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Rapport sur la situation internationale et les tâches de l’IC au Ve Congrès du PCUS
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
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Écriture | décembre 1927 |
Note : Le texte passe directement de la section 8 à la section 10 : erreur ?
La situation internationale et les taches de l’IC[modifier le wikicode]
I. Les questions de l’économie internationale et la crise du système capitaliste[modifier le wikicode]
Nous tous savons, et c’est pour nous tous un axiome, que nous vivons dans l’époque des guerres et des révolutions, dans une époque qui, prise dans son ensemble, est l’époque du déclin des pays capitalistes, bien que la courbe de développement du capitalisme présente parfois, dans certains pays ou groupe de pays, une tendance ascendante. Un certain « pressentiment » de cette vérité pénètre même le cerveau de représentants les plus qualifiés de l’économie nationale bourgeoise, comme Sombart et autres.
En partant de cette appréciation générale de la situation du capitalisme, il ne s’ensuit nullement que nous nions les faits d’une stabilisation partielle du capitalisme. Non seulement nous ne les nions pas, mais il est absolument impossible de nier toute une série de conjonctures soudaines et de hautes conjonctures, dans le cadre de cette stabilisation partielle. L’accroissement de la production est incontestable. Nous devons enregistrer une reconstruction technique qui s’est opérée à un rythme exceptionnel, surtout en Allemagne. On constate également une stabilisation politique — partielle et passagère — aux centres les plus importants du régime capitaliste, réalisée en partie à l’aide de la terreur blanche, du fascisme, de l’anéantissement et de l’extirpation des restes de « liberté » démocratique, en partie à l’aide des partis social-démocrates, piliers fondamentaux du système capitaliste actuel. Mais cette stabilisation partielle ne trompe même pas certains économistes bourgeois sur le fait qu’ils vivent dans une époque de désagrégation du capitalisme, dans une époque de décomposition progressive. La stabilisation partielle a revêtu différentes formes qui n’admettent pas un développement sans encombre de la société capitaliste. Au contraire, ces formes elles-mêmes ne sont rien d’autres qu’un produit de la crise d’après-guerre, impliquant en elles des contradictions telles et souffrant de maladies internes si formidables qu’elles engendrent nécessairement de nouveaux conflits, de nouvelles crises et, d’une façon générale, des phénomènes de crise. Je ne vais citer que quelques-unes de ces modifications qui sont survenues dans la structure de l’économie capitaliste.
Il faut mentionner ici, avant tout, la transposition du centre de gravité de la vie économique d’Europe en Amérique. Je vous rappelle seulement quelques chiffres généralement connus sur les Etats-Unis : 60 % de la production mondiale de l’acier, 72 % de la production du pétrole, 53 % de la production du cuivre, 43 % de la production du charbon, près de 20 millions d’automobiles (sur 24 millions que comprend toute la production mondiale) sont fabriqués aux Etats-Unis ; plus de la moitié de toute la réserve d’or du monde est propriété des Américains. Cette transposition du centre de gravité en Amérique comporte un grand nombre de difficultés supplémentaires pour le régime capitaliste et est pleine de menaces de conflits géants au sein de l’économie mondiale. Deuxièmement, il faut insister sur le déclin de l’Angleterre. L’Angleterre est devenue un Etat de rentiers, un parasite immense. Quelques illustrations pour caractériser ce fait : en 1925, le bénéfice de tout le commerce anglais en marchandises s’élevait à 100 millions de livres sterling; par contre, les profits provenant de l’exportation du capital et des autres opérations bancaires étaient de 420 millions de livres sterling. En 1926, l’année de la grande grève qui a ébranlé tout l’organisme économique de l’Angleterre, la moyenne des dividendes de 1500 sociétés par actions s’élevait à 11,8 %, tandis qu’en 1925, où il n’y a pas eu de grève et alors que l’industrie anglaise n’avait pas encore été secouée par cette lutte gigantesque, la moyenne des dividendes de ces mêmes sociétés n’a été que de 10,5 %, c’est-à-dire inférieure aux dividendes distribués dans l’année de la grève. Comment s’explique ce phénomène, à savoir que le niveau des revenus n’est pas déterminé par la situation de l’industrie ? Cela s’explique du fait que le capital anglais tire ses profits principaux non pas de l’industrie anglaise, mais de la vente des matières premières coloniales, caoutchouc, thé, pétrole, etc. L’Angleterre s’est donc transformée en un parasite, en un Etat de rentiers dont les entreprises industrielles, à commencer par l’industrie charbonnière, deviennent de moins en moins profitables, dont l’industrie d’exportation passe par une crise spécifique, où la politique des grands investissements dans l’industrie est devenue impossible et où, par conséquent, n’existe plus de base pour une réorganisation technique de l’industrie. Cette désagrégation de l’Angleterre est accompagnée d’un chômage chronique, ce qui rend caducs les espoirs sur une réorganisation de l’industrie anglaise à l’aide de méthodes capitalistes. Ce n’est pas sans raison que certains milieux de la bourgeoisie anglaise méditent l’idée d’une vaste transplantation de la population en Australie. Le malthusianisme est de nouveau en vogue.
Enfin, nous devons souligner toute une série de contradictions dans l’Europe centrale qui ont donné naissance au mot en vogue : « balkanisation de l’Europe ». L’embranchement où toutes ces contradictions européennes s’entrechoquent et s’enchevêtrent, est l’Allemagne. Presque toutes ces contradictions peuvent être démontrées à l’exemple de l’Allemagne. D’un côté, ce pays peut s’enorgueillir de succès de stabilisation tels qu’aucun autre pays n’en peut enregistrer de semblables et cela tant techniquement que du point de vue de l’organisation du capital. C’est ainsi, par exemple, que le prix de revient a été fortement diminué et la capacité de concurrence de l’Allemagne sur le marché mondial relevée. D’un autre côté, cette même Allemagne nous présente un ensemble de dangers extrêmement menaçants résultant de l’ordre créé par le traité de Versailles sur le continent européen.
Actuellement, le problème du paiement des réparations est extrêmement aigu. Dans la Rheinisch Westphälische Zeitung du 14 octobre 1927, on peut lire que personne, en Allemagne, ne sait comment faire pour prendre dans nouveau budget 1 250 000 000 de marks pour le paiement des réparations.
A cela s’ajoute encore la question du service des intérêts pour les dettes privées et l’endettement de l’Etat allemand (en dehors des réparations) qui s’élèvent, selon les données du directeur de la banque d’Empire, Schacht, à 10 milliards de marks. Ces paiements exigent une augmentation de l’exportation. Mais l’Allemagne a actuellement un bilan commercial dont la passivité dépasse même celle d’avant-guerre. Et cela, pour une Allemagne « mutilée », pillée à l’extrême par le traité de Versailles. Les contradictions entre la capacité de production de l’économie allemande et la force de l’Allemagne en tant qu’Etat s’expriment avec une netteté extrême dans ce petit exemple. Il ne faut pas oublier non plus d’ajouter — et cette circonstance est de la plus haute importance — que la lutte de classe s’accentue précisément par suite du développement du processus de stabilisation et des contradictions internes de plus en plus aiguës.
Sous ce rapport, l’Allemagne est un pays classique. Un maximum de succès dans la stabilisation en même temps qu’un maximum de difficultés sapent cette stabilisation. C’est une bonne illustration la situation actuelle : la stabilisation se meut dans des forces reposant sur la crise de guerre et d’après-guerre, et c’est précisément pourquoi le monde capitaliste — je ne veux pas m’étendre sur d’autres faits — offre un tableau si confus, bourré de querelles et de conflits internes engendrant irrémédiablement des conflits de plus en plus profonds et des ébranlements de plus en plus forts. A tout cela s’ajoutent encore ces « petits » faits tels que l’existence et le développement de l’Union Soviétique, la croissance du mouvement colonial aux Indes, en Chine, en Indonésie, etc.
Il faut constater que, ces derniers temps, les antagonismes entre les puissances capitalistes se sont également envenimés, avant tout les antagonismes entre les Etats européens et l’Amérique, et — avec une acuité toute particulière — entre le monde capitaliste (en première ligne l’Angleterre) et l’U. S. Tout cela entraîne, au sein des Etats capitalistes, une accentuation des tendances de concentration de la vie économique en vue de forcer le processus de concentration et de centralisation du capital, je suis tenté de formuler cela de la façon suivante : pendant que, d’un côté, nous pouvons constater actuellement la croissance des conflits entre les organes des Etats capitalistes, en dépit de toutes les tentatives d’unification et de maquillage des conflits, etc., de l’autre côté, cette croissance des conflits force la bourgeoisie à serrer au plus vite la vis de la concentration et de la centralisation du capital. Ou, pour la formuler encore autrement : actuellement, se renforce la tendance de développement dans la direction du capitalisme d’Etat sous une dictature bourgeoise. Je ne conçois nullement cette tendance en ce sens que nous puissions constater maintenant un accroissement considérable des fonctions de l’Etat bourgeois directement dans le domaine économique, mais il s’opère néanmoins un certain accroissement en ce sens. Je considère ici surtout le fait que, pendant les années de l’après-guerre, et notamment au cours de ces dernières années, la tendance de créer de grands trusts (et non pas précisément des syndicats ou des cartels, mais des trusts, c’est-àdire la concentration d’unités de production de différents types, combinés et non combinés) a progressé avec une rapidité prodigieuse. La concentration et la centralisation de la vie économique avance à pas de géants. On pourrait dire qu’il s’opère un processus de « trustification du pouvoir d’Etat lui-même », c’est-à-dire que le pouvoir d’Etat de la bourgeoisie tombe dans une dépendance directe, de plus eu plus grande et forte, des konzerns capitalistes ou des combinaisons de ces konzerns. En d’autres mots : il s’opère un processus de pénétration des organisations patronales avec l’appareil d’Etat bien que, dans la majorité écrasante des cas, le processus ne soit pas accompagné d’une étatisation de ces « organes économiques ». C’est pourquoi on ne peut pas encore parler ici d’un capitalisme d’Etat. Mais cela en est déjà la préparation, une tendance en cette direction. Evidemment, il ne s’agit pas ici de quelque chose de tout à fait nouveau qualitativement, mais il faut que je dise que ce processus ne s’est encore jamais développé, depuis que le capitalisme existe, avec une si grande force que précisément maintenant, et il me semble qu’il ne faut pas perdre de vue cette circonstance.
Que l’on prenne l’Allemagne comme exemple. En Allemagne, des 18 milliards de marks de capital de fonds des sociétés par actions, 2,5 milliards appartiennent aux trusts de l’industrie chimique et de l’acier. Ce dernier contrôle deux tiers de la production de l’acier, « commande » à tout le monde sans exception et détermine la ligne politique fondamentale du pays. Le trust de l’industrie chimique concentre 80 % de la production chimique entre ses mains.
Les 4/5e de la production d’énergie électrique est aux mains de l’Etat. L’industrie allemande est presque littéralement nouée en un seul gros nœud qui, de son côté, est de nouveau en rapport direct avec toute la politique intérieure et extérieure de la République allemande. Tel est l’un des types de développement tendant à la concentration et à la centralisation du capital, l’un des types tendant à préparer le capitalisme d’Etat.
La vie économique japonaise n’a pas subi les ébranlements qui ont secoué les pays européens. Mais il est caractéristique qu’actuellement 30 % du capital industriel et bancaire, sans tenir compte des chemins de fer, appartiennent directement à l’Etat. Entre l’impérialisme japonais et l’impérialisme des Etats-Unis et de l’Angleterre existent des antagonismes insurmontables. C’est pourquoi, harcelé de l’extérieur, le Japon renforce les tendances internes dans la direction du capitalisme d’Etat. La circonstance que les facteurs de politique extérieure poussent le capitalisme de toute une série de pays à la consolidation et à l’organisation, trouve sa confirmation classique dans l’exemple du Japon. Le Japon est le deuxième type de cette même tendance.
L’Italie est le troisième type. Ici le capitalisme se développe incontestablement vers une forme particulière du capitalisme d’Etat et vers un type particulier du pouvoir d’Etat. Quelle est la signification de la soi-disant « Magna charta du travail » ? Mussolini l’a définie comme « Etat corporatif ». « L’Etat corporatif » n’est, tel qu’il est conçu en définitive, rien d’autre que ce que Otto Bauer appelle « démocratie fonctionnelle ». Selon cette théorie, la démocratie consiste dans la représentation des différentes professions, classes, groupes, etc., suivant leurs « fonctions » dans la vie sociale. L’entrepreneur dirige l’entreprise, le consommateur achète et le marchand vend. En se basant sur ces différentes « fonctions » (comme s’exprime Otto Bauer) et sur leur représentation, on a — nous raconte Otto Bauer — un type particulier d’Etat non-parlementaire. Toute la fadeur d’Otto Bauer consiste en ce qu’il ne résout pas la question du pouvoir, qu’il ne tranche pas la question de savoir à qui servira ce mécanisme et qui le dirigera. Or, c’est précisément cela qui est la chose principale. Mussolini a supprimé le Parlement, construit son « Etat corporatif » fasciste et voudrait même attirer, par des méthodes particulières, les ouvriers à cette œuvre. Il a dissous les véritables syndicats et organisé des « syndicats » fascistes. Il nomme certaines personnes à leur tête et, ensuite, il construit, sur la base de « représentations » des chambres de commerce du patronat industriel, des banquiers, des « syndicats fascistes », son « Etat corporatif » fasciste. Du point de vue de la tendance économique, tout cela est une forme particulière du capitalisme d’Etat où le pouvoir d’Etat contrôle et favorise le capitalisme. L’industrialisation de l’Italie s’opère sur la base d’une exploitation impitoyable de la classe ouvrière. A l’aide des syndicats fascistes, les salaires sont abaissés, la journée de travail prolongée, une « discipline » imposée dans les entreprises et, de l’autre côté, les prix des marchandises industrielles sont réglés, etc. Au cours des deux dernières années, le salaire des ouvriers italiens a baissé d’une façon ininterrompue et représente actuellement 70 à 75 % du salaire d’avant-guerre. Telle est la base de l’industrialisation de l’Italie. Voici donc un exemple du troisième type à tendance du capitalisme d’Etat.
Enfin, il me faut encore mentionner les formes assez originales que nous pouvons constater en Autriche, les formes — si l’on peut s’exprimer ainsi — d’un « capitalisme municipal ». Je pense ici aux entreprises municipales où le parti social-démocrate possède une grande influence. Voilà les types principaux de cette réorganisation économique intérieure telle qu’elle s’opère dans les organismes capitalistes des plus importants pays.
C’est ainsi que nous avons, d’un côté, un accroissement des contradictions entre les différents Etats capitalistes. De l’autre côté, nous constatons un processus d’organisation des forces capitalistes à l’intérieur des pays, ce qui se manifeste par la tendance au capitalisme d’Etat. Il est absolument absurde d’en déduire la conclusion, comme le fait Hilferding qui, soit dit en passant, exagère extrêmement le processus de cette soi-disant « organisation » du capitalisme à l’intérieur des pays et qui se tait sur le principal — à savoir le caractère de classe de ce processus — que les tendances mentionnées plus haut signifient la transition à une situation du capitalisme telle qu’il n’y aurait plus de guerre, etc. Le contraire est précisément vrai. Si les complications et conflits extérieurs favorisent ces tendances de concentration des forces capitalistes à l’intérieur du pays, la concentration des forces capitalistes aiguise de son côté davantage encore les conflits entre les Etats capitalistes, parce que ce développement engendre une concurrence plus acharnée, parce que ce développement est accompagné d’un approfondissement des antagonismes par suite de la fixation de tarifs douaniers conformes, etc. « Ce n’est pas la paix, mais la guerre » qui est engendrée par cette tendance « d’organisation ».
Tout cela est l’expression non pas d’un « superimpérialisme » devenu pacifique, se coiffant du bonnet de nuit de la paix de la S. d. N., mais au contraire, l’expression de l’accentuation de la lutte, d’une accentuation des conflits qui aboutira inévitablement à une catastrophe, à la « deuxième ronde de guerre ». Les problèmes du marché s’aiguisent. Le problème de la lutte contre l’U. S. également. La pression exercée sur les ouvriers s’est renforcée, le danger de guerre n’a encore jamais été aussi menaçant que précisément maintenant. Les tendances au capitalisme d’Etat ne résolvent pas ce problème, mais le compliquent encore davantage. Les conférences du type de la conférence du désarmement sont une duperie pacifique mise en scène par les impérialistes et les social-démocrates. Il ne vaut pas la peine d’en parler à notre Congrès. Dans la perspective, nous voyons le danger d’une deuxième ronde de guerre. Tels sont les traits caractéristiques les plus importants du nouveau, ou du partiellement nouveau, que nous avons à enregistrer dans le domaine des relations des Etats capitalistes entre eux et vis-à-vis de l’U. S.
II. La situation de la classe ouvrière[modifier le wikicode]
Comment cette mécanique du développement influence-t-elle la situation de la classe ouvrière, comment se reflète-t-elle dans celle-ci ?
En prenant le niveau du salaire ouvrier, on constate, qu’à l’exception des Etats-Unis et d’autres pays transocéaniques, le salaire ouvrier n’a pas encore atteint le niveau d’avant-guerre.
Voici à peu près comment la chose se présente :
En Allemagne, le salaire réel a atteint, en juillet 1927, 93 % du salaire d’avant-guerre pour les ouvriers qualifiés et 100 % pour les ouvriers non qualifiés. En se basant sur d’autres données, le salaire nominal de l’ouvrier qualifié fut, en avril 1927, de 135,8 %, l’index de vie chère, par contre, de 146,4 %, de sorte que l’on obtient un moins pour le salaire réel.
En Grande-Bretagne, le salaire moyen ne dépasse pas 90 % du salaire réel d’avantguerre. La baisse est particulièrement sensible dans les principales branches industrielles — textile, charbon, fer —; de plus, une nouvelle baisse du salaire ouvrier est en vue. En France, à Paris, fin 1926, le salaire ouvrier n’était supérieur au salaire d’avant-guerre que pour les seuls typos ; dans les autres professions, il était de 65 à 87 %. En Italie, après les dernières diminutions de salaire, les ouvriers gagnent de 70 à 75 % du salaire d’avant-guerre. Aux EtatsUnis, on trouve une augmentation moyenne des salaires de 30 % (je répète que cela n’est vrai que pour les pays transocéaniques et, là encore, tous les pays n’ont pas participé à cette augmentation des salaires). Mais, derrière cette augmentation moyenne (plus de 30 %), se cachent des disproportions formidables entre les différentes branches de production et les différentes régions.
En Europe, où le salaire d’avant-guerre n’a pas encore été atteint, cette situation même est estimée comme absolument, insuffisante, à en croire le capitalisme. On est d’avis qu’il faut réduire encore davantage le niveau du salaire ouvrier. Il existe même toute une série de « doctes économistes » qui, actuellement, exigent franchement une nouvelle pression sur la classe ouvrière.
C’est ainsi que, par exemple, le professeur Cassel développe une théorie connue pour son extrême insolence. Il dit que notre temps est la période des monopoles. Le monopole serait une chose extrêmement nuisible parce que seule la liberté des hommes, des capitaux, des marchandises pourrait assurer le maximum d’accroissement des forces productrices. Et maintenant ? Eh bien, maintenant nous avons le monopole. Mais quel monopole ? Cassel répond : Nous avons des monopoles patronaux et cela est très mauvais. Nous avons aussi des monopoles ouvriers (syndicats ouvriers) et cela est encore bien pire. Or, les syndicats, c’est-àdire les « monopoles » de la classe ouvrière, seraient plus forts que les monopoles patronaux, c’est-à-dire les syndicats d’entrepreneurs, les trusts, etc., etc... C’est pourquoi, nous apprend cet homme « intelligent », existe cet « emploi de la violence » de la classe ouvrière, c’est pourquoi le salaire ouvrier est maintenant si « élevé » qu’il en résulte toutes sortes possibles de misères. La cause principale du chômage et des crises, consiste, selon Cassel... dans le salaire ouvrier par trop élevé ! D’où, aussi, le chômage. Si l’on pouvait payer un salaire moindre, on pourrait occuper davantage d’ouvriers. Il propose donc la destruction du « monopole par trop grand » de la classe ouvrière et l’abaissement du salaire ouvrier « par trop élevé ».
Cela veut dire : opprime et détruis même les syndicats existants, abaisse encore davantage le salaire ouvrier et prolonge la journée de travail, en dépit des « conquêtes » remportées déjà par le monde capitaliste sous ce rapport.
Nous en pouvons donc conclure que la stabilisation partielle du capitalisme s’opère sur la base d’une exploitation accrue des ouvriers ; son héros est le capital trustifié ; sa condition préalable est la destruction des organisations ouvrières. Il est caractéristique que la trustification et la cartellisation sont accompagnées, en règle générale, de la création de fonds pour combattre les grèves.
C’est ainsi que, par exemple, Ufermann écrit dans son livre sur le trust de l’acier qu’au cours d’une année, 176 millions de marks ont passé par la caisse du trust européen de l’acier et que l’on verse 4 dollars, conformément au paragraphe 7 des statuts du cartel, pour chaque tonne d’acier non produite sur la quota prévue, donc également lors de la diminution de la production par des grèves..
Un témoignage bourgeois libéral, le rapport du correspondant du Berliner Tageblatt sur la situation dans les usines Leuna, confirme nos conclusions que la stabilisation capitaliste et la rationalisation se font, en réalité, aux frais de la classe ouvrière par son exploitation inouïe. Il faut cependant dire que le capital allemand a réussi à absorber les chômeurs dans une mesure considérable. Il faut constater cela. Le chômage a été formidable en Allemagne. Il n’y a pas encore longtemps, les chômeurs se chiffraient par millions; actuellement, leur nombre est en dessous de 700 000. La conjoncture de l’industrie allemande a abouti à une forte baisse du chômage. Sous ce rapport, existe une différence énorme entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne où le chômage se stabilise, où il se tient actuellement sur l’ancien niveau d’un million (il ne faut pas oublier qu’il s’agit ici exclusivement d’ouvriers industriels et non pas d’ouvriers venant de la campagne).
III. La structure de la classe ouvrière et les types du mouvement ouvrier[modifier le wikicode]
La diversité dans la situation du capitalisme des différents pays a engendré des types variés du mouvement ouvrier et différentes méthodes de la bourgeoisie pour maîtriser la classe ouvrière. C’est pourquoi je veux dire quelques mots sur les tentatives « d’américanisation du mouvement ouvrier ». Nous voyons qu’actuellement la position monopoliste des Etats-Unis est prédominante dans l’économie mondiale, position qui est peut-être encore bien plus importante et plus exclusive que ne l’a jamais été celle de la Grande-Bretagne. Aussi la classe ouvrière des Etats-Unis est-elle incomparablement liée davantage à sa bourgeoisie que cela n’a été le cas en Angleterre.
Prenons une petite statistique sur le salaire ouvrier ; elle nous fera comprendre immédiatement de quoi il s’agit. En mettant la moyenne du salaire réel en 1925, pour Londres, à 100, on obtient les chiffres de comparaison suivants : Philadelphie (Etats-Unis) 221, Paris 71, Rome 48, Varsovie 47, Prague 58, Bruxelles 57, Vienne 47 (Voïtinski : Le monde en chiffres). La moyenne européenne varie entre 40 et 50, tandis que la moyenne de l’autre côté de l’Océan est de 220 ! Tel est le rapport entre cette aristocratie de la classe ouvrière internationale et la masse du prolétariat européen. Si nous prenons encore le salaire de misère du coolie chinois ou de l’ouvrier des mines de diamant de l’Afrique du Sud ou d’un autre groupe ouvrier colonial, on peut alors se faire une idée nette de l’abîme immense qui sépare un coolie d’un ouvrier américain. Mais même en Amérique existent, comme je l’ai déjà fait remarquer, différentes couches dans le prolétariat ; même les sources officielles constatent cette différenciation, immense, des écarts de salaire tout à fait formidables.
D’un côté, il y a donc au sein du prolétariat des Etats-Unis une aristocratie ouvrière et, de l’autre, les couches inférieures de la classe ouvrière qui vivent comme de véritables esclaves. Ces couches inférieures de la classe ouvrière se composent de nègres et d’éléments immigrés qui, dans leurs pays originaires, se trouvaient dans des conditions encore plus mauvaises. Quant aux nègres, ils sont considérés, même par la classe ouvrière, comme des citoyens de second degré. Tout le mécanisme de l’organisation de la classe ouvrière fonctionne de telle sorte que le capital tient les ouvriers dans ses mains à l’aide des couches aristocratiques de la classe ouvrière.
Les forces organisées de la, classe ouvrière ont une structure telle qu’elles sont absolument contre toutes révolutions. Le nombre total des ouvriers (sans les employés) s’élève à environ 25 millions, dont 3 à 4 millions sont organisés. Du nombre total de ces organisés 73 % font partie de l’aristocratique « American Fédération of Labor », qui ne groupe que les couches aristocratiques. La direction de cette organisation se trouve aux mains de bureaucrates syndicaux dont notre classe ouvrière ne peut se faire aucune idée. Je ne m’étendrai pas sur les méthodes de vol, de corruption, de vénalité, d’appropriation de l’argent syndical, etc. Un mot seulement sur les salaires de ces bureaucrates syndicaux :
Le président de la Fédération des mécaniciens de locomotives, Stone, a, par exemple, un traitement de 25 000 dollars, plus 25 000 dollars pour frais de représentation, donc en tout 50.000 dollars (Mouvements dans la salle), c’est-à-dire 100 000 roubles ou, en moyenne, 8 300 roubles or par mois (Mouvements dans la salle.) Et cela s’appelle « chef syndical ! »
En dehors de l’A. F. L. existe encore, une autre forme d’organisation, les « syndicats de compagnies ». Ce sont des associations groupant les patrons et les ouvriers d’une même entreprise. Leur but est de réaliser la « paix industrielle », l’abolition de la lutte de classes ! Elles déploient une activité extrêmement intense pour subordonner quelques couches de la classe ouvrière au capital. Et le résultat ? Je vous cite un exemple connu : il existe quelque chose comme un syndicat de compagnie sur la ligne de chemin de fer Baltimore-Ohio. En attirant les ouvriers à la vie économique et en les subordonnant au capital, les dividendes de la société ont doublé de 1924 à 1926.
Quels sont les principes d’organisation de ces syndicats de compagnies ? L’organisation n’existe qu’à l’intérieur de l’entreprise. Elle est entretenue par l’entrepreneur qui, en retour, empoche des dividendes doubles. Dans ces entreprises, les syndicats et toutes les organisations de lutte de classe sont absolument interdits.
L’énergie de la classe ouvrière sert à la production de la plus-value, aux découvertes et autres manifestations de l’intelligence et cela au profit exclusif de l’exploitation capitaliste. Les banques ouvrières constituent un autre type. Les ouvriers déposent leurs économies aux « banques ouvrières » qui les placent en actions de différentes entreprises, compagnies et trusts. C’est de cette manière que les ouvriers versent leurs économies aux banques, économies qui, une fois accumulées, sont mises à la disposition de la bourgeoisie et représentent pour elle une quantité considérable de capital de roulement supplémentaire). Actuellement, existent environ trente-sept banques ouvrières. Elles sont peu à peu intégrées dans le mécanisme général de la société capitaliste.
On a construit toute une théorie sur cette base. L’économiste bourgeois bien connu, T. N. Carver, a publié, un livre intitulé : La révolution économique permanente aux Etats-Unis (Boston, 1925). On parle, dit-il, de différentes révolutions ; or, tout cela n’est rien. Il y a eu des révolutions politiques en Allemagne, en Autriche, etc. Mais la véritable révolution économique n’a lieu actuellement que dans un seul pays, aux Etats-Unis. Carver prétend :
« L’unique révolution économique se déroule actuellement aux Etats-Unis. C’est une révolution qui détruit les barrières entre ouvriers et capitalistes en transformant les ouvriers en capitalistes indépendants et la majorité .des capitalistes en travailleurs sous l’une ou l’autre forme, étant donné que les capitalistes sont incapables de vivre de leur seul capital. Voilà quelque chose de tout à fait nouveau dans l’histoire mondiale » (pages 9-10).
Voici, selon Carver, les moyens de « cette révolution » :
« Premièrement, la croissance rapide des dépôts en banque ; deuxièmement, l’investissement des capitaux ouvriers par l’achat des actions des trusts; troisièmement, la croissance des banques ouvrières » (page 11).
Au fond, cette idéologie de Carver est celle de toute la social-démocratie internationale.
Il n’existe pas de différence de principe entre la social-démocratie et Carver.
Que voyons-nous donc en Amérique ? Les couches inférieures de la classe ouvrière sont composées d’étrangers et de nègres. Leur lutte, dont les méthodes sont fréquemment très révolutionnaires, est réprimée avec une sauvagerie extrême D’autre part, une couche nombreuse d’ouvriers américains constitue une aristocratie parmi l’aristocratie. Leur organisation est l’aristocratique American Fédération of Labor, ensuite viennent les syndicats de compagnies, les banques ouvrières, etc. Au-dessus des syndicats de compagnie, des banques ouvrières, etc., il y a l’organisation patronale, il y a les puissantes associations des entrepreneurs, les banques, les konzerns, les trusts. Par différentes « courroies de transmission » ils tiennent toute la classe ouvrière en leurs mains.
Toute la social-démocratie internationale et lès chefs des syndicats réformistes veulent implanter en Europe ces méthodes de la bourgeoisie américaine; mais ils oublient que, si en Amérique ces méthodes ont une certaine base dans la position monopoliste de ce pays, cette base fait absolument défaut en Europe. Dans quelques pays, cette tentative devient même tout à fait ridicule.
Prenons, par exemple, la Grande-Bretagne. Sa position monopoliste a disparu. Le gouvernement de Grande-Bretagne, en manœuvrant avec les colonies, en leur faisant des concessions, obtient encore un certain moment de répit, ajourne l’heure de sa ruine. Pourtant, la tendance fondamentale y est néanmoins descendante et cela se révèle surtout par le chômage chronique formidable. L’offensive du capital provoque des phénomènes comme la marche des mineurs sur Londres. La révolution en Chine et la révolution en d’autres pays coloniaux ébranle tout l’empire colonial. Les couches inférieures se révoltent, des grèves éclatent, etc. Voilà pourquoi les méthodes américaines ne peuvent avoir de base ici. Cependant, le capitalisme s’efforce, à l’aide des chefs du parti travailliste et des syndicats, d’introduire également ici la fameuse « paix industrielle », l’organisation de « syndicats de compagnies, etc. ». C’est ainsi que, par exemple, Spencer a organisé un syndicat de compagnie des mineurs.
On ne peut pas trouver non plus une base quelconque pour les méthodes américaines en Allemagne. Pourtant, la bourgeoisie allemande s’emploie à organiser les plus petits débuts en cette direction.
La conduite des social-démocrates et des chefs syndicaux est également basée entièrement sur la philosophie de Carver. Même en faisant semblant de lutter contre l’organisation des syndicats de compagnies, ils accomplissent néanmoins, tant idéologiquement que pratiquement et politiquement, l’œuvre de Carver. Le social-démocrate Erdmann a dit tout franchement que les syndicats sont un élément de l’économie capitaliste. Toute leur ligne consiste à admettre le moins de grèves possibles, bien qu’ils soient contraints parfois, sous l’impulsion des masses, à accepter des grèves. Leur thèse est imprégnée de l’idée de la « paix industrielle ».
Quoique les méthodes américaines jouissent de la haute faveur des chefs de la socialdémocratie et des syndicats qui font tous leurs efforts pour que la stabilisation et son développement ultérieur en Europe centrale s’opèrent sans grands conflits sociaux, tout cela reste quand même pour l’Europe une utopie bourgeoise, réformiste, surtout pour un pays comme la Grande-Bretagne, parce qu’il lui faudrait, pour l’importation des méthodes américaines, une « bagatelle » : l’importation préalable de l’économie américaine en Europe, chose qui, pour s’exprimer poliment, est « extrêmement difficile ».
En ce qui concerne la périphérie coloniale du monde capitaliste, nous devons constater le réveil de la classe ouvrière coloniale comme force indépendante. Evidemment, on essaie aussi de faire dans les colonies toutes sortes de scélératesses possibles : des syndicats jaunes de Tchang Kaï Chek, la « Fédération des mécaniciens » à Canton, les tentatives des réformistes britanniques de serrer la bride au mouvement syndical de l’Inde, etc. Cependant, nous pouvons dire d’une façon générale, en parlant du type du mouvement ouvrier dans les pays coloniaux, que nous entrons pour la première fois dans une époque où la classe, ouvrière prend conscience de sa force indépendante dans le mouvement d’émancipation et où elle est assez souvent la base dirigeante du mouvement révolutionnaire. C’est un phénomène qu’on n’a jamais observé jusqu’à présent. Il est tout naturel qu’il sera très difficile à la bourgeoisie d’appliquer ici ses méthodes de corruption de la classe ouvrière, car la base fait presque absolument défaut.
IV. L’accentuation de la lutte de classe en Europe[modifier le wikicode]
En examinant les événements de ces derniers temps, du point de vue social de classe, nous constatons la continuation de l’offensive contre la classe ouvrière (fascisme en Italie, en Pologne; embryons de fascisme en Angleterre, etc.) Nous sommes témoins d’une politique extraordinairement cruelle, dégénérant en terreur blanche systématique, opprimant le prolétariat par l’écrasement des organisations ouvrières (les Balkans, avec leur régime de terreur blanche d’une cruauté inouïe; l’Italie où, ces derniers temps, des milliers d’ouvriers sont arrêtés au cours de razzias contre les communistes ; la Pologne, etc.). Nous assistons à l’application d’une politique d’extermination même de fédérations syndicales de collaboration de classe. Tout le monde est au courant de l’histoire du Bill antisyndical en Angleterre. Sur tout le front, l’attaque du capital contre les salaires et la journée de travail continue. En Europe, on cherche donc à combiner le fascisme et les tentatives d’implantation des méthodes « américaines ».
Mais, simultanément, partiellement sur la base de la stabilisation elle-même — cela est, dans toute la situation européenne actuelle, le moment central — nous constatons aussi que la classe ouvrière de l’Europe centrale se redresse après les graves défaites de la période passée. Nous voyons le mouvement ouvrier se ranimer, la lutte de classe prolétarienne s’accentuer. Nous assistons à un certain regroupement dans le rapport des forces de classe, nous vivons maintenant, dans les centres principaux du capitalisme européen, un processus de « virement à gauche » incontestable, de révolutionnement du prolétariat.
Ce processus se développe en différentes directions.
Nous enregistrons tout d’abord une croissance des votes communistes aux élections dans les centres les plus importants et les plus décisifs du continent européen. Cette croissance de l’influence du parti communiste reflète de profonds processus, des processus que nous désignons sous le terme général « virement à gauche ».
Le deuxième symptôme est la croissance de l’influence communiste dans les syndicats. L’extension de l’influence des communistes et de l’opposition syndicale révolutionnaire en général dans une série de pays, par exemple en Allemagne, est indéniable (surtout à Berlin, Hambourg, Halle et dans d’autres grandes villes). En Italie, le parti lutte, en dépit de l’écrasement des syndicats et de la terreur blanche la plus effrénée, avec de grands succès pour la reconstruction des organisations syndicales. En Tchécoslovaquie, nous avons également un élargissement, peu considérable il est vrai, de l’influence communiste dans les syndicats.
Une troisième sorte de phénomènes est l’intervention ouverte du prolétariat. Ici, il faut classer, partiellement, la grande grève anglaise et l’insurrection des ouvriers de Vienne qui est d’une haute portée pour l’appréciation de la situation en Europe. Ensuite, il faut mentionner l’écho puissant par lequel la classe ouvrière européenne a répondu à l’assassinat de Sacco et de Vanzetti
Enfin, nous assistons à une ranimation incontestable ou mouvement gréviste dans une série de pays. Après de nombreuses luttes défensives perdues, on constate une certaine reprise de la vague gréviste (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, Italie, etc.).
Il y a encore d’autres symptômes qui doivent également être classés dans la rubrique des actions ouvertes des travailleurs et, avant tout, du prolétariat : la mutinerie des marins de Toulon, les révoltes des réservistes en France, les grandes manifestations antifascistes en France et en Allemagne, une série de manifestations de rues en rapport avec les menaces de guerre contre l’Union Soviétique dans une série de pays, en France, en Allemagne, en Tchécoslovaquie, en Pologne (il faut souligner notamment la grande manifestation en Pologne lors de l’assassinat du camarade Voïkov), la journée du front rouge à Berlin, etc.
Nous devons nous rendre nettement compte du caractère de ces phénomènes.
Ce ne sont pas les restes des grèves défensives contre l’offensive du capital.
Cela n’est pas le « dernier écho en train de se perdre » de la lutte que la classe ouvrière a menée depuis la guerre.
Non, c’est le début d’une nouvelle période. La classe ouvrière a passé le pire moment de dépression après la défaite, elle reconstruit ses propres rangs, elle se tourne vers la lutte de classe accentuée sur la base du développement des antagonismes engendrés par la stabilisation.
Je ne veux pas dire par là que nous sommes déjà maintenant à la veille d’une situation directement révolutionnaire en Europe. Non, nous ne sommes pas encore là.
Mais la chose a déjà tant mûri qu’après une certaine interruption, qu’après une certaine dépression dans le mouvement ouvrier, nous assistons à un revirement indéniable dans la direction de !a mobilisation des forces du prolétariat, dans la direction de la lutte active. Les pires moments sont passés, la classe ouvrière se redresse, elle commence à mobiliser ses forces, elle entre de nouveau dans la lutte. Il est hors de doute qu’il existe une accentuation de la lutte de classe basée sur le développement des contradictions internes de la stabilisation
V. L’américanisation — La social-démocratie[modifier le wikicode]
Amsterdam[modifier le wikicode]
En considérant la vie intérieure des pays européens, ce fait est décisif pour toute l’appréciation de la période prochaine.
La tâche des communistes, de l’avant-garde de la classe ouvrière, est de soutenir entièrement ce processus. Il est de notre devoir de nous mettre à sa tête, d’élaborer la tactique juste dans ces nouvelles conditions d’accentuation de la lutte de classe. Dans cette lutte pour les masses ouvrières, dans cette lutte pour la direction des masses ouvrières, dans cette lutte pour approfondir les actions de classe, nous nous heurtons en première ligne à la socialdémocratie et à Amsterdam. Le danger de conflits internationaux, l’accentuation de la menace de guerre entre le monde capitaliste et l’Union Soviétique, le virement à gauche des couches inférieures de la classe ouvrière en Europe et les révolutions coloniales, d’un côté, la mobilisation des forces du capitalisme, de l’autre, sont accompagnés d’un virement net à droite des chefs de la II e Internationale et de la Fédération Syndicale Internationale. Je crois que jamais depuis l’existence des partis social-démocrates et du trade-unionisme, il n’y a encore eu, comme précisément1 maintenant, une telle « consolidation » de la théorie et de la pratique des partis social-démocrates basée sur une capitulation complète devant l’idéologie bourgeoise.
La suite des idées des chefs réformistes se laisse résumer de la façon suivante : « Nous devons transformer les fabriques actuelles en « fabriques constitutionnelles », démocratiser les conditions dans les fabriques par des moyens pacifiques ». Karl Renner définit le contrat de tarif entre patronat et ouvriers de « socialisation du salaire ouvrier ». Hilferding écrit dans un de ses articles que les magnats capitalistes, sans s’en rendre compte, exécutent à proprement parler une œuvre marxiste — qu’en évoluant dans la direction de l’économie organisée, ils préparent ainsi le socialisme. Ils ont lancé comme mot d’ordre général résumant toute leur théorie socialdémocrate le mot d’ordre de « démocratie économique ! » Cela veut dire : on « peut », par les comités d’usines, par les syndicats, démocratiser pacifiquement, sans révolution, tant les fabriques que les trusts, tous les konzerns, tous les groupes bancaires. Voilà ce qu’ils appellent « démocratie économique ». Ils n’oublient pas de dire, en guise de consolation pour la classe ouvrière, que ce processus durera des centaines d’années, ainsi que l’affirme Karl Swing, dans son livre sur la sociologie du mouvement syndical.
Hilferding a tout récemment émis la thèse qu’il n’est pas vrai qu’en Allemagne, en Autriche, etc., règne une démocratie bourgeoise. A son avis, il est imbécile de parler de démocratie bourgeoise. Il existe « tout simplement » une démocratie et c’est par elle que la classe ouvrière peut « démocratiser » tout l’Etat. Cette théorie a même indisposé Max Adler, l’un des collègues de Hilferding. Pourtant, toute la social-démocratie l’a accueillie par des applaudissements « frénétiques ». Cette attitude théorique et pratique va encore plus loin : si l’on peut démocratiser pacifiquement les fabriques, si l’on peut démocratiser pacifiquement les trusts, si l’on peut démocratiser pacifiquement les konzerns bancaires, si l’on peut démocratiser pacifiquement certains Etats, alors on peut et on doit également démocratiser la Société des Nations, en se comportant vis-à-vis d’elle d’une manière positive. Et c’est ainsi que le mot d’ordre « Démocratisation de la S. D. N. » est lancé comme mot d’ordre principal de leur politique étrangère. Tel est le couronnement de l’idée « américaine » de la collaboration de classe. Sous ce rapport, la déclaration de M. Albert Thomas dans la revue Der Arbeitgeber est extrêmement caractéristique. Il glorifie dans ses articles l’idée d’un rapprochement réciproque entre entrepreneurs et ouvriers et chante même des louanges à Mussolini, « préoccupé », semble-t-il, d’aboutir à une entente entre le travail et le capital.
Une conduite positive vis-à-vis des trusts, une conduite positive vis-à-vis de la reconstruction du capitalisme, vis-à-vis des banques, de l’Etat, de la S. D. N., tout en préconisant timidement et dans un but trompeur la démocratisation « pacifique » de cette machinerie des ennemis mortels de la classe ouvrière — tel est le « programme » de la socialdémocratie contemporaine. Je tiens encore à mentionner que, ces derniers temps, différents grands partis socialdémocrates se sont occupés avec zèle de la question d’un programme agraire, en « profitant » à leur façon de « l’expérience russe ». De nombreux partis se sont donné un nouveau programme agraire. Le point essentiel de tous ces programmes est l’attraction de la paysannerie dans le processus général de la reconstruction capitaliste sur la base d’une apologie de tout l’ordre capitaliste.
Il va de soi que cette attitude positive vis-à-vis de la rationalisation capitaliste, vis-à-vis des entreprises capitalistes et de la S. D. N. découle nécessairement aussi une attitude « positive », non seulement dans les petites questions journalières de la lutte de classe, mais aussi dans les grandes questions du moment présent, notamment dans la question de la guerre.
VI. La question de la guerre et les groupements dans le mouvement ouvrier[modifier le wikicode]
La social-démocratie et Amsterdam[modifier le wikicode]
Grâce à l’exacerbation de la lutte de classe et à la croissance indéniable de la sympathie pour l’U. S., ainsi qu’à la radicalisation de la classe ouvrière, grâce à l’accentuation des problèmes coloniaux et grâce à la force de la pression qu’exercent les larges masses ouvrières sur les chefs de la social-démocratie, ceux-ci se voient obligés de « manœuvrer ».
Ces derniers temps, les milieux Amsterdam et de la IIe Internationale ont pris une attitude très nette, bien plus à droite que jamais auparavant, en même temps qu’ils opèrent une manœuvre « de gauche » manifeste à l’aide de laquelle la social-démocratie veut nous attaquer. Voici l’une des thèses émise par les social-démocrates dans cette question et dirigée contre nous : « Nous ne sommes pas contre l’Union Soviétique, mais contre les communistes !
» Qu’est-ce à dire? En réalité, cela ne signifie rien d’autre qu’une « reproduction » socialdémocrate de la politique menée jusqu’à présent par Chamberlain. Chamberlain nous dit : « Nous n’avons absolument rien contre le commerce avec vous, mais ayez du moins l’amabilité d’en finir avec l’I. C. » La social-démocratie dit : «Mais permettez, nos sympathies ont toujours été pour votre tentative magnifique d’édifier le socialisme. Ayez seulement l’amabilité de ne pas transplanter les méthodes communistes et despotiques, ces maladies infectieuses, dans nos pays ! »
Que signifie cela ? Ou bien donnez à « vos » partis communistes la directive d’arrêter leur travail, ou bien finissez-en immédiatement avec l’I. C. Tout revient à cela. Il est maintenant très difficile d’insulter franchement l’U. S., car l’opinion des masses n’est guère propice à cette « tactique ». C’est pourquoi ils font de l’œil à l’Union Soviétique. Mais, de l’autre côté, ils s’attaquent en même temps de toutes leurs forces aux communistes. Ainsi, la signification de cette manœuvre devient très visible.
Une autre circonstance très intéressante : ces derniers temps, les social-démocrates ont essayé d’allécher l’I. C. Nous avons reçu une lettre du Parti travailliste indépendant d’Angleterre nous demandant si l’on ne pouvait pas fusionner la IIe et la IIIe
Internationales (ces gens font semblant de ne pas comprendre que les communistes ne pourront jamais approuver l’unité avec les traîtres). Le président du Reichstag, le social-démocrate Loebe, a fait une déclaration dans laquelle il exprimait à peu près ce que dit le Vorwaerts lui aussi, à savoir que l’Union Soviétique représente une tentative socialiste, que les ouvriers allemands l’entreprendront aussi, seulement avec d’autres méthodes. En Autriche. Otto Bauer également a fait un discours du même genre, etc.
Il va de soi que le parti communiste doit répondre à cette manœuvre par un renforcement de sa lutte contre la social-démocratie, car, je le répète, le sens fondamental de cette manœuvre est qu’elle n’est qu’une répétition de la manœuvre capitaliste. Ceci est d’autant plus nécessaire que les social-démocrates répandent les mensonges les plus crapuleux sur l’Union Soviétique, que leur «sympathie» pour l’Union Soviétique n’est qu’hypocrisie de a jusqu’à z.
Figurons-nous que, en cas de guerre, l’Allemagne se trouve du côté de nos ennemis (ce qui est le plus probable). Que fera alors la social-démocratie allemande ? De son attitude, il résulte qu’elle doit défendre la « démocratie » de Hindenburg contre les « méthodes despotiques » du bolchévisme. C’est évident. De ce point de vue, tout bavardage sur la sympathie pour l’Union Soviétique n’est qu’une duperie manifeste et maligne vis-à-vis des masses. Dans la question de la guerre, les chefs de la social-démocratie déguiseront leur politique antisoviétique, selon toute probabilité, avec des « théories » démocratiques. Ils diront : « Il existe une organisation mondiale, la Société des Nations qui, il est vrai, a encore certains défauts, qui n’est pas encore très démocratique, mais que « nous » pouvons démocratiser et qui incarne la volonté des peuples d’une paix réelle, etc. ; cette oligarchie asiatique et despotique des bolchéviks, qui, comme l’affirment Trotski, Smilga et Zinoviev euxmêmes, est pourrie, dégénérée, etc., ne veut pas se soumettre à la S. d. N. Qui faut-il soutenir ? La paix des peuples incarnée par la S. d. N. ou bien l’oligarchie pourrie de l’Union Soviétique ? »
C ’est ainsi qu’ils marcheront, la conscience « tranquille », contre nous. Il est hors de doute qu’ils se heurteront à la résistance de « leurs » propres ouvriers. Mais toutes leurs conceptions sur l’Etat capitaliste sont une arme de la contre- révolution dans sa lutte contre le socialisme, tant à l’intérieur du pays que dans le domaine de la politique internationale. Cette conception entre de plus en plus en opposition flagrante avec la conception de la classe ouvrière elle-même, dont jamais encore les sympathies pour l’U. S. n’ont été aussi vives, parmi laquelle jamais l’Union Soviétique n’a été aussi populaire que précisément maintenant. L’Internationale Communiste, à sa dernière séance plénière, a posé la question de la guerre d’une façon très précise et a élaboré des thèses importantes sur le danger de guerre. Comme mot d’ordre principal pour le moment actuel, nous n’avons pas accepté le mot d’ordre :
« La paix ! », mais celui de : « Défense de l’U. S. ! Défense des révolutions russe et chinoise ! » Pas de mot d’ordre pacifiste, de paix abstraite, mais des mots d’ordre concrets, de lutte active. Notre mot d’ordre pour les soldats des armées impérialistes ne s’épuise pas dans le fait qu’il est un mot d’ordre défaitiste, par rapport à la « propre » patrie : nous avons lancé également le mot d’ordre du passage direct des armées ennemies à l’armée rouge, étant donné qu’il s’agit de la lutte entre les Etats impérialistes et l’Union Soviétique, le pays de la dictature de la classe ouvrière. Nous avons élaboré des directives détaillées sur le travail des partis communistes dans ce domaine et nous sommes certains que, cette fois-ci, les partis communistes réussiront à entraîner de grandes masses de la classe ouvrière si la bourgeoisie se risquait à attaquer l’Union Soviétique. Et c’est précisément dans cette question des préparatifs d’action — ces préparatifs doivent déjà être entamés, ils ont déjà commencé, ils progressent systématiquement, ils doivent être poursuivis — qu’il y a eu et qu’il y aura dans l’avenir, avec les social-démocrates, des luttes très acharnées du fait que, par suite de toutes leurs conceptions, par suite de toutes leurs théories et de toute leur pratique, ils défendent le régime capitaliste et appartiennent ainsi aux plus grands obstacles que nous aurons à surmonter
VII. La lutte pour les masses et la tactique du front unique[modifier le wikicode]
Ces derniers temps, s’est opéré, dans la classe ouvrière européenne, un regroupement dont il résulte qu’aussi bien nous autres, les communistes, qu’également la social-démocratie sommes en progrès.
Quelles sont les racines de l’influence de la social-démocratie ? Les racines de l’influence de la social-démocratie sont actuellement la stabilisation de capitalisme; son influence est ancrée dans la couche des employés et de l’aristocratie ouvrière (surtout dans les branches industrielles trustifiées), dans l’espoir ranimé périodiquement d’un essor et de l’élargissement de « leur propre » industrie capitaliste, dans la duperie pacifiste de la social-démocratie et, enfin, dans le simulacre d’opposition des social-démocrates.
Les racines de l’influence du communisme reposent dans les contradictions de la stabilisation, dans le danger des guerres futures en général et de la guerre contre l’Union Soviétique en particulier et, enfin, dans le virement à droite des chefs social-démocrates.
Ce processus nous place devant un problème extrêmement ardu : devons-nous continuer à pratiquer la tactique du front unique, exactement de la même façon, sans y modifier quoi que ce soit, devons-nous appliquer cette tactique, dans les conditions actuelles, exactement de la même façon qu’il y a deux ans ? Ou faut-il changer de ton, mettre l’accent sur une autre place et tirer des conclusions déterminées des différents regroupements au sein de la classe ouvrière ? Nous sommes d’avis qu’il est nécessaire de mettre l’accent sur une autre place. [Interruption : « Très juste ! »] Et ces nouveaux accents se trouvent sur la ligne d’une lutte accentuée contre les chefs social-démocrates et contre l’internationale d’Amsterdam.
C’est pourquoi la particularité de la tactique du front unique dans l’époque actuelle est l’application résolue de la tactique du front unique par en bas. C’est ici que doit se trouver le centre de gravité de notre travail. La base en est donnée dans le mouvement ouvrier. Pour des combinaisons de front unique par en haut, la base se trouve actuellement beaucoup plus rétrécie qu’autrefois, les chefs s’étant davantage encore orientés à droite en dépit de certains artifices « de gauche ». La ligne générale dans la tactique du front unique doit consister actuellement à nous concentrer encore davantage: qu’autrefois sur la masse des adhérents des partis social-démocrates et à diriger notre tactique précisément en cette direction.
La tactique du front unique se développe et doit être poussée dans les différentes directions. Dans, le domaine de la lutte contre le danger de guerre, le problème est aussi de mener une lutte accentuée contre la social-démocratie et avant tout contre le pacifisme qui représente une menace réelle du fait qu’il exerce encore une grande influence sur la classe ouvrière. Pour cela, il faut développer la campagne pour le soutien à l’Union Soviétique, travailler dans les organisations sans-parti, de masses, de tout genre ; profiter des succès du dernier Congrès des Amis de l’Union Soviétique; travailler dans les organisations comme la Ligue anti-impérialiste; organiser des congrès nationaux partout où cela est possible, en vue de la défense et du soutien de l’Union Soviétique ; profiter de l’intervention diplomatique actuelle de l’Union Soviétique à Genève dirigeant ses coups contre le pacifisme. Telle est notre tâche primordiale. L’organisation de conférences, de congrès, de comités d’action, de sans- parti, si c’est nécessaire, c’est-à-dire si la situation devient plus tendue, — tout cela fait partie du grand programme de notre tactique de front unique.
Dans cette nouvelle situation, il nous faut avant tout fixer une ligne pour notre travail dans les syndicats. Vous savez que, dans une série de partis communistes, nous avons non seulement des défauts à enregistrer, en ce sens que nous travaillons encore mal dans les syndicats, mais que fréquemment un autre défaut s’y ajoute : nos camarades ignorent quel aspect doit prendre le travail communiste dans les syndicats, ce qu’il faut mettre à l’avant-plan et ce qui doit servir de point central pour notre activité dans les syndicats réactionnaires. Il me semble, camarades, que tout ce que je viens de vous dire, ressort :avec une netteté absolue que la conduite communiste doit être telle qu’elle soit dirigée contre l’idée de l’harmonie des classes ,contre toute l’idylle contre-révolutionnaire de la social-démocratie, contre la politique de la « paix industrielle ».
Notre attitude est celle de la lutte de classe renforcée contre le capital des trusts, contre toute collaboration avec le capital, contre une politique des comités d’entreprises qui attire tout d’abord ceux-ci et, par leur intermédiaire, la classe ouvrière à la construction du capitalisme, contre les contrats imposés par l’arbitrage obligatoire, contre tout ce qui lie les mains à la classe ouvrière, pour les grèves, pour l’élargissement de la lutte de classe, pour une position intransigeante de la question des salaires, du chômage, de la journée de travail, de l’approfondissement des grèves, contre toute tendance de paix industrielle et contre tous les mots d’ordre pouvant faire croire que nous sommes à la remorque de la social-démocratie.
En passant, je tiens à remarquer ici qu’il est absolument faux, comme certains camarades — ils ne sont pas très nombreux — ont voulu le faire, de lancer le mot d’ordre du « contrôle de la production », et cela comme mot d’ordre devant résumer tout notre travail syndical. C’est une fausse conception. Dans une situation révolutionnaire, le mot d’ordre du contrôle de la production par les ouvriers est juste, si ce mot d’ordre s’élargit en mot d’ordre de « l’occupation des usines», etc. Quand une telle situation directement révolutionnaire n’est pas donnée, ce mot d’ordre a toujours un certain goût, comme s’il était emprunté à l’opérette de la « démocratie économique » ou à l’opéra « de la prise révolutionnaire des usines ». Ce mot d’ordre est faux ! Ni la nationalisation en régime capitaliste, ni la communalisation ou la transition des mains du capital privé aux mains de l’Etat, ni le mot d’ordre du contrôle ouvrier, ni tout ce complexe de mots d’ordre d’Etat capitaliste ne sont acceptables du point de vue de l’I. C. C’est ainsi que le IIIe Congrès, qui s’est tenu sous la direction de Lénine, a posé la question. Ces mots d’ordre ne valent rien pour nous.
Du point de vue d’organisation, la physionomie de nos partis doit être telle, qu’en face de la croissance des organisations patronales extrêmement puissantes, nous devons exiger avant tout l’union des syndicats d’après les régions de production, ainsi que leur union en cartels syndicaux, correspondants, etc. En rapport avec cela, nous devons attirer notre attention également sur un renforcement énergique du travail dans les syndicats, les syndicats étant les « courroies de transmission » les plus, importantes de la social-démocratie et leur citadelle capitale. Nous devons diriger notre attention sur le renforcement des syndicats rouges, de nos propres organisations, là où elles existent. Nous devons concentrer notre attention à organiser les inorganisés et à travailler parmi les ouvriers non syndiqués. Même dans des pays comme la France et la Tchécoslovaquie, il y a encore beaucoup de ces ouvriers, ils représentent un réservoir encore intact pour ce travail. De même en Allemagne. C’est dans ce domaine que nous devons renforcer notre activité, de toutes nos forces.
Nous devons accentuer davantage la lutte pour l’unité internationale du mouvement syndical; il est de notre devoir de renforcer le travail de l’Internationale Syndicale Rouge et de régler les rapports entre le C. C. S. U. S. et l’I. S. R. Camarades, nous ne devons pas oublier que, sous ce rapport, nous disposons de quelques expériences et que nous pouvons atteindre pas mal de résultats.
Les opportunistes anglais ont fait sauter le Comité anglo-russe. A ce propos. Kaméniev a dit ceci : « Le Comité anglo-russe est mort « d’une mort honteuse », et c’est vous qui en êtes coupables. » Eh bien ! si nous l’avions détruit pendant la grève anglaise, aurait-ce été plus honorable ? Je ne peux absolument pas comprendre cela. En raisonnant comme le fait Kaméniev, cela signifie partir des espoirs de Zinoviev selon lesquels on pouvait, à l’aide du Comité anglo-russe « vaincre le réformisme en Europe ».
Nous nous sommes déjà émoussés les dents sur cette question. Je ne vais donc pas entrer dans les détails, Je veux seulement, en passant, dire en quelques mots que, puisque la rupture s’est faite sur des questions posées de la façon la plus aiguë, sur la question du mouvement international, sur la question de la guerre, et puisque la honte de la rupture retombe entièrement sur les Anglais, cette situation peut nous servir maintenant de plate-forme pour les démasquer pour de nombreux mois, sinon pour des années. Car c’est précisément à propos de la question la plus importante, intéressant la classe ouvrière de tous les pays, à propos de la question de la guerre, que fut rompu le Comité anglo-russe. Mais, camarades, faut-il laisser tomber la question de l’unité du front syndical, parce que le Comité anglo-russe a sauté ?
Naturellement, non. Nous devons mettre en mouvement d’autres moyens et d’autres leviers. Nous devons employer tous les moyens pour renforcer l’I. S. R. et intensifier le travail des syndicats soviétiques afin que les syndicats de l’Union Soviétique, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’I. S. R., puissent travailler et contribuer de leur côté à renforcer l’I. S. R. Nous devons conclure des traités « d’amitié politique » avec d’autres syndicats, mais, en faisant cela, ne jamais perdre de vue que le point le plus important c’est la base et notre travail pour rassembler les masses.
Dans toute une série de pays, nous avons des groupes d’unité, mais ces groupes d’unité n’ont aucune liaison entre eux, ils n’ont aucune direction centrale et chacun travaille pour son compte. Ce n’est pas là une situation normale et nous devons la faire cesser. Nous avons maintenant des liaisons dans toute une série de syndicats des pays orientaux. Le renforcement de la lutte internationale sur la ligne du travail ressort de la situation qui s’est formée. C’est ce que nous dicte avant tout la situation internationale, et le congrès du parti doit attacher une attention particulière à cette circonstance.
Enfin, camarades, il nous faut tirer certaines conclusions pour les luttes électorales qui vont se dérouler.
Comme je le disais tout à l’heure, nous allons avoir toute une série de campagnes électorales en Angleterre, en France, en Allemagne et en Pologne. La question de la lutte pour le front unique se pose devant nous. Devons-nous, en présence de la situation internationale et des conditions particulières du moment actuel, entreprendre des changements dans notre lutte et dans notre attitude vis-à-vis des partis bourgeois de gauche et des partis socialistes, etc. L’idée que, en présence des complications de la situation internationale de l’Union Soviétique, nous devons aborder les partis social-démocrates avec davantage de modestie pourrait venir à l’idée. Mais de toute l’analyse que j’ai donnée plus haut, il ressort que toute notre campagne électorale doit être utilisée, que toutes nos forces doivent être mises en œuvre pour montrer que le parti communiste est le seul parti révolutionnaire de la classe ouvrière.
Prenez, par exemple, l’Angleterre. Là-bas, les conservateurs luttent avec une ardeur qui touche à la folie. Une alliance entre le parti libéral et le parti travailliste opportuniste n’est pas exclue. Dans toute une série de questions importantes, le parti travailliste a capitulé devant son partenaire bourgeois.
Quelques camarades anglais s’appuient sur le fait que Lénine a écrit, dans la Maladie infantile, qu’il était nécessaire de pousser le parti ouvrier au pouvoir (soit dit en passant, on commet une grande faute quand on s’imagine que Lénine se représentait la chose comme si nous devions voter pour le parti travailliste et rien de plus; Ce n’est pas du tout cela. Il proposait un compromis, une répartition des mandats, etc.). Mais, maintenant, il ne s’agit plus de discuter avec les arguments de Lénine, parce que la situation a changé. On peut maintenant à peine dire que nous devons pousser le parti travailliste au pouvoir, car le parti travailliste a déjà été au pouvoir. Quand Lénine disait cela, il avait surtout en vue que cela pouvait nous être utile pour arriver de cette manière à mieux le démasquer. Mais, nous ne devons pas passer sur les choses qui appartiennent au passé, au contraire.
Nous devons démasquer de toutes nos forces les chefs du parti travailliste pour leur attitude de trahison dans des questions comme la lutte des mineurs, la révolution chinoise, la question de l’Union Soviétique et celle de la loi antisyndicale. Le mot d’ordre et l’orientation tactique qui correspondaient à une situation passée peuvent ne plus s’adapter à une situation entièrement différente, et les appliquer ne signifie pas du tout rester fidèle à l’héritage de Lénine, mais, au contraire, ne rien comprendre à la tactique léniniste. Nous devons maintenant prendre une ligne tactique qui nous permette de dresser dans une série de localités nos propres candidats contre les candidats du parti ouvrier, intervenir comme un parti indépendant, qui possède sa propre figure, démasquer de toutes nos forces les chefs du parti ouvrier.
La France. — En France, les choses sont ainsi : continuation ou chute du cabinet Poincaré. On pourrait également, ici encore, prendre l’orientation suivante : ne serait-il pas nécessaire de soutenir le Cartel des Gauches, parce qu’un gouvernement conservateur renferme de nombreux dangers à l’égard de l’Union Soviétique ? Une telle orientation serait fausse.
Nous devons, au contraire, préparer notre parti français à des combats bien réglés. Il n’a encore pour ainsi dire jamais vu le feu. Maintenant, il va marcher au feu. Il est à la veille de luttes sérieuses, surtout en cas de conflit grave et nous devons mener les élections prochaines en France de telle façon que le Parti communiste français montre à toute la classe ouvrière qu’il y a, d’un côté, la bourgeoisie et ses laquais socialistes et, de l’autre côté de la barricade, le parti communiste, seul parti révolutionnaire de la classe ouvrière. Il va de soi que des propositions pour la formation du front unique et, en différents cas, pour le soutien des candidats socialistes ne sont pas exclues, au cas où nous ferions sans cela élire des candidats réactionnaires, Mais ce serait, par exemple, une faute que de voter pour un bourgeois de gauche. Cela ne peut plus maintenant nous être permis.
En Allemagne, nous serons aussi obligés de démasquer la social-démocratie, qui se prépare à la grande coalition.
Eu Pologne, nous ne devons plus nous adresser, dans nos propositions de front unique, aux chefs du P. S. P Je pense qu’il ne peut plus s’agir en Pologne de s’adresser à ces adhérents fidèles de Pilsudski, dans l’esprit desquels il n’y a plus un atome qui soit prolétarien. (Applaudissements.) Nous devons nous tourner vers les larges masses des membres du P. S. P. Ainsi, nous devons maintenant porter le maximum de nos efforts dans l’application du front unique sur les masses des membres, intensifier notre lutte contre la social-démocratie et surtout contre les soi-disant chefs social-démocrates de gauche. Nous devons orienter toute notre agitation de la classe ouvrière, avec les grandes questions de la politique, en particulier avec la question de la guerre, et amener les masses au mot d’ordre central, au mot d’ordre de la dictature de la classe ouvrière.
VIII. La question coloniale et l’Internationale Communiste[modifier le wikicode]
Le monde capitaliste, aujourd’hui surtout, a fortement besoin de marchés. La question d’une nouvelle répartition des colonies se repose d’une façon aiguë. Cela signifie que la crise de l’économie capitaliste mondiale trouve son expression la plus violente dans l’économie capitaliste mondiale sur le domaine des colonies. Toute une série d’insurrections coloniales, révoltes en Syrie, mouvements en Egypte, révoltes au Maroc, la grande insurrection des Indes hollandaises (Indonésie), la tension continue aux Indes et, enfin, la grande révolution en Chine, tout cela réuni pose devant le monde capitaliste, avec une violence particulière, la question des colonies.
Il faut citer encore ici toute une série de conflits et [façon à lier les questions de revendications quotidiennes de – ligne interpolée ?] de contradictions entre les puissants pays capitalistes et les pays semi-coloniaux qui sont l’objet d’une politique coloniale de la part des grandes puissances capitalistes. En particulier, il y a eu, dans la dernière période, une série de conflits et de contradictions de cette sorte entre les Etats-Unis d’Amérique, d’une part, le Mexique, le Nicaragua et tous les pays de l’Amérique latine, d’autre part. Coolidge, président des Etats-Unis, a cru bon de souligner le rôle particulièrement pacifiste des Etats-Unis. Ce rôle consiste surtout dans le fait que les Etats-Unis oppriment, les armes à la main, et par toutes sortes de méthodes, les tentatives de libération des pays de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud.
On sait qu’à l’époque de la guerre, il y a eu, dans le parti, toute une série de camarades, en particulier ceux qui étaient venus à notre parti en quittant d’autres camps, qui, au contraire de Lénine, pensaient que nous devions mener, dans les pays où l’impérialisme pratique l’oppression coloniale, à peu près la même politique que dans les pays impérialistes.
Pendant la guerre, Radek publia un article sur l’insurrection en Irlande, où il constatait, qu’à la tête de cette insurrection, se trouvait, non pas le prolétariat, mais la bourgeoisie (une partie de la bourgeoisie irlandaise), et il déclarait que cette insurrection était une chose qui ne nous touchait pas. Lénine se tourna de la façon la plus vive contre ce point de vue et déclara que, renoncer à soutenir les insurrections libératrices nationales de cette sorte, s’était apporter une aide directe à l’impérialisme des nations dirigeantes. Au fond, Radek montrait alors ce qu’on peut appeler à bon droit une déviation social-démocrate dans la question nationale, parce que le point de vue de la social-démocratie, c’est justement de renoncer à soutenir les mouvements nationaux et révolutionnaires coloniaux sous prétexte que fréquemment, en particulier dans leur premier stade de développement, ce n’est pas la classe ouvrière qui est à leur tête et que, par conséquent, des révolutionnaires prolétariens n’ont rien à faire avec ces mouvements nationaux bourgeois.
Dans une polémique contre Piatakov, qui signait alors sous le pseudonyme de Kijevski,
Lénine apporte toute une série d’arguments contre les conceptions de Piatakov qui avait affirmé, qu’à l’époque de l’impérialisme, on ne peut parler nulle part de communauté d’intérêts nationaux, que le mot d’ordre du droit des nations à disposer d’elles-mêmes est une reconnaissance du droit de la défense nationale dans son ensemble, et que le point de vue présenté par Lénine ne marquait rien d’autre que la création d’un bloc national entre le prolétariat et la bourgeoisie et que ce point de vue dans son essence conduisait au socialpatriotisme. Piatakov pensait qu’on ne peut jamais marcher avec la bourgeoisie, qu’on ne peut jamais soutenir un bloc national d’ensemble, que cela signifierait le développement de la haine nationale, non de la haine entre les classes, mais de la haine entre les nations et que l’on ne pouvait agir ainsi, car, mener une sorte de politique dans les pays de l’impérialisme et une autre sorte de politique dans les pays opprimés, c’était, comme il disait alors dans son langage philosophique, ruiner le « monisme » (c’est-à-dire l’unité) de notre politique. Lénine luttait contre cela. Il disait :
« Si les soulèvements nationaux sont impossibles à l’époque de l’impérialisme, P. Kijevski n’a pas le droit d’en parler. S’ils sont possibles, toutes ces phrases, qui n’en finissent plus sur le « monisme », se réduisent elles-mêmes en poussière en face du fait que nous avons des exemples de libre disposition sous l’impérialisme. P. Kijevski se bat lui-même.
« Si nous nous opposons activement à la répression d’une insurrection nationale, un cas que P. Kijevski lui-même veut bien reconnaître pour possible, qu’est-ce que cela signifie ? » (Œuvres de Lénine, tome XIII, p. 371.)
Lénine répond à cette question de savoir ce que cela signifie de la façon suivante :
« Cela signifie qu’il en résulte une double action, une « action dualiste », si l’on veut employer sans qu’il en soit besoin les expressions philosophiques, comme le fait P. Kijevski. D’abord, une action du prolétariat et de la paysannerie nationalement opprimés avec la bourgeoisie nationale opprimée contre la nation qui les opprime; 2° une action du prolétariat ou de sa partie consciente dans la nation qui opprime contre la bourgeoisie et contre tous les éléments de la nation impérialiste qui marchent avec elle. » (Tome XIII, pages 371 et 372.)
Cette formule est extraordinairement caractéristique. Si nous nous reportons à. la Chine dans la première phase du développement de la révolution chinoise, que voyons-nous ? En Chine, il était de fait que la bourgeoisie nationale menait une lutte active contre l’impérialisme britannique. Quelle tactique devions-nous appliquer, suivant la formule de Lénine. Une tactique orientée sur une « action dualiste ». Dans les pays de l’impérialisme, par exemple, en Angleterre, le prolétariat doit intervenir , contre sa propre bourgeoisie, la bourgeoisie britannique. Dans le pays opprimé, en Chine, selon cette formule, une action du prolétariat et de la paysannerie opprimés nationalement avec la bourgeoisie opprimée nationalement est nécessaire.
Ainsi, lorsque l’opposition affirme que Lénine a toujours et dans toutes les conditions condamné une action commune du prolétariat opprimé nationalement avec la bourgeoisie opprimée nationalement et que c’est là une tactique menchéviste, ces affirmations de l’opposition, en fait, n’ont rien de commun avec la façon léniniste de poser la question. Lénine disait au contraire exactement que, dans certaines conditions, il était nécessaire de marcher avec la bourgeoisie des Etats nationalement opprimés. Lénine écrivait ce qui suit, et c’est là un coup de poing en pleine figure de l’argumentation de notre opposition :
« La suite infinie de phrases contre le bloc national, contre les illusions nationales, contre le poison du nationalisme, contre le déchaînement de la haine nationale et une grande quantité d’autres encore, dont P. Kijevski aime à se servir, s’est avérée comme une suite de non sens, car, lorsque l’auteur conseille au prolétariat des pays oppresseurs (n’oublions pas que notre auteur voit dans ce prolétariat une force sérieuse) de s’opposer activement à la répression des insurrections nationales, il développe lui-même la haine nationale, il soutient lui-même le bloc avec la bourgeoisie que doiventfaire les ouvriers des pays opprimés. » (Tome XIII, page 372).
Ainsi, Lénine, non seulement concède la possibilité et l’utilité de marcher à certains degrés du développement, avec la bourgeoisie nationalement opprimée, mais il parle de la possibilité de la répression d’un bloc avec la bourgeoisie des pays opprimés. On comprend parfaitement que cela n’est pas une formule générale sacramentelle valable pour toutes les étapes et pour toutes les périodes, même des révolutions coloniales. Cela va de soi. Lénine, lorsqu’il parlait de la possibilité d’un bloc avec la bourgeoisie, mettait à ce bloc toute une série de conditions. A d’autres places de ces œuvres que nous avons citées, à de nombreuses reprises, il a formulé exactement ces conditions. Ce sont les conditions d’une lutte objective de la bourgeoisie nationale révolutionnaire contre l’impérialisme d’abord ; c’est ensuite la condition de la liberté objective de la bourgeoisie nationale révolutionnaire contre nerie [ligne répétée et mastic] et de notre parti sur la base de la tactique révolutionnaire, du programme révolutionnaire, des actions révolutionnaires.
Quand ces conditions existent, ce que dit Lénine entre en valeur. Si ces conditions n’existent pas, il s’agit d’autre chose, d’une autre composition de classes, d’un autre rapport entre les classes, d’une autre ligne tactique C’est ainsi que l’on doit poser la question. Et si nous tenons compte qu’une grande révolution comme la révolution chinoise qui a fait traiter chez nous toute une série de questions importantes et fondamentales de la politique coloniale, dure depuis des années, il est tout à fait naturel que nous ayons, au cours du développement de cette révolution, différentes, transformations dans le groupement des forces, différentes transformations dans le groupement des classes et par conséquent différentes orientations tactiques du parti communiste et de la classe ouvrière. Il me paraît que ces conditions préliminaires importantes sont maintenant suffisamment éclairées et qu’on peut dire en toute justesse que l’argumentation de fond apportée par l’opposition contre la tactique de notre parti et contre l’internationale ne résiste pas du tout à la critique. C’est là un retour aux points de vue de Radek et de Piatakov dans le passé et pas du tout du léninisme à 100 % comme cherchent à l’affirmer nos « amis » de l’opposition.
C’est tout à fait clair, justement parce que nous avons remarqué que nos opposants, lorsqu’ils étaient membres du bureau politique et lorsque toutes ces questions se posaient au stade passé du développement de la révolution chinoise, n’élevèrent jamais la voix contre cette tactique, que Zinoviev par exemple, qui était président de la commission chinoise, n’a jamais rien dit, jamais fait la moindre objection, mais qu’il a toujours voté pour que nous accordions notre soutien complet à la bourgeoisie nationale révolutionnaire,
Maintenant, nous avons une autre étape. La bourgeoisie est depuis longtemps déjà passée dans le camp de la contre-révolution. Maintenant, le regroupement des forces de classe est tout à fait autre. Maintenant, il ne peut plus s’agir que de la lutte de la classe ouvrière, de la paysannerie et d’une partie de la petite-bourgeoisie des villes contre les forces communes de l’impérialisme étranger, des féodaux et de la bourgeoisie nationale, devenue force contrerévolutionnaire. La bourgeoisie a joui pendant une certaine période du soutien de la petitebourgeoisie des villes et même du soutien de la paysannerie et du prolétariat. Mais cette composition des forces a provoqué le développement d’un mouvement agraire si puissant, d’un mouvement de la classe ouvrière si puissant que la bourgeoisie effrayée est passée ouvertement au camp de la contre-révolution et doit suivre inévitablement la route de compromis, plus ou moins grands avec l’impérialisme. Attardons-nous quelque peu à la situation actuelle en Chine.
La révolution chinoise n’est pas morte. Elle peut même, à ce qu’il paraît, provoquer une situation où nous nous trouvions dans toute vraisemblance à la veille d’une nouvelle et grande vague révolutionnaire, en Chine, d’une nouvelle vague révolutionnaire qui se place déjà sur une autre base, avec d’autres forces de classe, ou, pour parler concrètement, avec de nouvelles actions de la classe ouvrière et de la paysannerie. Cette vraisemblance d’une nouvelle explosion nous est fournie par la situation qui s’est formée actuellement en Chine. D’abord quelques mots sur l’impérialisme. L’impérialisme est-il parvenu à mettre la Chine en esclavage ? Est-ce qu’il a pu résoudre à sa volonté, à la manière, impérialiste, la question chinoise ? Est-il arrivé à faire cesser les mouvements anti-impérialistes ? Il suffit de poser ainsi la question pour que la réponse soit donnée d’elle-même. Il n’est pas arrivé à détruire la révolution chinoise.
Sans doute les impérialistes ont pris des points stratégiques et économiques extrêmement importants et ils ont remporté certains succès. Les Anglais se sont emparés à nouveau de leurs concessions de Hankéou malgré l’accord passé entre le représentant britannique O’Maley avec l’ancien représentant du gouvernement de Wouhan, Eugène Chen. Le Japon est parvenu en silence à conquérir la Mandchourie et la Mongolie extérieure et il s’y est extraordinairement renforcé.
Il m’apparaît que de tous les groupements impérialistes c’est justement le Japon qui a fait en Chine les plus grandes conquêtes. Le Japon a une attitude extraordinairement prudente, sa diplomatie parle très peu, il fait extraordinairement peu de gestes à effet, mais c’est lui qui, en réalité, retire de Chine le plus grand butin.
Malgré tout cela, on peut affirmer que les impérialistes ne sont pas arrivés à résoudre le problème de toute la Chine. Ils sont toujours en Chine comme une force hostile. Ils ont partagé la Chine, en morceaux, ils ont là-bas leur flotte, ils ont occupé une partie des localités, mais on ne peut pas dire que le pays soit pacifié, même par les méthodes impérialistes, on ne peut pas dire qu’ils aient brisé les reins à la révolution chinoise.
En ce qui concerne le Parti communiste allemand, la cause de ses faiblesses est toujours sa liaison insuffisante avec les masses, bien qu’on puisse ici témoigner d’une série de succès. La vie intérieure du Parti communiste allemand est en train de se consolider. Ce qu’on appelle le groupe de droite a actuellement moins d’influence qu’autrefois. Il est caractéristique, qu’à la Conférence des syndiqués communistes, qui a eu lieu récemment, il n’y eût qu’une seule voix pour demander que l’on mène, à l’égard des social-démocrates, une politique moins violente et cela particulièrement dans les syndicats. Cette voix est restée absolument sans écho et les camarades qui assistaient à cette conférence, l’ont rejetée énergiquement. De même, les autres propositions témoignant d’une déviation de droite, le mot d’ordre du contrôle de la production, etc., etc..., n’ont pas trouvé non plus la moindre sympathie dans les rangs du parti communiste allemand, mais ont été, au contraire, absolument désapprouvées.
En ce qui concerne l’opposition d’extrême-gauche, sa partie qui se trouve en dehors de notre Parti communiste allemand est le germe d’un autre parti qui forme une filiale de l’opposition trotskiste en Union Soviétique. Je ne veux pas m’attarder plus longtemps sur cette question parce que les citations des productions de Korsch, Katz, Maslow et Ruth Fischer sont tombées sur votre tête au cours de la dernière discussion comme si on les avait fait sortir d’une corne d’abondance. Mais je veux pourtant vous apporter une citation du dernier numéro de l’organe de Maslow qui est en même temps l’organe central de notre opposition trotskiste. Je ne veux pas faire de citations sur la célèbre dégénérescence ou sur le bonapartisme, etc., etc..., parce que vous savez bien que l’on peut trouver ces insolences dans tous les numéros de l’organe trotskiste. Je disais à une des dernières séances plénières du Comité central que l’organe de Maslow et de Trotski ne craignait même pas de dénoncer des collaborateurs illégaux de l’Internationale Communiste. Zinoviev, pour essayer de se disculper, a dit qu’on n’a pas touché à un seul cheveu de ce camarade ; sans doute, mais ce ne fut pas de la faute de Zinoviev, car ce camarade aurait fort bien pu être mis dedans.
Le dernier numéro de cet organe de l’opposition contient une appréciation de la politique extérieure de l’Union Soviétique. Sous la direction de Lénine, nous avons fait depuis toujours la proposition d’un désarmement général. Vous savez tous que notre politique dans cette question n’est pas faite de poudre nouvelle, mais qu’elle n’est que la suite conséquente de la politique que suivait notre parti sous la direction de Lénine. Savez-vous, par contre, ce que rapportent MM. Maslow, Trotski et Cie, sur l’intervention de Litvinov à Genève ? Ecoutez :
« Cette salade n’a rien à faire avec le marxisme. Le vieux conte avec lequel on arrivera de cette manière à démasquer les impérialistes dans la période des armements de guerre et de la fièvre qu’ils provoquent, n’est pas seulement imbécile, mais il est tout simplement traître. » (Fahne des Kommunismus, 1927, N° 38.)
C’est ce qu’écrit l’organe central des trotskistes sur l’intervention de Litvinov à Genève. Vous vous demandez ce que c’est ? Une bêtise ? Non, c’est beaucoup plus qu’une bêtise. C’est un autre aspect de la même tactique que prêchait à Moscou, dans la question de la guerre, le Dr Rakovski et que prêchait, dans Prague dorée, le pensif Dr Pollak. Cela fait également partie de la stratégie intelligente de ces chefs de l’armée des malédictions qui se sont engagés dans une impasse, mais qui sont prêts à courir, la tête en avant, contre le mur de pierre de notre parti, rien que pour avoir la possibilité d’amener tout notre pays prolétarien dans la même impasse et de lui assurer ainsi une défaite technique militaire, ce qui, traduit en langage oppositionnel, signifie une grande victoire. (Rires.) C’est là la plate-forme de l’opposition avec laquelle elle pense contenter la classe ouvrière.
Je ne parlerai pas du Parti communiste de Chine, car j’ai déjà traité cette question et, d’autre part, les camarades connaissent déjà suffisamment ce parti par les matériaux qui ont été publiés. Il a joué, dans toute la période avant et pendant notre discussion, un rôle capital. Je dois dire quelques mots sur les partis communistes du Japon et de Pologne.
Le parti japonais est extrêmement petit, bien que nous ayons déjà au Japon une base objective pour le travail et la formation d’un véritable parti communiste de masses, malgré les terribles poursuites policières que le gouvernement fait pleuvoir sur la tête des communistes. Ce parti, qui travaille dans des conditions extrêmement difficiles, nous montre quelles idées ridicules peuvent s’implanter chez les communistes et bouleverser les problèmes du mouvement actuel qu’on laisse de côté. On peut également voir, dans ce parti, de quelle façon toute une série de produits idéologiques importés d’Occident peuvent, en route, se transformer en théories absolument particulières qui sont une entrave au mouvement. Telle est, par exemple, la théorie du camarade K..., qui a été pendant un long moment à la tête du parti. On peut résumer à peu près de la façon suivante cette théorie.
Selon Hegel, nous devons nous placer au point de vue du sujet au cours de son développement. C’est le prolétariat. Mais il doit se développer au milieu de contradictions. Ce qui signifie qu’il doit se scinder et se réunir à nouveau. Par conséquent, notre devoir consiste à faire continuellement des scissions pour nous réunir à nouveau. Lénine a dit autre chose dans son livre Que faire? Il a dit que la classe ouvrière ne pouvait se faire elle-même une idéologie socialiste et que, au premier stade de développement, les intellectuels apportaient cette idéologie au prolétariat, c’est-à-dire qu’il était nécessaire d’organiser des révolutionnaires professionnels, autrement dit des intellectuels révolutionnaires. Par conséquent, il faut former au Japon des groupes d’intellectuels marxistes et ne pas encore aller aux masses (alors qu’il y a déjà aujourd’hui au Japon un véritable mouvement die masses). C’est de cette façon que le camarade K... (qui a renoncé lui-même aujourd’hui aussi bien à la propagande de ses conceptions qu’à ses conceptions mêmes) s’était bâti, avec Hegel et Lénine, toute une théorie sectaire qui a entravé pendant une longue période le développement de tout le parti.
D’autre part, le cadre ouvrier du Parti communiste japonais sentait instinctivement que tout ce bric à brac théorique ne correspondait en aucune façon aux besoins actuels du mouvement de masse. C’est pourquoi la partie ouvrière du parti protesta instinctivement. Mais, chargée du sujet se développant lui-même et de tout un tas d’autres idioties, elle ne pouvait formuler sa théorie et quelques groupes tombèrent à l’autre extrémité et pour un peu, afin de se rapprocher des masses, ils auraient soutenu la nécessité de liquider le parti communiste comme parti indépendant du prolétariat japonais.
L’Internationale Communiste a aidé les camarades japonais à dominer leur malaise idéologique et politique et à se fixer une ligne politique exacte. S’ils arrivent à réaliser cette ligne, nous pouvons nous attendre à des succès importants pour le mouvement. Au Japon, nous avons aussi bien les conditions de la révolution agraire que les conditions de la révolution prolétarienne. Actuellement, les masses se mobilisent. Les organisations de masse des ouvriers et des paysans grandissent. Nous avons ainsi le terrain (tout prêt pour la transformation du Parti communiste japonais en un parti de masse révolutionnaire du prolétariat.
Nous avons eu, à l’Internationale Communiste, une peine infinie à surmonter les difficultés intérieures du parti polonais. Vous vous rappelez, camarades, que le Parti communiste polonais, tout entier, avec tous ses groupes et toutes ses fractions, commit, au moment du coup d’Etat de Pilsudski, une grande faute extrêmement opportuniste et que, lors du coup d’Etat de Pilsudski, il marcha derrière celui-ci. Non pas qu’il voulait le faire subjectivement, mais parce qu’il ne sut pas se tourner directement contre Pilsudski au moment où c’aurait été nécessaire. Je ne vous raconterai pas toutes les conceptions qui se sont fait jour lors de la discussion sur cette question. Dans l’ensemble, personne n’a cherché à justifier cette faute, aussi bien dans la conscience des larges masses des membres du parti que dans celle de la direction du parti. Le Comité exécutif de l’Internationale Communiste dut faire beaucoup d’efforts pour ramener une certaine tranquillité à l’intérieur du Parti communiste polonais et orienter l’attention du parti sur la solution des tâches les plus importantes qui attendent ce parti occupant un des postes les plus lourds en responsabilité qu’on puisse se représenter.
Le dernier congrès du parti a rétabli la ligne du parti dans le bon chemin et il a mis des bornes aux divergences d’opinions qui existaient, à l’intérieur du parti polonais et continuent à exister encore, malgré la résistance des fractions de droite et de gauche.
On peut cependant espérer que la lutte intérieure dans le parti s’apaisera peu à peu en présence des événements formidables qui nous attendent et des tâches colossales qui se posent en face du Parti communiste polonais.
Pour résumer tout ce travail, on peut voir une augmentation indubitable de l’influence politique de l’Internationale Communiste et de ses différentes sections, une montée des plus importantes sections européennes de l’Internationale et leur consolidation idéologique. Si nous demandons quelles sont les perspectives pour le développement des partis communistes, nous pouvons dire avec pleine certitude qu’il existe une base objective pour le développement ultérieur des partis communistes. En Europe, cette base, c’est la radicalisation de la classe ouvrière et l’aggravation incontestable de la lutte des classes. En Orient aussi, cette base pour notre développement existe, c’est surtout la renaissance et l’approfondissement de la grande révolution chinoise, le développement et l’aggravation des contradictions de classes et de la lutte contre l’impérialisme anglais aux Indes, la montée du mouvement révolutionnaire dans d’autres pays coloniaux et semi-coloniaux.
Nous pouvons compter que la base pour le développement de nos partis communistes et l’extension de leur influence politique s’élargira encore et que maintenant la question de la défense de l’Union Soviétique se pose dans toute son acuité. C’est pourquoi la célèbre thèse de l’opposition trotskiste sur l’arrêt du mouvement ouvrier correspond aussi peu à la réalité que sa thèse sur le crépuscule en ce qui concerne l’Union Soviétique. Battus et détruits par notre parti, nos oppositionnels s’attachent de toute leur force à l’Occident et ils ramassent, sans faire de différence, tous les éléments qui sont contre la véritable attitude léniniste. Ils mènent à l’heure actuelle, contre l’Union Soviétique, contre le P. C. de l’Union Soviétique et contre la direction de l’I. C., une campagne plus rageuse et plus empoisonnée encore que celle que mènent contre nous les social-démocrates. Il n’y a pas de saloperies que ces émissaires du trotskisme de guerre, qui se lient avec n’importe quel autre étranger et n’importe quel aventurier, pourvu qu’il marche sur la route de l’anti-bolchévisme, ne mettent sur le papier contre notre parti et contre l’Internationale Communiste.
Le parti trotskiste est sûrement, à l’heure actuelle, en train de se bâtir une Internationale. On ne sait encore quel numéro elle portera. C’est pour elle que Zinoviev écrivait ses 21 conditions, (transformant ainsi, à la manière de Trotski, les conditions échafaudées par Lénine. Le trotskisme« ramasse autour de lui des éléments qui ont plus de communauté avec le bouddhisme ou avec le très saint Père de Rome qu’avec les thèses de Lénine. Ces jours derniers, Henriette Rolland Holst abandonnait le Parti communiste de Hollande à cause de notre lutte contre l’opposition. Quelque temps auparavant, elle écrivait à ses camarades de lutte de Russie et elle les priait d’accorder aux camarades de l’opposition la liberté de défendre leurs conceptions, parce que la lutte pour la liberté est ce qu’il y a de plus important au monde. Elle faisait suivre cette lettre de l’argumentation suivante, très remarquable :
« ...Car la vérité du communisme, c’est sa justice et son humanité, et il n’y a pas de Marx, pas de Lénine, pas de Christ et pas de Dieu qui puisse nous dire cette vérité. Elle se cache dans l’équilibre entre la souffrance humaine et l’idéal humain. » (Rires.)
C’est là ce qu’écrit une camarade qui appartient aux militants les plus honnêtes du trotskisme. Elle place Marx et le Christ, Dieu et Lénine sur la même échelle, cherche la vérité du communisme, non dans l’analyse marxiste du développement social, mais dans l’équilibre de la souffrance humaine et c’est ainsi qu’elle défend le trotskisme. C’est vraiment trop remarquable. Cela va presque de soi dans la plate-forme des bolcheviks-léninistes. Peut-être, le docteur Pollack s’est-il servi de l’équilibre de la souffrance humaine pou bâtir sa tactique de la guerre d’agression… ?
Cette même camarade Rolland Holst écrivait récemment avec son camarade de tendance
Manouri :
« Nous vous saluons au nom des endormis, nous vous aimons au nom des vivants et nous vous appelons au nom de ceux qui ne sont pas encore nés... » (Rires.)
Cette espèce de phraséologie sentimentale, qui est, au fond, étrangère et même contraire à l’esprit du marxisme, rappelle extraordinairement le vrai socialisme des vieux Allemands, que Marx et Engels appelaient une idéologie de vieille femme. Mais tout ce galimatias si pompeux n’est pas du tout innocent. Le même Manouri nous a envoyé, le 18 juillet 1927, une déclaration qui fut communiquée à la conférence du parti, avec l’autorisation du C. C. du Parti hollandais. Dans cette déclaration, il dit :
« 1. — Les fusillades faites à Moscou, à la suite de l’assassinat du camarade Voïkov, que nous pleurons, sont, à mon avis, un pas hors des frontières qui séparent le droit à l’existence d’une société humaine du droit à l’existence de la personnalité humaine.
« 2. — Je reconnais complètement la nécessité et la justification de la terreur pour la défense de la digue que nos camarades russes ont construite pour défendre le communisme. Mais j’ajoute que celui qui tombe sous ses coups pour un crime passé, et qui est ainsi rendu responsable de ce qu’il n’a pas commis, fait développer ainsi un sentiment de vengeance absolument étranger au communisme et qui ne peut que nuire aux thèses fondamentales qu’il est censé défendre.
« 3. — Partant de cette conviction, je tiens pour nécessaire de m’adresser à mes camarades de la G.P. OU en leur lançant ces paroles d’avertissement : la vérité du communisme, c’est sa justice et son humanité.
« 4. — Je comprends parfaitement les conséquences de cette attitude, mais je pense que même au milieu de la lutte nous ne devons pas oublier l’idéal pour lequel nous luttons ».
Vous voyez de là les conclusions politiques et pratiques que l’on peut tirer. Un pas de plus, et cet homme nous comptait parmi les barbares, parmi les adversaires de la justice, de la vérité et de l’humanité.
Il n’est pas mauvais de rappeler aussi que Rolland Holst nous proposait en même temps de nous réunir avec la IIe
Internationale. Sans doute, parce qu’elle pensait à l’équilibre des souffrances. Nous avons ainsi une physionomie splendide : Maslow et Cie accusent le P. C. de l’U. S. et l’I. C. de dégénérescence, de bonapartisme, de propositions pacifiques et de trahisons. Pollack exige que nous commencions tout de suite une guerre d’agression, Souvarine défend la liberté de penser, la liberté de calomnier et de mentir, Rolland Holst et Manouri nous accusent de violer les droits de la justice et de l’humanité et demandent que nous nous réunissions avec la seconde Internationale. Trotski et Cie nous calomnient en affirmant que nous voulions remplir le vœu de cette dame hollandaise si chrétienne et tout cela se fait sous le grand manteau du trotskisme. En voilà, une IVe Internationale trotskiste ! Et pourtant, il faut reconnaître que ces gens si nombreux jouent un rôle extrêmement nuisible.
C’est ce qu’on peut voir, par exemple, dans l’article du Vorwaerts sur la plate-forme de l’opposition. Voici se qu’écrit l’organe central des Noske, Scheidemann et Cie sur cette plateforme : « La plate-forme de l’opposition russe, qui vient de paraître aux éditions du Fahne des Kommunismus, avec les constatations de fait qu’elle contient sur la situation en Russie, forme un document très émouvant. Que l’on pense surtout, dans les paragraphes qui se rapportent à la situation des ouvriers agricoles, à lire les constatations qu’elle fait sur la situation indigne des ouvriers en même temps que sur les violents efforts du capitalisme. C’est ce qu’on pourrait trouver dans les livres bleus anglais de la moitié du siècle dernier et ce qu’on pourrait trouver chez Marx ». C’est là un document émouvant qui, selon les paroles du Vorwaerts, démasque toute l’Union Soviétique qui, pensez donc, dépasse, en ce qui concerne l’exploitation de la classe ouvrière, le régime si cruel de l’Angleterre au siècle dernier.
Comprenez-vous maintenant, camarades, comment l’opposition défend le pays de la dictature prolétarienne. L’opposition est devenue la source principale des calomnies les plus basses contre l’Union Soviétique et contre le parti. Elle est devenue le fournisseur de toutes ces calomnies qu’elle fabrique sur commande sociale (ce petit mot est là tout à fait à sa place) de la social-démocratie et de ses patrons.
En ce qui concerne les relations internationales de l’opposition, elles portent sur toute une série de groupements qui n’ont jamais été dans les rangs de l’Internationale Communiste. C’est, par exemple, le groupe hollandais du N. A. S., ce sont les éléments semi anarchistes de l’émigration italienne. Autour de l’opposition, se ramassent sans exception tous les éléments qui peuvent nous nuire et je dois dire, sous ma pleine responsabilité, que c’est justement notre opposition qui a nui le plus à la cause de notre défense. En effet, ce n’est pas du tout une plaisanterie que de voir les anciens chefs du parti communiste commencer à reproduire leurs mensonges chez les menchéviks (le Messager Socialiste, n° 23, déclare justement : « C’est une image étonnamment précise qui ne perd rien à ce que le Messager Socialiste la reproduise textuellement). Voilà où ils en sont arrivés. Je dois dire que, par exemple, des membres du Congrès des Amis de l’Union Soviétique, venus chez nous, pour la plupart des sans-parti, nous ont déclaré qu’il n’y avait pas de force antisoviétique plus nuisible que celle des découvertes sensationnelles provenant de l’opposition. Et le Congrès du parti a eu pleinement raison lorsqu’il a dit que défendre ainsi la Russie Soviétique n’était pas compatible avec la qualité de membre du parti [Interruption : « Très juste! »]
X. L’Internationale Communiste et son appareil[modifier le wikicode]
Je passe maintenant à la question de l’appareil de l’Internationale Communiste et de quelques-unes de ses tâches organiques.
Au dernier Congrès du parti, après le rapport de la délégation au Comité exécutif de l’Internationale Communiste, on adopta une résolution disant que l’on donnait mandat à la délégation du P. C. de l’U. S. dans le C. E. de l’I. C. d’assurer une direction collective de l’Internationale Communiste en attirant davantage les représentants des partis communistes étrangers à la direction directe de l’Internationale Communiste. Cette résolution du Congrès du parti fut- elle appliquée ? Camarades, je dois reconnaître ouvertement que cette résolution du congrès, dans une large mesure, ne fut pas appliquée, ce dont souffrent aussi bien l’appareil que la direction de l’Internationale Communiste. Nous ne sommes pas arrivés à avoir une représentation continuelle et complète de la part des partis communistes. Les camarades étrangers sont obligés de retourner dans leur pays et ils sont encore complètement absorbés par leurs affaires intérieures. La base de la direction des partis communistes est encore très étroite. Assurer la présence d’un large cadre qui puisse se trouver continuellement ici et qui puisse décider en pleine responsabilité et en pleine autorité les questions politiques les plus importantes, est une tâche que nous devons résoudre à tout prix.
Nous devons assurer ici une représentation permanente des partis communistes les plus importants et même avoir à Moscou un cadre solide de chefs. Je pense qu’il est aussi de mon devoir de dire, d’autre part, que notre parti doit donner le nombre de collaborateurs suffisant pour soutenir l’appareil de l’Internationale Communiste [Interruption : « Très juste ! »]
Il faut dire la même chose en ce qui concerne l’I. S. R. J’ai commencé mon rapport par les défauts des partis et le manque d’activité autour de l’I. S. R. chez nous. J’ai présenté ces défauts en toute franchise. Mais je vous assure que nous pouvons continuer à prendre toutes les résolutions que nous voudrons (qu’il faut renforcer le travail de l’I. S. R., qu’il est nécessaire d’avoir avec l’I. S. R. et le Comité central des syndicats de l’Union Soviétique des rapports plus amicaux et mieux coordonnés, que nous devons assurer continuellement une participation active des syndicats de l’U. S. à l’I .S .R. et que tous les travaux qu’accomplit le Conseil des syndicats de l’U. S. dans les pays d’Europe Occidentale doivent être renforcés), nous pouvons prendre autant de résolutions excellentes et grandioses que nous voudrons, — tout cela restera dans le domaine des vœux si nous ne renforçons pas organiquement notre appareil, car quelle que soit l’exactitude de la ligne politique que suit à mon avis l’Internationale Communiste, nous aurons toujours du mal dans l’application de nos directives.
Souvent nous avons réagi trop tard en face d’une série d’événements importants. Il faut ajouter encore que les représentants de nos partis, pendant toute cette dernière période, ont été surchargés beaucoup plus qu’autrefois de travaux dans le P. C. de l’U. S. Nous n’avons pas de garantie que nous pourrons accorder aux affaires de l’Internationale Communiste plus de temps qu’à présent, car la situation est extraordinairement compliquée et il n’est pas facile de se tourner vers tous les fronts à la fois. Aussi je pense qu’il est nécessaire de poser la question dans toute son ampleur ; d’un côté, assurer la présence constante de représentants des partis communistes les plus importants et, d’autre part, je demande au Congrès du parti de répondre à nos exigences très modestes, c’est-à-dire de nous donner davantage de travailleurs. De même en ce qui concerne l’I. S. R., on ne peut demander à l’I. S. R. de renforcer son travail si l’on ne renforce pas son appareil organique. Nous devons surtout accorder la plus grande attention au problème des cadres dirigeants de l’Internationale Communiste. On a déjà fait une toute petite chose dans ce sens. Nous avons une école léniniste internationale. On y forme des gens. Mais la formation des cadres dirigeants et le choix de ces gens est; comme je le rapporte, très faible.
Il nous faut accorder à cela la plus grande attention et d’autant plus que nous avons envoyé une partie de ces forces en Europe Occidentale (nous avons pris la décision de créer un secrétariat de l’I. C. pour l’Europe Occidentale). Je dois encore attirer votre attention sur une question qui exige de notre parti de nouveaux efforts. C’est une question partielle, mais elle est très importante, il s’agit de la préparation du prochain Congrès de l’Internationale Communiste qui aura des tâches beaucoup plus importantes que n’en a jamais eu n’importe quel autre congrès. D’abord, nous y traiterons pour la première fois, de manière absolument concrète, des questions dont l’importance est formidable, comme la question coloniale, nous y tirerons les leçons d’une question aussi importante que la révolution chinoise. Nous sommes dans une nouvelle période d’orientation à gauche de tout le mouvement d’Europe Occidentale. Nous entrons dans une période de dangers de guerre qui doit amener l’Internationale Communiste à réfléchir encore une fois avec toutes les questions qui se posent en rapport avec cela. Enfin, nous devons partir de ce congrès à tout prix avec un projet de programme de l’Internationale Communiste qui soit achevé. Cela pose encore une fois notre parti en face de la question de la confection de notre programme du parti. Nous ne pouvons reculer une troisième fois l’adoption de notre programme. Les partis social-démocrates, lors de leur dernier congrès, ont établi leur nouveau programme et nous devons leur opposer notre programme de lutte, le programme de l’Internationale Communiste. Cela exige du travail. Nous devons préparer autant qu’il est nécessaire le prochain congrès de l’Internationale Communiste qui doit avoir lieu en mai de l’année prochaine.
Conclusion[modifier le wikicode]
J’en arrive à la conclusion. Si nous voulons maintenant voir les conclusions les plus importantes que nous pouvons tirer de mon rapport, je pense que nous devons en premier lieu évoquer le fait que nous sommes entrés dans un nouveau moment du développement international, moment favorable à l’Internationale Communiste. En Europe Occidentale, les contradictions de la stabilisation capitaliste se développent et, en rapport avec elles, nous avons une orientation à gauche, décidée, des larges masses de la classe ouvrière. Nous voyons que les contradictions intérieures de la stabilisation, et surtout les contradictions économiques, se reflètent dans l’acuité des contradictions entre les classes sociales. Nous voyons la classe ouvrière, après les défaites qu’elle a subies au cours des dernières années, se relever, resserrer ses rangs, élever plus haut son drapeau. Nous la voyons se développer plus à gauche dans un sens révolutionnaire, poser à nouveau sous une forme vive le problème de la lutte des classes et créer ainsi le terrain pour le développement d’un travail de masses du parti communiste. Nous n’entrons pas actuellement dans une période de pacification, mais dans une période de développement des luttes coloniales parce que la grande révolution chinoise n’est pas vaincue, mais elle vit et se développe, parce que son souffle puissant a atteint la révolution hindoue qui parcourt maintenant une étape de grande tension et qui va inévitablement entrer dans la grande arène historique de la lutte contre l’impérialisme.
Nous voyons que le capitalisme européen cherche à corrompre la classe ouvrière par des méthodes nouvelles, qu’il s’allie à cet effet avec les social-démocrates, mais nous voyons en même temps que le capitalisme européen n’a pas de bases pour cela et que, malgré une brusque montée de la conjoncture, il est à la veille de contradictions gigantesques qui s’accompagneront de lutte de classes de plus en plus vives et nous voyons, camarades, que malgré les idylles et les illusions pacifiques, que malgré les tentatives que fait la socialdémocratie pour tromper les ouvriers, des conflits d’une force extraordinaire, gigantesques, grandioses, mûrissent au sein de la société capitaliste.
Les philistins social-démocrates et les petit-bourgeois peuvent se consoler avec l’illusion de la vie pacifiste et de la nouvelle époque pacifique de l’ordre capitaliste qui, soi- disant, libère toute l’humanité de la guerre. Une analyse marxiste approfondie découvre sans pitié la réalité fondamentale de notre époque. Le régime capitaliste entraîne inévitablement l’humanité à des catastrophes gigantesques dont la mesure dépassera largement celle de la guerre mondiale de 1914. En même temps, cette analyse marxiste montre comment, dans le sein même de la société capitaliste, grandissent dans une certaine mesure les forces de résistance aux catastrophes destructives des périodes impérialistes. L’avenir ne nous promet pas de repos. Il nous promet une lutte acharnée, mais dans cette lutte l’ouvrier communiste n’apparaîtra plus sous forme de Liebknecht isolé. Il apparait déjà comme une force organisée dans la lutte qui a formé ses premiers rangs communistes et qui marche en pleine conscience dans la nouvelle période de conflits de l’histoire humaine. Et, si nous ne pouvons garantir que toute la masse de la classe ouvrière se lèvera d’un seul bloc aux premiers coups de feu contre l’Union Soviétique, nous pouvons être sûrs que ce premier coup de feu mettra sur leurs jambes et mobilisera les meilleurs du mouvement ouvrier, et que nous arriverons, sans doute dans une lutte impitoyable et après différentes étapes d’hésitations, à déchaîner enfin une vague révolutionnaire si grande, si océanique, qu’elle submergera et balaiera jusqu’au bout la barbarie capitaliste.
(Applaudissements prolongés.)