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Special pages :
Le congrès des socialistes indépendants
| Auteur·e(s) | Rosa Luxemburg |
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| Écriture | 29 novembre 1918 |
Référence 633 p. 895 de JP Nettl dans sa biographie : La Vie et l'oeuvre de Rosa Luxemburg, le titre en français étant repris de cette référence.
Traduit de l'allemand par Alex du site Matière et révolution.
Rote Fahne numéro 14 page 1
Le courant de la période révolutionnaire entraîne les personnes, les choses et les situations dans son tourbillon critique, les examine, les transforme et les oblige à prendre une décision. Les noms, les programmes, les partis doivent faire leurs preuves dans les faits. Rien de mitigé ni d'ambigu ne peut perdurer. Qui n'est pas avec moi est contre moi, tel est le principe de la révolution.
La social-démocratie indépendante est par nature issue de la faiblesse, et le compromis est l'essence même de son existence. Son existence a commencé avec le compromis de Haase qui, opposé à l'octroi de crédits, a lu le 4 août 1914 la déclaration mémorable du groupe social-démocrate et a lié son nom à l'effondrement historique du socialisme allemand et de l'Internationale.
Son histoire ultérieure, c'est-à-dire l'approbation à trois reprises des crédits de guerre, donc un soutien à Scheidemann et ses camarades dans leur trahison de la classe ouvrière, pendant deux ans par des actes – en contradiction avec la critique qu'il avait lui-même formulée à l'égard de la politique de la majorité.
Sa naissance officielle en tant que parti indépendant n'est pas le fruit d'une décision virile, d'un choix clair pris de sa propre initiative, ni d'un acte historique, mais le résultat forcé de son expulsion par les Scheidemann, un épisode de querelles pitoyables autour de la « discipline du parti » avec ceux qui ont bafoué la bannière socialiste.
L'histoire du parti correspondait à ses origines. Il a toujours traîné derrière les événements et les développements, sans jamais être à leur tête. Il n'a jamais réussi à établir une frontière fondamentale entre lui-même et ses dépendants. Il a soutenu avec zèle toutes les ambiguïtés éblouissantes qui semaient la confusion dans les masses : paix négociée, Société des Nations, désarmement, culte de Wilson, toutes les phrases de la démagogie bourgeoise qui jetaient un voile obscurcissant sur les faits bruts et abrupts de l'alternative révolutionnaire pendant la guerre. Toute l'attitude du parti oscillait impuissante autour de la contradiction fondamentale qui consistait, d'une part, à essayer de continuer à incliner les gouvernements bourgeois, en tant que pouvoirs appelés à agir, vers la conclusion de la paix et, d'autre part, à prôner l'action de masse du prolétariat.
La théorie éclectique reflète fidèlement cette pratique contradictoire : un mélange hétéroclite de formules radicales avec un abandon irrémédiable de l'esprit socialiste. Le mot d'ordre de la défense nationale au sens purement bourgeois, associé à la découverte par le chef théorique du parti que l'Internationale n'était qu'un instrument de paix et non un moyen de lutte contre la guerre[1], aboutit à la justification pure et simple de la politique des Scheidemann.
Jusqu'au déclenchement de la révolution, il s'agissait d'une politique au cas par cas, sans vision cohérente du monde, qui éclairait le passé et l'avenir de la social-démocratie allemande à partir d'une source de lumière qui aurait permis d'avoir une vue d'ensemble des grandes lignes de son évolution.
Un parti ainsi constitué, soudain confronté aux décisions historiques de la révolution, ne pouvait qu'échouer lamentablement. Le granit des fondations, qui résiste aussi bien aux tempêtes qu'aux périodes de calme plat, l'acier de la détermination, qui génère l'étincelle de l'action dans les grands moments, n'étaient pas là. Une dune de sable mouvant, voilà tout ce que la social-démocratie indépendante avait à offrir face à la tourmente des événements.
Et sa politique, sa tactique, ses principes se sont dispersés comme du sable mouvant. Après avoir passé quatre années pendant la guerre à stigmatiser Scheidemann-Ebert comme traître au socialisme et à l'Internationale, comme honte et ruine du mouvement ouvrier, son premier acte après le déclenchement de la révolution fut de s'allier à Scheidemann-Ebert pour former un gouvernement commun et de proclamer cette prostitution de ses propres principes comme une politique « purement socialiste ». À l'heure où les objectifs finaux du socialisme deviennent enfin la tâche pratique du jour, où la séparation la plus nette et la plus implacable entre le camp du prolétariat révolutionnaire et les ennemis déclarés ou déguisés de la révolution et du socialisme devient le devoir suprême, le Parti indépendant s'est empressé de conclure une alliance politique avec les avant-postes les plus dangereux de la contre-révolution, afin de semer la confusion dans les masses et de faciliter les trahisons.
Sa véritable mission en tant que partenaire de la société Scheidemann-Ebert est de mystifier son caractère clair et sans ambiguïté de force de protection de la domination de classe bourgeoise dans un système d'ambiguïtés et de lâchetés.
Le rôle joué par Haase et ses camarades trouve son expression la plus classique dans leur attitude envers le mot d'ordre le plus important du jour, celui de l'Assemblée nationale.
Comme dans toutes les autres questions, deux points de vue sont possibles. Soit on veut utiliser l'Assemblée nationale comme un moyen de priver le prolétariat de son pouvoir, de paralyser son énergie de classe, de dissoudre ses objectifs socialistes finaux dans la brume bleue, ou bien on veut mettre tout le pouvoir entre les mains du prolétariat, développer la révolution commencée en une lutte de classe puissante pour l'ordre social socialiste et, à cette fin, établir la domination politique de la grande masse des travailleurs, la dictature des conseils d'ouvriers et de soldats. Pour ou contre le socialisme, contre ou pour l'Assemblée nationale, il n'y a pas de troisième voie.
Le Parti indépendant s'efforce ici aussi désespérément de rapprocher la montagne et la vallée, d'unir le feu et l'eau au nom de « l'unité ». Il veut que l'Assemblée nationale soit l'instance suprême de jugement et de décision, mais il veut aussi la repousser autant que possible et réaliser au préalable les grandes lignes de la socialisation par des mesures dictatoriales du gouvernement actuel.
Comme toujours, cette position intermédiaire tortueuse aboutit à une ambiguïté, voire à une malhonnêteté politique. Soit on croit sincèrement à l'Assemblée nationale en tant que représentation décisive du peuple, auquel cas il sera interdit de mettre cette instance suprême devant le fait accompli, attelée à la charrette des bouleversements sociaux les plus importants. Ou bien, si l'on est sincère à propos de la dictature socialiste du prolétariat, on ne la glisse pas comme une mesure provisoire entre deux portes de l'histoire révolutionnaire et on ne livre pas son œuvre à peine commencée au jugement final d'une assemblée démocratique bourgeoise.
Un parti qui, à l'heure où il faut prendre des décisions importantes, claires et audacieuses, d'une portée historique mondiale, ne fait que mettre en avant des ambiguïtés, des hésitations et des demi-mesures, qui veut faire de la politique étrangère avec l'annexionniste impérialiste David, de la culture et de l'école primaire avec le chauviniste national-allemand Haenisch, avec le bourreau de la révolution Ebert, le socialisme, qui, par la bouche de Barth, exhorte les masses en grève à rester calmes et à obéir aveuglément au fouet des entrepreneurs – un tel parti est condamné par chacune de ses paroles et chacun de ses actes. Il était le produit de décennies de marasme du mouvement ouvrier allemand. Le prolétariat allemand a aujourd'hui besoin à sa tête d'un parti socialiste à la hauteur de l'heure décisive. Il n'y a pas de place dans la révolution pour un parti des demi-mesures et des ambiguïtés.
La politique ambivalente du parti correspond à la division qui règne dans ses rangs. De plus en plus nombreux, ses propres partisans s'opposent farouchement au groupe dirigeant composé d'éléments rétrogrades, Haase-Kautsky, qui constituent le poids mort du Parti indépendant. La situation actuelle du parti est devenue intenable. Il doit prendre une décision.
La convocation immédiate d'un congrès du parti, qui permettra de clarifier la situation et de prendre une décision, est devenue une exigence incontournable ! La révolution a besoin d'armes bien affûtées. La grande majorité du Parti indépendant devra répondre à la question de savoir s'il est une lame damassée ou une « épée de Bappe ».
« Et ce qu'il est, qu'il ose le montrer. »