Remarques à propos des comptes rendus de la Pravda sur le Procès des 21

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1. L’accusé Bessonov affirme qu’à la fin de décembre 1936, il envoya une lettre à L. D. Trotsky par l’intermédiaire de Johanssen. Quelques jours plus tard, il en reçut la réponse.

Le 18 décembre 1936, L. D. Trotsky fut secrètement amené à bord du tanker Ruth par la police norvégienne. Ce navire quitta Oslo le 19 décembre et n’atteignit Tampico (Mexique) que le 9 janvier 1937. A la fin de décembre 1936, L. D. Trotsky n’avait aucun moyen de correspondre avec qui que ce soit. Il lui était également interdit d’utiliser le télégraphe.

Le Dagbladet d’Oslo du 7 mars 1938 donne la preuve irréfutable que la déposition de Bessonov au sujet de la lettre de Trotsky est une fiction du même genre que le voyage de Piatakov à Oslo. Depuis le début de 1936, tout le courrier de Trotsky était vérifié par le chef du bureau central des passeports et une copie était faite de chaque lettre qui entrait ou sortait (témoignage de Konstad, chef du bureau central des passeports). Le 19 décembre, L. D. Trotsky quittait la Norvège et n’avait plus aucun moyen de communiquer avec le monde extérieur (témoignage de l’officier de police Jonas Lie qui l’accompagna sur le cargo).

Il est vrai qu’il aurait suffi de lire Les Crimes de Staline pour éviter cette gaffe.

2. Krestinsky confirme les réfutations de Trotsky. Bessonov affirmait que Trotsky avait rencontré Krestinsky à Merano en octobre 1933. Trotsky démentit immédiatement : en octobre 1933, il était en France, à Bagnères (Pyrénées) avec sa femme et un camarade. La police française était au courant de son installation dans cette station thermale. Au cours de l’interrogatoire de Bessonov, Vychinsky demanda à Krestinsky s’il confirmait le témoignage de Bessonov. Krestinsky confirma qu’il se trouvait à Merano à l’époque : « J’y étais pour une cure et ne vit aucun des trotskystes » (souligné par nous) (séance du 2 mars). Mais, à la séance du 4 mars (Pravda du 6 mars), pendant son second interrogatoire, Krestinsky non seulement « avoue » avoir rencontré Trotsky, mais il donne des détails : « Trotsky est arrivé à Merano le 10 octobre avec Sedov. » Et, pour éviter tout démenti de la part de L. Trotsky : « Trotsky était venu, ainsi qu’il me le dit lui-même, avec un faux passeport français... » (souligné par nous).

3. Au sujet des « rencontres » entre Sedov et les accusés.

a) En 1929. Selon les dépositions de Krestinsky et Rosengolz (Pravda du 6 mars), Sedov rencontra Krestinsky à Kissingen (Allemagne) en septembre 1929. Depuis l’exil d’Union Soviétique, en février 1929, jusqu’en février 1931, Sedov vécut en Turquie et ne quitta jamais ce pays, ainsi que peuvent en témoigner son passeport et plusieurs témoins, b) La même remarque s’applique à la déposition de Krestinsky qui affirme avoir rencontré Sedov avant de quitter Berlin afin de le présenter au général Seeckt c) En 1933. L’entrevue à Velden (Autriche) avec Rosengolz. Dans ce cas précis, Rosengolz est très prudent et ne donne aucun détail. Mais Sedov n’était pas en Autriche en 1933. Jusqu’en mars 1933, il vivait en Allemagne, qu’il ne quitta que pour venir directement en France, d) En 1934. L’entrevue avec Rosengolz à Karlsbad (Tchécoslovaquie). Depuis son arrivée en France (1933), Sedov n’a jamais quitté ce pays. La fausseté de l’accusation peut être démontrée à l’aide de documents.

4. Bessonov affirme avoir rencontré Sedov à Berlin, après un incident concernant la sœur de Sedov. Tous les journaux auraient alors publié des articles sur L. D. Trotsky et ses enfants à propos de cet incident. La sœur de Sedov, Zinaida, vint à Berlin à la fin de 1931 ; il ne lui arriva rien et aucun journal n’écrivit alors quoi que ce soit à son sujet. Ce n’est qu’en 1933, après son suicide, que tous les journaux s'occupèrent de L. D. Trotsky et de ses enfants.

5. Nous donnons à titre de curiosité la somme totale qui fut transmise à Trotsky et à ses amis, d’après les témoignages des accusés : 2020 marks or, 930000$ et 27000£. Cet argent était destiné, selon Krestinsky, à la propagande à l’étranger, aux publications, etc. L’interview du camarade Trotsky parue dans la presse mondiale est une réponse suffisante à ce ridicule mensonge.

6. Il ne fait aucun doute que les accusations portant sur les meurtres de Gorky, Menjinsky et Kouibytchev, n’ont été inventées que deux ou trois semaines avant le procès et que l’accusation sur la préparation d’un attentat contre Lénine, Sverdlov et Staline en 1918, elle, ne fut inventée que le 19 ou le 20 février, soit trois jours avant le bouclage de l’acte d’accusation : a) Rykov n’a « avoué » le meurtre de Gorky que le 10 janvier 1938, b) Le médecin du Kremlin, Kazakov, n’a reconnu le meurtre de Menjinsky que le 4 février, c) les s.r. de gauche Kamkov et Karéline et les anciens communistes de gauche Iakovlev, Ossinsky et Mantsev « ont avoué » les 19 et 20 février seulement que Boukharine avait, en 1918, l’intention d’assassiner Lénine, Sverdlov et Staline.

7. L’acte d’accusation nous informe que Rakovsky est devenu espion du Japon en 1934, lors de son voyage dans ce pays. Rappelons que, dans son témoignage devant la commission d’enquête à Coyoacán en avril 1937, L. D. Trotsky avait prédit la possibilité de cette accusation. Il en parle clairement aux pages 338-339 du compte rendu sténographique de sa déposition (citation donnée dans le dernier Biulleten Oppositsii n° 62-63).

8. Il est curieux de constater que les comptes rendus des journalistes sur le déroulement du procès apparaissent sous un éclairage différent, selon qu’il s’agit de la presse soviétique ou de la presse étrangère, surtout quand il s’agit de journaux qui ont des correspondants sur place. Ainsi, il est, par exemple, intéressant de comparer l’interrogatoire de Boukharine, tel que le raconte la Pravda, à la description qui en est faite par un correspondant aussi peu objectif pourtant que M. Berland, du Temps. Sur l’accusation d’espionnage, Boukharine a affirmé : « C’est la première fois que j’en entends parler. II n’en a jamais été question au cours de l’enquête, bien que le procureur m’ait interrogé pendant trois mois » (Le Temps, 9 mars 1938). La Pravda n’en souffle mot.

Il faut aussi relever la phrase suivante de Iagoda qui ne figure pas dans le compte rendu de la Pravda : « Si j’avais été un espion, alors des dizaines de pays auraient pu débaucher leurs propres espions en Union soviétique » (Le Temps, 10 mars 1938). L’espace nous manque pour donner plus que ces deux exemples.