Discours de clôture du débat sur la situation internationale et les tâches de l’IC au Ve Congrès du PCUS

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I. L’analyse de l’économie capitaliste et la question des tendances de capitalisme d’Etat[modifier le wikicode]

A propos de la question du capitalisme d’Etat : Ai-je parlé du capitalisme d’Etat comme d’un fait ? Non, j’ai parlé d’une tendance dans la direction du capitalisme d’Etat. N’ai-je pas, dans mon exposé, souligné qu’il ne s’agissait pas de l’organisation formelle du capitalisme d’Etat, c’est-à-dire de l’immixtion directe du pouvoir d’Etat dans la vie économique ou de l’étatisation des organisations économiques, Oui, je l’ai souligné. Bien plus, j’ai dit la nécessité de souligner, pour toute une série de pays, la tendance que je suis tenté de qualifier comme une tendance de trustification du pouvoir d’Etat lui-même. Ai-je posé la question comme s’il s’opérait ici un quelconque nouveau processus de principe inexistant auparavant ? Rien de pareil. Tout en affirmant avec netteté qu’il ne s’agit pas ici de quelque chose de nouveau en principe, mais d’un processus qui s’est développé quantitativement, surtout ces derniers temps, avec une rapidité telle que ce phénomène doit être enregistré comme un des plus importants de la vie économique actuelle, j’ai fait les réserves nécessaires.

Voilà ce que j’ai dit. Lozovski et Chtchatskine viennent d’attaquer cette thèse. Ces camarades ayant déclaré que ces questions étaient de la plus haute importance théorique et tactique et qu’une fausse solution pourrait provoquer une confusion très sérieuse, je crois nécessaire d’y revenir plus en détail. Je commence par le discours de Lozovski qui s’est exprimé de la façon suivante sur mon exposé (je cite d’après le sténogramme) :

« Boukharine a décrit le tableau de la situation actuelle, principalement de la situation des capitalismes américain et européen est il a attiré l’attention, dans son rapport, sur le fait qu’une période du capitalisme d’Etat commence ou apparaît maintenant. Il a englobé la force des trusts, des syndicats et des consortiums croissants, la force croissante des organisations de monopoles privés sous le vocable général de capitalisme d’Etat. »

Si j’avais réellement dit ce que m’attribue Lozovski, j’aurais tort sur toute la ligne. Mais Lozovski a le malheur de polémiquer contre des choses qu’il a imaginées lui-même et qu’il m’attribue. Ai-je dit que « maintenant » (!)... commence (!!) ou apparaît (!!!) une période de capitalisme d’Etat (!!!!)? Je n’ai rien dit de pareil, je ne pouvais pas affirmer chose pareille. J’ai dit, au contraire, qu’il ne se passe rien de nouveau en principe. J’ai dit, de plus, qu’il s’agit ici de « tendances dans la direction du capitalisme d’Etat », comme elles se développent d’en bas, c’est-à-dire du milieu des organisations économiques du capital, qu’il s’agit d’une tendance dans la direction d’une interprétation [interpénétration] de ces organisations avec les organisations du pouvoir d’Etat. Ce n’est pas du tout la même chose de parler de ces tendances et de désigner la croissance des organisations économiques « sous le terme général de capitalisme d’Etat ». Lozovski remarque, en outre :

« Qu’arrive-t-il ? Les trusts, les consortiums, ces organisations de monopoles privés dominent au moyen des Etats bourgeois. C’est juste. Cette domination s’est élargie; c’est juste aussi. Il se produit, si l’on peut s’exprimer ainsi, non pas une étatisation de ces consortiums et de ces trusts, mais une certaine trustisation de l’appareil d’Etat. (Boukharine en a parlé, me semble-t-il.) Mais peut-on appeler cela du capitalisme d’Etat ? » ( ! — N. B.)

Ici. il faut noter la même faute de Lozovski ou, plus justement, la continuation de la faute que j’ai déjà relevée. Tout d’abord, il ne faut pas polémiquer de cette façon sur une question qu’on estime soi-même importante ; il ne faut pas dire : « Boukharine en a parlé, me semble-t-il. » Oui, j’en ai parlé, non pas « comme il semble », mais tout simplement: je l’ai dit. Deuxièmement, je n’ai pas dit (et cela est décisif) que l’on peut nommer la « trustisation du pouvoir d’Etat », « capitalisme d’Etat ». Si j’avais affirme cela; j’aurais alors « sauté » une grande étape de développement et pris la tendance pour un processus fini, c’est-à-dire que j’aurais appliqué à la vie un schéma qui ne lui correspond pas. Mais, heureusement, Lozovski a tort, car j’ai parlé de tendances dans la direction du capitalisme d’Etat, c’est-à-dire de tendances préparant le capitalisme d’Etat. Cela n’est pas la même chose. Et ici, il faut procéder avec la plus grande exactitude. Les objections de Lozovski manquent donc leur but.

Je passe maintenant à Chtchatskine. Il a essayé de réfuter « l’hérésie » de ma thèse par des citations prises dans l’A.B.C. du Communisme. Evidemment, je ne suis pas d’avis que nous avons tous oublié l’A. B. C. du Communisme, de même que je ne veux dire que j’ai oublié ce qui est écrit dans l’A. B. C. du Communisme, ni que j’ai oublié d’une façon générale l’A. B. C. du Communisme tant ses lettres minuscules que majuscules.

Chtchatskine a essayé de donner une « analyse minutieuse » et a déclaré, notamment, vouloir « réfuter » quelques arguments de Boukharine. En considérant une série de pays, il s’est convaincu que j’avais tort sur toute la ligne.

Je me permets de suivre pas à pas Chtchatskine dans cet « examen » et analyse. Mais, tout d’abord, il me faut faire une remarque générale.

En considérant la structure intérieure des Etats impérialistes et leur économie, nous devons distinguer entre les éléments du capitalisme d’Etat en Europe Occidentale ayant un caractère spécifique de guerre et pouvant être considérés, dans une certaine mesure, comme une parallèle à l’époque du communisme de guerre chez nous, et les éléments ou tendances actuelles dans la direction du capitalisme d’Etat qui existent dans les pays de l’Europe Occidentale. Nous devons faire cette distinction. Car, si nous sommes, par exemple, en présence de toute une série de mesures d’un caractère capitaliste d’Etat, prises par les pays capitalistes de l’Europe Occidentale par suite des besoins provoqués par la guerre — au milieu de la période de guerre — il est alors de toute évidence, qu’après la guerre, nous assistons à une disparition de ces formes de capitalisme d’Etat de la période de guerre.

Mais cela ne signifie pas que les tendances de capitalisme d’Etat se meurent d’une façon générale. Il faut avoir compris cette différence pour ne pas prendre comme réels certains arguments ineptes, pour ne pas prendre faussement des tendances limitées pour des tendances essentielles et pour ne pas jeter pêle-mêle des questions, variées, liées, il est vrai, entre elles, mais qui, d’après leur contenu, sont absolument différentes.

Mais passons aux arguments de Chtchatskine. Chtchatskine, commençant par l’Italie, affirme que le fait de l’existence de l’Etat corporatif en Italie ne peut nullement servir d’argument pour affirmer l’existence de tendances de capitalisme d’Etat et que l’exemple de l’Italie est faux. Pourquoi est-il faux ? Parce que, comme il apparaît..., en Allemagne aussi bien qu’en Grande-Bretagne, nous avons eu, pendant la guerre, des gouvernements parlementaires, du moins quant à leur provenance formelle, et, qu’en dépit de cela, ces pays ont été des pays de capitalisme d’Etat dans une mesure bien plus élevée que « l’Etat corporatif » actuel de Mussolini.

Cela veut dire que l’argument le plus décisif de Chtchatskine à propros de l’Italie consiste à affirmer que, pendant la guerre, les éléments de capitalisme d’Etat ont été plus développés en Allemagne et en Grande-Bretagne que, sans la guerre, dans l’ « Etat corporatif » actuel de Mussolini. Cet argument tient-il debout ? Non ! Car, c’est l’Italie de l’après guerre, l’Italie du fascisme, qui a développé toute une série de tendances d’ordre capitaliste d’Etat qui n’existaient pas pendant la guerre. Chtchatskine, en polémiquant contre moi, se voit lui-même obligé de le reconnaître : « A ce sujet, il faut dire qu’en Italie existent réellement de ces tendances de capitalisme d’Etat » ; mais, si tel est le cas, pourquoi alors porter encore des hiboux à Athènes ? [ ? ?]

Chtchatskine a fait valoir un autre « argument », à savoir que le gouvernement italien a choyé l’idée, il y a trois ans, d’abolir les monopoles d’Etat. Bien ! Mais cette idée ne s’est pas réalisée, et voilà ce qui est le principal. Chtchatskine a entrepris de démontrer la fausseté de mes thèses et arrive finalement au même résultat. Aussi, suis-je absolument content des résultats de son «examen» de l’Italie. [Chtchatskine : « Ai-je contesté que l’Etat corporatif est un symptôme de capitalisme d’Etat ? »] Chez Chtchatskine, on peut lire littéralement « Des tendances de capitalisme d’Etat existent réellement. » Et, en ce qui concerne à proprement dire cette question, j’ai cité ici une série de preuves réelles que vous n’avez pas réfutée d’un seul mot, ni le fait de la réglementation des prix par l’Etat, ce qui doit être considéré comme un moment essentiel du développement direct des tendances de capitalisme d’Etat, ni l’étatisation de« syndicats. Partant, « l’argument italien » de Chtchatskine est faible, très faible.

De plus, Chtchatskine a essayé de réfuter mon argument « viennois ». En passant, je tiens à dire que je n’ai pas (« voltigé » d’un pays à l’autre, que je n’ai pas puisé fortuitement dans l’un ou dans l’autre pays, mais que j’ai pris différents types de pays où ces tendances se manifestent d’une façon variée. Chtchatskine a « voltigé » à ma suite et a dit : « Je dois également réfuter le deuxième argument de Boukharine relatif à la commune de Vienne, d’autant plus que l’activité économique de la commune de Vienne, abstraction faite de la démagogie « socialiste », ne diffère, en principe, en aucune façon de l’activité d’autres communes ». Du point de vue du caractère capitaliste, la commune de Vienne ne se distingue aucunement, cela va de soi, et ne peut différer de l’activité d’autres communes bourgeoises. « La commune de Vienne ne contrôle et ne règle pas l’industrie de Vienne », prétend Chtchatskine à l’une des pages du sténogramme.

Je tourne cette page et voici ce que je trouve : « Il est vrai que ses entreprises ont, dans l’économie nationale de l’Autriche, un poids spécifique un peu plus grand que ce n’est le cas dans d’autres pays ». Mais si la commune de Vienne n’a rien à faire avec l’industrie, comment se fait-il alors qu’elle ait des « entreprises » ? [Chtchatskine : « Il s’agit de l’industrie privée ».] Mais moi, je ne vous en ai pas parlé. D’une part, Chtchatskine dit que la commune de Vienne n’a rien à faire avec l’industrie et, de l’autre, le lecteur ou auditeur étonné apprend qu’il y a là certaines entreprises qui ont « un poids spécifique un peu plus grand que dans les autres pays ». On peut énumérer ces entreprises : production et distribution du gaz, usines électriques, l’arsenal (où l’on fabrique également des machines agricoles), la construction de logements, etc. Il existe, en outre, des entreprises concessionnaires contrôlées par la commune de Vienne. A cette catégorie, appartiennent les chemins de fer électrifiés et, d’une façon générale, les moyens de transports.

Continuons. Chtchatskine dit : « Cela s’explique par le fait qu’après le traité de SaintGermain il n’est resté de toute l’Autriche que la capitale et ses environs ». Et comment s’appelle cette capitale ? [Chtchatskine : « Vienne ».] Oui, cette capitale s’appelle Vienne et comment pouvez-vous dire en même temps que la commune de Vienne n’a rien à faire avec l’industrie ? Vraiment, à force de voir des arbres, Chtchatskine n’a pas vu la forêt ! (Hilarité). Néanmoins, il reste un fait : Chtchatskine reconnaît que les entreprises de la commune de Vienne possèdent un poids scientifique [spécifique ?] plus grand que dans les autres pays et que Vienne représente presque toute l’Autriche. S’il reconnaît tout cela, s’il reconnaît que Vienne est presque toute l’Autriche, il ne faut absolument rien de plus. Et puisqu’il admet tout cela, je n’ai plus besoin de continuer à le dépecer. (Hilarité.) [Chtchatskine : « Pour le moment, je suis encore dans ma peau ».]

Chtchatskine « réfute » aussi mon troisième argument relatif au Japon. « Il est vrai qu’au Japon existent des éléments de capitalisme d’Etat, mais il n’y a rien de nouveau à cela. » En effet, ce n’est pas nouveau ! (Hilarité.) Mais je vous le demande : oui ou non, ces éléments se sont-ils accrus ces derniers temps? C’est précisément là que réside le point décisif. C’est précisément en cela que consiste la nouvelle question que vous avez passée sous silence. Moi, j’affirme que les éléments se sont renforcés. Mais vous, vous vous taisez à ce sujet, vous parlez de toutes sortes possibles de choses « intéressantes », mais vous tournez cette question, vous n’y répondez pas. Pourtant, c’est précisément le point saillant de la discussion. Par conséquent, votre argument sur cette question est inopérant.

Chtchatskine dit également à propos du Japon : « Comme Boukharine le reconnaît lui-même, il (le capitalisme d’Etat) est né sur le terrain d’un passage particulier du Japon de la féodalité au capitalisme et ne peut, par conséquent, pas servir de preuve pour une tendance internationale ». Bien. Que les tendances du capitalisme d’Etat soient nées sur le terrain d’une transition particulière, cela n’explique que les formes particulières sous lesquelles elles s’opèrent. Moi aussi j’ai dit cela. Mais est-ce que votre argument détruit le mien ? Moi-même j’ai parlé du développement de ces tendances sur la base d’une transition particulière. Mais j’ai fait valoir, en outre, un autre argument également très important, à «avoir que le Japon, en raison de sa situation internationale, a été obligé, dans une mesure bien plus grande que d’autres puissances impérialistes, de serrer plus fermement le « poing» de sa propre économie nationale et que c’est une des causes de la croissance rapide des éléments de capitalisme d’Etat. Cela atteste précisément l’existence de facteurs internationaux qui forcent le développement de ces tendances au Japon. Et quelles sont les conclusions de Chtchatskine ? Il a été obligé, en tournant sur place, de constater encore une fois ce que moi j’avais déjà dit.

Comme argument principal, Chtchatskine prend les conditions de développement dans deux autres pays et pense ainsi pouvoir réduire toute mon argumentation à néant. Il cite la France et l’Allemagne et affirme qu’en France et en Allemagne nous n’avons aucun processus de croissance des tendances de capitalisme d’Etat, mais que nous y assistons à un processus en sens contraire. Tout d’abord, je souligne encore une fois que j’ai parlé de la façon la plus expresse de tendances de capitalisme d’Etat et non pas du capitalisme d’Etat comme, d’une forme finie ; deuxièmement, j’ai parlé, sous ce rapport notamment, du processus d’une interpénétration « d’en bas » des plus grandes entreprises centralisées, des consortiums, des trusts, etc., avec les organisations du pouvoir d Etat, ce qui est également sur la ligne de développement de cette tendance.

S’opère-t-il vraiment en France un « processus en sens contraire » ? J’ignore sur quoi peut se fonder une telle affirmation. Pendant la guerre, et surtout au cours de la période consécutive, la France est devenue pour la première fois un pays industriel important. Je répète donc au sujet de la France : personne n’ignore que, pendant la guerre et au cours de la période consécutive, la France est devenue pour la première fois un grand pays industriel, après avoir annexé une partie considérable de l’Allemagne et s’être « arrondie » grâce à la guerre victorieuse. En dépit de tous les obstacles et résistances résultés de la conjoncture d’après-guerre (inflation, chute du franc et toutes sortes d’autres événements) la France est arrivée, ces derniers temps, à l’avant-plan de l’Europe en tant que pays de grand développement industriel et d’industries trustifiées.

Tel est l’état de choses réel du développement d’après-guerre de la vie économique de la France, un état de choses qu’il faut faire ressortir en toute première ligne. Il est incontestable que jamais encore il ne s’est opéré en France une telle interpénétration directe des grandes organisations capitalistes avec le pouvoir d’Etat, comme c’est actuellement le cas, surtout maintenant sous le gouvernement Poincaré. De cela, découlent des conséquences politiques, précisément du fait que le Comité des Forges ne fait qu’un avec Poincaré et que le Bloc national est l’expression directe de ces organisations géantes, le gouvernement étant le gouvernement des grands trusts, des banques et des cartels. C’est précisément cela que j’ai souligné.

Arrivons maintenant à l’Allemagne.

Chtchatskine a tourné quelques-uns des passages les plus probants de mon argumentation. Oui ou non, est-il, par exemple, un fait que l’Allemagne regroupe son économie à l’aide de l’électrification ? Est-il vrai que 4/5 de toute la production d’énergie électrique est aux mains de l’Etat ou des villes ? Et n’est-ce pas cela, précisément cela, qui constitue la base technique et économique pour la refonte de toute la vie économique du pays ? Peut-on passer sous silence ce fait fondamental ? Chtchatskine n’en a soufflé mot, mais il a cité comme argument décisif quelque chose d’absolument autre.

Mais, camarade Chtchatskine, ce deuxième « argument », votre exemple — des chemins de fer — ne vaut rien non plus. Il a dit que les chemins de fer ont été remis à une société privée, qu’ils ont été vendus et que cela constitue un processus opposé au processus de développement des tendances de capitalisme d’Etat. Mais aux mains de qui donc se trouvent les chemins de fer allemands ? Ils se trouvent effectivement aux mains de l’agent des réparations. La société à laquelle les chemins de fer appartiennent est une société fondée expressément afin de transmettre le contrôle sur les chemins de fer à certains autres Etats. En réalité, les dispositions de l’agent des réparations illustrent clairement, manifestement, des buts politiques, étatiques, évidemment les buts de ces certains autres Etats qui disposent des chemins de fer. Mais si on fait valoir ce fait pour détruire mon argumentation, il est alors tout à fait évident que cet exemple est absolument impropre.

Je prétends que ces combinaisons géantes, comme le trust de l’acier, n’ont encore jamais pénétré aussi profondément le pouvoir d’Etat, le gouvernement allemand, que précisément maintenant ; j’affirme, deuxièmement, que 4/5 de la production d’énergie électrique se trouvent aux mains de l’Etat et des communes.

Nous voyons que le développement des tendances de capitalisme d’Etat s’opère avant tout en deux directions principales. D’un côté (et c’est la tendance principale), il y a un processus d’interpénétration « d’en bas » des organisations économiques du capital avec les organes du pouvoir d’Etat (ce que j’ai appelé « trustisation » du pouvoir d’Etat) ; ici, il n’existe pas encore formellement des moments de capitalisme d’Etat, mais ces tendances très nettes et essentielles préparent le terrain au capitalisme d’Etat et c’est pourquoi elles peuvent être nommées à juste raison « tendances dans la direction du capitalisme d’Etat », car elles expriment le processus réel « d’interpénétration »

D’autre part, il faut constater également une certaine croissance des éléments qui sont déjà formellement des éléments de capitalisme d’Etat (entreprises étatisées, possession des actions de trust, entreprises communales, étatisation des syndicats, réglementation des prix, etc...). Ce processus a lieu pour ainsi dire « d’en haut ». Dans les différents pays; nous pouvons enregistrer certaines variétés de développement. Il serait faux, précipité et nuisible de sauter certaines étapes d’évolution et de vouloir proclamer une « ère », une « période » de capitalisme d’Etat. Mais il serait non moins faux de ne pas reconnaître les tendances mentionnées plus haut, tendances qui opposent le prolétariat de plus en plus aux forces réunies de la bourgeoisie en voie de rassemblement et soutenue absolument par l’opportunisme social-démocrate. Tel est le bilan de cette question.

Encore une remarque avant de passer au problème tactique. Il faut que je dise que Lozovski a souligné, à mon avis, à juste raison, le problème du mouvement ouvrier des pays de l’Océan Pacifique.

Mais néanmoins, camarades, il faut que je fasse une remarque au sujet de l’appréciation générale donnée par Lozovski, des problèmes traités par lui. Il me semble que Lozovski, en parlant de ces problèmes, surestime par trop notre force, c’est-à-dire la force de l’Internationale Syndicale Rouge et celle du communisme dans l’étape actuelle.

Prenons, par exemple, le mouvement syndical des ouvriers australiens. Lozovski les compte- déjà parmi les nôtres, comme s’il les avait déjà dans sa poche. Mais, malheureusement, les choses sont bien loin de se présenter ainsi. Que les délégués du mouvement syndical australien participent 20 fois à nos conférences, etc, nous devons néanmoins nous rendre compte que le mouvement syndical d’Australie est, pour le moment, encore extrêmement réformiste et qu’il est très imprudent pour Lozovski de compter les 500 000 membres des syndicats australiens directement dans « sa section ». Nous y avons des points d’appui, nous devons y travailler avec une énergie de plus en plus grande. Pour le moment, la base de nos succès n’est pas particulièrement grande, parce que les ouvriers australiens se réjouissent d’une position relativement très privilégiée. Nous avons discuté en détail, avec les camarades australiens, de la situation dans leur pays, et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il ne serait guère opportun d’escompter des perspectives particulièrement roses pour le proche avenir. Je crois que tel sera plutôt le cas.

II. La ligne tactique principale[modifier le wikicode]

Arrivons maintenant à la ligne tactique principale. Je dois constater notamment que tous les orateurs qui sont venus parler ici se sont unanimement solidarisés, sans exception, avec la ligne élaborée ces derniers temps par le Comité exécutif de l’I. C., aussi bien vis-à-vis des réformistes, de la tactique du front unique qu’également et avant tout vis-à-vis de la campagne électorale, ainsi que de la tactique syndicale.

Je veux remarquer, entre parenthèses, que la dernière question, la question de notre tactique syndicale n’a été développée ici minutieusement ni par Lozovski, ni par les camarades qui ont parlé au nom du C. C. S. U. S. La formule à laquelle nous nous sommes arrêtés est encore bien loin d’avoir solutionné tous les problèmes, étant donné que, dans les différents Pays, nous nous voyons encore en face de toute une série de problèmes concrets dont la solution n’admet pas que nous nous limitions à certaines formules générales, universelles, sur les principes du travail syndical.

Nous devons souligner de la façon la plus catégorique que nous ne changeons pas les bases de notre tactique dans le mouvement syndical et que nous ne voulons nullement, dans les circonstances données, quitter les syndicats réformistes. Une telle pensée serait absurde, une telle tactique ne pourrait que nuire a la cause de la révolution prolétarienne. Notre tactique, que nous sommes obligés d’appliquer maintenant dans une série de pays, tant dans le domaine politique que dans d’autres domaines d’activité, ne consiste nullement à modifier radicalement notre cours actuel.

Dans mon rapport, j’ai émis la thèse qu’en ce moment il est impossible, de lancer le mot d’ordre de la nationalisation bourgeoise des entreprises, de certaines branches de production, etc..., pas plus que le mot d’ordre du « contrôle ouvrier », du fait que nous ne nous trouvons pas dans une situation directement révolutionnaire. Lozovski a contesté cela assez énergiquement. Voici quel est son argument principal dans la question de la nationalisation : si nous parlions d’une nationalisation avec indemnité, alors ce serait de l’opportunisme. Mais, en parlant d’une nationalisation sans indemnité, quoi d’opportuniste à cela ?

Le deuxième argument de Lozovski consiste tout simplement à souligner la pratique. Il disait : « Prenez la Grande-Bretagne. Faut-il y renoncer au mot d’ordre de la nationalisation, par exemple, de l’industrie minière, mot d’ordre qui a été lancé ces derniers temps et que nous n’avons cessé de défendre, mot d’ordre autour duquel s’est développée la lutte de classe la plus acharnée ? » Il se sert donc de la Grande- Bretagne comme argument pour appuyer sa thèse générale d’après laquelle nous devons soutenir le mot d’ordre de la nationalisation.

A mon avis, ces arguments sont faux. La conclusion fondamentale de mon rapport est que nous devons attaquer avec une énergie encore plus grande que jusqu’à présent la socialdémocratie sur tout le front. Qu’est-ce qui est décisif dans l’idéologie social-démocrate et dans sa conduite tactique ? Ce qui est décisif, c’est son orientation vers le capitalisme d’Etat; ce qui est décisif, c’est que la social-démocratie veut entraîner la classe ouvrière, à commencer par le travail dans les comités d’usines jusqu’au travail dans la S. d. N., au système de collaboration avec la bourgeoisie capitaliste. Voilà ce qui est décisif. Si nous lancions maintenant le mot d’ordre de la nationalisation de n’importe quelle branche de production, c’est-à-dire son passage à l’Etat bourgeois, nous ne nous distinguerions, en principe, en rien de la socialdémocratie Nous devrions alors nous prononcer pour toute une série de nationalisations et de communalisations bourgeoises. Et que feraient, dans ces conditions, les comités d’usines de ces entreprises ? Ils devraient collaborer. Ils glisseraient peu à peu sur le chemin de la rationalisation capitaliste, etc. Ce serait toute une ligne qui, précisément maintenant, serait absolument erronée et opportuniste.

Il est vrai que pour la Grande-Bretagne nous avons fait une exception pendant tout ce temps. Pourquoi avons-nous fait cette exception ? C’est qu’autour de cette question s’est déchaînée une lutte géante. Ce mot d’ordre appartient aux traditions des groupes prolétariens révolutionnaires. On a fait une exception pour la Grande-Bretagne précisément parce que ce mot d’ordre avait de puissantes traditions et que la lutte autour de cette question était déjà déchaînée. Vous savez que nous faisons également une série d’autres exceptions pour l’Angleterre. C’est ainsi que, par exemple, nous sommes pour le maintien de notre présence dans le parti travailliste, bien que la direction de ce parti soit absolument pourrie. Lénine a défendu cette tactique dans une série d’écrits. Mais précisément la situation exceptionnelle de la Grande-Bretagne ne nous permet pas de généraliser ces exceptions et d’en faire une règle. Qu’en est-il de la question du mot d’ordre du contrôle de la production ? Dans la résolution du IIIe Congrès, la question du mot d’ordre du contrôle de la production est formulée de la façon la plus exacte : il y est dit :

« Dans la mesure où les luttes pour les revendications partielles, où les luttes partielles de certains groupes ouvriers se transforment en lutte générale de la classe Ouvrière contre le capitalisme, le parti communiste doit également élargir ses mots d’ordre, les généraliser jusqu’au mot d’ordre de l’écrasement direct de l’adversaire. En établissant leurs revendications partielles, les partis communistes doivent faire attention à ce que ces revendications, émanant des besoins des larges masses, non seulement conduisent ces masses à la lutte, mais que ces mots d’ordre, par leur nature, organisent les masses. Tous les mots d’ordre concrets nés des besoins économiques des masses ouvrières doivent être dirigés dans le lit de la lutte pour le contrôle de la production non pas comme plan d’organisation bureaucratique de l’économie nationale en régime capitaliste, mais comme plan de lutte contre le capitalisme par les comités d’usines et par les syndicats révolutionnaires. »

En d’autres mots, cela veut dire exactement que, pour autant que la lutte rassemble le prolétariat et se transforme en lutte pour le pouvoir, nous devons accentuer et généraliser nos mots d’ordre et revendications économiques et les lier à la revendication du contrôle ouvrier. Cela signifie que la question du mot d’ordre du contrôle ouvrier est posée en liaison étroite avec l’approche d’une situation révolutionnaire. Je ne me dresse pas d’une façon générale contre ce mot d’ordre ; quand une situation directement révolutionnaire est en voie de mûrir, il est alors tout à fait juste, mais aujourd’hui, où nous ne nous trouvons pas dans une situation directement révolutionnaire, il est complètement faux. Le mot d’ordre du contrôle de la production reçoit une signification absolument erronée s’il est joint au mot d’ordre de la nationalisation bourgeoise, parce qu’il en résulte une orientation vraiment social-démocrate.

III. Déviations de droite ou de gauche[modifier le wikicode]

J’en viens maintenant à la question des déviations de droite ou de gauche. Chtchatskine a complété de façon générale absolument juste les faits que j’avais apportés sur les déviations et les fautes de droite de quelques-uns de nos partis par d’autres faits, d’autres déviations et d’autres fautes à caractère de droite. Je dois cependant remarquer que Chtchatskine est passé à deux reprises à côté de la vérité. Ainsi, par exemple, lorsqu’il a dit, à propos du parti français :

« Un groupe important de camarade français se place sur le point de vue du soutien des radicaux sur tout le front. »

C’est inexact. Le groupe de camarades hésitants, membres du Bureau politique, dont a parlé Chtchatskine ne demande pas le soutien des radicaux sur tout le front. [Chtchtatskine : « C’est-à-dire que vous n’êtes pas suffisamment informé ! »] Non, je suis informé de façon absolument suffisante et j’ai parlé plus d’une fois sur ce sujet avec toutes une série de camarades français.

A mon avis, vous avez fortement exagéré sur ce sujet. La deuxième exagération que commet Chtchatskine, c’est lorsqu’il affirme qu’il se forme actuellement en Allemagne un groupe de droite très fort, alors que, soi-disant, autrefois il n’aurait pas osé lever le petit doigt. Dans une période relativement récente, une grande partie des anciens camarades de droite se serait réunie avec ce qu’on appelle le groupe Ernst Meyer. Ici, à Moscou, nous avons passé avec notre aide et notre soutien un « accord » entre le Comité central et le groupe du camarade Meyer, où le camarade Meyer, chef de cet ancien groupe de droite, a signé une déclaration disant qu’il se détachait de ses anciennes fautes et qu’il collaborerait avec le Comité central. Nous avons amené les chefs de ce groupe qui travaillaient en Allemagne vers la conciliation avec le Comité central et ils travaillent actuellement très bien. C’est un fait. Quelles conséquences voulez-vous en tirer? La croissance et la formation d’un groupe de droite ou le contraire ? A mon avis, c’est le contraire. On ne peut absolument pas le nier. Il y a quelque temps, Meyer, qui est à la tête de ce groupe, donc le chef dans la pratique était Gerhardt... [Chtchatskine : « Ce n’est pas vrai ! »] Vous pouvez secouer la tête autant qu’il vous plaira, mais je dis que c’est vrai et que c’est une chose bien connue de tous ceux qui connaissent la vie du parti allemand.

[Chtchatskine : « Je peux en dire autant en ce qui le concerne ! »] ...Je disais donc que Meyer était en opposition avec la ligne du C. C. et actuellement il défend cette ligne. C’est un fait réel et personne ne peut le nier.

En ce qui concerne la position des camarades Chtchatskine et Lominadzé sur la question du caractère et des relations entre les déviations dans l’Internationale Communiste, il me paraît que Chtchatskine et Lominadzé n’ont pas entièrement raison dans cette affaire. Chtchatskine et Lominadzé, mais surtout Chtchatskine, sous-estiment le danger trotskiste dans l’Internationale Communiste. Deuxièmement, ils sous- estiment le fait de la réunion des trotskistes avec l’apparence de gauche (au sens étroit du mot) et des éléments ouvertement de droite, c’est-àdire le passage du trotskisme au menchevisme C’est là la faute des explications de Lominadzé et de Chtchatskine, Tranquillisez-vous ! Je vais vous expliquer tout de suite, concrètement, en quoi consiste votre faute. Vous opérez de la façon suivante : Lominadzé dit : « Si l’on « élimine », comme s’exprime si volontiers le camarade Boukharine, c’est-à-dire si l’on enlève complètement de notre analyse la question des cercles trotskistes, ceux de droite et ceux de gauche, restent les fautes de droite. » C’est à peu près la formule de Lominadzé. Voici maintenant la formule de Chtchaskine. Laissons les trotskistes en paix et regardons ce qui se passe dans cette grande communauté que constitue notre Internationale Communiste. Est-ce qu’il est exact de poser la question ainsi ? Je trois .que c’est inexact. Quel est le sens des paroles de Chtchatkine lorsqu’il dit : « Regardons notre Internationale Communiste » ? Qu’est ce que cela signifie ? Cela signifie, regardons les groupements qui existent actuellement à l’intérieur des frontières et des cadres de notre Internationale Communiste et qui n’en sont pas encore exclus. C’est la seule façon de comprendre cela.

Maintenant, je vous demande: Pouvons-nous éliminer de notre Internationale Communiste les éléments, trotskistes ou semi-trotskistes et dire ensuite que chez nous tout est propre à 100 % ? Nous ne le pouvons pas le moins, du monde. Les choses se passent actuellement de telle façon que les trotskistes manœuvrent à l’intérieur des partis-étrangers exactement comme à l’intérieur de notre P. C. de l’U. S.

Que fait Maslow, par exemple ? Demande-t-il à ses adhérents de sortir du parti communiste ? Pas le moins du monde. Il est à la tête, de son petit parti et il a ses « antennes » dans notre parti. C’est là justement que se trouve le danger, dans le fait que tous ces éléments sont encore dans notre Internationale Communiste. Il est exact que chez eux, comme chez-nous, l’opposition trotskiste devient à l’heure actuelle le pôle d’attraction de tous les mécontents. De même dans les autres partis communistes et dans l’Internationale Communiste les petits groupements trotskistes deviendront également le pôle de tous ceux qui ne sont pas contents, du régime de la politique et de la tactique de l’Internationale Communiste. Considérons tout cela du point de vue de la grande politique, Dites-moi, s’il vous plaît, est-il possible actuellement de comparer telle ou telle faute de droite de tel ou tel parti communiste, quelle que puisse être son importance propre avec, par exemple, la campagne sur Thermidor, campagne de droite, campagne social-démocrate, contre-révolutionnaire même dans son essence, et que tous les groupements trotskistes ont menée contre l’Union Soviétique. Est-ce que cette campagne de trahisons ne dépasse pas tout le reste, parce que c’est là la question politique la plus importante et que du point de vue de la grande politique, il n’y a pas de question plus importante. C’est justement aussi pour cela que cette question est le critérium pour l’appréciation du danger. Je chercherai encore à apprécier cette question d’un autre côté. Si nous ne parlons plus des grands traits de la politique extérieure, mais du problème qui est pour nous le plus important, celui de la conquête des masses, quel est donc, de ce point de vue, ce qui est le plus nuisible ? J’affirme que de ce point de vue il n’y a aucun groupe qui nous nuise autant que l’opposition trotskiste C’est une barrière sur notre route pour conquérir les masses. [Interruption : « Très juste ! »] Les ouvriers social-démocrates qui viennent à nous dans un large front et dont les sympathies pour l’Union Soviétique grandissent constamment doivent surmonter aujourd’hui non seulement les mensonges officiels de la social-démocratie, mais aussi les calomnies qui partent d’un camp soi-disant communiste; Tseretelli est actuellement à Stockholm et il poursuit une campagne formidable contre nous en s’appuyant surtout sur Trotski. Le Vorvaerts s’appuie surtout sur la plate-forme de l’opposition et il en est ainsi partout. N’importe où que ce soit, la social-démocratie et la bourgeoisie mettent actuellement nos opposants sur le pavois.

De même qu’à l’intérieur de l’Union Soviétique, notre opposition est surtout dangereuse à cause de ses appels à la troisième force, elle est maintenant dans les pays capitalistes le haut parleur de la social-démocratie, de la bourgeoisie qui se tient derrière elle. Elle est le porteur de l’influence bourgeoise dans le prolétariat car les ennemis de l’Union Soviétique, de notre P. C et de l’I. C. se ramassent autour d’elle. C’est-à-dire que si l’on « élimine » cette question de façon toute logique et formelle c’est là une vertu bien modeste, car il en résulte que l’on ne voit pas des choses grandes et importantes, que l’on ne voit pas la forêt parce que les arbres la cachent. Chtchaskine a fait personnellement quelques hésitations dans la question de l’opposition. Il est extrêmement vraisemblable que sa position actuelle dépend de cette circonstance.

Il est complètement naturel que cette sous-estimation du danger trotskiste à l’intérieur de l’I. C. entraîne avec elle des dangers extrêmement graves. Lominadzé a dressé ici la thèse que les fautes commises par le parti [des partis ?] ou par leur direction, sont avant tout des fautes de droite. C’est exact, mais il faut ici faire la remarque suivante : Est-il exact ou non qu’à propos de toutes ces fautes dont je reconnais pleinement l’existence, les C. C. des partis en question les ont corrigées avec l’aide de l’I., C., ont voulu les corriger, et ont appliqué les directives du Comité Exécutif qui tenaient compte de ces fautes ? Il .y a faute et faute. Il y a une série de fautes qui mènent, au système fractionnel. On veut défendre ces fautes; on les maintient, on les approfondit, on en fait des théories. C’est là une sorte de fautes. Dans l’autre sorte, on les commet bien mais on les corrige par la suite. Les camarades Chtchatskine et Lominadzé qui sont bien informés sur l’activité de l’Internationale Communiste doivent me donner raison dans cette affaire. Chtchatskine disait dans ses déclarations que l’I. C. avait toujours lutté contre ces fautes, qu’elle était allée au devant et les avait corrigées. C’est un fait. Est-ce que ces corrections de l’I. C. se sont en général heurtées a de la résistance ? Non ! Dans l’écrasante majorité des cas, les directives de l’I. C. ont été prises en considération. Si on ne remarque pas cela, c’est une injustice vis-à-vis de l’écrasante majorité de nos sections. Est-ce que à l’I. C. nous nions le danger de droite ? Pas le moins du monde.

On peut formuler un peu autrement la question concernant les dangers de droite. Dans toute une série de partis qui n’ont pas encore été soumis au feu de l’ennemi, il peut intervenir, en face des événements futurs des crises intérieures. Je ne tiens pas pour exclu que dans le parti français et dans le parti tchécoslovaque, deux grands partis qui n’ont pas encore été véritablement au feu, nous aurons des crises de cet ordre: Nous ne le nions pas du tout et nous pensons qu’il existe un danger de droite, qu’il est même assez important. Dans la mesure où il y a actuellement des fautes de droite dans le cadre dirigeant de nos sections, nous devons lutter de toutes nos forces contre elles, les corriger, en avertir nos sections. Nous devons suivre de la façon la plus attentive même les plus petites fautes dans cette direction, car, des fautes qui au début peuvent apparaître comme sans importance si on ne leur oppose pas de résistance peuvent devenir des fautes d’une grande importance politique;

IV. La question de la Révolution chinoise[modifier le wikicode]

Lominadzé a prononce ici un discours dans l’ensemble fort intéressant et je crois que tous les camarades l’auront entendu avec plaisir. Mais il y avait dans le discours de Lominadzé quelques exagérations, qui sont absolument visibles.

Première remarque : Lominadzé a donné une formule très peu claire sur le féodalisme chinois. La question n’est pas de savoir quelle sorte de féodalisme existe en Chine, si c’est un féodalisme particulier ou un féodalisme de caractère européen. Dans cette lutte, il s’agit ayant tout de savoir s’il y a, en général ou non, un féodalisme en Chine. Mais ce débat est lié de la façon la plus étroite avec l’appréciation des classes, car la négation de l’existence du féodalisme se lie (chez Radek, par exemple) avec la négation de l’existence d’une classe de propriétaires fonciers, ce qui a naturellement d’autres conséquences. Lominadzé a mis le poids principal de ses explications sur les formes du féodalisme et il a fait cela de telle façon que presque tous les camarades qui sont ici le comptaient au nombre de ceux qui nient l’existence du féodalisme en Chine.

Deuxième remarque : Le camarade Lominadzé s’est laissé aveugler par la violence de ses formules en ce qui concerne la bourgeoisie chinoise. Déclarer par exemple qu’il n’y a plus en Chine de bourgeoisie en tant que classe, mais des bourgeois isolés, c’est naturellement inexact. La simple constatation du fait que la bourgeoisie se divise en groupes différents qui se combattent les uns les autres ne doit pas avoir pour conséquence la destruction de la bourgeoisie en général comme force sociale de classe. Lominadzé a visiblement tiré au delà de son objectif et, partant d’une pensée juste au fond, il est arrivé à une idée absurde.

En général je suis complètement d’accord avec les pronostics que donne Lominadzé au sujet de la révolution chinoise. J’ai dit justement dans mon rapport que nous n’avons pas du tout le sujet d’être pessimistes en ce qui concerne la révolution chinoise et que nous nous trouvons sans aucun doute à la veille d’une nouvelle grande poussée révolutionnaire. Maintenant, sur le discours du camarade Mif : Son analyse de la question du féodalisme en Chine peut être considérée comme complètement exacte. Mif a pris, à mon avis, de façon très juste, le mode de production asiatique comme la forme d’expression du féodalisme au plus large sens du mot. Les caractères particuliers de ce féodalisme apparaissent et se reflètent dans les caractères particuliers de la classe des propriétaires fonciers en Chine, dans les traits particuliers de la vie économique et politique de Chine. C’est seulement sur cette base que l’on peut et que l’on doit comprendre le problème de la révolution agraire.

Mais, je dois faire deux réserves en ce qui concerne le discours si intéressant du camarade Mif.

Premièrement, je ne suis pas d’accord avec la thèse sur la possibilité d’une période stolypinienne en Chine, il n’y a aucune vraisemblance qui permette de croire en une période de ce genre. Il n’y a pas en Chine, une telle surface agraire que l’on puisse manœuvrer avec elle et résoudre à la manière russe les contradictions fondamentales de la vie économique chinoise. Cette voie est complètement fermée pour la Chine. Il n’y a pas pour cela de base économique dans les territoires décisifs de la Chine

Deuxièmement, je crois que le camarade Mif a mis en avant, à tort, la lutte contre les koulaks chinois. Ce n’est pas cela qui est actuellement à l’ordre du jour, mais la question de l’anéantissement des propriétaires fonciers, c’est-à-dire qu’il faut battre le paysan riche là où il lutte avec les propriétaires fonciers contre la masse principale de la paysannerie (mais c’est là une autre façon de poser la question que celle du camarade Mif).

En ce qui concerne les conclusions tactiques sur la question de la révolution chinoise, il m’apparaît que tous les camarades qui ont traité cette question, n’ont pas manifesté de divergences essentielles.

J’en arrive à la conclusion. Quelles leçons pouvons-nous tirer de luttes qui se sont déroulées ici. Tous les camarades voient actuellement que l’Internationale Communiste, malgré des conditions très difficiles pour sa direction, s’efforce de maintenir une ligne tactique juste qui a été visiblement ratifiée par l’unanimité de ce Congrès du parti. A l’avenir, nous nous efforcerons de corriger systématiquement toutes les fautes. Nous le ferons comme nous l’avons fait jusqu’il présent. Mais nous pouvons dire que malgré les difficultés gigantesques auxquelles nous nous sommes heurtés au cours de notre travail pendant les deux dernières années, les résultats d’ensemble de notre travail sont positifs. Les partis communistes dans la lutte contre notre opposition et contre les trotskistes en général dans l’I.C. ont montré une grande unité. Notre parti, dans sa lutte contre les déviations trotskistes-menchévistes a reçu l’appui le plus large de la part des autres partis communistes. Notre parti a été soutenu parce qu’il est le parti glorieux de la révolution ouvrière internationale.

Camarades, nous sommes, selon toute vraisemblance à la veille d’une période de grandes luttes. Nous ne savons pas quand commenceront ces luttes et nous ne pouvons pas le prédire. Mais nous sommes fermement persuadés que dans les grands conflits entre le capital et le travail, que tout le développement du processus historique doit inévitablement provoquer, nous aurons des cadres braves, des cadres suffisamment exercés, des cadres d’acier que suivront les larges masses de la classe ouvrière et qui seront déjà à leur poste quand sonnera la trompette de la guerre.

Au contraire des partis social-démocrates et au contraire des autres partis et des groupements de nos ennemis, nous ne savons pas apprécier à sa valeur notre propre travail, l’héroïsme des partis communistes et de leurs militants, leur succès, etc... L’I. C. perd des milliers et des milliers de ses combattants. Toute la terreur blanche de la bourgeoisie est dirigée contre nous. Nous autres, communistes, nous mettons chaque jour de nouvelles cohortes de braves combattants en avant et de vrais martyrs de la classe ouvrière. Le camarade Lominadzé nous a raconté ce qui se passe en Chine. Mais, malgré toutes les horreurs de la terreur blanche, nous autres communistes, que ce soit en Chine, en Pologne, dans les Balkans ou en Italie, nous dressons toujours de nouveaux rangs de combattants sans peur qui ne s’effraient de rien, qui supportent tout et qui se trempent pour conduire à nouveau dans la lutte les colonnes ouvrières. Camarades, nous commençons à grandit actuellement. La base pour l’élargissement de l’I. C. augmente. Nous autres, communistes, nous devons soutenir ce mouvement, renforcer notre travail parmi les masses. Seules organisations de la classe ouvrière révolutionnaire et seul, parti ouvrier révolutionnaire, nous devons renforcer notre travail parmi les masses, le rendre plus hardi et plus énergique.

Nous devons, à l’heure actuelle, aussi bien contre nos ennemis capitalistes, que contre nos ennemis social-démocrates, entreprendre la lutte avec la plus grande, énergie. Nous devons dominer tous les restes de nos anciennes hésitations et de notre état d’esprit pessimiste

Nous n’avons rien à. craindre pour notre avenir. L’Union Soviétique grandit. La grande révolution chinoise grandit. Les colonnes de la classe ouvrière européenne penchent à gauche. Et nous allons de l’avant. Nous assurons dans nos rangs une unité de fer, nous marchons de l’avant sous la bannière du léninisme, sous la bannière de l’Internationale Communiste qui lutte. (Tempête d’applaudissements. Les délégués se lèvent. On chante l’Internationale.)