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Discours de clôture du débat sur la situation internationale à la XVe Conférence du PCUS
Auteur·e(s) | Nikolaï Boukharine |
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Écriture | 27 octobre 1926 |
Publié dans La Correspondance Internationale, 10 novembre 1926, n°119, pp. 13591362. Résumé dans La Correspondance Internationale, 3 novembre 1926, n°117, pp. 13231324.
Les camarades qui sont intervenus dans la discussion se placent, dans les grandes lignes, au point de vue défendu dans mon rapport. Je ne veux m’arrêter que brièvement aux questions que j’avais laissées de côté dans mon rapport parce qu’il m’était impossible de les traiter, mon rapport étant déjà suffisamment long sans cela.
En ce qui concerne la question de la stabilisation, je voudrais seulement souligner le plus important de ce que j’en ai dit et des remarques qu’ont faites les camarades au cours de la discussion. J’avais souligné qu’il fallait poser maintenant la question de la stabilisation d’une façon différenciée. Si l’on énumère les éléments constitutifs de l’économie mondiale actuelle, toute la relativité de cette stabilisation apparaît nettement. En posant concrètement cette question, nous disons : l’Union Soviétiste est le coin principal enfoncé dans la stabilisation, c’est un facteur d’une importance extrême. Est-il possible de s’imaginer aujourd’hui une seule question importante de la politique internationale qui n’impliquerait pas, sous l’une ou sous l’autre forme, ce qu’on appelle la question russe ? La stabilisation du socialisme, c’est-à-dire, la croissance des éléments socialistes dans notre pays dans les conditions actuelles données, est un facteur d’une portée extrême qui détruit l’unité capitaliste et constitue, par conséquent, un coin formidable dans la stabilisation capitaliste.
La révolution chinoise qui groupe des masses humaines immenses et l’armée la plus importante de l’ensemble de la population mondiale (430 millions sur 1 milliard 2/3)), représente une grandeur d’une portée historique telle qu’on n’en a jamais vue de pareille. Si on considère tout le potentiel, toutes les possibilités contenues dans la révolution chinoise, si on examine l’importance immense de la révolution chinoise pour toute une série de pays orientaux, coloniaux ou semi-coloniaux, elle constitue un facteur d’une importance inouïe d’une portée historique mondiale ainsi qu’un coin formidable dans la stabilisation capitaliste.
Si nous prenons les événements de Grande-Bretagne, la grève générale et, notamment, la lutte des vaillants mineurs qui résistent depuis 6 mois, dans des conditions extraordinairement difficiles, si nous apprécions cette lutte de tous côtés, du point de vue de son importance historique mondiale ; si nous le relions à la courbe descendante du capitalisme britannique ; si nous tenons compte de ce que l’affaiblissement de l’empire britannique, de son pouvoir, signifie le déchaînement de toutes les forces centrifuges de cet Etat impérialiste immense, le renforcement des tendances centrifuges dans toutes les colonies et Dominions, dans toutes les parties constitutives qui sont sous la dépendance de l’empire britannique mondial ; si nous considérons que la Grande-Bretagne représente dans le monde capitaliste, après l’Amérique, le capitalisme le plus puissant, le plus fort et d’envergure mondiale ; si nous tenons compte de tout cela, il apparaît clairement que les événements britanniques et tout le complexe de phénomènes qui s’y relient intimement, représentent un facteur énorme, un coin de plus dans la stabilisation capitaliste.
Si nous dirigeons notre attention sur toute une série de pays de deuxième ordre du continent européen qui se trouvent dans ce processus permanent de demi-décomposition, d’« agrarisation » dont j’ai parlé dans mon discours, nous voyons que cette circonstance forme également un facteur de la plus grande importance quand on veut apprécier la relativité de la stabilisation capitaliste. Si, enfin, nous examinons la lutte de classe qui se déploie, qui continue de croitre sur la base de la stabilisation et qui, comme je me suis efforcé de le démontrer, grandit même là où la courbe de stabilisation est ascendante, on reconnaitra que cette aggravation de la lutte de classe et les difficultés immenses d’ordre social qui s’opposent à la bourgeoisie doivent être reconnues comme étant des facteurs qu’il ne faut pas sous-estimer, si l’on veut épuiser l’analyse de la situation de l’économie mondiale et de la société capitaliste. Ainsi notre analyse souligne la relativité de la stabilisation capitaliste et établit la perspective révolutionnaire de son développement. Mais ce qui caractérise notre analyse — et je le souligne encore une fois — c’est la nécessité de ne plus nous borner à poser sommairement la question de la stabilisation capitaliste, car cette façon de poser la question n’aide presque pas à déterminer notre ligne tactique.
Dans mon rapport et, encore ici, j’estime qu’il est de mon devoir de souligner le caractère extraordinaire de la crise de surproduction actuelle. Il me semble qu’il n’est pas tout à fait juste d’appliquer mécaniquement à la situation actuelle la question d’une « situation sans issue » ou d’une « situation avec issue » pour le capitalisme, de la crise ou de l’irrégularité du développement capitaliste ainsi que toute une série de questions semblables qui furent déjà mentionnées par Lénine dans son œuvre sur l’impérialisme, sans analyser les traits spécifiques des conditions d’après-guerre et de la crise actuelle. En même temps que les éléments généraux, fondamentaux de l’analyse de l’impérialisme, nous devons considérer aussi l’époque historique concrète avec ses particularités spécifiques.
Les particularités spécifiques de la crise capitaliste que nous vivons actuellement impliquent la circonstance qu’on n’est pas encore venu à bout de la dévastation d’après-guerre et qu’il faut encore en tenir compte. Cela influe sur la façon de déterminer la situation critique actuelle du capitalisme. Il me semble faux de se représenter l’état de choses actuel, sans prendre comme coefficient les difficultés spécifiques d’après-guerre et comme une simple crise de surproduction ou d’une crise provoquée par l’irrégularité de l’économie capitaliste, comme c’était le cas avant la guerre.
La troisième remarque que je voudrais faire se rapporte au discours du camarade Manouilski. Je ne me suis pas arrêté au regroupement des grandes puissances du fait que cette question se discute amplement dans la presse et qu’il est difficile d’en dire quelque chose de nouveau. Je suis d’accord avec le camarade Manouilski sur les points essentiels, à savoir qu’une des questions les plus importantes consiste dans la lutte contre le pacifisme spécifique mis sur le pavois par la social-démocratie et en dissimulant les antagonismes entre les grandes puissances, les armements et les dangers de guerre, etc., etc. ... Je dois dire que j’avais prévu cette réponse lorsque j’ai parlé du superimpérialisme puisque c’est la même question, seulement formulée autrement.
Puisque ce fait doit être soulevé maintenant je n’ai aucune objection à faire. Mais je tiens à remarquer que dans cette phase d’évolution générale il ne faut pas tant souligner la possibilité et le caractère inéluctable d’une guerre entre les puissances capitalistes que la préparation d’une guerre du « bloc » contre l’Union Soviétiste. C’est là qu’est le centre de gravité. Les différentes associations capitalistes et les différentes tendances centrifuges que les social-démocrates nomment une transition à un nouveau stade de l’impérialisme, et qu’ils se plaisent à qualifier de superimpérialisme, ont, en réalité, comme tâche suprême ou bien l’agression contre l’Union Soviétiste ou bien les préparatifs pour son encerclement. Parallèlement à tout cela, se développent les préparatifs diplomatiques. Tous ces blocus, accords secrets, conventions militaires, etc., dirigés contre nous ont une certaine base économique dans les nouveaux phénomènes sur le terrain de l’économie capitaliste.
Il me semble très osé de faire des prophéties sur la possibilité d’une guerre prochaine.
Nous devons critiquer pratiquement le danger de guerre. Un des plus grands facteurs déterminants concernant la possibilité d’une guerre prochaine consiste dans la mentalité de la classe ouvrière, dans son activité, dans sa combattivité, etc. C’est en ce sens qui nous devons mobiliser les forces sociales du prolétariat. Il ne faut nullement sous-estimer ce facteur dans la situation actuelle.
Il va de soi que pour la bourgeoisie cette question est également extrêmement risquée.
Il est assez difficile pour la Grande-Bretagne d’entreprendre une guerre, puisque déjà maintenant le feu brûle sous ses pieds. L’exemple de la révo1ution chinoise, la circonstance qu’il a été impossible d’organiser une grande intervention en Chine, tout cela nous révèle une certaine faiblesse et une incertitude relatives chez un grand nombre de forts groupements capitalistes. Quoi qu’il en soit, toutes les tentatives de consolidation du capitalisme, les conventions militaires, les négociations, la création d’une certaine base économique pour la diplomatie impérialiste agissent dans une direction opposée. Il faut donc souligner expressément ce danger de guerre avec la correction que c’est le danger d’une guerre contre l’Union Soviétiste qui vient en première ligne.
Maintenant, camarades, je voudrais m’arrêter à quelques observations que je n’ai fait qu’effleurer dans mon rapport d’hier. J’ai parlé de nouvelles formes de tactique du front unique et j’ai cité toute une série d’exemples sur les formes que prennent le développement du front unique et la radicalisation spécifique de la classe ouvrière. Il résultait de cette analyse que la mise en valeur des forces communistes doit actuellement se concentrer sur le travail syndical. Je n’ai pas réussi hier à développer l’idée qui doit, à mon avis, être au centre de notre tactique, de la tactique des communistes, dans la révolutionnarisation des masses ouvrières. Il s’agit du fait qu’il existe, dans un certain nombre de partis européens, certains cadres communistes s’occupant du travail quotidien dans les syndicats et qui diffèrent très peu des socialdémocrates pur-sang. En prenant le type révolutionnaire du communiste, il apparaît nettement que ces camarades tout en reconnaissant parfaitement le principe de la nécessité du travail syndical, y prêtent peu d’importance ou bien s’efforcent de montrer leur nature révolutionnaire et leur propre physionomie communiste dans le travail syndical quotidien, de telle façon qu’il diffère très peu du travail social-démocrate en y ajoutant seulement de façon mécanique je ne sais quel appendice révolutionnaire : gouvernement ouvrier et paysan, dictature du prolétariat, ou encore quelque autre mot d’ordre « final » qui n’a rien à faire avec le travail à accomplir. Les communistes doivent s’occuper du travail syndical et il est de toute évidence que le Parti communiste et les communistes qui travaillent dans les syndicats doivent avoir leur propre physionomie. Le travail communiste dans les syndicats doit être réellement communiste. C’est ici que surgit toute une série de questions compliquées : qu’est-ce qui doit être déterminant, en quoi notre façon de poser la question doit-elle se distinguer nettement de l’attitude socialdémocrate ? D’après quelles lignes, avec quelles perspectives principales devons-nous travailler ?
Il me semble que les communistes devraient avoir une série de tâches que les socialdémocrates ne pourront nullement atteindre. C’est ainsi que maintenant les communistes doivent concentrer tous leurs efforts sur la lutte contre le capital des trusts. Il n’y a plus de doute que, vu la rationalisation, la trustification de l’industrie, etc., les communistes se trouvent actuellement devant un ennemi tout autrement organisé qu’autrefois. Les communistes affrontent un ennemi uni, consolidé, armé économiquement jusqu’aux dents et allié au gouvernement. Cette tendance dont on a déjà parlé avant la guerre n’a rien de neuf et de spécial, mais il faut dire que la quantité vient de se transformer en qualité.
Ce processus de trustification de l’industrie a tellement progressé, il s’est développé dans une période relativement courte, si rapidement que ceci assigne aux communistes le devoir d’opérer, dans leurs méthodes d’organisation, toute une série de regroupements de leurs forces et ceci conformément à la consolidation des syndicats sur la base des branches d’industrie, de la création de puissantes associations syndicales, de la formation de cartels syndicaux aptes à la lutte, de la constitution d’associations des conseils d’entreprises (où ces dernières existent) et de la direction du travail non simplement contre les capitalistes qui sont devant nous, mais également contre le capital des trusts. Telle doit être une des lignes principales qu’il nous faut défendre dans notre travail syndical.
La deuxième ligne principale est notre attitude vis-à-vis de la stabilisation capitaliste. Cette question représente un des points de départ les plus importants des divergences de vue existant entre nous et les social-démocrates du fait que ces derniers soutiennent absolument cette stabilisation. Ils conjurent les ouvriers de souffrir, de se soumettre. Ils aident activement les capitalistes, ils organisent des conférences de production à la façon des nôtres où les directeurs de fabriques donnent des comptes rendus aux ouvriers sur la production. Sous ce rapport, l’observation d’un des camarades ayant pris part à la discussion était juste, lorsqu’il disait que la bourgeoisie a appris bien des choses de nous. En relation avec la cristallisation de certains groupes d’aristocratie ouvrière, en relation avec l’attitude des social-démocrates, leurs hommes politiques s’évertuent d’appeler une partie de la classe ouvrière à l’œuvre d*édification capitaliste, tout en spéculant énormément sur la différence objective de situation entre les ouvriers occupés dans les entreprises et les chômeurs.
Il ne faut pas perdre de vue qu’en Allemagne où le processus de rationalisation capitaliste a progressé de la façon la plus intense, la classe ouvrière, par suite d’un chômage chronique immense, se décompose en prolétaires occupés dans les usines et en chômeurs.
Tous les ouvriers sont menacés de licenciement et la bourgeoisie spécule très fortement sur cette crainte qu’a l’ouvrier de perdre sa place. Profitant de ce fait, la bourgeoisie s’efforce, avec l’appui des social-démocrates et des syndicats, de transformer les ouvriers en laquais qui l’aident à trouver une issue à sa situation difficile actuelle.
La situation générale est maintenant extraordinairement favorable aux communistes.
Nous avons une base très vaste parce que ce processus de rationalisation pèse d’une façon extrêmement lourde sur la classe ouvrière. Les communistes doivent mobiliser les masses ouvrières qui supportent toutes ces charges. La ligne principale de notre travail syndical consiste à conjuguer nos efforts des ouvriers occupés et des chômeurs, à faire accepter les chômeurs dans les syndicats et à mobiliser les masses ouvrières pour cette campagne.
Les traits principaux du poids spécifique de notre travail syndical sont [1° ?] tout d’abord la préparation d’une grande bataille générale de la classe ouvrière ; 2° l’union des différentes parties de la classe ouvrière jusqu’à un certain degré, objectivement scindée par la situation actuelle de l’économie capitaliste ; notre ligne, foncièrement différente de celle des socialdémocrates dans la question de la rationalisation ; finalement la mobilisation par nous de toutes les forces prolétariennes, l’aide au mouvement des chômeurs, la revendication de la réorganisation des syndicats sur la base de branches d’industries ; tout cela aidera les communistes à faire passer les masses ouvrières (qui ne sont pas encore de notre côté) de ces tâches à celles de la lutte directe, c’est à-dire de les amener à accepter les mots d’ordre politiques fondamentaux du gouvernement ouvrier, de la dictature du prolétariat, etc.
Je veux m’arrêter encore sur une question qui, à en juger d’après les demandes écrites que j’ai reçues, provoque encore quelques incertitudes. Lorsque j’ai parlé de l’attitude de l’Internationale Syndicale Rouge dans les circonstances actuelles, de son action plus forte et plus énergique dans l’arène du mouvement ouvrier international et du travail du Conseil Central des Syndicats de l’Union Soviétiste au sein de l’I. S. R., je ne pensais point du tout que ceci devrait se faire par une modification quelconque des décisions que nous avons prises relativement au Comité anglo-russe. Il n’existe absolument pas de raison d’abandonner la tactique que nous avons menée et que nous mènerons encore. Notre tactique est vérifiée, en fin de compte, par l’expérience, comme tout en ce monde. Personne ne peut nier que notre tactique, elle aussi, a subi la vérification de l’expérience.
Personne ne peut nier que, grâce à notre tactique, non seulement, nous n’avons pas rompu les relations avec la classe ouvrière britannique, mais que nous élevons de jour en jour le poids spécifique de notre influence sur la classe ouvrière britannique. Personne ne peut nier cela et, même si le Comité anglo-russe était condamné à ne pas vivre longtemps (nous devons compter objectivement avec une telle perspective), nous avons déjà creusé toute une série de tranchées supplémentaires comme le Comité anglo-russe des mineurs, etc...
L’influence croissante de la masse des mineurs qui constituent la partie la plus importante de la classe ouvrière britannique avancée, entraînera inévitablement les autres couches et tout le prolétariat britannique. Est-ce que la vérification par l’expérience n’a pas confirmé pleinement notre tactique ? Est-ce qu’on peut dire peut-être que le poids spécifique de notre influence s’amoindrit et que nous n’avons pas tout fait pour radicaliser la classe ouvrière britannique ? Je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un qui s’égarerait à déclarer que tel n’est pas le cas. La seule tactique réellement efficace et véritablement radicalisante fut celle que nous avons suivie. Je prétends et je suis d’avis que personne n’a d’argument pour nous la faire abandonner. Chaque situation historique concrète donnée a son poids spécifique dans une chose, telle autre situation l’a dans une autre.
Nous ne devons rompre en aucun cas avec le Comité anglo-russe, nous devons poursuivre la ligne que nous avons poursuivie jusqu’à présent, et il nous faut la consolider dans l’avenir. Mais nous avons la possibilité de faire de nouveaux pas du fait que notre tactique est absolument juste. La tactique du mouvement ouvrier britannique a atteint un tel degré que la méfiance qui existait dans le mouvement ouvrier britannique vis-à-vis de l’Internationale Syndicale Rouge et du Conseil Central des Syndicats de l’Union Soviétiste, a déjà en grande partie disparu maintenant. D’un autre côté, une internationalisation suffisante du mouvement ouvrier est de notre devoir ; elle est d’une urgence impérieuse. C’est précisément cela que l’expérience de la grève britannique vient de démontrer. Il en ressort tout naturellement que nous devons diriger notre cours actuel vers un renforcement du travail dans l’Internationale Syndicale Rouge. Ceci d’autant plus qu’il faut s’associer au passage du discours du camarade Losovski relatif aux perspectives qui s’ouvrent en Orient, dans les pays de l’Océan Pacifique, dans l’Amérique du Sud, etc...
Encore quelques remarques sur nos partis et sur la période historique qu’ils vivent. J’ai effleuré cette question dans mon rapport, et je voudrais maintenant ajouter quelques commentaires.
Personne n’ignore que les partis communistes sont nés dans une période orageuse, dans une période d’attaque directe contre le régime capitaliste. En cette époque, au cours d’un temps relativement long, il y eut, précisément du fait que c’était une époque d’assaut direct contre le régime capitaliste, une division spéciale du travail entre les partis communistes et social-démocrates. Les partis communistes disaient : « En avant, à l’assaut ! Frappe en plein front ! ». Les partis social-démocrates s’enterrèrent dans des travaux insignifiants tout à tait appropriés à cette époque... (Interruption de Losovski : « Et en outre, ils frappèrent les communistes en plein front ! ») et frappèrent les communistes en plein front.
Nos partis souffrent beaucoup de ce qu’ils n’ont pas encore suffisamment appris à lier leurs buts révolutionnaires avec les besoins quotidiens de la classe ouvrière. Maintenant, il nous faut réaliser [rivaliser ?] sur cette base avec les social-démocrates et il nous faut apprendre à faire mieux ce travail. Et cela non seulement pour lier ce travail aux perspectives générales révolutionnaires, mais afin que nos partis communistes, formés d’après un autre type de travail et n’ayant pas encore appris tout l’art d’accorder les revendications partielles et les besoins quotidiens avec les mots d’ordre généraux et avec les grands buts du parti, puissent être attirés au travail syndical et pour que ce travail soit fait de manière à montrer sa physionomie spécifiquement communiste et qu’il guide les masses ouvrières à la conquête du pouvoir prolétarien.
Ces partis communistes devront apprendre également dans cette période, non à fouiller dans les questions économiques, mais à s’occuper de l’économie de façon à pouvoir la lier à la politique. Leur tâche prochaine est donc d’acquérir la capacité d’accorder les petites revendications avec les grandes tâches, la lutte sociale quotidienne avec la lutte politique et d’être à même de tirer, des revendications économiques urgentes, les conclusions qui résultent de la situation donnée, en les reliant aux grands mots d’ordre du prolétariat révolutionnaire. C’est ce processus de l’union dialectique des petites questions aux grandes conclusions qui est l’école où passent maintenant les partis communistes et où il leur faut apprendre le principal.
Les camarades ont souligné à juste raison que, même dans les pays capitalistes stabilisés, la lutte des classes s’intensifie. Les masses ouvrières de ces pays deviendront révolutionnaires, si les partis communistes apprennent parfaitement l’art de la manœuvre dans ces nouvelles conditions, s’ils battent la social-démocratie non seulement parce qu’ils sont le parti le plus révolutionnaire, mais aussi parce qu’ils défendent mieux les besoins de la classe ouvrière dans la lutte quotidienne et parce qu’ils conduisent, sur cette base, les ouvriers au grand but de la révolution mondiale.
Voilà comment se pose la question, et, si nous résumons les résultats, alors nous voyons qu’ils sont à l’avantage de l’Internationale Communiste.
Prenons la Grande-Bretagne elle-même où la situation est quelque peu spéciale, puisque le Parti communiste de Grande-Bretagne, composé au début littéralement de quelques hommes, est venu au monde en tant que germe extrêmement faible, dans des conditions particulièrement difficiles et sans comprendre aucun intellectuel, ce qui rend très difficile le développement du mouvement (quoique ceci produise d’autre part des résultats positifs). Voilà un parti dont on ne pouvait parler autrement qu’en souriant et duquel la presse bourgeoise écrivit que les Russes, lorsqu’ils parlent du commerce soviétiste, entendent l’importation de leurs propres agents. Mais maintenant, il est démontré qu’il ne n’agissait nullement d’une « importation » fantaisiste d’autres pays, mais de l’organisation dans ses grandes lignes du travail du Parti communiste de Grande-Bretagne parmi les masses.
J’en ai déjà parlé hier, et je ne veux pas m’y arrêter. Je fais remarquer que le P. C. de Grande-Bretagne a pénétré dans les profondeurs des masses mêmes. Le parti britannique est un des rares partis capables d’influencer le mouvement syndical. C’est ainsi que, par exemple, un membre du Bureau Politique du P. C. de Grande-Bretagne est un syndicaliste renommé, dont parlent avec estime même nos adversaires syndicaux. Grâce à la capacité du Parti Communiste de Grande-Bretagne d’étendre son influence sur le mouvement syndical, il a acquis une force telle que les adversaires sont bien forcés de compter avec lui. Autrefois, on en parlait en riant, mais, maintenant, plus aucun article politique d’homme politique bourgeois, ne laisse de côté le communisme, car celui-ci est devenu un danger réel, de la véritable dynamite pour l’impérialisme britannique. (Interruption de Losovski : « Grâce au mouvement minoritaire. ») Oui ! Grâce au mouvement minoritaire.
Prenons notre P. C. d’Allemagne. Est-ce qu’il n’a rien appris ces derniers temps ? Il a peiné très longtemps pour devenir un parti de masses. Il fut battu à maintes reprises. Mais nous devons dire malgré tout que, ces derniers temps, le referendum dirigé politiquement par le P. C. A. a renforcé à notre parti frère son influence sur les masses. Si le P. C. A. n’est pas encore devenu numériquement un parti de masses au sens rigoureux du mot, il possède quand même déjà une grande influence, et il deviendra véritablement un parti de masses dès qu’il saura consolider et maintenir son influence croissante sur le prolétariat par l’organisation. Actuellement, nous voyons que ces camarades sont à même de réaliser une brillante campagne de masses. Mais une fois celle-ci terminée, on en commence une nouvelle sans que les résultats de la première campagne soient consolidés au point de vue de l’organisation. Il faut apprendre à renforcer l’organisation. Dès que nos camarades l’auront appris, ils transformeront à grands pas le P. C. A. en un parti de masses.
On pourrait faire à peu près les mêmes remarques sur les partis communistes de toute une série de pays. La période actuelle est une période d’escarmouches, et c’est pourquoi les déviations anti-léninistes que nous avons rencontrées dans une série de partis communistes sont extrêmement nuisibles. Il est vrai que ces déviations n’ont touché que de petites couches, mais néanmoins elles nous ont empêché de travailler. Leur centre se trouvait en Allemagne, cependant elles n’ont touché que quelques régions du P. C. A.
Puisque nous parlons de déviations, je suis obligé de dire que nous devrons prêter toute notre attention aux déviations de droite et de « gauche », ainsi que la lutte centre elles. La dialectique des circonstances actuelles est telle que, à peine un petit glissement des ultragauchistes s’opère-t-il « à gauche », qu’ils se mettent à parler comme l’extrême droite. La phraséologie est différente, mais le contenu matériel est le même. Ceci est une confirmation de la thèse que la seule politique révolutionnaire juste ne peut être que la politique bolchevisteléniniste. Les glissements à droite et « à gauche » unissent ces extrêmes. Si on prend maintenant l’extrême droite exclue de l’Internationale Communiste, tel Souvarine ou des gens comme Rosmer, Monatte et d’autres, si l’on voit ce que fait l’extrême droite en France et l’extrême gauche en Allemagne, ce qu’elles disent et écrivent sur l’Union Soviétiste, sur les relations avec la paysannerie, sur la dictature du prolétariat, on s’aperçoit qu’il est impossible de les distinguer entre elles. Il n’y a presque pas de différence, seulement de petites nuances qui ne signifient rien politiquement.
Une certaine variation dans l’attitude politique et dans les points de départ peut exister, mais, en général, elles suivent le même chemin à une vitesse extraordinaire. Nous devons donc battre ces deux ailes. Il va de soi que le point de gravité se trouve, pour un pays donné, dans les déviations de droite, pour un autre pays, dans celles « de gauche », mais il nous faut battre ces deux ailes. C’est alors seulement qu’il sera possible de mener une politique bolchéviste juste.
Encore un mot sur les événements de Chine. Il faut que je dise que je n’ai rien de spécial à objecter ici, qu’il faut comprendre la nécessité d’un dénouement de la tâche compliquée qui consiste dans la transition d’une combinaison de forces à une autre. J’ai dit hier en quoi consiste la difficulté principale. Elle repose sur la contradiction tout à fait objective entre le besoin de maintenir, pour un stade donné, le bloc le plus grand possible dirigé contre l’impérialisme et, d’autre part, la nécessité de développer le mouvement paysan. Comment fautil la résoudre ? Il faut tâcher d’aborder peu à peu la deuxième tâche afin d’obtenir les effets les meilleurs possibles.
Quant aux perspectives, j’en ai exposé les traits généraux et il me semble que cela suffit amplement. En ce qui concerne la Kuomintang et ses rapports avec le parti communiste — j’ai reçu une demande écrite à ce sujet — les camarades savent probablement qu’il existe une liaison étroite et une collaboration assez intime entre le Kuomintang et le P. C. Je ne peux que confirmer que, ces derniers temps, grâce aux victoires de l’armée cantonaise, certaines perspectives se sont ouvertes, le centre de gravité s’est déplacé un peu à gauche, ce qui nous est révélé par la décision de la dernière session du Comité Exécutif du Kuomintang. Nous sommes donc en présence d’un déchaînement de forces révolutionnaires qui, poussant inévitablement la paysannerie vers la révolution, produira un certain regroupement dans le Kuomintang : l’aile gauche se renforcera et l’aile droite perdra de plus en plus sa vigueur. La lutte des mineurs britanniques, à laquelle j’aurais dû m’arrêter plus longuement, si je n’avais pas eu besoin examiner tant de questions, a montré la ténacité et la bravoure suprême de cette fraction de la classe ouvrière. Elle ouvre une perspective révolutionnaire formidable en Grande-Bretagne. Cette perspective sera réalisée dans tous les cas, que les mineurs soient battus ou qu’ils remportent la victoire. Je n’ai pas besoin de parler des conséquences d’une victoire ! Même au cas d’une demi-défaite ou d’une issue défavorable, la grève influencera la radicalisation de la classe ouvrière tout entière d’une façon inouïe. Ce processus, force énorme, se développe. La classe ouvrière de Grande- Bretagne représente, au sein de la classe ouvrière européenne, une citadelle principale du prolétariat. Il est tout naturel que la révolutionnarisation de cette partie, que la prise des canons de cette citadelle par les révolutionnaires, représentent un regroupement immense des forces au sein du prolétariat mondial, du prolétariat européen en particulier.
Il vient justement d’arriver toute une série de télégrammes disant que, pendant que nous siégeons, on marchande avec les mineurs britanniques. Une délibération secrète a eu lieu entre le gouvernement et les représentants du Conseil général. Il est clair qu’il s’agit ici de savoir si le Conseil général vend ou non la lutte des mineurs.
Certains chefs mineurs, parmi lesquels Cook lui aussi, qui, d’ailleurs ces derniers temps a mené une politique tout à fait ambiguë, participent à cette affaire. Nous devons être prêts à tout et devons soutenir énergiquement, sans faiblir, la lutte des mineurs. C’est pourquoi j’estime qu’il est utile et nécessaire de terminer mon discours de clôture à notre XVe Conférence du parti par ces mots : « Vivent les mineurs britanniques ! » (Tempête d’applaudissements).
Annexe :
Résumé du discours de clôture de Boukharine (27 octobre 1926) et résolution sur son rapport, selon le compte rendu télégraphique publié dans La Correspondance Internationale, 3 novembre 1926, n°117, pp. 1323-1324.
Ensuite B0UKHARINE prononce son discours de clôture.
Une des questions les plus importantes est actuellement la lutte contre le pacifisme propagé avant tout par la social-démocratie, la lutte contre les tentatives de masquer les antagonismes militaires existant dans le monde capitaliste, de camoufler les préparatifs de guerre. Nous devons, notamment, combattre les préparatifs de guerre de certains Etats capitalistes contre l’Union Soviétiste.
La tâche prochaine la plus importante est le travail dans les organisations syndicales : cette activité doit être le centre de la radicalisation des masses ouvrières. Nos partis communistes d’une série de pays capitalistes n’ont pas encore été capables jusqu’à présent de s’adapter entièrement à ce travail. Parfois, le travail des communistes dans les syndicats ne se différencie d’aucune façon de l’activité des social-démocrates. Il est cependant tout à fait clair qu’aussitôt que nous abordons ce travail, nous devons montrer notre physionomie spécifiquement communiste. Quelle ligne doit suivre notre travail dans les syndicats ? Nous devons concentrer tout d’abord nos efforts sur la lutte contre le capital des trusts. Si l’on considère que la rationalisation des industries capitalistes, leur trustification, etc., exerce une pression extrêmement forte sur la classe ouvrière, particulièrement sur certaines catégories, il faut reconnaître que nous avons dans les syndicats un terrain extrêmement favorable pour notre travail. La tâche pratique d’organiser les syndicats sur la base de la production, de créer de puissantes fédérations syndicales, de former des comités d’entreprises, se pose d’une façon tout à fait concrète. La deuxième ligne principale en celle qui est en rapport avec la stabilisation capitaliste. C’est ainsi que, par exemple, en Allemagne, où le processus de rationalisation capitaliste s’opère de la façon la plus intensive, où les social-démocrates soutiennent ce processus par tous les moyens et prêchent aux ouvriers la patience et la soumission, la classe ouvrière se divise en travailleurs occupés et en chômeurs Celle circonstance crée un terrain favorable pour notre travail dans les syndicats. Nous possédons donc pour notre activité une vaste base du fait que le processus de rationalisation impose un fardeau inouï au prolétariat. Comme tâches pratiques à réaliser en ce sens, en peut citer les suivantes : l’entrée des chômeurs dans les syndicats et la mobilisation des masses ouvrières à cette fin, le rassemblement des différentes fractions de la classe ouvrière, la mobilisation des forces contre l’appui prêté par les social-démocrates aux capitalistes. Boukharine constate que le Parti Communiste britannique, qui a poursuivi, sous ce rapport, une ligne juste, ayant su lier les mots d’ordre généraux avec les revendications partielles concrètes de la classe ouvrière, s’est renforcé considérablement ces derniers temps. Si l’on se rappelle le ton ironique employé en Angleterre pour parler du communisme et si l’on se rappelle que le parti communiste de l’Union Soviétiste fut présenté comme une création asiatique, les succès du parti communiste britannique nous apparaissent comme d’autant plus importants, d’autant plus que ses progrès menacent sérieusement l’impérialisme britannique. Ces derniers temps la ligne du Parti Communiste d’Allemagne fut quelque peu améliorée en ce sens. Sa campagne au sujet du référendum a consolidé son influence parmi les masses ouvrières, augmenté son autorité et le nombre de ses adhérents.
Pour terminer, Boukharine traite des questions en relation avec la grève des mineurs anglais. La grève en Grande-Bretagne a mis en évidence la constance et la bravoure des mineurs anglais et a soulevé la perspective d’une grande révolution. Même au cas d’une défaite partielle ou complète, cette grève influencera puissamment la radicalisation de toute la classe ouvrière. Actuellement une entrevue a lieu entre le Conseil général et le gouvernement britannique. Elle nous fera savoir si la grève des mineurs sera trahie ou non par le Conseil Général. Nous devons être prêts à tout et continuer à soutenir la grève aussi énergiquement que nous l’avons fait jusqu’à présent. C’est pourquoi notre XVe Conférence du Parti doit crier :
Vive les ouvriers anglais !
Le discours de clôture de Boukharine provoque dans toute la salle une tempête d’applaudissements. Ensuite la Conférence vote unanimement, sans aucune abstention, la résolution sur le rapport de Boukharine ainsi que le télégramme de salutation au parti communiste d’Allemagne que nous reproduisons ci-dessous.
Résolution sur le rapport de Boukharine
Après avoir entendu et examiné le rapport de Boukharine, la XVe Conférence du Parti Communiste de l’Union Soviétiste approuve intégralement la ligne de principe de la délégation du Parti Communiste de l’U. R. S. S. et son travail dans l’I. C. La conférence assigne aux délégués la tâche de continuer énergiquement la lutte idéologique contre les déviations antiléninistes de l’opposition dans l’Internationale Communiste, dont les représentants se solidarisent plus ou moins avec l’opposition dans le P. C. de l’Union Soviétiste et dont les groupes les plus conséquents sont déjà passés ouvertement à la contre-révolution (Korsch, Souvarine, Maslow, Ruth Fischer exclus de l’I. C. mais qui ont encore leurs agents dans les partis communistes : Urbahns, Weber, etc.). La Conférence charge la délégation du P. C. de l’Union Soviétiste à l’I. C. d’achever la bolchévisation des partis communistes, qui exclut la théorie et la pratique de ce qu’on appelle la « liberté des fractions et groupements », celle-ci étant un principe opposé et hostile au principe d’organisation du léninisme. La Conférence condamne de la façon la plus énergique l’activité fractionnelle antiléniniste de l’opposition dans le Parti Communiste de l’U. R. S. S et dans l’I. C. Elle se rallie intégralement aux décisions prises par de nombreux partis frères et par la séance plénière du C. C. et de la C. C. C. du P. C. de l’U. R. S. S. sur l’impossibilité de maintenir Zinoviev à la tête de l’I. C.