Il faut apprendre de la méthode américaine. Lettre à René van Riel, 27 avril 1936

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Cher Camarade Riel[1],

Je m'excuse de n'avoir pas répondu à vos lettres précédentes : des indispositions soudaines, des changements fréquents dans mon état de santé général et une surcharge de travail m'en ont empêché.

Je partage intégralement votre avis : nous devons poursuivre de toutes nos forces notre travail pour la IV° Internationale et nous avons pour cela les meilleures conditions possibles. Il est inexact que la situation en Amérique soit « très floue et très embrouillée ». Nos amis américains ont été et restent parmi les plus fidèles soutiens de la IV° Internationale. Ils en ont toujours donné la preuve : premièrement, ils ont eux‑mêmes suivi avec zèle toutes les questions en débat dans les sections européennes et en ont tiré de nombreux enseignements ‑ et deuxièmement ils ont apporté et continuent d'apporter à diverses sections leur aide morale et matérielle.

Comme vous le verrez d'après ma lettre ci‑jointe à la camarade Spanjer[2] nous pouvons espérer que le drapeau de la IV° Internationale remportera justement en Amérique une grande victoire. Nous avons dernièrement fait un pas en avant important en Belgique : vous ne l'ignorez certainement pas. De quelques informations de caractère privé, il ressort que nos camarades polonais, qui sont également entrés dans le parti socialiste, ne sont pas restés inactifs dans l'intervalle et que les évènements qui se déroulent actuellement en Pologne justifient les plus grandes espérances[3]. Bref, je ne vois pas non plus la moindre raison d'être pessimiste. Tout au contraire. Mais notre optimisme ne doit pas être purement formel, c'est‑à-dire bureaucratique, mais dynamique et dialectique. Il nous faut justement savoir prendre et utiliser l'évolution en cours, telle qu'elle nous est donnée par la nature des choses et non telle que nous aimerions en disposer dans notre imagination, en particulier pour notre commodité. Pour éviter tout malentendu je voudrais souligner ici que je ne veux nullement dire par là que le parti de nos camarades hollandais devrait imiter la méthode américaine. Mais il est nécessaire d'apprendre de l'expérience américaine sans prévention aucune. Car il y a suffisamment de quoi apprendre ! On peut en être certain. De l'expérience de l'I.L.P. en Angleterre, aussi, on peut apprendre beaucoup. Voilà un parti qui voulait en même temps tourner le dos non seulement au L.P., mais aussi aux trade‑unions et au parti des coopérateurs. Et il n'avait pas pour autant un programme d'action qui lui appartint en propre. Sa dernière conférence[4] a démontré qu'on n'arrive à rien sur la simple base du négativisme et du conservatisme. L'I.L.P. est en constant recul et en pleine décomposition interne.

Excusez‑moi de devoir me contenter de ces brèves remarques. Je suis pris par un travail que je ne puis absolument pas différer.

  1. René Van Riel était le pseudonyme de Richard Manuel, un communiste hongrois qui s'était réfugié en Hollande après la défaite de la révolution hongroise de 1919. Militant du P.C. hollandais, il s'était joint à l'opposition de droite et avait animé pendant plusieurs années une opposition qui se rattachait au centre brandlérien de l'I.V.K.O. Dès 1933, il s'était tourné vers la perspective d'une nouvelle Internationale et en 1935 il avait rejoint le R.S.A.P. Il avait correspondu avec Trotsky sur la question du programme d'action de ce dernier.
  2. Cf. « Comment gagner le Jeunesse Socialiste en Hollande », 27 avril 1936.
  3. Les informations en provenance de Pologne indiquaient que les efforts des staliniens polonais pour freiner l'explosion révolutionnaire après les grèves et émeutes de Lodz, Varsovie, Lvov, etc. étaient perçus comme une trahison et que les progrès des B.L. entrés dans le P.P.S. étaient sensibles tous les jours.
  4. Cf. « A propos des dictateurs et des hauteurs d'Oslo », 22 avril 1936.