organisme artificiel), le POR(C) n'a eu aucune politique conséquente vis à vis de l'Assemblée populaire (organisme du mouvement de masses).[modifier le wikicode]

Tout comme l'autre face de la politique de l'armement « en soi » du POR(C) était son effort impuissant pour construire un organisme artificiel (« l'Armée révolutionnaire »), l'autre face de son refus d'appliquer la politique de front unique ouvrier est sa méconnaissance des organismes naturels du mouvement ouvrier. Et cela parce que, dans ces organismes se produit de fait le front unique des travailleurs de toutes les tendances politiques. C'est ce qui se passe en permanence dans les syndicats et se passa dans l'Assemblée populaire.

Le marxisme se caractérise par le fait de lutter contre toutes les tendances sectaires, en revendiquant la nécessité du travail dans les organismes de masses et en défaisant tout organisme artificiel. Un des objectifs fondamentaux de ce travail est de pouvoir disputer la direction du mouvement ouvrier et des masses aux directions opportunistes de ces organismes, en postulant comme direction révolutionnaire alternative. Nous devons y être et y rester pour que les masses puissent vérifier tous les jours que notre politique et notre direction sont les seules correctes contre celles des opportunistes.

Le POR(C) n'a pas participé au Commandement politique[modifier le wikicode]

Le fruit de la politique ultragauche du POR(C) fut son incapacité à se donner une orientation conséquente par rapport à l'Assemblée populaire. Il commença par ne pas s'intégrer au Commandement politique qui lutta contre le putsch de Miranda et provoqua « deux jours de vide de pouvoir ». Le camarade Germain a dit qu'il avait été correct de ne pas entrer dans ce Commandement, car y participaient quelques secteurs bourgeois. C'est là une confusion inacceptable entre un comité pour l'action commune sur un 'objectif précis (la lutte contre le putsch de Miranda) et un front unique. C'est Trotski qui signala que pour l'action - dans un moment de lutte contre les putschs réactionnaires - il fallait s'unir même avec le diable et les politiciens bourgeois. Ce sont des accords momentanés et conjoncturels qui pour Trotski - à l'opposé de ce que pensaient les ultragauches de la « 3ème période » qui les voyaient comme des capitulations devant la bourgeoisie - étaient non seulement corrects mais indispensables. Et le POR(C), en n'intervenant pas dans le Commandement politique, se ferma une possibilité importante d'influencer le mouvement des masses, puisque le Commandement politique devait être le futur organisateur de l'Assemblée populaire.

(L'Assemblée populaire) « devrait être un organisme qui discute des problèmes nationaux et de leurs solutions, mais laisser le pouvoir aux mains des organisations de masses (syndicats et milices populaires ou armée du peuple) ». « Dans la situation actuelle, ses perspectives sont très limitées. Une crise politique aiguë pourrait les revitaliser, mais cela n'est pas sûr. Les camarades qui sont à l'Assemblée... ne se font pas d'illusions. Ils utilisent l'Assemblée comme une tribune, comme un tremplin et c'est tout ». (Hugo Gonzalez "An Interview" IP n°23, 14 juin 1971, p.545).

La caractérisation est très mauvaise ; créer des organismes artificiels au lieu de participer à ceux qu'ont créés et que reconnaissent les masses n'est pas moins grave. Mettre, en tant qu'organes de pouvoir, la « milice populaire » ou « l'armée du peuple » - inexistantes - au même niveau que les syndicats et à un niveau supérieur à l'Assemblée populaire (grandioses conquêtes du mouvement des masses) est une barbarie typique de l'ultragauche. Le POR(C) veut utiliser l'Assemblée populaire, un organisme existant - plein de déficiences mais existant - comme une « tribune » et non comme un cadre d'organisation de masses et, en même temps, utiliser un organisme inexistant - ou existant seulement dans leur imagination de guérillériste -, « l'armée du peuple », comme organe de pouvoir.

Une semaine passe et le POR(C), sans solution de continuité, nous affirme que :

« L'Assemblée populaire ne peut avoir qu'un rôle d'organe de double pouvoir... Elle doit se transformer en un gouvernement ouvrier et paysan et nous devons lutter en son sein et à l'extérieur pour y parvenir. » (IP vol.9, n°24, 21 juin 1971).

D'une « tribune » sans possibilités, elle est devenue un organisme dans et hors duquel nous devons lutter pour qu'il devienne le "gouvernement ouvrier et paysan". Mais ne nous réjouissons pas trop vite, le virus ultragauche et guérillériste du IX° Congrès est trop fort pour ne pas rendre stérile cette affirmation correcte.

« Dans ce processus, croîtra parallèlement à l'Assemblée un instrument politico-militaire qui pourra servir comme pouvoir qui manque encore pour renforcer ses décisions. » (Idem).

Cela signifie que « l'instrument politico-militaire » (« l'Armée révolutionnaire ») est parallèle, et non pas son bras armé dépendant. Ce ne sont pas des milices dépendantes des syndicats et de l'Assemblée populaire mais parallèles à ceux-ci. Ce parallélisme est typique des conceptions guérilléristes, selon lesquelles l'organe de direction de la lutte est toujours un organisme militaire et non pas les organisations de masses avec leurs organismes militaires dépendants. Les milices armées qui défendirent la révolution russe n'étaient pas parallèles aux soviets, mais dépendantes d'eux. Ce ne furent pas des organismes politico-militaire mais des organismes militaires dépendants d'un organisme politique. Elles étaient le bras armé du soviet.

Ce que nous disons[modifier le wikicode]

A la même époque, nous défendions une orientation que nous reproduisons textuellement, car elle ne nécessite pas de rajouts :

« L'Assemblée populaire est, une conquête, le fruit de la montée des masse. Qu'elle ait besoin d'une direction révolutionnaire ne doit pas nous embrouiller. En dehors de ses perspectives passionnantes, nous pouvons seulement dire que c'est une ébauche de double pouvoir. Rien de plus. Si les masses et l'avant garde boliviennes s'appuient sur cet organe, l'établissent au niveau régional et local, et à travers lui centralisent et développent leurs luttes, revendiquent pour ces Assemblées tout le pouvoir politique national et régional, appellent les soldats, les sous-officiers et les officiers révolutionnaires, dirigent la formation de milices ouvrières et populaires, nous nous trouverons face au pouvoir soviétique bolivien. » (La Verdad, 30 mai 1971).

C'est ce que ne fit pas le POR(C), ni se proposa de faire, avec l'Assemblée populaire. Il aurait dû s'efforcer de le faire dans les quartiers et les villages paysans et mineurs où il avait de l'influence. Une seule Assemblée populaire locale, réellement démocratique, dans n'importe quel coin de Bolivie, unie et prête à l'action, avec des piquets armés dépendants d'elle et; des syndicats ouvriers et paysans, aurait été un exemple explosif pour le reste de la Bolivie. Le POR(C), malgré son influence limitée, aurait pu et devait le faire. Et s'il ne le pouvait pas, il aurait dû essayer.

La seule façon d'envisager cette tâche était d'avoir posé la nécessité de s'armer pour combattre le putsch, en dénonçant systématiquement le gouvernement Torrez pour son incapacité à le faire. Nous devions et pouvions être les champions du développement de l'Assemblée populaire comme organe de front unique ouvrier.

Mais le POR(C) n'oublia pas sa fameuse « Armée révolutionnaire ». Sa lamentable tentative de construire un organisme imaginaire l'empêcha de développer une orientation correcte dans l'organisme le plus avancé des masses boliviennes, l'Assemblée populaire. Cette bonne mémoire du POR(C) pour son « Armée » (qui n'est, qu'une bonne mémoire des résolutions du IXème Congrès) lui a provoqué une amnésie complète quant à une des définitions-clés du marxisme : « Tout avec les masses, rien sans les, masses ! ».

8. Le POR(C) capitule devant les directions bureaucratiques et réformistes du mouvement ouvrier bolivien.[modifier le wikicode]

Toute politique ultragauche présente, tôt ou tard, sa face opportuniste. Cela se produisit également avec notre section bolivienne, qui ne mena pas la bataille dans les organismes de masse contre les directions bureaucratiques et réformistes du mouvement ouvrier bolivien.

Le camarade Germain a utilisé comme argument la quantité de délégués qu'avait le POR (C) à l'Assemblée populaire. Il dit qu'ils furent 12 ; nous autres, ainsi que le camarade de la section française qui vint en Amérique latine, disons qu'ils furent 6. Mais ce n'est pas une question de chiffres mais de politique. Nous, trotskistes, intervenons dans les organisations de masse avec trois objectifs : le premier de les mobiliser, le second de les gagner à notre position à travers une éducation patiente, le troisième de jeter hors de ces organisations les directions traîtres et opportunistes, en les dénonçant systématiquement et en postulant la direction à leur place.

Pour réaliser ces objectifs, notre politique (comme nous l'avons répété à satiété) est de donner le mot d'ordre correct, de proposer la tâche correcte à chaque moment de la lutte de classes et de dénoncer les directions réformistes pour ne pas être capables de le faire.

La bataille menée par le POR(C)[modifier le wikicode]

Malheureusement, le type de tâches et de discussions que proposèrent les camarades du POR(C) dans les organisations ouvrières de masse ne suivirent pas cette méthode :

« La thèse de la COB garde le silence sur ce problème. Au congrès, grâce aux ruses de la présidence, on a empêché les travailleurs de l'Université et les autres délégués ouvriers de développer ce point. Une manœuvre accordée entre les opportunistes, les agents du gouvernement et les partisans du pacifisme, a interdit que se discute la stratégie du pouvoir pour le socialisme qui, dans les conditions actuelles concrètes de la Bolivie, est la lutte armée, la guérilla. Mais l'avant-garde combattante, les armes à la main, dans la montagne, les villes et les mines, comblera ce vide du programme ouvrier ».("Combate" n°2, 15 juillet 1970).

C'est ainsi que la bataille du POR(C) contre la direction de la COB, trois mois avant le premier putsch de Miranda, se centra sur la discussion de la "stratégie du pouvoir pour le socialisme... qu'est la lutte armée, la guérilla" ! Et là-dessus, ils se plaignent que la présidence ait utilisé des « ruses » pour empêcher le déroulement de cette discussion ! les camarades du POR(C) se sont-ils posés une seule fois la question de savoir pourquoi les « ruses » de la présidence ont eu un si grand succès ? N'est-ce pas parce qu'ils posaient des questions éloignées de la lutte de classes, non ressenties par le mouvement ouvrier bolivien et totalement générales et abstraites ? Ne leur semble-t-il pas que s'ils avaient mené la discussion sur le danger de coup d'État, sur la nécessité de s'unir pour le combattre, de s'armer à partir des syndicats et de la COB elle-même, la présidence aurait eu beaucoup plus de mal pour répondre par des « ruses » à ces problèmes ressentis par le prolétariat bolivien ?

La bataille que le POR(C) ne mena pas[modifier le wikicode]

Mais ce n'est qu'un début. Revenons à l'Assemblée populaire. Le camarade Germain critique le POR de Lora pour avoir cru que le général Torrez combattrait le putsch réactionnaire. Que le camarade Germain n'ait pas de tremblement dans la voix et critique avec le même ton et la même violence le camarade Gonzalez qui s'autocritique sur le retard des actions armées :

« en perdant du temps à attendre que les directions de la COB et de l'Assemblée populaire se décident à combattre, tout en sachant comme nous le savions, qu'elles ne pouvaient pas vaincre leurs hésitations et leurs fausses conceptions... » (Autocritique, "Combate" n°9, janvier 72).

Exactement la même position que le POR (Masas) avec une différence : Lora faisait confiance au général Torrez, le camarade Gonzalez aux « directions de la COB et de l'Assemblée populaire ». Et il le fait tout en sachant que celles-ci « ne pourraient pas vaincre leurs hésitations et leurs fausses conceptions » !

Où et quand le POR(C) postula-t-il comme direction révolutionnaire alternative des organisations de masse, et attaqua-t-il implacablement la direction bureaucratique ? Jamais et nulle part. Quelle fut la politique du POR(C) pour démasquer Lechin et la sinistre bureaucratie du PRIN et du PC dans les syndicats et l'Assemblée populaire ? Aucune.

Voyons les faits : Pour le Congrès des Mineurs d'avril 1970, le POR(C) distribue un tract avec tout un programme politique, où il ne critique en rien Lechin et ne se présente pas comme direction alternative révolutionnaire, ni même de classe, contre la direction réformiste et bureaucratique.

Selon tous les rapports de l'Assemblée populaire, le POR(C) vota pour Lechin comme président, et Lora pour le candidat du PC. Supposons que ces informations soient fausses et colportées par les ennemis du camarade Gonzalez. Tous les témoins et les camarades du POR(C) eux-mêmes disent que le POR(C) ne présenta pas de candidatures propres contre Lechin et le PC. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Pourquoi n'a-t-il pas insisté sur le fait que, avec une telle direction, le mouvement ouvrier allait au désastre et que le triomphe de la réaction devenait quasiment inévitable ?

Ni à l'Assemblée populaire, ni dans les syndicats, le POR(C) ne se présenta et ne lutta pour un programme d'armement et de mobilisation de la classe ouvrière, de la paysannerie et des étudiants, comme seule direction capable de le mener à bien. En procédant ainsi, le POR(C) a commis une erreur historique. Le camarade Gonzalez a raison en affirmant qu'il tomba prisonnier « des discussions byzantines autour de l'Assemblée populaire ». Mais sa conclusion est erronée : il aurait dû discuter de propositions claires, sur l'armement et l'unité de la classe ouvrière contre le coup d'État et, autour de ces tâches, il aurait dû lancer le grand mot d'ordre de lutte contre la direction bureaucratique : Dehors Lechin et sa politique de la direction de la COB et de l'Assemblée populaire, car ils sont incapables d'appliquer ce programme !

9. Le camarade Germain falsifie l'orientation du POR(C).[modifier le wikicode]

Jusqu'à présent, nous avons peu polémiqué avec le camarade Germain. Cela pour deux raisons : en premier lieu parce que la politique appliquée en Bolivie est celle du POR(C) et que nous devons nous y référer ; en second lieu parce que le camarade Germain falsifie plusieurs fois les positions du POR(C) pour se re-situer dans la discussion internationale face à son échec évident. Nous allons voir quelques unes de ces falsifications.

Gonzalez dément Germain[modifier le wikicode]

Le camarade Germain falsifie la position du POR(C) sous le gouvernement Ovando quand il dit :

« La section bolivienne de la IVème Internationale, qui avait commencé à préparer ses cadres pour la lutte armée durant la période de la dictature de Barrientos et centré son orientation sur le développement de la guérilla sous cette dictature, comprit la nécessité de réaliser un tournant quand la dictature d'Ovando permit une certaine marge semi-légale pour les activités de la classe ouvrière. » ("En défense du léninisme...", BII n°7, p.12).

La résolution de la majorité au CEI sur la Bolivie exagère encore plus le prétendu changement d'orientation du POR(C) sous Ovando, en insinuant qu'il fut de fait contre la politique guérillériste de Peredo. Quel tableau charmant ! Mais... rien n'est plus faux.

Nous avons déjà vu que le camarade Gonzalez disait la vérité quand il affirme que sous Ovando ils opéraient dans « des conditions de complète clandestinité » et « totalement absorbés par la lutte armée ». Même plus, ajoutons-nous, absorbés par la préparation de la guérilla rurale comme nous l'avons démontré dans de multiples citations dans le sous-chapitre 5. A part quelques aspects formels (la publication du journal et le tract au congrès des Mineurs) ce fut la seule orientation du POR(C).

Un journal tous les deux mois[modifier le wikicode]

Mais voyons de plus près la question du journal. La majorité ne fait au POR(C) que des critiques organisationnelles ; entre autres que le journal ne sortait pas régulièrement. En réalité, il faut dire que depuis juin 1970, date de publication du n°1 de "Combate" (Nouvelle époque) jusqu'à juin 1971 quand parut le n°6, 12 mois ont passé, ce qui signifie que ne fut publié qu'un journal tous les deux mois. Nous ne savons pas quand furent publiés les n°7 et 8 car nous ne les avons pas ; mais nous savons que le n°9 parut en janvier 1972, ce qui veut dire que le rythme ralentit encore plus. Pourtant, le journal est notre principal instrument de relation avec le mouvement de masses et encore plus pendant les périodes de semi-légalité comme celle du gouvernement Ovando ou de pleine légalité comme sous celui de Torrez. Le « tournant » du POR(C) vers les masses dont parle le camarade Germain consiste en la publication d'un journal tous les deux mois ! Qu'on ne nous dise pas qu'il manquait d'argent pour le publier, puisqu'en Europe furent réalisées d'importantes collectes au bénéfice de la section bolivienne. Si cet argent ne fut pas destiné à la publication du journal, nous supposons qu'il a dû l'être à l'achat d'armes, puisque le POR(C) n'a pas réalisé « d'expropriations » comme ses collègues argentins du PRT(C). Et consacrer l'essentiel des finances et de l'organisation du parti à ce type de tâches, semble-t-il au camarade Germain que cela puisse s'appeler un « tournant » du POR(C) vers un travail en direction des masses, sans tomber dans la falsification ?

La guérilla rurale[modifier le wikicode]

En ce qui concerne sa non participation à l'aventure guérillériste de Inti Peredo, il suffit de rappeler que, dans le tract au congrès de Mineurs, il appelait les travailleurs à suivre l'exemple du Ché et à soutenir Inti, et que dans "Combate" du 15 juillet 70, on parle de « la guérilla du Ché Guevara , d'Inti et celle que mènent maintenant l'ELN et le POR ».

Le camarade Germain falsifie encore la politique du POR(C) quand il dit que sous Torrez il ne proposa jamais la guérilla rurale. Dans le sous-chapitre 5, nous avons reproduit cette citation de "Combate" qui souligne :

« Indépendamment des contingences des fronts de guérilla... » (et les seuls qui aient existé en Bolivie étaient ruraux) « ... la guérilla reste la voie pour la prise du pouvoir ».

Le camarade Germain n'a raison qu'en cela : sous Torrez, le POR(C) s'éloigne de la guérilla rurale, mais pour poursuivre encore, comme nous l'avons démontré, une politique « d'armement en soi » et de construction d'une « Armée populaire » aussi éloignée de la lutte de classes bolivienne que l'avait été auparavant la guérilla.

Avant le putsch de Banzer[modifier le wikicode]

Finalement, le camarade Germain soutient que le POR(C) dénonça systématiquement le putsch de Banzer et sut se donner une orientation qui :

« tout en harmonisant toute une série de revendications immédiates et transitoires (y compris un programme concret de révolution agraire) était centrée sur trois revendications-clés :

« 1- Transformation de l'Assemblée populaire en un véritable organisme de pouvoir des ouvriers et du peuple travailleur, à travers l'établissement d'Assemblées locales (des soviets) qui élisent des délégués à l'Assemblée nationale, conservant le droit de renouveler leurs mandats

2- Armement immédiat des ouvriers et des paysans

3- Extension du processus révolutionnaire à la campagne » (Germain, document cité p.13).

Nous ne savons pas si c'est une nouvelle falsification, car le camarade Germain ne dit pas quand ni où le POR(C) a publié un tel programme. Mais nous avons déjà vu que le véritable programme du POR(C) était également basé sur trois revendications : 1) créer un Commandement révolutionnaire de ceux qui se réclament du socialisme et adhèrent à la lutte armée pour combattre le réformisme ; 2) créer l'Armée révolutionnaire ; 3) développer « un corps représentatif des masses, par lequel elles puissent exprimer tout leur pouvoir révolutionnaire ».

Ce dernier mot d'ordre est le seul qui ait quelque chose à voir avec l'Assemblée populaire, mais beaucoup moins que ce que soutient le camarade Germain, car le POR(C) ne participa pas au Commandement politique qui en fut son organisateur. La première revendication de Germain est totalement fausse, puisque l'organisme chargé de prendre le pouvoir serait « l'Armée révolutionnaire » et non l'Assemblée populaire.

Nous avons déjà vu que le POR(C) varia ses positions et que certains des mots d'ordre que lui attribue Germain comme politique conséquente sous Torrez apparurent sur le papier. Mais nous avons démontré qu'ils restèrent sur le papier, car ils n'eurent jamais rien à voir avec l'activité politique concrète et réelle du POR(C) sous tous les régimes: la construction de « l'Armée révolutionnaire ».

Pourquoi et comment fallait-il s'armer ?[modifier le wikicode]

De toute manière, le programme que Germain attribue au POR(C) n'est pas bien meilleur que le programme qu'il eut en réalité. Il suffit de poser au camarade Germain les mêmes questions qu'aux camarades du POR(C) dans le sous-chapitre 4. Pourquoi le camarade Germain ne suit-il pas la recommandation de Trotski de présenter les mots d'ordre avec une « cohésion interne » et une « séquence qui découle de la logique du développement des masses » ? Pourquoi le camarade Germain persiste-t-il à « opposer le mot d'ordre d'armement du prolétariat à la réalité des processus politiques qui coulent dans les veines des masses » ? N'est-il pas d'accord avec Trotski pour dire que cela « signifie s'isoler des masses et les masses des armes » ?

N'y avait-il pas alors en Bolivie un fait de la lutte de classes qui pose la nécessité de l'armement ? S'il n'existait pas, n'était-ce pas une erreur de poser ce problème de l'armement ? S'il existait - et dans ce cas-là ce ne pouvait être que le péril de coup d'Etat « fasciste » - pourquoi ne dit-on pas non plus dans programme du camarade Germain qu'il fallait faire un front unique ouvrier et armer les travailleurs contre le putsch ?

Ce qui se passe réellement, c'est que le camarade Germain soutient en général et en particulier la politique du POR(C) et il faut reconnaître qu'en cela il est conséquent avec ce qu'il a voté au IXème Congrès. Il y fut adopté la guérilla rurale et la « stratégie de la lutte armée » (« d'armement en soi » disait Trotski) pour toute une étape an Amérique latine.

Un argument infantile[modifier le wikicode]

Il reste une seule question à éclaircir. Le camarade Germain, comme ultime argument pour réfuter l'accusation selon laquelle le POR(C) et la majorité ne surent pas distinguer les différences entre les régimes qui se succédèrent en Bolivie, dit que la grande démonstration du fait qu'ils les aient distingués, c'est que les camarades du POR(C) luttèrent avec Torrez contre Banzer. C'est là un argument infantile. Nous sommes en train d'examiner une orientation et non pas de quel côté les militants luttèrent quand la marée des événements les entraîna fatalement aux côtés de Torrez.

Avec le critère du camarade Germain, le stalinisme eut une politique correcte quand il capitula devant Tchang-Kai-Tchek en Chine, puisque ses militants finirent par combattre et mourir dans la lutte armée contre le putsch de Tchang. Cette fin tragique ne diminue pas mais aggrave le crime stalinien. Imaginons Staline disant : « Comment les trotskistes osent-ils dire que nous avons capitulé devant Tchang, si nous avons combattu en première ligne et sommes morts en première ligne en luttant contre lui ? »

Ce n'est pas là un argument politique mais sentimental. Aujourd'hui, après la chute d'Allende, les staliniens argentins - nous supposons qu'ils font la même chose en Europe - exhibent également leurs morts au Chili pour cacher le fait que c'est leur politique de confiance dans l'armée chilienne qui mena au désastre tout le mouvement ouvrier y compris eux-mêmes.

Mais l'exemple le plus similaire est peut-être celui du PC allemand. Le camarade Germain peut-il imaginer le stalinisme allemand soutenant qu'il eut une politique correcte face au danger hitlérien, avec pour seul argument que ses militants furent massacrés dans la lutte contre le régime fasciste ? Il peut l'imaginer car cela se passa réellement ainsi. Ne semble-t-il pas au camarade Germain que cette argumentation ressemble étrangement à la sienne ?

L'argument de Germain n'est pas meilleur que celui du stalinisme pour justifier ses désastres en Chine, en Allemagne et au Chili. Ce dont il s'agit ici, c'est de la ligne générale adoptée et non des inévitables ajustements provoqués dans le cadre de cette ligne par le choc irrésistible contre une réalité qui n'a pas été prévue dans les caractérisations de la majorité. Le putsch ayant éclaté, il n'était pas nécessaire d'avoir une ligne politique pour lutter contre Banzer, mais simplement l'instinct de conservation.

10. Le FRA : un front avec la police et l'armée bolivienne.[modifier le wikicode]

Pour le camarade Germain, le gouvernement Banzer est « réactionnaire », pour le POR(C) il est « fasciste ». Comment la majorité peut-elle être d'accord et défendre la politique du POR(C) ? C'est un des nombreux mystères de la majorité, dans les rangs de laquelle coexistent toutes sorte de caractérisations et d'orientations. C'est ainsi que, contrairement à ce que notre Programme de transition avance pour les pays fascistes (faire essentiellement de la propagande étant donné qu'il y a reflux), le camarade Germain approuve la politique du POR(C) pour les régimes « fascistes » de Barrientos et Banzer. Il la résume ainsi :

« Les camarades du POR(C) agissent illégalement sous Barrientos et Banzer en suivant une orientation de préparation à la lutte armée par des contingents beaucoup plus petits. » (Germain, document cité, p. 28).

Sous Banzer, revenir à la guérilla[modifier le wikicode]

Cette citation résume admirablement la conception anti-marxiste du camarade Germain : dans une étape de reflux des masses, il faut combattre tout un régime avec la seule avant-garde (« des contingents beaucoup plus petits »). Il considère également que l'étape actuelle (régime de Banzer) est une étape de lutte plus accentuée que sous Torrez puisque, avec le coup d'Etat; pro-impérialiste, « de guerre civile larvée et intermittente, la Bolivie passe maintenant à la guerre civile ouverte et permanente ». Tout cela malgré les avertissements de Trotski :

« Il est certain que le cours de la vie politique d'un pays ne peut être altéré par chaque groupe armé de revolvers à tout moment. Seuls les détachements armés qui sont les organes de classes spécifiques peuvent jouer un rôle décisif, dans certaines conditions. » (Où va la France ?, p.123).

La position de Germain fut exprimée et adoptée par la majorité du SU dans sa déclaration sur le putsch de Banzer: « Et déjà l'avant-garde révolutionnaire, particulièrement nos camarades du POR, l'ELN, l'aile Zamora du PC prochinois et d'autres, continuent la lutte en organisant la guerre de guérillas ». (IP, 2O septembre 1971, n°32,p.799).

Pour sa part, le POR(C), comme si rien ne s'était passé, comme s'il n'y avait pas de possibilité de nouveaux régimes kérenskystes comme celui de Torrez, affirme :

« Le peuple n'a pas d'autre alternative que prendre le pouvoir politique d'Etat au moyen de la lutte armée dans une guerre longue et prolongée, à laquelle participera le peuple armé et organisé dans une armée populaire, la plus haute expression de la lutte politique des masses exploitées. ». ("Combate" n° spécial, août-septembre 1972, p.5).

Si on est pour la lutte armée, n'importe laquelle est révolutionnaire.[modifier le wikicode]

Comme nous le voyons, pour le camarade Germain, l'avant-garde latino-américaine se divise, non pas selon les divers programmes politiques, mais; entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre la lutte armée. Si nous combinons cette conception avec l'antérieure (une avant-garde luttant seule, armes à la main, contre le régime « fasciste »), nous trouvons le FRA. Comme le général Torrez, le major Sanchez et tous les militaires et policiers qui les suivent sont en faveur de la guérilla, ils font également partie de l'avant-garde. Comme l'avant-garde se divise en pour ou contre la lutte armée et que nous nous définissons du côté de ceux qui sont pour, nous sommes également dans le FRA, avec les militaires et les policiers boliviens et l'avant-garde guérillériste.

C'est ainsi que le trotskysme dégénéra jusqu'à l'abjection. Notre section bolivienne finit ainsi par « se mettre à genoux » devant un secteur de la bourgeoisie et de l'armée bolivienne. Bien que cela nous indigne, cela ne doit pas nous surprendre. Cela nous rappelle ce qu'avait prévu Trotski lorsqu'il disait que l'ultragauche, après sa politique de 3ème période, après avoir mis un signe d'égalité entre fascistes et réformistes, après avoir repoussé la politique de front unique ouvrier contre le péril réactionnaire, finira par capituler devant les secteurs « démocratiques » de la bourgeoisie. Le stalinisme le fit avec les « fronts populaires ». Le POR(C) le fit en entrant dans le FRA, et en disant cela nous ne voulons même pas insinuer que notre section bolivienne ait un quelconque caractère stalinien.

Le sol doit devenir mouvant sous les pieds du camarade Germain, puisque pour se défendre il recourt à son artillerie lourde, en cachant à la base de notre mouvement des faits politiques de la plus haute gravité.

Le POR(C) accepta la discipline du FRA[modifier le wikicode]

Nous avons apporté une documentation pour démontrer que le POR(C) a pratiqué un entrisme inconditionnel et une soumission totale, politique et organisationnelle, dans le FRA. Le camarade Germain, très à l'aise, dit que les camarades de la IVème Internationale ont le droit de discuter de l'histoire passée. Mais il fait une de ses typiques manœuvres polémiques : pour attaquer Camejo il utilise l'ISR mais ne fait aucune allusion à l'article sur le FRA que publia cette même revue et signé par Nahuel Moreno. Nous y disions que le FRA est de fait « un grand parti monolithique avec une discipline de fer », comme le démontre sa résolution :

« la direction du FRA est la Haute Commission politique, syndicale, étudiante, et les partis politiques et organisations doivent se subordonner à elle dans l'exécution de la ligne adoptée dans le front ». « Le FRA agira comme entité unitaire dans tous les domaines de la vie sociale ». « Le Front présentera des listes uniques dans les élections de toute sorte... » (FRA, cité par N.M. dans « Lora renie le trotskysme » « Revista de América » n°8/9, mai-août 1972, p.21).

Rappelons les composantes du FRA : les deux partis communistes, un groupe d'officiers de l'armée, Lora, le PRIN de Lechin, un parti socialiste et le POR(C). Cela veut dire que notre section bolivienne s'est soumise politiquement à eux tous. Cela veut dire, par exemple, que s'il y avait ; des élections dans les syndicats, nous serions dans la liste unitaire avec la bureaucratie de Lechin ; ou s'il y avait des élections nationales, nous serions dans la liste unitaire avec le bourgeois réformiste de général Torrez que, jusqu'à hier, nous dénoncions comme un danger équivalent à Banzer pour les masses boliviennes. Cela signifie purement et simplement la liquidation du trotskysme en Bolivie. C'est ce que reconnaît le POR(C) qui, à la différence de Germain, affirme honnêtement :

« (Nous) devons oublier nos sigles de partis pour agir dans un Front solide » (POR(C), "Combate", août-septembre 1972, p.7).

Le FRA : un front ou un « parti » ?[modifier le wikicode]

Qu'est-ce que ce « front solide » ? un front anti-impérialiste ? ou peut être un front ouvrier ? Mais dans ce cas-là, nous ne pouvons pas perdre notre indépendance politique (nous ne pourrions pas le faire non plus s'il s'agissait d'un front anti-impérialiste comme le caractérisait Lora). Le IVème Congrès de l'Internationale Communiste est catégorique à ce sujet. Par ailleurs, si l'objectif est de rendre la classe ouvrière indépendante de tout secteur bourgeois, nous ne savons pas comment nous pourrions y arriver si « nous devons oublier nos sigles de partis ».

Pour nous, le FRA serait un front anti-impérialiste si, comme cela se passe dans n'importe quel front, toutes les organisations qui y participent maintenaient leur totale indépendance politique et organisationnelle. Comme cela n'est pas le cas ici, mais tout le contraire, le FRA n'est pas un front mais un nouveau « parti », avec un programme plus ou moins anti-impérialiste. Pour sa part, le camarade Germain est très prudent dans sa définition. Il le définit par la négative :

le FRA n'est pas un front populaire pour trois raisons :

1)Le programme (différent du manifeste) est « explicitement socialiste dans son caractère et ses propos... », « la ligne de cette lettre est substantiellement celle de la théorie de la révolution permanente ».

2)Les « Forces Armées Révolutionnaires, commandées par le major Sanchez, ont déclaré que elles étaient en faveur de la révolution socialiste et adhèrent au marxisme-léninisme ».

3) « Que le FRA, contrairement au Commandement politique, n'est pas une coalition avec la bourgeoisie, puisqu'aucun parti bourgeois n'y participe ». (Germain, document cité,p.30).

Le programme de « révolution permanente » du FRA[modifier le wikicode]

Nous examinerons chacun de ces arguments pour en découvrir les duperies. Les quatre phrases qui font dire au camarade Germain qu'il s'agit d'un programme de « révolution permanente » sont les suivantes :

1) « Le peuple... est préparé à lutter pour le socialisme en tant qu'objectif politique » ; 2) « tous les secteurs révolutionnaires s'unissent sous le drapeau de la lutte contre le fascisme, pour la libération nationale et la construction du socialisme » ; 3) « Notre position patriotique, ouverte publiquement à une alliance avec les secteurs progressistes, n'implique aucune faille dans notre position de classe, puisque l'alliance que nous établissons et à la tête de laquelle nous nous plaçons, dans sa lutte pour la libération et le socialisme, exprime l'idéologie de la classe ouvrière » ; 4) « La Bolivie doit atteindre le sommet de son processus historique de libération et de construction du socialisme, au sein de la structure de développement révolutionnaire à une échelle Nord-américaine » (Germain, doc. cité, p.30-31).

La IIIème Internationale alerta les Partis communistes contre le danger des mouvements nationalistes bourgeois qui conjuguent des phrases et des mots d'ordre communistes pour mieux tromper les masses. Les phrases que nous avons citées entrent dans cette catégorie. Si c'est cela le programme de la révolution permanente, tous les grands partis et personnalités de la bourgeoisie argentine sont « socialistes » et « trotskistes », sans parler du stalinisme local. Perón est même plus à gauche: dans une lettre à Hecker quand il était isolé, il a dit qu'il fallait détruire « l'armée bourgeoise et créer des milices ouvrières », il répétait tous les jours qu'il fallait lutter pour le socialisme. Les staliniens répètent quotidiennement que l'objectif historique est de construire le socialisme en Argentine sous hégémonie ouvrière.

Un programme de révolution permanente, ce ne sont pas deux ou trois phrases sorties les jours de fête, mais des mots d'ordre politiques tirés de la réalité de la lutte de classes dans le pays. En Bolivie, il ne peut y avoir aucun programme de révolution permanente qui ne pose pas clairement le problème du gouvernement et de l'armée ; il doit dire catégoriquement que des gouvernements comme celui de Torrez ne doivent plus diriger la Bolivie, qu'il faut imposer un gouvernement des organisations ouvrières, appuyé par la paysannerie sur la base de la liquidation des forces armées bourgeoises. Cela doit être ainsi car c'est l'expérience immédiate et la plus récente des masses. Un programme de révolution permanente doit dire que « la crise de la révolution bolivienne est la crise de leurs directions », celle des Lechin, des deux PC, des socialistes, des Torrez, des Lora, des Sanchez ; il doit dire que ce qui s'impose c'est la construction d'un authentique parti trotskiste. S'il ne le dit pas, il ne fera que de la démagogie, en embellissant l'image des traîtres devant les masses.

De plus, le programme doit se prononcer sur la politique concrète à appliquer dans l'action. Que nous sachions, le FRA n'a jamais développé ce programme. Dans la brochure où le FRA fait connaître officiellement ses positions, il n'y en a pas, et dans son manifeste il précise qu'il est pour un gouvernement populaire. pas pour un gouvernement ouvrier.

Est-il nécessaire de donner d'autres preuves que ces phrases « trotskistes » sont un exemple typique de l'appât que lance un mouvement nationaliste pour attraper les masses ? Le camarade Germain, en les caractérisant comme un « programme de révolution permanente » ne démontre-t-il pas qu'il a mordu à l'hameçon ?

Un nouveau « marxiste-léniniste » : le major Sanchez[modifier le wikicode]

Le second argument du camarade Germain est celui selon lequel les FAR du major Sanchez « sont pour le socialisme et adhèrent au marxisme-léninisme ». La brochure du FRA dont nous avons parlé comporte une lettre ouverte des FAR et une autre du major Sanchez, lettres qui ont reçu l'approbation du POR(C) puisque celui-ci les a publiées bien en évidence dans son journal "Combate" (à moins qu'il ne s'agisse d'une publication imposée par la discipline du FRA). Cela signifie que le camarade Germain doit les connaître également. Écoutons le major Sanchez :

« On m'attribue calomnieusement des déclarations et des intentions qui me sont étrangères. Quelques fois l'on dit que je suis membre de l'ELN ou que j'ai demandé mon incorporation à cette organisation ; on soutient que j'ai prôné la dissolution de l'armée et son remplacement par des milices armées ; on affirme que j'ai l'intention de vietnamiser le pays... Rien n'est plus faux." ("Combate" n°9, janvier 1972, p.14).

Le camarade Germain a-t-il compris ? « Rien de plus faux » ! le major Sanchez est pour le maintien de l'armée et contre les milices armées.

Quel étrange spécimen de « marxiste-léniniste » ! Mais il y a mieux :

« Jamais auparavant les casernes, temples du civisme de la jeunesse bolivienne, n'avaient été transformées en prisons où l'on torture et fusille. Jamais l'armée nationale ne s'était prêtée... » (id. p.13).

Maintenant, notre « marxiste-léniniste » a oublié l'assassinat d'un prisonnier désarmé et blessé, le Ché Guevara, dans ce « temple du civisme ». Le camarade Germain n'a-t-il pas la nausée de mentir aux nouveaux cadres) ? Mais il y a encore mieux :

« Ma lutte n'a pas d'autre objectif que réussir l'intégration de l'armée et de son peuple ». « Nous sommes en train de vivre un moment historique et je veux à cette occasion annoncer que, par décision spontanée et patriotique, a été organisé l'instrument politique d'unité qui nous mènera à la victoire, formé par toutes les forces politiques de gauche, les mouvements syndicaux, universitaires et populaires, les Forces Armées Révolutionnaires et la Police bolivienne ». « Notre lutte n'est pas antimilitariste, elle est essentiellement anti-impérialiste. Aucune révolution ne pourra avancer sans le concours et l'effort de l'armée, cette institution née du sein même du peuple au service du peuple ! » (id., p.14).

Comme nous le voyons, notre « marxiste-léniniste » découvre maintenant que l'armée est une « institution née du sein du peuple » (et non le bras armé du régime bourgeois) et qu' « aucune révolution ne pourra avancer sans (son) concours » (et encore moins, ajoutons-nous, si elle se propose de la détruire).

Dans, cette exposition claire et nette du « marxiste-léniniste » du major Sanchlez, il y a aussi la réponse au troisième argument du camarade Germain, selon lequel le FRA n'est pas un front populaire puisqu'il n'y a pas de partis bourgeois. Le major Sanchez se charge de nous dire que dans le FRA il y a la police bolivienne. Pour leur part, les FAR ne sont pas moins explicites :

« On est avec ceux qui trahissent les institutions armées en s'alliant avec le MNR qui est opposé à l'armée, ou on est avec les majorités nationales ; on est enfin avec ceux qui commettent des crimes, qui compromettent le prestige et l'honneur de l'armée et de la police boliviennes, ou on est avec la patrie. » (brochure du FRA, Edition Liberación, Bolivie, novembre 1971, p. 6).

Mais: il y a mieux, beaucoup mieux :

« (...) comme tous les hommes et les femmes qui luttent contre les sanguinaires et anti-patriotes qui tachent de sang nos institutions, chacun de nous - militaires et policiers - doit prendre sa propre décision »... pour notre peuple, pour nos institutions, nous devons remplir ce devoir de bolivien : mourir plutôt que vivre en esclave ! » (id., p.7-8).

N'en déplaise au camarade Germain, ces néophytes du « marxisme-léninisme » nous disent sans malice quelles sont leurs intentions. En Bolivie, les massacres perpétrés par Banzer étaient en train de « tacher de sang » leurs « institutions » (l'armée et la police) et de « compromettre leur prestige et leur honneur ». Par conséquent, ils ont la mission de sauver ce prestige et cet honneur et avec eux leurs « institutions ». Autrement dit, avec les barbaries que commet Banzer, les masses boliviennes n'auront plus confiance en l'armée et la police comme sous Torrez, les FAR sont en train de lutter pour éviter un pareil danger pour le régime bourgeois.

L'armée et la police sont dans le FRA[modifier le wikicode]

Ensuite, les hauts militaires et policiers qui sont dans les FAR nous informent qu'ils sont dans le FRA en cette qualité. Quelqu'un qui fait confiance à Germain doit supposer que ces « marxistes-léninistes » sont dans le FRA au moins au nom de la classe ouvrière. Rien de cela.

« De la clandestinité et de l'exil, nous avons informé tous les camarades de l'armée et de la police bolivienne que, de manière commune, et en tant que représentants de ces deux institutions, nous avons rejoint le FRA » (id. p.6).

C'est là la vérité et il faut reconnaître leur honnêteté. Non seulement ils sont la sauvegarde politique bourgeoise mais aussi la sauvegarde de la caste militaire et policière, ils sont la garantie dont le FRA a besoin pour imposer, comme l'indique la déclaration, un nouveau bonapartisme bourgeois en Bolivie.

Avec leur caractérisation selon laquelle il n'y a pas de secteur bourgeois dans le FRA, les camarades de la majorité oublient, comme toujours ce qu'ils disaient hier. Ils ont insisté pendant des années sur le fait que les partis bourgeois ont presque cessé d'exister en Amérique latine et qu'à leur place existe le parti militaire, c'est-à-dire l'armée.

Pour nous, il est relativement vrai que l'armée tend à jouer le rôle de grand parti de réserve des régimes bourgeois latino-américains. Cela est lié à la faiblesse de la tradition démocratique de nos pays. Mais il n'y a pas un mot de vrai quant à son « unité monolithique avec l'impérialisme ». Les conflits entre les bourgeoisies nationales et l'impérialisme sont la raison d'être des gouvernements bonapartistes « sui generis », comme le premier gouvernement de Perón ou d'Ovando et le début de celui de Torrez, qui s'appuient sur la classe ouvrière pour résister à l'impérialisme et sauvegarder le régime bourgeois, en dernière instance en faveur de l'impérialisme.

Pour les camarades de la majorité, les militaires qui soutiennent le FRA ont apparemment cessé d'être des militaires, puisqu'ils ne sont plus, dans leur fameuse « unité monolithique ». Pour nous, l'armée défend politiquement le régime, même quand elle se tourne vers le nationalisme, car c'est à la seule condition de pouvoir continuer à exister comme institution. Et les militaires qui sont dans le FRA ne sont que l'aile « nationaliste » de l'armée bourgeoise bolivienne, l'aille « gauche » du parti militaire. Le fait que, conjoncturellement, ces militaires soient dans l'opposition et l'exil, n'invalide pas ce caractère.

Les militaires et policiers qui sont dans le FRA nous donnent eux mêmes raison, quand ils disent qu'ils y sont précisément pour préserver l'armée et la police en tant qu'institutions.

C'est pour cela que, lorsque le camarade Germain affirme qu'il n'y a pas de parti bourgeois dans le FRA, il a un peu raison: il n'y a pas de parti bourgeois dans le FRA, mais il y a l'armée et la police boliviennes elles-mêmes, à travers leurs représentants de « gauche ». Mais en définitive, ils sont les représentants - ou l'ombre des représentants - de l'armée bourgeoise de Bolivie.

Il nous reste à poser une dernière question à Germain : S'il est vrai qu'il n'y a pas de secteur bourgeois dans le FRA, s'il est vrai que les militaires et policiers qui y sont ont adhéré au marxisme-léninisme s'il est vrai que le FRA a un programme de révolution permanente, s'il est vrai (comme nous l'avons démontré) qu'il a une direction centralisée et une ferme discipline interne, si tout cela est vrai, pourquoi ne proposons-nous pas au FRA de nous rejoindre comme section officielle de la IVème Internationale ? Quelle est la condition qu'il ne remplit pas pour le faire ?

Il n'y a plus aucun doute[modifier le wikicode]

A partir de là, personne ne peut plus se tromper dans la discussion internationale. On est avec le programme trotskiste de la minorité : lutte à mort contre le régime impérialiste et capitaliste, contre toutes ses institutions, contre toutes les bureaucraties réformistes et les bourgeoisies nationalistes qui dirigent les mouvements de masse ou les États ouvriers. Ou on est avec le programme de la majorité : un front monolithique avec les représentants politiques de la police et de l'armée boliviennes, « oubliant nos sigles de partis ». Dans cette alternative n'entrent pas seulement des principes mais aussi l'estomac et le nez : à ce stade de leur ligne ultra-gauche, autre face de l'opportunisme, les camarades de la majorité sont arrivés à l'unité avec la plus puante des institutions du régime bourgeois.

11. Moreno, conseiller du POR.[modifier le wikicode]

Le sous-chapitre intitulé « Moreno, conseiller du POR » doit être une de ces « bombes » dont le camarade Germain attendait le plus grand effet. Ce n'est qu'ainsi que l'on comprend qu'il gaspille autant d'espace (c'est un des plus longs du document) .Mais avec tant de lignes, il ne répond pas à la question essentielle : Moreno a-t-il eu tort ou raison ? Fallait-il entrer dans l'OLAS ou non ?

Les résolutions du IXème Congrès disent exactement la même chose que le camarade Moreno : "travailler comme partie intégrante dans les OLAS". Si Moreno s'est trompé, la résolution du IXème Congrès était également mauvaise, très mauvaise. Si Moreno a bien fait, si son analyse a été correcte dans ses lignes générales, il faut lui reconnaître ce mérite et le critiquer ensuite d'avoir, changé de position sans qu'il y ait eu de changement dans la réalité. Mais le camarade Germain n'en fait rien.

Moreno s'est trompé, le IXème Congrès aussi[modifier le wikicode]

Nous, nous ne faisons pas de pirouettes, nous soutenons que Moreno s'est trompé dans l'orientation générale qu'il donne dans le document que cite le camarade Germain, et nous soutenons également que le IXème Congrès s'est trompé en adoptant la résolution sur l'Amérique latine. Même plus, nous soutenons que le camarade Germain sait parfaitement que Moreno était contre le fait que notre section bolivienne s'engage dans la préparation de la guerre de guérillas sous Barrientos. Le document que cite le camarade Germain est un document interne qui resta en vigueur pendant cinq mois, de novembre 1967 à mai 68 ; par contre, la position de Moreno sur la politique que nous aurions dû nous donner sous Barrientos fut écrite par lui-même dans une lettre datée du 20 novembre 1965.

Nous ne donnerons pas au camarade Germain le plaisir de commencer la polémique à l'envers comme il le fait. Nous n'allons pas partir d'une orientation qui s'est maintenue pendant cinq mois, mais de tous les autres documents de Moreno et de la minorité concernant la Bolivie, à partir de Barrientos. Ce n'est qu'après avoir montré quelle fut la politique proposée pour la Bolivie pendant toutes ces années que nous nous proposerons d'expliquer le pourquoi du document cité par Germain ; une explication qui aurait pu être évitée si le camarade avait agi de bonne foi, c'est-à-dire en replaçant ce document dans le contexte de la vie de notre Internationale.

La véritable position de la minorité[modifier le wikicode]

Nous commencerons donc par la lettre du 20 novembre 1965 qui fut publiée plusieurs fois (c'est pour cela que nous disons que le camarade Germain ne peut l'ignorer) avec de légères modifications disait au camarade Gonzalez :

« Vous avez défini plusieurs fois dans "Lucha Obrera" le gouvernement comme fasciste. Comme cela se dégage de notre résolution, nous avons des divergences sur cette caractérisation. Nous pensons que c'est un gouvernement bonapartiste réactionnaire, agent du Pentagone, produit d'une semi-contre-révolution, mais nous ne pensons pas qu'il soit fasciste. » « En un mot : en Bolivie l'étape pré-révolutionnaire n'a pas été fermée par la victoire du fascisme mais elle s'est aiguisée avec la victoire d'un gouvernement ultra-réactionnaire, bonapartiste, qui n'a pas encore réussi à écraser le mouvement des masses et à qui il est impossible pour le moment de gagner une base de masse pour écraser le mouvement ouvrier. ».

Comme à cette date-là le gouvernement Barrientos n'avait pas encore écrasé le mouvement des mineurs, nous donnions une orientation essentiellement correcte :

« C'est la clé de la situation actuelle en Bolivie et il en découle clairement toute une orientation qui ne peut être que : empêcher que la lutte des mineurs ne soit isolée et organiser le reste des travailleurs pour qu'ils mènent la bataille avec les mineurs. Si nous y arrivons, la défaite de la junte militaire est assurée ». De plus, nous nous interrogions : « A partir de quelles organisations aiderons-nous les mineurs ? » et répondions : « (...) Nous sommes particulièrement pour la réorganisation de la COB à travers des comités de défense syndicaux clandestins, et nous concentrerons toutes nos forces pour populariser et mener à bien cette tâche colossale ».

Le front unique ouvrier[modifier le wikicode]

A cette même époque, le camarade Gonzalez soutenait qu'il n'était pas nécessaire de lutter pour le front unique avec les partis ouvriers et populaires, car la classe ouvrière commençait à suivre son parti. Nous avions une divergence car nous pensions que les partis réformistes continuaient à avoir une influence dans le mouvement ouvrier. Nous soutenions qu'il était de notre devoir, par conséquent, de mener une politique de front unique ouvrier avec eux pour les tâches concrètes. Pour nous ce front unique était lié au problème du pouvoir :

« Nous pensons que le premier mot d'ordre qui réponde au problème de pouvoir est "A bas la junte militaire ! ». Sur ce mot d'ordre, nous sommes tous d'accord, et en disant tous, je me réfère à toute la base populaire, depuis celles de secteurs de la Falangia et du MNR, à celle des deux PC, du PRIN, du POR et de la COB dans la clandestinité. Les problèmes apparaissent quand nous devons répondre aux questions suivantes : Comment renverser la junte militaire ? Qui doit la renverser ? Pour quoi la renverser ? Nous allons commencer par répondre à la dernière question : Pour quoi la renverser ? Selon votre journal, nous devons la renverser pour instaurer le socialisme - « la seule alternative réelle, c'est le socialisme », « il s'agit de l'affrontement du programme bourgeois avec le programme socialiste » -. Nous pensons que vous commettez ici une grave erreur de méthode, celle de confondre vos aspirations avec celles des masses, et de confondre la dynamique de classe, les méthodes et les grandes tâches qui sont posées aux masses, trois aspects de la réalité intimement liés mais non identiques. Par exemple, les grandes tâches de la révolution russe étaient démocratiques bien que ses méthodes et sa dynamique de classe fussent prolétariennes. Nous sommes convaincus du fait que la grande tâche actuelle qui unifie tous les travailleurs boliviens, le prolétariat, la paysannerie et la classe moyenne des villes, est de renverser le gouvernement pour appeler à des élections libres et démocratiques. Pas le renverser pour le socialisme comme vous le concevez. Cette tâche beaucoup plus modeste que celle d'instaurer le socialisme exige que le prolétariat la dirige, et des méthodes insurrectionnelles pour la remplir. Nous avons répondu au comment remplir cette tâche. Il nous faut répondre maintenant à qui doit le renverser ? et à qui devons-nous poser l'accomplissement de cet objectif ? Autrement dit, quelle formule de pouvoir proposons-nous pour remplacer la junte militaire que nous voulons renverser. Nous pensons qu'il est juste que nous appelions à la constitution d'un front dont la base de soutien soit la COB en front unique avec les syndicats d'étudiants, d'enseignants et de paysans, avec l'appui de tous les partis qui sont contre le gouvernement, qui ont une base populaire et qui sont pour l'appel dans les deux mois à des élections absolument libres et démocratiques. C'est-à-dire que nous pensons que le putsch militaire de mai a approfondi la nécessité de l'appel au front unique, et non pas réduit. Que les partis de la petite bourgeoisie sabotent ce front unique tout comme la bureaucratie syndicale, et n'acceptent pas la direction de la COB et du mouvement ouvrier, cela ne fait aucun doute. Mais il ne fait aucun doute non plus qu'il servira à les démasquer devant le mouvement des masses, si nous faisons cet appel au front unique en accord avec les lignes générales du trotskysme, non seulement à la base mais aussi aux directions qui ont une base de masse ».

Les milices armées de la COB et des syndicats[modifier le wikicode]

Prévoyant que les mineurs seraient massacrés - et c'est ce qui s'est passé en réalité - nous proposions une tâche précise de lutte armée :

« Nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur le fait que le problème important est de se préparer à l'inévitable lutte armée qui sera menée contre la junte militaire. Ce problème a plusieurs facettes. Tout d'abord, la relation avec les héroïques combattants qui veulent organiser des guérillas, suivant les enseignements du castrisme. Il faut essayer de lier ces camarades à notre stratégie et notre tactique fondamentale, celle de gagner le soutien armé et indispensable du mouvement des mineurs. Dans ce sens, il faut exiger qu'ils coordonnent leur action avec les organisations syndicales dans la clandestinité et principalement avec la COB. Sans attendre beaucoup de ces camarades, la grande tâche pour nous préparer à la lutte armée passe par l'organisation d'un appareil de défense armé de la COB et de ses organisations syndicales, et parallèlement, des organisations unitaires du front, qu'elles soient de quartier, paysannes ou urbaines. Notre parti doit commencer, là où il le peut, à mettre cette politique en pratique. Il faut réorganiser des comités unitaires armés de défense de trois ou quatre camarades et, là où c'est possible, les centraliser et les discipliner. Cette tâche, qui est fondamentale, est intimement liée à une autre aussi importante, celle du travail sur la base de l'armée. Si nous combinons et organisons toutes ces tâches, nous accélérerons la crise du régime et sa défaite sera consommée en peu de temps. Si au contraire nous laissons les masses agir par leurs propres moyens et à leurs risques et périls, le régime peut très probablement défaire ses secteurs un à un ».

L'utilisation des marges légales[modifier le wikicode]

« De notre caractérisation du régime découle la possibilité que, à certains moments, se présentent des marges légales. Notre haine justifiée de la dictature militaire ne doit pas nous faire oublier que nous avons le devoir d'utiliser ces marges de légalité. Nous devons les utiliser pour exiger des augmentations de salaire, pour des revendications minima, unifiées si possible, afin d'accélérer la crise du régime. Ce que nous disons pour les augmentations de salaire, nous pourrions le dire pour toutes les failles au sein des syndicats jaunes officiels, ou d'une future élection nationale truquée. Avant de prononcer le boycott de ces marges légales, nous devons prendre soigneusement le pouls de la situation de la lutte de classes et ne le déclarer que s'il y a des conditions optimales ». (N. Moreno, Lettre à H Gonzalez, 1965 , Revista de América n°6-7, juillet-octobre 1971, p.40-43).

Cette orientation avait pour objectif immédiat d'éviter que les mineurs soient écrasés. Elle fut publiée dans une lettre de polémique contre les tentatives des camarades boliviens, et particulièrement du camarade Gonzalez, de se lancer dans la guérilla. Comme nous le voyons, toutes les divergences actuelles s'exprimaient déjà dans cette lettre.

Ce disait "la Verdad" en mars 1971[modifier le wikicode]

Cette même orientation se poursuivit. Quand commencèrent à filtrer les premières nouvelles de la guérilla du Ché, notre journal ("la Verdad") signala que nous les soutiendrions, dans la mesure où elles seraient des guérillas de masses, dans une stratégie insurrectionnelle et non guérillériste. A la mi-67, "la Verdad" insistait sur le fait que les perspectives de la révolution bolivienne étaient l'insurrection et non la guérilla.

C'est la même méthode d'analyse et d'élaboration politique qui de nouveau nous fit diverger des camarades du POR(C) face au gouvernement Torrez. Rappelons que pour eux Torrez était un agent de l'impérialisme, une variante tactique décidée par les militaires boliviens et l'ambassade yankee, et que sa montée au gouvernement était une défaite des masses face à l'armée. Pour nous, par contre :

« La grève du 6 octobre 70 a permis la défaite de l'aile la plus réactionnaire de l'armée et la montée de Torrez au pouvoir, elle n'a pas liquidé les forces impérialistes, loin de là ». « C'est un fait qu'il y a toujours des secteurs de droite au sein et hors de l'armée ». « Nous avons défini Torrez comme un Kérensky bolivien, oscillant entre le mouvement ouvrier et les forces bourgeoises et impérialistes ». « (...) le groupe Lora tombe dans le même défaut opportuniste (il agit comme si le gouvernement Torrez était celui de la classe ouvrière, avec l'excuse que la COB est bureaucratisée), il n'exige pas que la COB prenne le pouvoir, ni que ce soient les syndicats qui s'arment pour lutter contre le danger de la réaction ». Et voyant le danger qui cernait le prolétariat bolivien à cause de la politique « trotskiste » de Lora et Gonzalez, nous disions : « Malheureusement, nous ne voyons en Bolivie aucun parti qui se donne la stratégie des révolutions russes » ("la Verdad" n°254, 9 mars 1971).

Nous n'allons pas multiplier les citations, nous voulons seulement démontrer que de Barrientos à Torrez jusqu'à maintenant, nous avons toujours maintenu notre stratégie de formation d'un « parti qui se donne la stratégie des révolutions russes ». Nous avons toujours été contre la politique guérillériste, toujours proposé l'armement des organisations de masse, nous nous sommes toujours opposés aux fameuses « armées révolutionnaires » et nous avons toujours dit que ce sont les organisations de masse qui doivent s'armer et prendre le pouvoir, sous la direction d'un parti révolutionnaire, et que pour cela il était essentiel de travailler en direction de la base de l'armée.

Pourquoi de notre « guérillérisme »[modifier le wikicode]

Ce n'est que maintenant que nous pouvons entrer dans le document cité par le camarade Germain qui, répétons-le, était un document interne qui ne fut valable qu'entre novembre 67 et mai 68, bien qu'il ait été publié comme analyse de la réalité.

Que s'est-il passé fin 67 pour nous faire changer d'opinion et devenir guérilléristes et pro-cubains ? Pourquoi nous sommes-nous totalement retournés en faveur de l'entrée dans l'OLAS ? Toute une direction et tout un parti étaient-ils devenus fous ? Ces explications psychologiques, laissons-les à Livio et à Germain qui en sont les spécialistes. Nous resterons sur le terrain de la politique révolutionnaire et de la lutte de classes.

Ce qui se passa est connu de tous, bien que Germain souffre maintenant d'amnésie. Les Cubains entrèrent dans une polémique très dure contre les partis communistes latino-américains. Leur position publique était d'étendre la révolution socialiste à tout notre continent, au moyen je la guerre de guérillas. Il est vrai que les Cubains avaient, depuis leur victoire, soutenu matériellement et moralement toutes sortes de groupes de guérilla mais sans intervenir directement. la différence était qualitative : le programme de l'intervention directe de l'Etat et de la direction cubaine dans ce nouveau cours. Par ailleurs, l'impérialisme yankee s'engageait de plus en plus dans son escalade au Vietnam. Il était logique de penser que cette escalade s'étendrait à court terme à Cuba.

C'est aussi ce que pensait la direction cubaine. Sa politique de développement de la révolution sur le continent était une manière de paralyser et le cas échéant de défaire l'impérialisme. Deux événements provoqués par la direction cubaine nous démontraient le sérieux du nouveau cours: l'éloignement du Ché Guevara de Cuba pour commencer la guerre de guérillas sur le continent ; la fondation de l'OLAS. Pour toute la IVème Internationale, ce nouveau cours de la direction cubaine était positif. Et méritait notre soutien. Cela ne signifiait pas le soutien à la stratégie guérillériste mais au cours vers le développement de la révolution socialiste sur le continent. Pour toute notre Internationale, y compris les actuelles majorité et minorité, il s'agissait de soutenir le nouveau cours pour l'orienter vers nos positions pendant le développement de la lutte qu'ils étaient en train d'entreprendre.

Cuba, l'OLAS et la guerre civile continentale[modifier le wikicode]

Dit d'une manière encore plus nette: toute notre Internationale crut qu'en 1967 la direction cubaine, et l'Etat cubain derrière elle, se lançait de toutes ses forces dans le développement de la guerre de guérillas en Amérique latine, afin de se défendre contre une très probable attaque de l'impérialisme. Si c'était bien l'orientation de Fidel et du Ché, s'ouvrait sur notre continent une étape de guerre civile continentale semblable à celle existant dans la péninsule indochinoise. La guérilla du Ché était le commencement de cette guerre civile continentale. Et comme toute l'Internationale, nous croyions également que nous devions participer activement et en première ligne à cette guerre civile promue par les Cubains, pour combattre l'orientation guérillériste des Cubains.

C'est ainsi que le camarade Germain, dans sa longue citation, oublie de donner les extraits du même document où nous critiquons l'orientation politique des Cubains par rapport à l'OLAS, et il oublie principalement de signaler que notre entrée dans l'OLAS se faisait sous sa discipline militaire mais pas politique :

« Notre "entrisme" dans l'OLAS ne doit pas se faire essentiellement dans son organisation politique mais dans son appareil militaire. Notre parti a l'obligation d'inscrire comme tâche militaire primordiale la formation d'un appareil technique qui suive strictement la discipline de OLAS pour les tâches techniques commandées par l'OLAS dans le cadre de sa stratégie armée de lutte pour le pouvoir. Il ne peut pas avoir d'autre signification de notre entrée dans l'OLAS » (N. Moreno, "La révolution, latino-américaine et l'Argentine").

Rien ne démontre mieux que notre position était générale dans notre Internationale que de citer, parmi d'autres, une lettre du camarade Maïtan datée de cette même année cruciale : 1967.

« J'ai vu que "la Verdad" a souligné l'évolution positive de l'attitude cubaine. Nous savons actuellement d'une manière certaine que les dirigeants cubains considèrent comme une erreur l'attaque contre nous à la fin de la Tricontinentale ». « Nous pensons que nous devons mettre maintenant l'accent sur ce qui nous lie aux Cubains. Nous n'ignorons pas qu'il y a encore parmi eux la tendance à généraliser abusivement la tactique de guérillas, et le livre de Debray qu'ils popularisent est assez mauvais (je suis en train d'écrire une réponse). Mais aujourd'hui il est plus important de discuter sur les cas concrets qui se posent à cette étape, à savoir le Vénézuéla, le Guatemala, la Colombie et la Bolivie; et en cela, je crois que nous sommes d'accord avec les Cubains. » (5 mai 1967).

Nous fûmes conséquents avec une orientation sur laquelle toute l'Internationale était d'accord

La visite du camarade Maïtan à la fin 67 renforça cet accord général et fut à l'origine du document que cite le camarade Germain. C'était notre manière de préparer notre parti à la ligne que toute notre Internationale soutenait alors.

Concrètement, nous soutenions la position de l'Internationale et préparions le parti pour la guerre civile que Cuba, avec son OLAS, s'apprêtait immédiatement à commencer sur tout le continent. Pour nous, le fait que Cuba déclenche une guerre civile continentale méritait notre appui, bien que nous la considérions fausse du point de vue tactique. C'était un fait indépendant de notre volonté, quelque chose de semblable à une grève ouvrière qui peut être lancée, à un moment adéquat ou non, avec une préparation suffisante ou non, mais dans laquelle nous devons participer (en nous disciplinant à la tâche fixée par la direction et non à son orientation politique), car notre classe s'y affronte contre la classe ennemie.

Le rapport du camarade du SU indiquait que s'ouvrait en Amérique latine un processus semblable à la guerre dans la péninsule indochinoise. Dans ce processus allaient s'affronter notre classe (l'Etat cubain) et l'armée de notre classe avec son organisme paramilitaire (l'OLAS) contre l'impérialisme, les bourgeoisies nationales et leurs armées. Il ne s'agissait pas d'une aventure guérillériste d'une poignée de petits bourgeois radicalisés et désespérés ou de militaires démoralisés et déçus par le travail sur le mouvement de masses. Il n'y avait qu'une seule politique possible : nous devions lutter avec et sous la "discipline militaire et non politique" des Cubains et de l'OLAS.

Notre position, bien que fausse, démontre mieux que dix tomes de discussion que, quand nous, camarades de la minorité, disons que nous sommes pour la guérilla à un moment déterminé de la lutte de classes et contre sa transformation en une méthode absolue ou stratégie, nous disons la vérité. Si Cuba, par l'intermédiaire de son Etat et de son armée, se lançait dans une guerre civile continentale contre l'impérialisme yankee, la guérilla en Bolivie pouvait être correcte ou incorrecte. Mais, bien que cela nous paraisse une erreur, nous avions le devoir de la soutenir. Mais à ce moment-là et seulement à ce moment là.

Les divergences commencent[modifier le wikicode]

Il suffit que le camarade Maïtan revienne nous voir en 1968 pour que nous nous rendions compte qu'il avait adopté la conception guérillériste de la lutte armée. Que Cuba se lançât ou non, dans la guerre civile continentale, cela ne signifiait rien d'essentiel pour sa stratégie. En même temps, nous voyions que les Cubains ne se lançaient pas dans cette guerre civile continentale. Pour nous, c'était là le fait objectif, celui qui pouvait transformer la guérilla bolivienne en un fait objectif de la lutte de classes et non une aventure volontariste d'une poignée d'intrépides.

C'est pour cela que notre position de soutien inconditionnel à la guérilla bolivienne, avec son corollaire organisationnel d'entrée dans l'OLAS (et donc d'entrée du POR(C) dans l'ELN) en tant que centrale militaire de la lutte armée en Amérique latine, dura le temps écoulé entre les deux voyages de Livio. L'un ouvrit l'étape, l'autre la ferma. Ce furent quelques mois de soutien à la guérilla, comme tactique de la guerre civile continentale que les Cubains et l'OLAS allaient lancer contre l'impérialisme yankee. C'est tout.

C'est à partir de ce moment-là que commença l'actuelle division de notre Internationale. Pour des raisons similaires aux nôtres, le SWP commença à remettre en question la ligne qu'ils soutenaient aussi, celle de toute notre direction et de notre mouvement par rapport à l'OLAS. Ce changement de nos deux partis est dû à un fait objectif d'une importance fondamentale : les Cubains, choqués par l'échec du Ché, changèrent complètement lieur stratégie d'impulsion de la révolution en Amérique latine. Ils commencèrent à se rapprocher de l'URSS et de sa politique de coexistence pacifique. Ils laissèrent l'OLAS livrée à elle-même.

Les divergences s'approfondissent[modifier le wikicode]

Alors que l'actuelle minorité tira la conclusion logique qu'il n'y avait aucune possibilité certaine de guerre civile continentale à court terme, à cause du changement des Cubains, la majorité continua avec sa stratégie et ses analyses cubaines, mais sans Cubains, tentant de remplacer Cuba par notre Internationale, sans comprendre que Cuba est un facteur d'un énorme poids objectif et que nous sommes un faible facteur subjectif. Cette erreur méthodologique de vouloir remplacer un facteur politique objectif, la politique de l'Etat cubain, par un facteur subjectif, notre volonté et notre parti, s'étendit peu à peu de la scène latino-américaine à toutes les scènes de la politique mondiale, élargissant la brèche entre la majorité et la minorité.

Malgré cette explication, notre erreur n'en reste pas moins une erreur. Et logiquement, nous nous sommes autocritiqués publiquement pour cela, comme pour tant d'autres erreurs commises au cours de notre histoire politique. Erreurs qui' presque toujours découlèrent d'une évaluation erronée de la réalité objective, mais pas pour avoir appliqué des formules abstraites à la réalité (« stratégie de la lutte armée », construction de « l'armée révolutionnaire » et tant d'autres) comme nous y a accoutumés la majorité.

Quel fut le conseil correct de Moreno ?[modifier le wikicode]

Aujourd'hui, alors qu'en Bolivie existe une situation similaire à celle sous Barrientos, les camarades boliviens et de l'Internationale peuvent tirer profit des différentes positions du camarade Moreno et de celles prises par la majorité. Lequel des conseils que donne Moreno à la section bolivienne fut correct ? Celui qui coïncide avec la résolution de la IVème Internationale de faire la guérilla et d'entrer dans l'OLAS ? Ou celui quand il explique qu'il ne fallait rien attendre des guérilleristes ni préparer de guérillas et qui propose de se tourner vers le travail dans le mouvement des masses, dans les organisations existantes, en utilisant toutes les marges légales et, de cette manière et non d'une autre, d'organiser les masses pour la lutte politique et armée ?

Ce sont les faits qui donnent la réponse la plus catégorique. Après huit ans de guérilla bolivienne, rien n'a été gagné et l'OLAS est dissoute. Les grandes batailles ont été menées par les masses, dans les villes, avec leurs organisations traditionnelles, leurs partis et leurs syndicats.

C'est pour cela que nous ne pouvons pas faire moins que rappeler l'autocritique de Moreno. Elle confirme que la pire erreur d'un bolchevik est de maintenir une caractérisation et une ligne politique que les faits ont démontré erronées.