Rapport sur la situation économique des ouvriers de Petrograd et sur les tâches de la classe ouvrière

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A la séance de la section ouvrière du Soviet des députés ouvriers et soldats de Pétrograd le 4 (17) décembre 1917

Compte rendu de presse

La révolution du 25 octobre a montré l'extrême maturité politique du prolétariat qui s'est révélé capable de s'opposer fermement à la bourgeoisie. Mais la victoire complète du socialisme implique une organisation formidable, pénétrée de la conscience que le prolétariat est appelé à devenir la classe dominante.

Le prolétariat est en face des tâches qu'impose la transformation socialiste du régime politique car toutes les demi-mesures, quelque facile qu'il soit d'apporter des arguments en leur faveur, sont insignifiantes, la situation économique du pays étant arrivée à un point où on ne saurait les admettre. Dans notre combat gigantesque contre l'impérialisme et le capitalisme, les demi-mesures ne peuvent trouver place.

Vaincre ou être vaincu , - telle est la question.

Les ouvriers doivent le comprendre et ils le comprennent ; c'est ce qui ressort clairement du fait qu'ils rejettent les compromis. Plus la révolution est profonde, plus il faut de militants actifs pour substituer au capitalisme l'appareil du socialisme. Même en l'absence de tout sabotage, la petite bourgeoisie ne saurait y suffire. C'est seulement par l'initiative des masses populaires que cette tâche peut être réalisée. C'est pourquoi on ne doit pas penser aujourd'hui, surtout en ce moment, à améliorer sa propre situation, mais on doit penser à devenir la classe dominante. Il ne faut pas espérer que le prolétariat des campagnes ait l'intelligence claire et ferme de ses intérêts. Seule la classe ouvrière peut l'avoir et chaque prolétaire, conscient de la grande perspective, doit se sentir un chef et entraîner les masses derrière lui.

Le prolétariat est appelé à devenir la classe dominante, appelée à guider tous les travailleurs, la classe politiquement dominante.

Il faut lutter contre le préjugé selon lequel seule la bourgeoisie est capable de gouverner l'Etat. Le prolétariat doit assumer la charge de gérer l'Etat.

Les capitalistes font tout ce qu'ils peuvent pour empêcher la classe ouvrière de remplir ses tâches. Toutes les organisations ouvrières - syndicats, comités d'usines, etc., - ont à livrer une lutte décisive sur le plan économique. La bourgeoisie gâche tout, sabote tout pour saper la révolution ouvrière. L'organisation de la production incombe entièrement à la classe ouvrière. Rompons une fois pour toutes avec le préjugé qui veut que les affaires de l'Etat, la gestion des banques, des usines soit une tâche inaccessible pour les ouvriers. Mais tout cela ne peut être réalisé que par un immense travail d'organisation, de tous les instants.

Il est indispensable d'organiser l'échange des produits, la comptabilité, le contrôle systématique - telle est la mission de la classe ouvrière, et la vie des usines et des fabriques leur a donné les connaissances nécessaires pour l'accomplir.

Que chaque comité d'usine se sente mobilisé non seulement pour les affaires de son entreprise, mais encore comme cellule organisatrice pour normaliser toute la vie de l'Etat.

Il est facile de promulguer un décret sur l'abolition de la propriété privée, mais seuls les ouvriers eux-mêmes doivent et peuvent l'appliquer. Qu'il se produise des erreurs, soit ! ce sont les erreurs d'une nouvelle classe qui crée une vie nouvelle.

Il n'y a pas, il ne peut y avoir de plan concret pour l'organisation de la vie économique.

Personne ne peut en donner. Seule la masse peut le faire d'en bas, à partir de son expérience. Naturellement, des indications seront fournies, des chemins seront tracés, mais il faut commencer à la fois par en haut et par en bas.

Les Soviets doivent se transformer en organismes réglementant toute la production de la Russie, mais pour qu'ils ne deviennent pas des états-majors sans troupes, il est indispensable de militer à la base...[1]

La masse ouvrière doit organiser le contrôle et la production sur une vaste échelle nationale. C'est dans l'organisation de la masse laborieuse et non d'un certain nombre d'individus que réside le gage du succès ; et si nous atteignons ce but, si nous mettons sur pied la vie économique, toutes les forces qui s'opposent à nous se trouveront balayées d'elles-mêmes.

  1. Quelques mots ont été omis par suite du manque de netteté des notes. (N.R.)