Réponses de Diego Rivera aux questions des représentants de l’United Press sur le Congrès-syndical pan-américain

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Que pensez-vous du prochain congrès ouvrier pan-américain qui va se tenir dans cette capitale ?

L’unification la plus totale des ouvriers du continent américain est une nécessité vitale. Seule une telle unité peut assurer l’influence des ouvriers sur chaque pays américain, en politique intérieure comme en politique extérieure. En particulier, seule une politique ferme et décisive du prolétariat uni peut empêcher l’Amérique d’être impliquée dans une guerre. Le congrès qui vient atteindra-t-il ce but ? J’en doute.

Quel est, selon vous, le but réel de ce congrès ?

Dans la convocation du congrès ouvrier pan-américain, différents éléments poursuivent des buts divers. Les masses ouvrières, de façon à moitié instinctive, poussent à l’unification, pour une politique indépendante. Quelques dirigeants poursuivent des buts entièrement différents. Au nom du prolétariat mexicain apparaît, en tant que metteur en scène, M. Lombardo Toledano. C’est un politicien « pur », étranger à la classe ouvrière et qui poursuit ses objectifs personnels. L’ambition de Toledano est de grimper à la présidence du Mexique sur le dos des ouvriers. A la recherche de cet objectif, Toledano a étroitement lié son destin à celui de l’oligarchie du Kremlin. Il en reçoit des instructions et toutes sortes d’aide. Moscou a soumis les communistes mexicains à M. Toledano, c’est-à-dire à sa lutte pour le pouvoir. Le récent voyage de Toledano aux États-Unis et en Europe aussi bien que le congrès de septembre ont comme un de leurs objectifs de fournir un tremplin à Toledano. Dans ce domaine, Toledano travaille complètement la main dans la main avec Moscou. Nul besoin de douter qu’aux congrès à venir au Mexique tous les agents internationaux de Moscou, ouverts ou clandestins, prendront part.

Quel sera selon vous le résultat pratique ?

Les résultats du congrès syndical pan-américain dépendront dans une large mesure du fait que Lombardo Toledano réussira ou non à subordonner le mouvement ouvrier de ce continent aux ordres de ses chefs de Moscou. Je suis convaincu qu’il n’y parviendra pas. En liant son sort au G.P.U., Lombardo Toledano est en train de préparer une catastrophe pour sa politique et sa carrière.

Comment l’opposition considère-t-elle le congrès ?

II est très douteux que l’opposition pourra entrer dans le congrès. Le congrès ne consiste pas en délégués élus par les masses. Les tâches du congrès n’ont pas été discutées par les masses. Le travail d’organisation est fait en coulisses par les agents du G.P.U. qui accomplissent la plus grande partie de la besogne. Il y a par conséquent toute raison de croire que le congrès sera un congrès de bureaucrates ouvriers bien sélectionnés. Je serai heureux de me tromper.

Dans des déclarations récentes, William Green a déclaré que ce serait un congrès de communistes et de gauchistes extrémistes et dit que l’A.F.L. n’accepterait pas l’invitation d’y participer.

William Green a faussement présenté ce congrès comme « révolutionnaire » pour justifier sa propre politique réactionnaire. Green ne veut pas l’unification des ouvriers de toute l’Amérique parce qu’il représente lui-même l’aristocratie ouvrière des États-Unis et considère avec mépris les ouvriers indo-américains.

Quelle est la signification de la présence au congrès de John L. Lewis ?

Quels buts Lewis poursuit-il en participant au congrès, je ne puis encore le dire. Cela apparaîtra clairement par son attitude au congrès même. Il est absolument clair cependant que Lombardo Toledano et autres agents de Moscou — Nord-Américains et Mexicains — ont pour but de soumettre le C.I.O. aux diktatsde Moscou. Pour la diplomatie de Moscou, c’est maintenant une question décisive. Il faut transformer les organisations ouvrières de toute l’Amérique en instruments serviles de Staline et de son G.P.U. Dans cet objectif, le Comintern a, comme on le sait, changé sa politique. Browder est devenu rooseveltien, Toledano cardeniste. Mais ce n’est que pour tromper l’adversaire. Leur objectif réel est de pénétrer à tout prix l’appareil d’État C’est précisément pour cela que Moscou soutient les ambitions de Toledano. Si ces objectifs étaient atteints, cela constituerait, au plein sens du mot, une catastrophe pour la classe ouvrière et pour la culture américaines. Nous ne voulons pas que le Mexique devienne une Catalogne où les mercenaires du G.P.U., qui ne valent pas plus qu’un fasciste quelconque, étranglent maintenant tout ce qui, dans le prolétariat et l’intelligentsia, est intelligent et honnête. Comme je l’ai déjà dit, j’ai pleinement conscience que ces desseins aboutiront à un fiasco. Le G.P.U. et ses méthodes sont trop discrédités, en particulier du fait de l’enquête de la commission de New York présidée par le Dr Dewey. La classe ouvrière américaine trouvera sa propre voie et ses propres méthodes d’unification pour défendre ses intérêts historiques.