A propos des résultats de la séance plénière commune des CC et CCC du PC de l’URSS

De Marxists-fr
Aller à la navigation Aller à la recherche


(Rapport du camarade N. BOUKHARINE, fait le 11 août 1927, devant l’assemblée des fonctionnaires de l’organisation de Léningrad du PC de l’URSS)

Nouvelles difficultés et nouvelles interventions de l’opposition[modifier le wikicode]

Camarades,

Estimant qu’il est plus utile de souligner l’essentiel de la séance plénière commune qui vient de terminer ses travaux et de concentrer votre attention sur les questions capitales qui sont d’une portée décisive du point de vue de la politique de notre parti vis-à-vis de nos relations politiques extérieures et à l’égard des rapports à l’intérieur du parti, je dois dire de suite que mon rapport d’aujourd’hui ne sera pas sans lacune.

Il n’y a pas longtemps, beaucoup de camarades et moi-même caractérisions notre situation comme conditionnée par les difficultés de notre croissance intérieure, par les difficultés du passage de la période reconstructive à la période d’édification nouvelle. En nous acheminant sur la voie sûre de la croissance économique, en passant à la période d’édification nouvelle, le pouvoir soviétique s’est heurté à une foule de grands problèmes découlant des contradictions intérieures de notre croissance économique.

Actuellement, nous entrons dans une nouvelle période de l’histoire de notre Union, de la classe ouvrière et du parti communiste, dans une période caractérisée en première ligne par nos difficultés extérieures, internationales.

Il va de soi que les questions de politique intérieure ne sont pas séparées des questions d’ordre international par un « mur chinois ». Nous sommes entrés dans une nouvelle période de relations internationales compliquées ; cette nouvelle période de difficultés internationales est conditionnée, dans une certaine, voire dans une très importante mesure, par notre croissance intérieure, par la consolidation de notre pouvoir économique et politique.

Les attaques poussées par le monde capitaliste, contre l’Union Soviétique se précipitent — et cela en raison même de notre développement. Inversement, les attaques de plus en plus intenses du monde capitaliste — ce que nous appelons généralement préparatifs de guerre et encerclement de l’Union Soviétique — contre notre Union, ce facteur politique de grande importance internationale, se répercutent aussi directement sur notre politique intérieure. Un observateur superficiel pourrait mentionner la foule des acheteurs qui font queue devant les magasins et boutiques des coopératives et de l’Etat comme un certain trouble dans l’équilibre entre l’offre et la demande (je pense ici aux achats accrus de sel et de farine, etc., etc..., que vous connaissez pour les avoir vus). Néanmoins, par suite des préparatifs d’attaque contre nous et de la nécessité d’amplifier notre défense, des difficultés énormes surgissent. Que l’on pense, par exemple, à l’octroi de nouveaux crédits étrangers, aux difficultés du commerce international, aux difficultés qui en résultent pour notre plan d’exportation et d’importation ainsi que pour la réalisation de notre programme de production et des chiffres de contrôle de notre économie.

Cela provient de ce que la préparation de nos opérations de défense exige de nous une nouvelle répartition des moyens budgétaires, un relèvement de notre budget militaire et naval ainsi qu’une accumulation de certaines réserves (tant en vivres qu’en valeurs étrangères) par conséquent le regroupement, la nouvelle répartition des forces productives entre les différentes branches industrielles, le renforcement de notre industrie de guerre, en un mot, toute une série de mesures assurant notre indépendance des conditions économiques de l’étranger.

Les difficultés internationales résultent, par conséquent, dans une certaine mesure, de notre croissance intérieure, du danger que représente la croissance de notre Union pour les ennemis de notre République. Inversement, les complications internationales en voie de cristallisation se reflètent dans notre vie intérieure, dans l’économie et, pour ainsi dire, dans toutes les sphères de la politique de notre parti et du pouvoir soviétique.

Eh bien ! camarades, au moment de ce tournant historique assez brusque où l’impérialisme mondial prépare une campagne militaire contre nous, à ce tournant qui soulève des difficultés particulièrement grandes, nous voyons de nouveau des hésitations au sein d’une certaine couche de notre parti, des oscillations s’exprimant pat une reprise intense des attaques de l’opposition contre là direction du parti, contre la majorité actuelle du parti, contre les résolutions des congrès et conférences de notre parti, contre la ligne poursuivie par notre parti.

C’est une vérité banale que cette thèse bien connue que la guerre n’est qu’une continuation de la politique, mais par d’autres moyens, par des moyens plus violents, plus énergiques. Il est donc tout à fait compréhensible que la question de la guerre, qui nous menace et qui noue impose la continuation de notre politique par d’autres moyens, plus énergiques — que cette question ainsi que les tâches et difficultés qui en dépendent, fassent ressortir d’une façon plus nette également la question ‘de nos divergences de vue à l’intérieur de notre parti.

S’il est vrai que la guerre est une continuation de la politique par d’autres moyens, il en résulte de toute évidence que n’importe quel grand problème de notre politique — qu’il s’agisse du rapport entre la classe ouvrière et la paysannerie, du rapport entre les différentes couches ou de l’attitude vis-à-vis des questions de notre politique internationale, c’est-à-dire vis-à-vis de toute une série de questions diplomatiques — que n’importe laquelle de ces questions, dans cette situation des préparatifs des opérations de guerre, dans cette situation des préparatifs de défense de notre pays, se présente sous une forme plus accentuée que jusqu’à présent. Chacune des grandes divergences de vues entre le parti et l’opposition, au sujet de toutes ces questions, devait inévitablement revêtir des formes plus prononcées, plus aiguës. Nous avons caractérisé maintes fois la « ligne » du bloc oppositionnel — comme une « ligne » résultant de la crainte des difficultés, comme une « ligne » conditionnée par une peur presque hystérique que notre parti et lia classe ouvrière ne soient à la hauteur de leurs tâches. Quoi de plus naturel qu’en présence de ce tournant si brusque une nouvelle angoisse se soit emparée des couches les moins résistantes de notre parti, particulièrement de ces couches insignifiantes qui appartiennent depuis longtemps à l’opposition. Les derniers événements à l’intérieur du parti et les discussions qui se sont déroulées pendant les travaux du plénum des C. C. et C. C. C. réunis, ont confirmé parfaitement cette opinion. Je suis donc forcé de traiter dans mon rapport tous les problèmes du point de vue d’une critique des conceptions oppositionnelles et de la défense de l’idéologie de la majorité du parti, c’est-à-dire de l’ensemble du parti.

L’opposition sur le bilan de notre développement[modifier le wikicode]

A notre séance plénière commune qui vient de terminer ses travaux, a traîné comme un fil rouge sur toutes les questions — à commencer par la situation internationale et la menace de guerre jusqu’aux questions de la politique économique et de nos relations à l’intérieur du parti — la lutte entre le parti et le groupe oppositionnel relativement petit qui s’attaque avec une violence inaccoutumée à la ligne du parti.

Vous vous rappelez que, déjà après le XIVe Congrès du parti, on a discuté très passionnément sur la question de connaître la direction du développement de notre pays, la solution de la question posée par Lénine: « Qui battra l’autre ? ». Vous vous souvenez également, camarades, que déjà en ce moment, les camarades oppositionnels fuyaient une solution léniniste de cette question. Vous vous rappelez la querelle interminable sur le capitalisme d’Etat et sur toute une série d’autres questions liées au problème de l’édification socialiste dans notre pays et à ses perspectives qui furent présentées par l’opposition sous une lumière extrêmement lugubre.

Nous venons d’entendre de la part de l’opposition, précisément dans cette question: «

Qui battra l’autre? », une formule beaucoup plus claire et s’éloignant davantage de la conception de l’ensemble du parti que ce ne fut le cas jusqu’à présent. Cette formule est exprimée dans le discours relativement loyal prononcé par le camarade Piatakov à la séance plénière. En analysant le problème du chômage dans notre pays, Piatakov affirmait que ce chômage, « résultait avant tout de ce que notre industrie, nos transports et notre économie communale restaient en arrière, dans leur croissance, sur le développement général de toute l’économie nationale ». Cette conception a été exprimée aussi clairement que possible.

Il n’est vraiment pas difficile de saisir le sens dé cette formule, de la déchiffrer. S’il est vrai que nos postes de commandement économique retardent dans leur développement sur la croissance générale de toute l’économie du pays, cela signifie alors que le secteur socialiste de notre économie retarde dans sa croissance sur le développement de l’économie capitaliste et de la simple économie de marchandises. Si ce fut le cas, il en faut tirer fatalement la conclusion que la question de Lénine: « Qui battra l’autre ? » a été solutionnée ces derniers temps, dans un sens négatif pour le secteur économique socialiste, ce qui, exprimé dans le langage de classe veut dire que, pendant ces derniers temps, le développement général a amoindri dans notre pays le pouvoir économique de la classe ouvrière, tout en augmentant le pouvoir économique da toutes les autres classes à l’exception du prolétariat. En traduisant cette thèse en langage politique, il en résulte de toute évidence que le poids spécifique de la classe ouvrière, son pouvoir politique, son pouvoir social de classe, décline d’une façon générale dans notre pays et que, par là même, les piliers fondamentaux de notre dictature prolétarienne, les piliers principaux de notre Etat, sont ébranlés.

Cette thèse, apparemment inoffensive, contient une appréciation de notre développement économique telle qu’elle présuppose ce qui, dans le langage de l’opposition, est qualifié de « dégénérescence », de « thermidor », etc., etc... Si, il n’y a pas encore longtemps, au moment du XIVe

Congrès et au cours de la période consécutive, ce mot « thermidor » ne fut prononcé qu’avec une certaine pudeur, nous voyons maintenant que la question du « thermidor » est posée par l’opposition d’une façon absolument publique, sans gène.

Si l’on voulait prendre cette question réellement au sérieux, il faudrait en tirer des conclusions extrêmement significatives desquelles, d’ailleurs, l’opposition commence peu à peu à s’approcher, à moins qu’elle ne soit arrêtée par les derniers événements et qu’elle n’en soit empêchée par notre parti qui doit fixer une limite au développement ultérieur de la lutte oppositionnelle.

Notre parti, tout notre puissant organisme du parti, le million de membres de notre parti, la majorité immense, écrasante de notre Fédération communiste des jeunes et, enfin, chacun de nous pris individuellement, comprend clairement que nous vivons dans notre pays une période d’essor impétueux. Chacun de nous est profondément convaincu que jamais encore, dans aucun pays, il n’existe un essor si grand, porté par l’énergie créatrice des masses. Ceux de nous qui ont l’occasion de parler avec les étrangers, que ce soit avec des journalistes bourgeois ou avec des camarades prolétaires, s’aperçoivent que ceux-ci reconnaissent toujours notre essor, reconnaissent que notre pays — bien qu’il n’ait pas encore atteint l’apogée de la consolidation économique et qu’il soit encore pauvre — croît quand même et grandit précisément parce que la révolution a remué et entraîné les masses populaires formidables, notamment les masses prolétariennes qui, d’une énergie tendue, transformeront notre vieille vie en un ordre nouveau.

Une telle appréciation de la situation, un tel sentiment de confiance en soi ne sont-ils pas, pour n’importe quel communiste, quelque chose d’absolument élémentaire? Est-ce que cela ne résonne pas dans les oreilles de chacun de nous comme une vérité qui, du moins pour nous, n’a besoin d’aucune preuve, que nous propageons de toute notre passion révolutionnaire et que nous sommes obligés de défendre contre tous et dans n’importe quelle situation ?

Il est tout à fait naturel que le tableau de notre développement et de la situation de notre pays prend une toute autre figure, si l’on part de la thèse que notre économie d’Etat est en régression, si l’on se base sur la thèse que partout chez nous, sur toute la ligne, s’opère une dégénérescence thermidorienne. De la foule de ces thèses sur la dégénérescence thermidorienne, de notre recul économique, etc., etc... — et cela au seuil d’une nouvelle guerre — notre opposition dans la personne du camarade Trotski, a proclamé une thèse extrêmement intéressante qui caractérise merveilleusement son système idéologique vis-à-vis de tout ce qui s’opère dans notre pays. En traitant, à la séance plénière, la possibilité d’une guerre impérialiste contre notre pays, Trotski a posé la question suivante : « Notre victoire est-elle possible sur la voie de la révolution? » et il a répondu: « Elle est possible ». Il posa ensuite une deuxième question ; « Que faut-il pour cela ? » (pour cette victoire révolutionnaire ?) et sa réponse fut : « Ici, il nous faut, en première ligne, disperser le crépuscule politique ». Par conséquent, il s’opère chez nous non seulement un recul sur tout le front de la vie économique, comme cela a été prouvé par Piatakov, non seulement une dégénérescence thermidorienne, comme cela a été démontré par Trotski au C. E. de l’I,, C. et par Zinoviev lors de l’examen de leurs affaires au présidium de la C. C. C. ; actuellement on proclame dé}à une idée généralisée, une pensée universelle qui, d’une « façon concentrée », exprime une certaine philosophie de l’époque d’édification nouvelle. Pour nous, cette « philosophie de l’époque » est la « philosophie » d’une édification socialiste fiévreuse, pour Trotski, elle est celle du « crépuscule politique » qui doit être dispersé. Ainsi, de degré en degré, commençant par l’exagération de certaines fautes et par l’approfondissement d’un noir pessimisme envers notre édification et tous les processus qui se développent dans notre pays, les camarades de l’opposition viennent d’aboutir à une caractéristique générale de ce qui se déroule dans notre pays et cette caractéristique dit: « crépuscule politique »! Il est évident que chaque homme actif adonné au travail intense, que chaque révolutionnaire vivant dans un pays de « crépuscule politique », se proposera immédiatement comme tâche pratique de disperser ce « crépuscule » — et tout ce que je vais vous dire relativement à la fameuse démonstration à la gare de Iaroslavl, etc., etc..., concernera le « balayage de ce balai » qui, du point de vue de l’opposition sert à chasser ce « crépuscule politique ».

Vous comprenez, par cette petite citation que je viens de mentionner plus haut, combien le système idéologique de l’opposition s’est éloigné du point de vue du parti, comment, chez ces camarades, le sens politique mondial s’est modifié. Alors que la majorité immense du parti travaille, manches retroussées, sans lever les yeux de sa tâche, alors que les meilleurs éléments, les meilleurs cadres du parti et les meilleurs ouvriers sentent circuler de plus en plus rapidement du sang dans les artères de notre organisme économique, alors qu’ils prennent conscience des forces croissantes, de la force créatrice grandissante du prolétariat, alors que cette conscience de la force grandissante est le motif principal des sentiments de l’avant-garde ouvrière de notre parti, les camarades de notre opposition ne leur ressemblent aucunement. Ce qui les caractérise, c’est ce que nous appelons défaitisme, pessimisme, scepticisme vis-à-vis de l’édification du socialisme dans notre pays. Chez eux. ce sens pessimiste mondial s’est développé d’une façon si claire, si parfaite, si prononcée, que le travail fiévreux de notre pays leur est devenu invisible ; et le bilan que ces chefs tirent de l’édification socialiste de notre parti est contenu dans la terminologie « crépuscule politique ».

Le « crépuscule » de l’opposition et la question de la défense militaire de l’Union Soviétique[modifier le wikicode]

Il est tout à fait clair, camarades, que d’une telle appréciation de la situation dans notre pays découlent également des conclusions spéciales pour la guerre. Alors que la volonté inébranlable de mobiliser toutes nos forces et les énergies de la classe ouvrière internationale pour la défense du pays se manifeste chez nous, chez la majorité immense du parti en réponse aux dangers de guerre de plus en plus menaçants, le point de vue oppositionnel, au seuil de la guerre, pose la question suivante : « Que sera cette guerre ? Qu’en résultera- t-il pour l’Union Soviétique ? Ne peut-on pas supposer que cette guerre- nous donnera quelque chose aggravant davantage encore la situation de la classe ouvrière de notre pays, renforçant davantage encore la tendance de droite dans notre parti ? » En effet : s’il est vrai que la classe ouvrière de notre pays est refoulée de ses positions, que dans notre pays les éléments thermidoriens ne cessent de croître et exercent d’une façon de plus en plus accentuée leur influence sur la politique -de notre parti en voie de dégénérescence, s’il est vrai que notre Etat ne poursuit pas une politique prolétarienne, mais, comme s’exprima Trotski au C. E. de l’I. C. et Zinoviev lors de l’examen de leurs affaires à la C.C.C., si son cours tend à des concessions superflues aux koulaks, si notre parti représente, des tendances à la Oustrialov, d’ordre national-réformiste, et s’il ne suit pas de cours international, prolétarien, révolutionnaire, si tout cela est vrai — que.se passerat-il si laguerre éclate ? En analysant les problèmes du danger de; guerre, ces questions sont tout à fait légitimes — si on accepte le point de vue de l’opposition.

S’il existe actuellement une déviation nationale réformiste à la Oustrialov dans notre direction du parti, s’il existe dans notre parti beaucoup de membres pourris, thermidoriens, si le C. C. de notre parti s’achemine déjà maintenant vers Oustrialov — que fera ce C. C. pendant la guerre ? Accentuera- t-il encore ce cours ? Ce processus de dégénérescence de notre pouvoir d’Etat ne s’accélérera-t-il pas encore davantage pendant la guerre ?

En jugeant notre Etat à la manière de l’opposition, on ne peut pas appeler la classe ouvrière à une lutte sans réserve pour cet Etat. Le prolétariat ne défendra pas un tel Etat et, par conséquent, il faudra mettre un grand point d’interrogation derrière la défense de l’Union Soviétique — si l’on accepte toutes ces suppositions.

On peut encore tirer certaines autres conclusions. Si l’on se place sur le point de vue dont je viens de parler, il est fatal que, tôt ou tard, il faudra également tirer une autre conclusion. Lénine a parlé de la possibilité d’une deuxième série de guerres, de la possibilité de nouvelles guerres contre l’Union des Républiques soviétiques. Vous savez qu’il a émis la thèse que nous, les communistes, notre parti, nous chercherons l’issue de cette guerre contre les Etats capitalistes, non dans un Etat bourgeois, mais dans la révolution mondiale, c’est-àdire non en ce que nous glisserons nous-mêmes vers un Etat modéré, bourgeois démocratique, mais en ce que nous transformerons la lutte de notre Etat prolétarien contre l’intervention des puissances capitalistes en révolution mondiale socialiste. C’est ainsi qu’il faut traiter cette question, c’est la seule façon juste, communiste. Et quiconque rejette cette formule cesse d’être communiste.

Mais quiconque croit qu’il n’existe pas de dictature prolétarienne pure chez nous, bien qu’il y ait des excroissances bureaucratiques, que notre Etat est mi-thermidorien, sera inévitablement amené à la conclusion suivante : Au cours de la guerre, cet Etat dégénérera encore davantage et cherchera, au cours des opérations de guerre, une issue non dans la révolution mondiale, mais en faisant toute une série de concessions aux ennemis intérieurs et extérieurs, notamment aux ennemis intérieurs, en se regroupant définitivement sur une autre base de classe et en poussant la transformation en Etat bourgeois ordinaire.

Ces perspectives sont celles de notre opposition. Les camarades de l’opposition tirent aux cheveux n’importe quel fait qui semble confirmer ce qu’ils ont construit dans leur cerveau, ce qui est nourri par leur profond pessimisme et leur scepticisme vis-à-vis de l’édification socialiste. Ils s’emparent littéralement de n’importe quel fait ¡pour dire : Tout cela est précisément le résultat de la ligne de la direction actuelle du parti et du pouvoir soviétique ; tandis qu’à l’intérieur du pays, la direction favorise, par sa politique, les koulaks, elle poursuit, dans le domaine des relations extérieures, une politique traduisant des tendances nationales réformistes, c’est-à-dire qu’elle cherche une issue non dans la révolution mondiale socialiste, mais dans un Etat bourgeois ou dans les étapes qui aboutiront à un tel Etat. En partant des considérations sur la défense de l’Union Soviétique, on a oublié la classe ouvrière, on ne comprend pas qu’on s’égare de jour en jour davantage de la voie nationale-réformiste. Pourquoi siège-t-on ensemble avec Purcell dans le Comité anglo-russe, au lieu de s’occuper de la classe ouvrière internationale ? Pourquoi se cramponne-t-on à cette « corde pourrie » qu’est Purcell ? Alors qu’on expulse les « extrêmes-gauchistes » (Maslow-Ruth Fischer, etc.) de l’Internationale Communiste, on siège avec Purcell. Il en résulte le panorama suivant : à l’intérieur du pays — recul des éléments socialistes, direction vers les koulaks ; au dehors — un liéger revirement dans le sens d’un certain soutien à toute la canaille social-démocrate, aux Purcell, aux généraux en Chine.

Or, il est évident que si tout cela était vrai, il faudrait penser sérieusement à changer radicalement l’ordre des choses existant. Du point de vue d’un véritable révolutionnaire, on devrait — si tout ce que nous reproche l’opposition était vrai — tirer une première conclusion : la scission du parti, puis, une deuxième : le renversement du gouvernement, etc. Si ces camarades n’ont pas encore tiré ces conclusions, ils font cependant tous les préparatifs pour se rapprocher d’une semblable position de la question.

Pour qu’il n’y ait .pas de malentendus, je dois immédiatement dire que toute une série de chefs de l’opposition — et je crois que cela est vrai dans une mesure encore plus grande pour les camarades oppositionnels qui ne sont pas des chefs, mais seulement des membres de l’opposition et surtout pour les ouvriers oppositionnels — sont subjectivement, c’est-à-dire personnellement, bien éloignés de ces conclusions découlant nécessairement de leurs affirmations.

Les questions liées au problème de la guerre furent posées de la façon la plus catégorique par Trotski. Camarades, je vous ai déjà dit que de la façon d’apprécier la situation à la manière de l’opposition résulte fatalement un scepticisme vis- à-vis de la défense de l’Union Soviétique. Je suis contraint de qualifier le point de vue des camarades oppositionnels comme une « défense conditionnée ». Je me représente le point de vue de l’opposition de la façon suivante : si le C. C. modifie son cours actuel, conformément au cours oppositionnel, tout se passera alors pour le mieux ; un tel Etat, un tel C. C., un tel cours, un tel parti peuvent être défendus, mais si l’on ne change pas ce cours, chaque ouvrier, chaque journalier, chaque paysan peut se demander s’il est vraiment nécessaire de défendre un semblable Etat ? Voilà ce qui doit servir de pierre de touche.

Dans une lettre du 11 juillet 1927 adressée à Ordjonikidze, Trotski écrivait :

Qu’est-ce que le défaitisme ? Une politique tendant à favoriser la défaite de « son » Etat se trouvant aux mains d’une classe ennemie. Toute autre conception ou interprétation du défaitisme est une falsification. Par exemple si quelqu’un dit que la ligne politique de pauvres hères ignorants et inconscients doit être balayée comme n’importe quelle ordure dans l’intérêt de la victoire de l’Etat ouvrier, celui-là ne sera nullement un « défaitiste ». Et inversement dans les conditions concrètes données, c’est lui qui est précisément le véritable représentant de la défense révolutionnaire du pays : un fumier idéologique ne donne jamais la victoire.

En d’autres mots : le C. C. de notre parti a tort de critiquer notre opposition. Cette critique n’est que du fumier idéologique qui ne donnera aucune victoire et qui, dans l’intérêt de la défense du pays, doit être balayée.

Ensuite, Trotski cite un exemple qui illustre sa conception sur les préparatifs « de défense » de l’Union Soviétique. Il écrit :

Des exemples, et même de très instructifs, peuvent être trouvés dans l’histoire d’autres classes. Contentons- nous d’un seul. La bourgeoisie française avait, au début de la guerre impérialiste, un gouvernement qui manquait de gouvernail et de rames. Le groupe Clemenceau s’est trouvé en opposition avec ce gouvernement... (Cette comparaison est à comprendre dans le sens que c’est le groupe Trotski qui se trouve actuellement en opposition).

Trotski continue :

Malgré la guerre et la censure militaire (comprenez- vous à quoi il fait allusion ici ?), malgré le fait que les Allemands étaient à 80 kilom. de Paris (Clemenceau disait : C’est précisément pour cela) il mena une lutte impétueuse contre l’infériorité petite-bourgeoise et l’indécision — .pour la cruauté impérialiste, pour une guerre sans merci. Clemenceau n’a pas trahi sa classe, la bourgeoisie ; au contraire, il l’a servie avec -plus de fidélité, de constance, d’énergie, de prudence que Viviani, Painlevé et consorts... La marche ultérieure des événements l’a prouvé. Le groupe Clemenceau arriva au gouvernail et assura, par une politique conséquente de brigandage, par une politique impérialiste, la victoire à la bourgeoisie française. Est-ce qu’il y eut des journalistes français qui qualifièrent le groupe Clemenceau de défaitistes? Certes, il y en eut : des fous et des calomniateurs accompagnent toutes les -classes, mais ils n’ont pas toujours la possibilité de jouer un rôle également important.

Il faut déchiffrer cette citation. Que signifie cette réponse à la question des préparatifs de défense de l’Union Soviétique ? Trotski dit : Peut-on nous présenter l’opposition comme des traîtres à notre classe, parce que nous ne voulons pas reconnaître le C. C. actuel de notre parti ? Non, c’est impossible. Peut-on défendre le cours mi-thermidorien à la Oustrialov et le gouvernement soviétique dirigé par le C. C. ? Non. Que faut-il donc faire en ce cas ? Dans l’intérêt de la défense du pays, il faut changer la composition du gouvernement, du C. C. actuel, et défendre ensuite l’appareil central du parti et l’appareil soviétique nés de cette insurrection « clémenciste ».

Ou autrement encore — et cela en rapport avec ce que j’ai dit tout au début de mon rapport. S’il est vrai que notre cours, le cours de l’immense majorité du parti, s’il est vrai que notre C. C. actuel est thermidorien pour un dixième, il est alors évident que défendre un tel cours équivaudrait à défendre non pas un Etat prolétarien, mais un Etat dégénéré. Et si la guerre éclate, ces dégénérés de notre Etat soviétique, de notre parti dégénéreront davantage encore, etc... C’est pourquoi, dans l’intérêt de la révolution, du salut de la révolution et de la défense de l’Union Soviétique, il faut liquider tout d’abord le gouvernement actuel dans sa composition et le .pousser à démissionner, c’est-à-dire soulever une insurrection « clemenciste » dans notre pays, même au cas où l’ennemi se trouverait à 80 kilomètres du centre de notre révolution.

Telle est la conception avec laquelle nous avons affaire ici.

Or, cela n’est pas le point de vue d’une défense sans réserve de l’Union Soviétique, mais le point de vue de ce qu’on peut appeler clemenciste « bolchéviste ». Pour Trotski, il ne s’agit pas de savoir si le Comité central et notre gouvernement se composent de gens incapables, — non il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de ce que l’opposition n’est pas d’accord avec la ligne politique du C. C. — et voilà pourquoi « l’insurrection clemenciste » exprime une certaine déviation politique de classe.

Les racines idéologiques de l’idéologie de l’opposition[modifier le wikicode]

Chacun de nous comprendra immédiatement que toute cette philosophie « clémenciste » s’appuie sur cette question fondamentale, sur la question de la position à prendre à l’égard de ce qui se passe dans l’économie de notre pays, sur la question de savoir s’il est vrai ou non que l’industrie d’Etat recule par rapport à l’économie privée. Nous sommes d’avis que c’est une contre vérité criante, une sottise absolue. On pourrait immédiatement citer toute une série de chiffres qui prouveraient que le poids spécifique de l’industrie d’Etat est ascensionnel, que nous avons fait dans le commerce des progrès importants l’année dernière et que, en ce qui concerne le refoulement du commerce privé, nous avons plus marché de l’avant que dans tout autre année. Chacun sait parfaitement bien que le poids spécifique de notre commerce étatique et de nos coopératives s’est accru considérablement l’année dernière et que, dans de nombreux domaines économiques nous avons délogé le commerce privé de très fortes positions.

Dans l’année écoulée, nous avons employé une méthode combinée d’action sur le commerce privé, allant de l’élévation des tarifs de chemin de fer à toute une série de méthodes administratives. Pour nous, cette question est tout à fait claire, pour nous, il n’existe pas l’ombre d’un doute que le développement socialiste laisse souvent derrière lui le développement économique — et en dernière analyse, c’est de là que tout le reste dépend.

Mais s’il en est ainsi, la déclaration que le prolétariat est à l’arrière plan dans notre pays, la déclaration concernant la dégénérescence thermidorienne est un pur non sens. Il en est de même de toutes les conclusions qu’on a tirées, y compris le « jeu » douteux avec l’analogie « clémenciste ».

Mais d’où proviennent ces hésitations de l’opposition qui l’ont amené à des conclusions inouïes, hostiles au parti et on peut dire hostiles à la révolution. Actuellement on peut dire, avec une exactitude absolue et sans faire injure le moins, du monde à la vérité, que ce que Miasnikov et la Pravda Ouvrière ont écrit, ce que quelques groupes de l’opposition ouvrière, en particulier les soi-disant ultra-gauches qui se sont rapprochés du menchévisme, ont présenté en germe, que tout ceci est maintenant reproduit par l’opposition unifiée ayant à sa tête Trotski. Ne ressort-il pas de cette critique le problème de la troisième révolution dont parlait la Pravda ouvrière ? C’est tout à fait certain. Quelle était l’appréciation des adhérents du groupe la Pravda ouvrière qui étaient pour la lutte contre le parti et le gouvernement des soviets et qui créaient des cellules illégales dans notre parti ? Ils disaient que la classe ouvrière est parvenue au pouvoir, que ce .pouvoir a ensuite dégénéré, parce qu’il y a beaucoup de paysans dans notre pays, que dans notre industrie d’Etat, il’ s’est formé urne classe bourgeoise qui occupe les postes supérieurs de commandement; ils disaient qu’il est temps de passer de la pseudo-dictature à la vraie dictature; qu’il nous faut encore accomplir une révolution contre le pouvoir soviétique existant. Voilà qu’ils ont ainsi, eux aussi, le problème d’une troisième révolution. Cette façon de traiter la question est saluée aussi bien par Kautsky que par Lévi, ainsi que par les menchéviks du Messager Socialiste. Kautsky, un de nos adversaires les plus acharnés, est même parfois enclin à reconnaître que nous avons saisi le pouvoir en tant que classe ouvrière; mais maintenant, dit-il, nous nous sommes transformés, par suite du bureaucratisme croissant, par suite du régime terroriste, en un Etat qui m’est pas meilleur et qui est même plus mauvais que le tsarisme et il faut, à cause de cela, nous renverser.

Tel est le point de vue de Kautsky. Notre opposition n’arrive évidemment pas à une conclusion aussi directe (celle-ci a manqué encore), mais elle se rapproche toujours d’une conception menchéviste ou mi-menchéviste. Ils disent qu’il faut balayer les Thermidoriens. Or, Martov, déjà en Î921, n’a-t-il pas dit — pendant le passage à la NEP — que c’était un Thermidor et n’a-t-il pas sommé Lénine de se rapprocher bien vite du 18 Brumaire, du Bonapartisme. En 1921, Martov était d’avis que la NEP signifiait la capitulation économique des bolcheviks devant la bourgeoisie, qu’à cette capitulation suivrait la capitulation politique et que Lénine, le chef de notre parti, se transformerait en un dictateur bourgeois, en un bonapartiste. Depuis 1921, six années se sont écoulées. La répétition de ces flots de paroles menchévistes ne témoigne pas d’une grande profondeur d’esprit, ni d’une grande originalité, mais, du point de vue politique, elle est significative, dans la mesure où une pareille répétition d’aphorismes menchévistes se manifeste au sein de notre parti.

Le rapprochement de l’opposition du menchévisme s’explique par le fait qu’à la base de ses raisonnements se trouve la théorie trotskiste et parce que Zinoviev, Kamenev et d’autres se sont transformés en trotskistes, se sont égarés sur une voie trotskiste.

Quelques-uns de nos camarades de ce que l’on appelle « l’opposition de Léninegrad »,

Zinoviev et d’autres, ainsi que Kamenev sont d’avis qu’affirmer que Trotski a conservé dans son idéologie je ne sais quoi du menchévisme, est une sottise. Ils tiennent pour inadmissible qu’on aille fouiller actuellement dans le passé historique de Trotski. Kamenev a dit à l’assemblée plénière du C.C. et de la C.C.C. « Il y a eu un trotskisme historique, ce trotskisme historique a lutté contre le bolchevisme, mais il s’est toujours maîtrisé lui-même, et c’est pourquoi nous marchons maintenant avec Trotski. » Est-ce juste? En est-il ainsi ? — Est-il vrai que Trotski soit devenu un vrai bolchevik? — Il est évident que nous ne posons pas la question pour « épier» Trotski ou pour le diminuer personnellement, cela ne nous intéresse pas du tout. Mais, ce qui nous intéresse — et il faut, nous semble- t-il, que cela intéresse tous les membres du parti — c’est d’expliquer le fait que Trotski, depuis un grand nombre d’années, aussi bien du temps de Vladimir Illich que surtout après sa mort, attaque continuellement notre parti. N’y a-t-il pas quelque racine à cela ? Kamenev a-t-il raison quand il dit que Trotski a maîtrisé son trotskisme « historique » ? Non il n’a pas raison. Sans aucun doute, Trotski a conservé encore en soi l’ancien trotskisme. On pouvait moins bien apercevoir ses anciens traits lorsque la révolution s’accomplissait dans des formes impétueuses, dans la période de l’insurrection directe ou dans la période de la guerre civile, car ses traits étaient alors voilés ou passés à l’arrière-plan. Mais maintenant, dans la période de la construction systématique, obstinée, les anciennes fautes de Trotski saillent à nouveau d’une façon plastique. Dans le compte rendu de la C. C. C. du 27 juin, Trotski montre de la façon suivante sa physionomie politique actuelle et antérieure. Il écrit :

Dans beaucoup de questions extrêmement importantes, j’ai lutté contre Lénine et le parti bolchévik, mais je n’étais pas menchévik. Si l’on apprécie le menchévisme en tant que ligne de classe politique — et on ne peut l’apprécier qu’ainsi — je n’ai pas été depuis le milieu de 1904, menchévik. Jamais je n’ai été d’accord avec le menchévisme dans la question du rôle des classes dans la révolution

Voilà ce qu’écrit, ou plus exactement ce que dit Trotski maintenant. Trotski a déclaré que depuis 1904 « dans des questions qui concernent l’appréciation des classes, il n’a jamais été menchévik », c’est-à-dire en d’autres termes: Trotski considère que lorsqu’il soutenait les « liquidateurs » et qu’il était avec les menchéviks dans le bloc d’août, c’était des choses relativement secondaires et qui ne se rapportent qu’à la question d’organisation. Dans la question de l’appréciation des classes, depuis 1904, il n’aurait pas eu de position conforme à celle des menchéviks.

C’est donc ainsi que le Trotski actuel juge le « Trotski historique ». Ce que dit Trotski est-il juste ? Non ce n’est pas juste. Trotski, dans l’appréciation des classes, a été du côté des menchéviks. Nul autre que Lénine l’a exprimé avec une clarté complète.

En novembre 1915, dans l’article A propos des deux lignes de la révolution. Lénine, par exemple, a écrit :

Clarifier les rapports de classes dans la révolution imminente, telle est la tâche principale du parti révolutionnaire. A cette tâche se dérobe le comité d’organisation (des menchéviks, N. B.) qui reste en Russie le fidèle allié de Nache Dielo (Notre Cause) et qui fait beaucoup de bruit à l’étranger avec « des phrases de gauche » sans aucun sens. Cette tâche, Trotski la solutionne de façon fausse dans Nache Slovo (Notre parole), il répète sa théorie « originale » de 1905 et il ne veut pas réfléchir aux raisons pour lesquelles la vie pendant dix années complètes a passé à côté de sa belle théorie...

La théorie originale de Trotski prend aux, bolchéviks leur appel à une lutte révolutionnaire vigoureuse du prolétariat et à la conquête du pouvoir politique par le prolétariat et aux menchéviks la « négation » du rôle de la paysannerie...

Trotski vient en réalité en aide aux hommes politiques ouvriers libéraux de Russie qui comprennent, sous la négation du rôle de la paysannerie, leur répulsion à appeler les paysans à la révolution.

C’est ainsi que Lénine a abordé la question. Il a dit : en ce qui concerne la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, Trotski est avec les bolchéviks; dans la question des rapports avec la paysannerie, Trotski est avec les menchéviks.

Mais qu’est-ce que signifie l’appréciation de la paysannerie? N’est-ce pas l’appréciation d’une des classes les plus importantes ? C’est tout à fait certain, je n’ai fait que cette citation, mais n’en ressort-il pas avec une clarté parfaite que Lénine était d’avis que Trotski pendant une longue période après 1904 avait, dans son appréciation du rôle d’une des classes les plus importantes — de la paysannerie — une position conforme à celle des menchéviks, et qu’il appréciait ce rôle de façon menchéviste ?

Or, lorsque Trotski vient à nous maintenant et qu’il dit: « Je n’ai jamais été dans la question de l’appréciation des classes du côté des menchéviks » qu’est-ce que cela peut signifier du point de vue d’une analyse tout à fait tranquille ? Cela signifie que Trotski jusqu’à maintenant, jusqu’en juin 1927 n’a pas compris quelles fautes énormes il a fait dans la question la plus importante, la plus essentielle, dans la question de l’appréciation du rôle de la paysannerie. Trotski n’a pas compris que dans cette question, et jusqu’à un degré déterminé, dans la mesure où il ne comprend pas ses anciennes fautes, il a été et il est encore du côté des menchéviks. Il me semble que Zinoviev, Kamenev et d’autres camarades de l’ancienne « opposition de Léninegrad », dans la mesure où ils prétendent que Trotski est maintenant tout autre qu’il n’était dans la période de son contact avec les menchéviks, dans la mesure où ils se sont solidarisés avec les déclarations citées plus haut de Trotski à l’assemblée plénière de la C. C. C., se placent en même temps et sans le remarquer eux-mêmes, au point de vue de Trotski dans cette question politique extrêmement importante. Mais il ressort de ceci tout le reste. Trotski, partant de cette appréciation du rôle de la paysannerie, n’a-t-il pas prétendu que les bolchéviks qui ont pris la direction de l’alliance du prolétariat avec la paysannerie, poursuivent une politique d’« auto-limitation du prolétariat » (« et non une ligne de classe pure ». comme on dit maintenant), et qu’ils ont, de ce fait, une garantie dans la personne de leur collaborateur hostile à la révolution — le moujik. — Voilà comment on caractérise la politique du bloc de la classe ouvrière avec la classe paysanne. Trotski a « prophétisé » déjà autrefois que les bolchéviks attachent au talon de la classe ouvrière le paysan antirévolutionnaire, qu’ils en font son collaborateur et qu’ils s’y briseront le cou en développant, après la conquête du pouvoir de l’Etat par la classe ouvrière, « ses particularités internes antirévolutionnaires ». Et maintenant, où Trotski n’a pas dit suffisamment, ou assez exactement toute l’importance de sa faute d’alors et où il ne l’a généralement pas comprise, le ver rongeur est toujours en lui.

Quelle est donc cette appréciation de la situation ? Lui, comme Zinoviev, Kamenev et d’autres qui sont ses alliés, ont un point de vue qui les rapproche considérablement des socialdémocrates. C’est le point de vue que nous avons cité à plusieurs reprises dans la discussion, pendant le XIVe Congrès du parti. Nous sommes un pays arriéré, nous avons une paysannerie puissante, la classe ouvrière ne constitue qu’une petit couche, nous ne pourrons pas édifier le socialisme, nous pourrons seulement nous défendre, nous pourrons faire à nos demi-alliés ou à nos ennemis directs de classe, concession sur concession. En 1921, nous avons jeté un gros os à la classe ouvrière et aux Nepmen, afin de pouvoir conserver le pouvoir, nous avons dû jeter successivement à nos ennemis de classe un os après l’autre afin de rester au pouvoir, à l’époque de la 14e conférence, on a jeté à nouveau un os depuis la 14e conférence, encore un os, etc... En conséquence, nous avons fait concession sur concession pour nous sauver en tant que pouvoir politique, miné continuellement par des groupes hostiles et en première ligne par la paysannerie. Comme la révolution mondiale ne vient pas, nous périrons en tant que pouvoir du prolétariat. Partant de l’hypothèse que nous ne pouvons édifier le socialisme dans un pays arriéré, que nous ne possédons aucune force interne suffisante pour l’édification du socialisme, partant de cette hypothèse qui est social-démocrate, Trotski en déduit que nous périssons, que nous dégénérons, que la direction du parti, que le C. C. dégénère, etc..., et que ce processus est historiquement inévitable.

De ce point de vue résulte aussi l’orientation « clémenciste » en cas de guerre. Si le C. C. bolchéviste, avec la déviation d’Oustrialov, dirige il’Etat pendant la guerre aussi, il déviera de façon encore plus radicale dans la direction d’Oustrialov, il fera aux koulaks, aux Nepmen encore de plus grandes concessions, etc... Et il cherchera une issue, non pas dans la Révolution mondiale, mais dans un réformisme national à la Oustrialov. C’est pourquoi il faut que les « révolutionnaires prolétariens » hardis, décidés, soient, en ce qui concerne le changement de la direction de l’Etat, aussi hardis et aussi décidés que l’a été Clemenceau à l’égard des couche « impotentes de la bourgeoisie. C’est le seul cours qui puisse sauver la révolution prolétarienne, etc.

Derrière tout « ce plan », il y a une appréciation non léniniste des rapports de classe, il y a une incompréhension absolue de l’alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie, il y a la conviction de l’impossibilité d’une édification du socialisme dans notre pays, d’où ressort la conviction que nous sommes condamnés à une dégénérescence absolue si une aide étatique ne nous parvient pas de la part de la classe ouvrière victorieuse d’autres pays.

En apparence, cette conception paraît très radicale : empoigner plus fortement le koulak, balayer toute la saleté thermidorienne, etc... Mais ce n’est vraiment qu’en apparence. Le cœur de cette idéologie est pourri. Le cœur de cette idéologie politique, c’est que nous reculons, que nous sommes battus, que nous dégénérons, que nous n’allons pas de l’avant, mais en arrière, que la classe ouvrière dans notre pays ne peut pas se tenir debout, politiquement et économiquement parlant ; toute cette théorie s’appuie sur l’hypothèse social-démocrate que la classe ouvrière, au fond, n’aurait pas dû prendre les armes en Octobre, parce qu’on ne peut parler dans notre pays arriéré de révolution socialiste, parce que notre révolution ne pouvait être qu’une révolution bourgeoise, parce que ce ne fût qu’une sottise utopique d’un Bakounine Lénine de faire dans un pays aussi arriéré que la Russie une révolution socialiste, etc... Cette rechute social-démocrate prend Trotski tous les ans ou tous les six ou neuf mois et cette même rechute, cette mixture d’idées social-démocrates, est servie à notre parti comme la dernière affirmation du trotskisme qui serait appelé à sauver le monde prolétarien glissant à Thermidor. Il nous faut malheureusement constater que d’aussi vieux bolchéviks que Kamenev, Zinoviev et d’autres se sont pris aux filets du trotskisme et qu’ils ne comprennent pas le moins du monde qu’il n’est au fond rien resté de la conception léniniste de la question. Et si le Comité Central défend maintenant si énergiquement cette position, il le fait dans la conviction profonde que, grâce à la ligne juste à l’égard de la paysannerie dans ces dix-huit derniers mois, nous avons modifié les rapports de classes dans notre pays, non dans la direction que prétend l’opposition, mais dans l’autre direction, de façon positive en faveur de la dictature prolétarienne. Alors que à l’époque de la XIVe Conférence et du XVe Congrès du parti, nous recevions de presque tous les villages les nouvelles alarmantes que la paysannerie se dresse contre nous (Zinoviev était alors prêt à des concessions tout à fait exagérées, il voulait former des fractions de paysans sans parti, etc.), notre parti et son Comité central ont remporté maintenant, grâce à la politique léniniste juste à l’égard des paysans, la plus grande victoire sur ce front.. Nous avons assuré le bloc de la classe ouvrière avec la paysannerie, nous avons renforcé la dictature prolétarienne dans notre pays et nous avons créé la garantie la plus importante pour notre victoire au cas d’une agression des puissances impérialistes. Il est donc absolument insensé de penser à une défense victorieuse quelconque de l’Union soviétique contre les puissances impérialistes sans l’affermissement du bloc des ouvriers et des paysans. Ainsi, ce n’est pas grâce au point de vue de Trotski et de l’opposition, mais grâce à la manière léniniste de traiter la question du bloc des ouvriers et des paysans que notre C. C., notre parti et le gouvernement de l’U. S. ont, dans ces deux dernières années environ, remporté les plus grandes victoires et se sont préparés ainsi, de façon léniniste, à la défense de notre parti. Nous savons par la déclaration de l’opposition qu’elle a battu en retraite dans la question de Thermidor. L’opposition venait à l’assemblée plénière avec une attaque contre le C. C., avec l’accusation qu’il suivait un cours thermidorien. Au cours de la discussion concernant les questions de Thermidor, l’opposition s’est sentie battue, on peut dire même, écrasée idéologiquement. Sous les coups qui lui furent assénés, l’opposition abandonna ce point de vue sur la question de Thermidor et adopta une formule où Thermidor existe bien encore, mais dans le pays et non dans le C. C. de notre parti. Vous vous rendez compte de l’importance d’un tel changement de front. Lorsque je dis que Thermidor qui existe dans le C. C., cela signifie que les dégénérés sont dans le C. C. même, mais si je dis que les éléments de Thermidor sont dans le pays, cela signifie que les éléments antirévolutionnaires sont dans le pays. Il est évident qu’il y a des forces contre-révolutionnaires dans le pays. Chez nous, les classes ne sont pas écartées, chez mous, il existe une bourgeoisie, chez nous, il y a une nouvelle bourgeoisie, il y a le koulak, il y a les éléments intellectuels bourgeois qui ont une position hostile à notre égard, etc. S’éloigner de la thèse que le Thermidor n’est pas dans le cadre du C. C. et en arriver à la thèse que les éléments thermidoriens sont dans le pays, c’est vraiment une retraite assez forte. Mais notre opposition, dans sa façon de formuler, s’est réservé une échappatoire, une espèce d’arme de réserve pour des attaques ultérieures contre le parti, en prétendant que le C. C. n’a pas opposé une résistance suffisante aux éléments thermidoriens dans notre pays.

C’est ainsi que l’opposition a battu en retraite aussi bien dans la question de Thermidor que dans la question de la défense de l’Union Soviétique et dans la question de « Clemenceau ». Il a fallu que l’opposition exprime clairement, à la suite des discussions à l’assemblée plénière du C. C. qu’elle est pour une défense sans conditions de notre patrie socialiste. Elle a dit qu’elle était pour la défense sans conditions de l’Union Soviétique, mais elle ne s’est pas désolidarisée avec l’énergie nécessaire de la thèse « clémenciste » de Trotski, car elle ne voulait pas livrer son chef Trotski, pieds et poings liés.

La retraite complète, sans réserves, de l’opposition dans toutes ces questions signifiera qu’elle se désolidarise des principes du trotskisme. Le parti invite tous les éléments de l’opposition à s’en détourner.

Le bloc de l’opposition et des exclus de l’I.C.[modifier le wikicode]

Camarades ! J’en arrive maintenant aux questions qui confinent aux questions de la défense de notre pays et de l’activité de l’Internationale Communiste, ainsi qu’aux propositions de notre opposition qui s’y rapportent. Je ne m’étendrai pas dans ce rapport sur la situation de nos partis frères, parce que cela a été traité assez clairement et assez largement dans notre presse périodique. Mais, je considère comme nécessaire de m’arrêter sur la question de l’attitude de l’opposition à l’égard de la politique de l’I. C., sur la question de ses rapports avec les groupes exclus de l’I. C.

Vous savez, camarades, que parmi les questions posées par le C. C. à l’opposition se trouvait aussi la question de sa désolidarisation d’avec le groupe Ruth Fischer-Maslow en Allemagne. La question du groupe Ruth Fischer-Maslow a son histoire. Il y a quelques années, le P. C. A. publia une lettre dans laquelle il motivait politiquement l’éloignement de Ruth Fischer et de Maslow de la direction du P. C. A. Zinoviev était alors d’accord avec leur éloignement. Comment avons-nous caractérisé alors — avec Zinoviev — ce groupe qui s’éloignait visiblement de l’I. C.? Chacun peut relire la résolution de l’assemblée plénière du VIe

Exécutif de l’I. C. qui eut lieu sous la direction de Zinoviev et où on exprima directement que le groupe Ruth Fischer-Maslow fait une critique antibolchéviste de la politique de l’Union Soviétique, une critique antiléniniste, antibolcheviste de la politique de l’I. C. en répandant la légende que l’I. C. « va à droite ». Cela commença ainsi. Puis le groupe s’est éloigné de plus en plus du communisme. Zinoviev reconnut que la politique de ce groupe est urne politique antiléniniste, antibolcheviste. Ruth Fischer et Maslow furent exclus du parti. Lorsqu’eut lieu leur scission de fait du parti allemand, les « ultra-gauches » organisèrent leur parti et se mirent, à publier une feuille communiste, Le Drapeau du communisme. Or, c’est ce Drapeau du communisme qui est devenu l’organe central de notre opposition.

La déclaration d’opposition des 84 est déjà imprimée dans cette petite feuille antirévolutionnaire. Pas un seul discours important d’un des chefs « ultra-gauches » de notre opposition qui n’y soit publié. Elle est imprimée et vendue bon marché. Les « ultra-gauches » sont déjà devenus un parti Zinoviev-Trotski qui reçoit ses directives de notre opposition et qui est guidé par elle.

Dans le Drapeau du communisme, on ne publie pas seulement, il est vrai, des écrits et des discours de Zinoviev et de Trotski, mais aussi quelques productions de Ruth Fischer et de Maslow. Dans ces dernières, on dit directement que chez nous, c’est la fraction Staline qui gouverne et non le parti, que le C.C. est une organisation de Thermidoriens, que Staline est un « Noske », c’est-à-dire un bourreau des ouvriers. Pendant un certain temps, il y a eu une tendance énergique à déverser sur l’Union Soviétique des seaux d’immondices. Ces derniers temps, la tactique s’est un peu modifiée. L’Union Soviétique n’est pas salie directement, parce que les ouvriers pourraient se rebeller, mais on dit : il nous faut défendre de toutes nos forces l’Union Soviétique, mais le parti communiste est dirigé par ses Noske, Scheidemann, etc., etc... Défendez voir l’Union Soviétique dans de telles, conditions ! On ne saurait séparer notre parti de l’Union Soviétique. Mais comme il n’est pas possible dans une assemblée ouvrière de diriger ses attaques contre l’Union Soviétique, on les dirige contre notre parti. Notre parti fut ainsi caractérisé, à la fin de l’année précédente, par les contrerévolutionnaires « ultra-gauches » : En fait les bolcheviks sont les gestionnaires, le Comité exécutif, des classes possédantes qui, grâce à l’introduction du capitalisme, sont parvenues au pouvoir sans effusion de sang.

Ces derniers temps — en juillet — l’organe de Ruth Fischer-Maslow caractérisait ainsi la politique de la direction de notre parti : toute la politique des chefs actuels de l’Union Soviétique fait s’épanouir la contre-révolution. La contre-révolution s’y épanouit légalement.

Beaux « défenseurs de l’Union Soviétique » !

Dans sa déclaration du 16 octobre, l’opposition a écrit qu’elle prenait l’engagement solennel de ne défendre ni directement, ni indirectement ce groupe des exclus. Or, elle a tenu sa promesse en transformant l’organe central de ce parti en son organe central.

D’autre part, l’opposition soutient en France le groupe de droite de Souvarine-MonatteRosmer qui édite le Bulletin Communiste et une petite feuille qui s’appelle La Révolution Prolétarienne. Dans un numéro du Bulletin édité par Souvarine, il est dit que l’Union Soviétique n’est plus un Etat ouvrier, qu’il ne reste plus chez nous que des tendances socialistes, que le parti suit une ligne koulak — et qui sait encore quelles autres belles choses. Les droitiers français disent en général la même chose que les ultra-gauches de l’Allemagne.

Il faudrait encore faire remarquer que l’organe de Souvarine bénéficie d’une aide matérielle provenant de source bourgeoise ainsi que cela est prouvé par des documents.

On aboutit donc à la situation que l’opposition « s’enracine » dans les éléments antirévolutionnaires exclus de l’I. C. qui mènent la lutte contre les communistes en Allemagne et en France. Le résultat est que l’opposition se sert de l’organe du parti antirévolutionnaire pour ses attaques contre notre parti et l’I. C.

Vous vous rappelez, camarades, que les chefs de l’opposition, dans leur déclaration du

16 octobre, ont fait la promesse solennelle de se désolidariser d’avec les exclus de l’I. C. Or, non seulement ils ne se sont pas désolidarisés d’eux réellement, mais ils sont entrés en liaison très étroite avec eux, du point de vue idéologique et de l’organisation. Il leur faut maintenant battre en retraite dans cette question: Ils ont déclaré qu’ils se désolidarisent des exclus du point de vue de l’organisation, mais ils soulignent qu’ils ne le font que par ordre et qu’il faut réintégrer dans l’I. C. les exclus, etc., etc... Peut-on considérer sur ce point la déclaration de l’opposition comme satisfaisante ! Nullement. Nous ne devons pas oublier que l’opposition a gardé là aussi contre le parti une pierre dans sa poche.

Le problème de la révolution chinoise et le bloc oppositionnel[modifier le wikicode]

Je m’occuperai maintenant de quelques problèmes de la révolution chinoise. Il me paraît que l’essentiel qui nous sépare de l’opposition et qui doit être compris par chacun des membres de notre parti, est précisément le fait qu’on ne pouvait pas agir, dans la révolution chinoise, de la même façon que les bolchéviks en 1905. Si l’on veut épuiser cette question, on peut se convaincre très facilement combien notre tactique dans la révolution chinoise a été juste (bien que des fautes secondaires aient été commises) et combien la « ligne » de notre opposition, exigeant pour la révolution chinoise exactement la même tactique que celle appliquée par nous lors de la révolution de 1905, a été erronée.

Au premier abord, il semble que l’argumentation de l’opposition soit concluante. La politique préconisée par le C. C. et l’I, C. a abouti incontestablement à une défaite temporaire pour la révolution chinoise. Or, si des hommes, des organisations ou des classes essuient une défaite, on se pose involontairement la question : Cette défaite n’a-t-elle pas été causée par la politique ou la tactique appliquée ? Le fait d’un insuccès produit aussi une certaine tendance à surestimer l’importance de la tactique appliquée.

De plus, on peut être gagné par l’impression que l’opposition a parlé d’une façon très radicale, pour ainsi dire bolchéviste. En effet, que dit l’opposition ? Elle dit : Au diable avec cette collaboration, il fallait avoir une « pure ligne de classe », une ligne « prolétarienne », créer dès le début des soviets comme chez nous et ne pas se coaliser avec le Kuomintang, avec toutes sortes de généraux comme Tchang Kaï Chek et autres, il ne fallait pas employer une tactique menchéviste de bloc avec la bourgeoisie qui est cause de la défaite. Il fallait poursuivre une ligne de classe droite, honnête, sans bloc avec la bourgeoisie, et tout aurait été pour le mieux.

Camarades, cela est extrêmement radical et semble également concluant... aux personnes qui n’ont pas posé la question des particularités de la révolution chinoise, qui n’ont pas lu ce que Lénine a écrit sur les .particularités d’une révolution nationale dans un pays colonial.

Je dois répéter ce que j’ai exposé dans mon rapport â la séance plénière du C. C. Les événements de Chine ont, pour la première fois, soulevé devant nous, dans toute sa grandeur, le problème de la révolution dans un pays semi-colonial. Jusqu’à présent, nous avons solutionné des problèmes tactiques liés à différentes révolutions, aux révolutions allemande, autrichienne, hongroise et à la, nôtre. Nous avons également développé, dans ses traits généraux, le problème de la révolution orientale, mais non pas dans son essence concrète, je veux dire sans avoir solutionné le problème de savoir comment il faut faire cette révolution, dans quelles conditions, avec, quels mots d’ordre, etc. Je souligne avant tout un argument qui est au centre de l’argumentation appositionnelle. Vous connaissez tous l’attitude de Lénine à l’égard de la question de la révolution démocratico-bourgeoise en Russie. Lorsque nous nous querellions avec les menchéviks, quelle était alors la façon de ceux-ci de considérer notre révolution ? Ils disaient : cette révolution est une révolution bourgeoise. Elle est dirigée contre le régime féodal, contre la tyrannie tsariste. Mais si c’est une révolution bourgeoise, la bourgeoisie sera pendant des années une force révolutionnaire, le prolétariat doit donc la soutenir, la classe ouvrière doit conclure un compromis avec elle, un bloc avec la bourgeoisie libérale. Il en résultait la tactique menchéviste de soutien aux cadets lors des élections, la tactique du bloc avec les cadets, la tactique de mots d’ordre tels que : « ministère responsable ».

Que disaient les bolchéviks et comment Lénine traitait-il cette question ? Lénine disait : la révolution dans notre pays est une révolution bourgeoise, c’est un fait : mais la classe ouvrière, alliée à la paysannerie, doit mener cette révolution contre la bourgeoisie, parce que dans notre pays, grâce aux conditions de développement historique particulières, la révolution bourgeoise s’opère avec un retard immense, parce que la classe ouvrière intervient déjà comme facteur politique indépendant et parce que la bourgeoisie libérale trahira infailliblement dès le début de la révolution. C’est pourquoi la tâche du parti prolétarien n’est pas dans la constitution d’un bloc avec la bourgeoisie libérale, mais dans le démasquement de la bourgeoisie libérale, non dans le soutien de la bourgeoisie libérale, mais dans la lutte directe contre elle.

Les bolchéviks opposaient à la ligne menchéviste, c’est-à-dire au bloc du prolétariat avec les libéraux, le bloc de la classe ouvrière et de la paysannerie contre le tsarisme et la bourgeoisie libérale contre-révolutionnaire. Or, c’est précisément cette tactique bolchéviste de 1905 que Trotski et l’opposition voulaient voir appliquée à la révolution chinoise : « Les bolchéviks ont affirmé que la lutte contre la bourgeoisie libérale est nécessaire. Or, que faitesvous maintenant ? Vous avez conclu un bloc avec la bourgeoisie, libérale. Et c’est grâce à cette tactique que les bolcheviks sont restés, en fin de compte, vainqueurs dans la révolution russe ; mais vous avez manqué l’occasion, vous avez essuyé une défaite, vous avez soutenu des traîtres à la révolution chinoise, vous avez suivi une ligne menchéviste ».

Tel est l’argument capital des camarades Trotski, Zinoviev et de nombreux autres camarades oppositionnels. Je répète que cette argumentation porte tous les caractères d’une force persuasive superficielle et peut ainsi tromper beaucoup de gens. Mais, camarades, il faut bien se rendre compte qu’il est faux, non léniniste, d’appliquer point par point, dans la révolution chinoise, la tactique employée par les bolchéviks lors de la révolution de 1905. Si Zinoviev interprète mon argumentation en ce sens que Boukharine considère la doctrine de Lénine sur la révolution démocratique comme inapplicable à la Chine, il se rend alors au moins coupable, pour ne pas employer une expression plus forte, d’une fausse interprétation. Lénine, lui-même, nous a donné, en ce qui concerne la révolution bourgeoise dans les pays coloniaux, une ligne tactique déterminée. Nous l’observons. C’est d’ailleurs précisément de cette ligne que je voudrais m’entretenir avec vous. Déjà au IIe

Congrès de l’I.C., la question des pays coloniaux a été posée : Lénine disait à propos des thèses sur la question coloniale :

Quelle est l’idée décisive, fondamentale de nos thèses ?

C’est la différence entre peuples opprimés et oppresseurs ; nous soulignons cette différence, contrairement à la IIe Internationale et à la démocratie bourgeoise ; pour le prolétariat et l’Internationale communiste, il est d’une importance particulièrement grande, dans l’époque de l’impérialisme, de constater les faits économiques concrets et de partir, pour la solution de toutes les questions nationales et coloniales, non pas de constructions abstraites, mais de phénomènes de la réalité concrète.

Pour Lénine, l’essentiel est donc : la différence entre un pays impérialiste et un pays colonial. Si une telle différence est décisive, il est évident que cette différence objective doit avoir également une répercussion sur la tactique. Toute la question consiste donc à savoir : de quelle façon, sous quelle forme.

Comment Lénine formulait-il alors cette différence tactique ? Revenons au passé, lorsque beaucoup de camarades — dont je fus aussi — commirent une faute dans la question nationale si importante et lorsque Lénine nous expliquait cette faute. Je veux vous rappeler un épisode que j’ai déjà mentionné à la séance plénière du C. C.

Au cours de la guerre mondiale, éclata, sous les yeux du gouvernement de GrandeBretagne, une insurrection en Irlande. Vous vous rappelez que cette grande insurrection irlandaise fut noyée dans le sang par les Anglais ; cette révolte (l’Irlande est un pays opprimé par la Grande-Bretagne) ne fut pas dirigée par le prolétariat, mais par la bourgeoisie radicale et son chef de Valéra. Ce ne fut pas une insurrection prolétarienne, bien qu’elle fut soutenue par les ouvriers, mais la révolte d’une nation opprimée contre les impérialistes, contre l’impérialisme britannique.

Quelle fut l’attitude des divers groupes communistes vis- à-vis de ce fait ?

Radek écrivit un article disant que l’insurrection irlandaise était un « putsch », que ce n’était pas une affaire prolétarienne, qu’elle ne nous intéressait pas, qu’elle était condamnée à la défaite, qu’on ne réalisait aucune ligne de classe, qu’elle était dirigée .par la bourgeoisie radicale, etc...

Comment Lénine jugea-t-il cette appréciation?

Il affirma qu’une telle façon d’écrire équivalait à soutenir l’impérialisme anglais contre l’insurrection d’une nation opprimée; car même s’il ne s’agissait pas d’insurrection prolétarienne, elle était néanmoins une insurrection détruisant le système impérialiste. Il prétendit donc que cette prise de position à l’égard de l’insurrection irlandaise revenait à appuyer les chauvins anglais. Il dit qu’un parti prolétarien, fidèle aux traditions de Marx et Engels, devait soutenir cette insurrection du fait qu’elle était la révolte d’une nation opprimée contre une nation d’oppression.

Si, maintenant, nous retournons aux affaires chinoises et si nous essayons de connaître la différence essentielle entre un pays impérialiste et un pays colonial, il me semble que nous devons alors dire que cette différence consiste, d’une façon concrète, dans le fait que, ne nous trouvant pas en présence d’un Etat impérialiste, mais d’un Etat semi-colonial, la position des classes dans ce pays ne peut pas ressembler, dans une période déterminée de la révolution, à la position des classes dans un pays impérialiste. Ou, pour parler d’une façon plus populaire, plus concrète : chez nous, la bourgeoisie libérale n’a guère osé s’élever contre le régime tsariste, elle fut incapable d’une action énergique contre le régime tsariste. A quel moment, notre parti des cadets s’est-il insurgé les armes à la main contre le tsarisme ? Jamais. Quand la bourgeoisie libérale s’est-elle dressée, ne fut-ce même que par une protestation énergique, contre le régime tsariste ? Jamais. Une action de masse comme notre grève d’octobre 1905 avait déjà affolé toute la bourgeoisie libérale.

Considérez maintenant la révolution chinoise. Considérez non seulement ce qui se passe actuellement, mais également ce qui s’est déroulé en 1911. Rappelez-vous ce qui s’est passé depuis le renversement de la domination impériale en Chine, depuis la première république fondée par Sun Yat Sen. Rappelez-vous l’étape d’évolution consécutive, la période du premier gouvernement de Canton.

Souvenez-vous de la période de la campagne du Nord. Je vous le demande : ne devonsnous pas nous baser sur une analyse objective des rapports de classe ? Est-il vrai, oui ou non, que la bourgeoisie chinoise s’est tournée contre les impérialistes, qu’elle a favorisé, dans une certaine période, le mouvement gréviste lorsque, les armes à la main, elle s’est opposée aux féodaux et aux impérialistes ? Je prétends qu’un tel stade de développement a existé au cours de la révolution chinoise. C’est un fait. Le gouvernement de Canton ne fut pas, comme l’écrivit Radek, un « gouvernement ouvrier et paysan », il ne fut pas comme l’écrivit Radek, « un ami des ouvriers ». Est-ce vraiment un fait que Tchang Kaï Chek, qui est maintenant devenu le bourreau des ouvriers, a mené toute la campagne du nord en partie et avant tout contre les féodaux chinois et en partie contre les impérialistes qui soutenaient ces féodaux ? Depuis 1911, il y a eu des phases de la révolution où la bourgeoisie chinoise a joué un rôle révolutionnaire actif en luttant les armes à la main, l’armée se trouvant sous un commandement bourgeois. Tchang Kaï Chek lui aussi, le chef de la campagne du nord, fut le représentant des intérêts de la bourgeoisie et non des travailleurs des ouvriers et des paysans. Cette bourgeoisie pouvait jouer pendant une série d’années, un rôle révolutionnaire. Plus tard, elle est devenue le bourreau des ouvriers et des paysans et a commencé à jouer un rôle contrerévolutionnaire. Y a-t-il une différence entre nos cadets et cette bourgeoisie révolutionnaire de Chine?

Oui.

Pour quelle raison en est-il ainsi? Parce qu’en Russie nous avions une révolution démocratico-bourgeoise dans un pays impérialiste, tandis qu’en Chine, nous assistons à une révolution démocratico-bourgeoise dans un pays semi-colonial. La bourgeoisie chinoise, elle aussi, est fortement intéressée à ce que le joug impérialiste soit secoué. Il est donc naturel qu’il fallait remuer davantage les masses, qu’il fallait faire beaucoup plus peur à cette bourgeoisie pour la pousser dans le camp de la contre-révolution que ce ne fut nécessaire pour la bourgeoisie et les cadets de notre pays.

Et ce fut précisément ce fait qui permit à la bourgeoisie chinoise de jouer pendant une série d’années un rôle révolutionnaire actif et de se transformer, seulement plus tard, en force contre-révolutionnaire. On dira que cette trahison devait être prévue, etc. Je vais vous citer un exemple de l’histoire de la révolution russe. Les socialistes-révolutionnaires ont-ils joué un rôle révolutionnaire ? Oui. Des blocs avec eux étaient-ils admissibles ? Oui. Nous en avons conclu avec les socialistes-révolutionnaires en 1905-6-7. Or, que dirions-nous si, aujourd’hui, un communiste venait nous proposer la conclusion d’un bloc avec les socialistesrévolutionnaires ? Il importe de comprendre que la bourgeoisie pouvait jouer, en Chine, précisément parce qu’elle est un pays colonial, un rôle objectivement révolutionnaire au cours d’une série d’années. N’est-ce pas Wladimir Ilitch qui écrivait, à propos des relations avec la bourgeoisie des pays coloniaux, par opposition aux rapports avec la bourgeoisie dans une révolution telle que la nôtre de 1905 :

L’Internationale communiste doit conclure des accords passagers, même des alliances, avec la démocratie bourgeoise des colonies et des pays arriérés. Cependant, elle ne doit pas fusionner avec elle, mais conserver l’indépendance absolue du mouvement prolétarien, même dans ses premières formes embryonnaires.

Et Lénine donnait même une formule sur le moment où l’on pouvait conclure des accords et alliances avec la bourgeoisie coloniale. Il a précisé le moment et les conditions de la conclusion des accords avec le mouvement bourgeois d’émancipation :

Nous, en notre qualité de communistes, nous ne soutiendrons les mouvements bourgeois d’émancipation dans les pays coloniaux que si ces mouvements sont réellement révolutionnaires.

Et voici comment il commente le sens de cette phrase :

Si ses représentants (de la démocratie bourgeoise) ne nous empêchent pas d’éduquer et d’organiser selon l’esprit révolutionnaire la paysannerie et les larges masses exploitées. Zinoviev m’a dit, au cours d’une discussion, qu’il fallait comprendre ici sous « démocratie bourgeoise » la paysannerie, et que c’était précisément en cela que résidait tout l’artifice. C’est un non-sens parce qu’il ressort nettement de cette citation où il est question des conditions d’accord ou d’alliance, que nous, les communistes, devons soutenir les mouvements bourgeois d’émancipation dans les pays coloniaux, si les représentants de la bourgeoisie ne nous empêchent pas d’éduquer et d’organiser le prolétariat et la paysannerie. Donc, nous éduquons la paysannerie ; or, le mouvement bourgeois d’émancipation peut ou bien admettre une éducation de la paysannerie dans l’esprit révolutionnaire ou bien l’interdire. Au premier cas, nous devons, nous sommes obligés d’entrer en alliance avec elle !

Cela est-il quelque chose de la tactique que Lénine a préconisée pour la Russie tsariste ?

Evidemment non.

Safarov, un des chefs connus de l’opposition, écrivait dans sa brochure sur la question nationale que « les oscillations dans la question du soutien de la bourgeoisie nationale des pays coloniaux et semi-coloniaux est l’expression d’un chauvinisme de grande puissance ». Maintenant, il ne veut plus se rappeler ce qu’il a écrit ; mais cela, vous le trouverez littéralement dans la brochure de Safarov. Au premier abord, la plate-forme de l’opposition paraît extrêmement radicale, mais en dépit de tout ce radicalisme, elle est une déviation social-démocrate, car il n’y a que les social-démocrates qui puissent raisonner ainsi : « Vous vous occupez du mouvement nationaliste, bien que ce mouvement ne soit pas un mouvement purement prolétarien dans les pays coloniaux ».

Or, il s’agit pour nous, communistes, de profiter de tout mouvement dirigé contre l’impérialisme. Nous sommes intéressés à ces mouvements, même alors que, dans le premier stade de développement, ils sont dirigés par des éléments non prolétariens, de même que nous étions intéressés à l’insurrection dirigée par la bourgeoisie irlandaise se dressant contre l’impérialisme anglais et entraînant les ouvriers et paysans d’Irlande. Nous sommes intéressés à de tels mouvements parce qu’ils détruisent la machine impérialiste, parce qu’ils favorisent objectivement le déchaînement des forces de la révolution nationale.

Si le diable même se dressait contre les dieux impérialistes, nous devrions l’en remercier (Rires). La vie, camarades, est bien plus compliquée que la théorie. Toute la complication du problème chinois provient de ce que ce mouvement a commencé par le fait que la bourgeoisie chinoise a mené, au début, le peuple contre les impérialistes et contre les féodaux : elle stimula le déploiement des forces nationales, elle aida le peuple à descendre dans l’arène indépendante ; c’est en cela que réside la justification de notre tactique de compromis avec la bourgeoisie pendant une certaine étape de développement du mouvement révolutionnaire. Quelle a été l’expression de ce compromis ? Il s’est manifesté ces derniers temps par le soutien qu’accorde le parti communiste à la campagne du Nord de Tchang Kaï

Chek marchant de Canton jusqu’à Shanghaï. Et nous en avons profité. L’avantage que nous en avons tiré est que la bourgeoisie libérale, au fur et à mesure qu’avançait l’armée cantonaise de Canton sur Shanghaï, nous permettait d’organiser les masses selon l’esprit révolutionnaire, de sorte que l’avance de l’armée cantonaise vers le Nord fut accompagnée d’un essor inouï, sans précédent, des forces révolutionnaires et du mouvement des masses. C’est précisément au cours de cette période que grandirent, d’un rythme formidable, les fédérations ouvrières ; c’est précisément au cours de cette période que le mouvement paysan, fort maintenant de plus de 10 millions d’hommes organisés, subit son plus large développement. Nous, parti du prolétariat, avons soutenu cette armée cantonaise contre les féodaux et les impérialistes. Par contre, la bourgeoisie ne nous empêchant point d’éduquer les ouvriers et paysans dans l’esprit révolutionnaire, le travail d’organisation put s’opérer sans arrêt pendant toute cette campagne, travail qui d’ailleurs a largement consolidé la confiance des masses en les communistes. Voilà l’acquisition la plus importante. Si nous parlons aujourd’hui d’une défaite de la révolution chinoise, on doit avouer qu’il s’agit d’une défaite grave ; néanmoins, nous ne devons pas oublier que nous avons aussi des victoires à enregistrer: 1) les impérialistes n’ont pas amélioré leur position en Chine, quoique Tchang Kaï Chek fusille les ouvriers ; 2) nous avons mobilisé les masses formidables du peuple ce que nous n’aurions pu faire si nous n’avions pas soutenu la campagne du Nord, si nous n’avions pas conclu le compromis temporaire dont parlait Lénine.

Imaginez-vous que Tchang Kaï Chek ait entrepris sa campagne du Nord, lancé ses troupes de Canton vers Shanghai et que nous nous soyons opposés aux troupes cantonaises, que nous n’ayons conclu aucun compromis avec la bourgeoisie nationale, déclaré ouvertement une guerre sans merci à la bourgeoisie, repoussé tout bloc — quel avantage en aurions-nous tiré ? Cette tactique aurait été évidemment des plus désavantageuses pour nous. Nous devions déployer nos ailes et soutenir l’armée cantonaise, autrement nous n’aurions jamais réussi à soulever les formidables masses populaires dont nous avons besoin. Telle est la tactique préconisée par Lénine. Et, lorsque ces forces se sont soulevées avec une telle rapidité, ont commencé à effrayer la bourgeoisie, notre alliée, lorsqu’il devint manifeste que cette bourgeoisie pouvait passer demain à l’ennemi, nous devions créer à temps de nouvelles conditions de lutte, jeter un nouveau pont, préparer le peuple à la trahison, démasquer les traîtres — travail que nous avons déjà fait. Il est regrettable qu’à ce moment-là nous ayons écrit beaucoup moins sur ce sujet dans les journaux russes que nous n’avons fait en réalité. Nous avons répondu à la trahison par un changement des mots d’ordre.

Camarades, je veux maintenant résumer les différentes conceptions possibles. Il pouvait y avoir trois lignes: a) compromis en tout cas avec la bourgeoisie ; b) la ligne oppositionnelle : jamais, à aucune condition, de compromis avec la bourgeoisie libérale ; c) la véritable, la seule ligne léniniste juste : soutenir le mouvement bourgeois d’émancipation dans des étapes déterminées de son développement, tant qu’il est vraiment révolutionnaire ; ce mouvement étant révolutionnaire aussi longtemps qu’il nous permet d’éduquer les masses, les masses ouvrières et paysannes dans un esprit révolutionnaire. Considérez de ce point de vue le cours de la révolution chinoise et vous comprendrez que nous avons agi en léninistes.

Il y eut un compromis entre nous et la bourgeoisie libérale et même avec Tchang Kaï Chek tant que ce groupe nous autorisa à construire un parti communiste de Chine, à éduquer les masses populaires de Chine dans l’esprit révolutionnaire. Qu’on n’oublie pas, camarades, que nous avons fait à temps un virement, lorsque s’est manifesté le passage de cette bourgeoisie libérale au camp adverse.

Il est évidemment très difficile de prouver la justesse de notre tactique, précisément au moment de la défaite. Cependant, on comprend aisément qu’après les défaites sur lés barricades de Pressnia, en 1905, ou lors des journées de juillet 1917 — cela en dépit de la justesse dé la tactique bolchéviste — il était plus difficile de démontrer que les bolchéviks avaient raison que s’il y avait eu la victoire. Les journaux ne donnent que peu de nouvelles sur les derniers événements de Chine. Vous savez qu’après la désertion du gouvernement de Wouhan dans le camp de la contre-révolution, les membres de l’extrême-gauche du Kuomintang s’en sont séparés à la tête, et évidemment d’une façon encore plus considérable, à la base. Les noms ne vous intéressent peut-etre guère, mais vous trouvez, par exemple, parmi eux, Mme Sun Yat Sen et toute une série de grands chefs de la révolution nationale ainsi que des communistes. Ceux-ci viennent d’organiser, comme vous l’avez lu dans les journaux, une insurrection contre le gouvernement de Wouhan. Je peux vous annoncer qu’ils ont réussi à rassembler environ 20.000 baïonnettes et à s’emparer de Nantchang. Leur plan consiste à quitter Nantchang, ville entourée de forces ennemies, d’avancer sur Kvantung et, chemin faisant, de renforcer’ leurs colonnes en y enrôlant des ouvriers et des paysans. Ils constituent une armée vraiment révolutionnaire qui se nomme armée rouge; ils ont commencé leur campagne du Sud. avec succès et paraissent avoir certaines chances. Ils ont constitué un nouveau gouvernement — je ne peux même pas dire lequel c’est (il me semble que c’est le quatrième). Ce gouvernement représente réellement un bloc entre ouvriers et paysans. Leurs drapeaux portent l’inscription: « Confiscation de la terre ! » « Nous voulons chatouiller comme il faut, avec nos baïonnettes, les grands propriétaires fonciers ! ». Leur conduite à l’égard des éléments honorables et possédants des villes et des champs n’est pas particulièrement polie. Dans la province de Houpé, s’est constitué tout récemment un groupe de ce genre, mais considérablement plus petit. Il s’agit de masses paysannes, d’ouvriers, de francs-tireurs, etc., etc... Evidemment, s’ils sont battus, ce sera grave; mais ne faut-il pas voir notre influence dans leur intervention ? Il y a des chances pour qu’une véritable « Armée rouge » naisse de ces nouvelles formations militaires. Je crois personnellement que cette tentative désespérée peut être, si les événements se développent quelque peu favorablement pour nous, le meilleur argument pour notre tactique, car tous les hésitants comprendront alors mieux la justesse de notre tactique, que maintenant où nous avons été passés à tabac.

En examinant notre tactique dans la révolution chinoise, il faut reconnaître que nous avons commis quelques fautes secondaires. Mais je ne peux que vous affirmer, la main sur le cœur, que la ligne tactique de l’I. C. et du C. C. du P. C. de l’U. R. S. S. a été, d’une façon générale, la seule ligne juste. Je suis d’avis qu’il n’est pas absolument nécessaire d’appliquer la tactique chinoise aux autres pays coloniaux. Dans l’I. C. nous discutons sur les questions relatives aux Indes. La situation y est tout autre qu’en Chine, bien que l’Inde soit également un pays colonial. Cela provient tout simplement de ce que la bourgeoisie est dans ce pays en relation beaucoup plus étroite avec l’impérialisme anglais et que, par conséquent, la possibilité d’une intervention de la bourgeoisie hindoue contre l’impérialisme anglais ne se réalisera guère. Il ne faut pas appliquer mécaniquement l’expérience chinoise aux Indes. Quant à la Chine, vous reconnaîtrez, en examinant attentivement ce problème, que le seul point de vue juste a été celui de notre parti et de l’I. C.

Je vais m’occuper encore de la question des soviets dans la révolution chinoise.

La particularité de la révolution chinoise fut jusqu’à présent l’existence d’une Organisation comme le Kuomintang qui fut scindé par la trahison de Tchang Kaï Chek. Le Kuomintang est une organisation de masse, qui a constitué un gouvernement composé de membres choisis dans ses rangs. Dans la période de Wouhan, l’aile gauche du Kuomintang forma un gouvernement que nous avons soutenu jusqu’à ce qu’il devint contrerévolutionnaire, aussi longtemps qu’il nous permit de déployer notre travail, l’activité du parti communiste de Chine parmi les ouvriers et paysans chinois. Si nous avions commencé à créer des soviets à ce moment-là, nous aurions suivi un cours tendant au renversement du gouvernement de Wouhan, de ce gouvernement que nous nous étions obligé à soutenir et que nous devions soutenir.

Aujourd’hui que ce gouvernement a passé au camp de la contre-révolution, voici quel est devenu le rapport entre nous et le Kuomintang : nous devions faire une dernière tentative pour reconquérir les masses du Kuomintang et renverser les chefs de gauche du Kuomintang dirigés par Wang Chin Weï, etc., etc... Nous devions donner cette directive parce que nous jouissions d’une influence dominante dans les organisations de masse liées au Kuomintang, dans les fédérations paysannes, dans les comités, dans les syndicats ouvriers. Toutes ces organisations sont liées au Kuomintang- et nous devions — cela me semble être la seule tactique juste — lancer le mot d’ordre : mobilisation des masses de gauche du Kuomintang contre les chefs. D’autre part, nous devions prévoir, ces derniers temps, la perspective suivante : Il se peut que notre adversaire, disposant de la force militaire, déclenche contre le Kuomintang une attaque sur toute la ligne et transformera le Kuomintang en une organisation dont nous ne pourrons plus profiter du tout. De nombreuses organisations provinciales du Kuomintang étaient dirigées par les communistes ou des sympathisants communistes. Ces communistes ont été arrêtés, ses membres pendus d’autres comités furent institués par les contre-révolutionnaires. On a qualifié cela de « réorganisation »> du Kuomintang. Dans ces conditions, il était évident que nous étions incapables, là où le pouvoir militaire n’est pas dans nos mains, mais est dirigé contre nous, de mobiliser les masses du Kuomintang pour renverser les chefs par la voie électorale. Si le Kuomintang craque de toutes parts, notre dernière tentative doit-être de soulever les masses du Kuomintang contre les chefs. Maintenant, il est probable que tous les meilleurs éléments du Kuomintang choisiront la voie des soviets parce que l’organisation du Kuomintang craque de toutes parts et que, selon toute probabilité, nous ne pouvons plus mobiliser, par la voie électorale, les masses de gauche du Kuomintang contre les chefs. C’est pour cette raison que nous avons lancé le mot d’ordre de faire une propagande intense pour les soviets et, si l’élan de la révolution reprend un plein essor, nous devrons passer de cette propagande à la création directe des soviets parce qu’alors ce mot d’ordre deviendra le mot d’ordre actuel de la lutte politique immédiate. Voilà comment il faut comprendre les mots d’ordre émis par nous ces derniers temps.

La question d’organisation et l’opposition[modifier le wikicode]

Pour finir, je voudrais encore attirer votre attention sur la question d’organisation du parti, telle qu’elle fut soulevée par les derniers actes de l’opposition.

Je voudrais vous rappeler encore une fois que nous tous, après le XIVe Congrès, nous affirmions que la « nouvelle opposition » avait, d’une façon générale, accepté, quant à la question d’organisation, la plateforme de Trotski, en lançant le mot d’ordre de la liberté des fractions et groupements, les mots d’ordre de Trotski: « Vivre et laisser vivre » qui, avec le temps, commença à prendre le sens du mot d’ordre d’Ossovski sur les deux partis.

En jetant un regard rétrospectif sur le passé, nous voyons que toutes les déclarations que l’opposition faisait alors contre l’unité du parti, ont eu les fruits que vous tous pouvez maintenant voir de vos yeux. C’est « l’ancien » Trotski historique qui récolte ces fruits. Trotski a exposé d’une façon particulièrement plastique ses conceptions sur les principes d’organisation du parti dans la brochure sur Nos tâches politiques, parue en 1904. Je vous rappelle les réflexions de Trotski de 1904 à ce sujet, pour établir que les opinions actuelles de l’opposition succèdent historiquement aux anciennes conceptions trotskistes-monarchistes. Trotski en polémiquant contre Lénine, à propos du régime bolchéviste dans le parti, écrivait :

Trois ou cinq membres du Comité incarnent en eux l’unité et la volonté de la classe ouvrière. Ils prennent des décisions, ils « font » une nouvelle tendance dans le parti, relèguent « l’économisme » aux; archives, mettent le « centralisme » dans la circulation, tantôt reconnaissent l’Iskra, tantôt la rejettent — en un mot, ils font l’ensemble de la politique à l’intérieur du parti ; et, à leurs pieds, « le monde des petits militants » qui impriment les proclamations vont collecter l’argent, distribuent des brochures. Au cours de ces trois ou quatre dernières années de discussions intenses à l’intérieur du parti, la vie de beaucoup de Comités est faite d’une série d’insurrections à l’instar de nos révolutions de palais du XVIIIe siècle. De quelque part d’en haut — de très haut, certain est banni en un endroit quelconque, révolté, strangulé par n’importe qui ; quelqu’un se proclame soi-même n’importe quoi et, comme résultat de tout cela, on voit hisser solennellement sur les créneaux du Comité un drapeau portant l’inscription: « Orthodoxie, Centralisme, Lutte politique...

Ces réflexions sur le régime à l’intérieur du parti ne proviennent-elles pas de la brochure de Trotski sur Nos lâches politique ? Tout ce que Trotski lance ici contre Lénine, sert maintenant l’opposition contre le C. C. et tout le parti.

N’est-il pas alors juste de dire que le « Trotski historique » récolte maintenant ses fruits ?

La discipline du parti était conçue par Trotski de la façon suivante et, selon toute apparence, est encore aujourd’hui comprise ainsi par lui:

...La discipline — écrit Trotski — a un sens tant qu’elle offre la possibilité de lutter pour ce que l’on croit juste et pour ce qui nous a fait nous soumettre à la discipline. Mais si une tendance déterminée est mise devant là perspective d’une « perte des droits », c’est-à- dire d’une perte de la possibilité de lutter pour une influence idéologique la question de l’existence de cette tendance se transforme alors d’une question de droit en une question de force.

En ce dernier cas — continue Trotski — les représentants d’un courant rebelle — suivant l’acuité de la situation — ou bien scinderont le parti en plaçant la discipline réelle vis-à-vis de leurs principes au-dessus des « principes » de la discipline formelle, ou bien ils resteront dans le parti et s’efforceront de réduire, par la pression de leur influence, les restrictions de la discipline du parti qui les enchaîne, à un minimum afin de s’assurer ainsi un maximum de liberté d’action et de résistance contre les tendances nuisibles. Dans la mesure où ils se libéreront en pleine conscience des freins de la discipline du parti, au nom des intérêts du parti comme ils les comprennent et dans la mesure où leur influence leur permettra d’exécuter cela, dans la même mesure, toute tentative du côté adverse de les freiner par la répétition du mot « discipline » ne sera qu’une pauvre superstition. Rien ne peut moins nous en imposer que la figure d’un « chef politique » qui, au moment décisif, recourt à de tels exorcismes. Qu’on en prenne note, une fois pour toutes.

Trotski ne reconnaît la discipline que pour autant qu’elle n’enchaîne pas sa « personnalité », Pour lui, n’existent que ses opinions personnelles, ses convictions personnelles, les normes posées par lui personnellement. Les décisions du parti, les normes générales du parti, la volonté du parti auxquelles tout membre du parti doit se subordonner, tout cela n’existe pas pour lui.

Si l’opinion du parti diverge de son opinion personnelle, il scinde alors le parti, déclare « toute tentative... de le freiner par la répétition du mot « discipline » comme une « pauvre superstition ». Eh bien, qui osera encore dire que l’opposition, dans son mépris de la volonté du parti, ne part pas de ces réflexions de Trotski ?

Lénine a, avec une extrême lucidité, caractérisé le trotskisme dans la question d’organisation :

« L’organisation du parti lui paraît comme une « fabrique étrange »; la subordination d’une partie au tout, de la minorité à la majorité, lui semble être de « l’esclavage ». La division du travail sous la direction d’un centre provoque chez lui des lamentations tragi-comiques sur la transformation des hommes en « petites vis » et en « petites roues » ; la mention d’un statut d’organisation du parti le fait grimacer, plein de mépris, et déclarer plein de dédain (à l’adresse des « formalistes ») qu’on pouvait également vivre sans statut... que toute hiérarchie, que tous les collèges et instances, de la base à la tête, sont inutiles. Une telle hiérarchie apparaît à cet anarchisme aristocrate comme une invention bureaucrate des ressorts, départements, etc. Aucune subordination d’une partie au tout, aucune fixation « formelle bureaucrate » des méthodes du parti ne sont nécessaires, pour l’entente ou la démarcation, l’ancien fouillis des cercles doit être canonisé par la phraséologie sur les méthodes « véritablement social-démocrates. »

Et voilà que l’idéologie « anarcho-aristocrate » puisée dans le trotskisme a conduit l’opposition jusqu’à la gare de Iaroslavl. Zinoviev, en accompagnant Smilga à la gare, a franchement avoué qu’ils entendaient faire une manifestation politique contre le C. C. Cette manifestation politique contre le C. C., contre son propre parti, est l’incarnation criminelle suprême de cet « anarchisme, aristocrate », voie suivie depuis longtemps par Trotski qui, à notre plus grand regret, mène maintenant les camarades Zinoviev et Kamenev. Vous savez que l’opposition a battu en retraite sur ce point, mais elle l’a fait en s’assurant non seulement une échappatoire, mais tout un grand portail pour de nouvelles sorties. L’opposition déclarait être prête à supprimer tout ce qui a rapport aux fractions, mais que les éléments de fractionnisme avaient résulté de la dégénérescence du régime dans le parti, etc. Cela revient à dire que ce n’est pas eux, mais bien nous qui sommes coupables de ce qu’ils sont allés à la gare de Iaroslavl.

Camarades, en établissant ce bilan, nous nous rendons compte que les oppositionnels, dans la période consécutive au XIVe Congrès, sont arrivés, sur la ligne idéologique, d’obscures allusions au thermidorianisme, aux déclarations insolentes sur une dégénérescence thermidorienne du C. C. et, sur la ligne d’organisation, de la revendication de la liberté des groupements à la démonstration à la gare de Iaroslavl. Le résultat est un écart immense dans la crise des ciseaux à l’intérieur du parti.

En présence de ces résultats, les membres du parti peuvent ne pas très bien comprendre la position du C. C. Après avoir écrasé dans la discussion ses adversaires politiques oppositionnels, après les avoir refoulés dans une impasse idéologique, la séance plénière des C. C. et C. C. C. n’a accepté, malgré tout cela, qu’une résolution .exprimant une réprimande, mais laissant les chefs de l’opposition au C. C. Quelles considérations ont guidé le C. C. et la C. C. C. dans cette résolution ? Le danger menaçant, de la part de l’opposition, ne consiste nullement en ce que l’opposition puisse entraîner des couches considérables de notre parti communiste.

Personnellement, je crois qu’on peut exclure cette éventualité, bien que les chefs de l’opposition se vantent du soutien d’environ 2.000 membres du parti.

Nous avons appris à connaître la composition sociale de l’opposition qui aime reprocher au parti qu’il ne compte dans ses rangs qu’un petit pourcentage d’ouvriers. Nous avons pu nous convaincre que le pourcentage d’ouvriers dans l’opposition est considérablement inférieur au pourcentage moyen d’ouvriers dans l’ensemble de notre parti. Vraiment, l’opposition n’a le droit que de se taire quant à sa composition sociale.

Cela est tout à fait compréhensible. Sa base principale, ce ne sont pas les cellules ouvrières, mais les cellules des universités, les chauvinistes de Géorgie et, enfin, ces cadres permanents de trotskistes qui ont suivi Trotski dans toutes les étapes de la lutte contre le parti. Le danger que l’opposition représente pour nous consiste en ce que cette fraction, en dépit de sa petitesse, peut devenir, à son insu et sans qu’elle-même le désire, un deuxième parti et un porte-parole de toutes les forces de notre pays hostiles à la dictature du prolétariat, à la domination de notre parti.

L’opposition est un danger pour nous, parce qu’en cas d’une accentuation de la lutte contre notre parti, elle pourrait devenir l’organe de toutes les forces en dehors de notre parti. Bien plus, dans un tel cas, l’opposition deviendra fatalement l’organe de toutes les forces en lutte contre la domination soviétique dans notre pays. Voilà pourquoi les menchévistes, en réponse à la manifestation des camarades Zinoviev, Trotski et autres à la gare de Iaroslavl, ont déclaré ouvertement que cette manifestation « fut l’événement le plus important des dernières années dans la vie politique du pays

Dans ces conditions, il va de soi que, de notre côté, nous devons faire tout le possible pour détourner l’opposition de son chemin néfaste aboutissant à un deuxième parti, pour arracher à l’opposition, tous les ouvriers qui se sont égarés dans ses rangs et pour les ramener de notre côté.

C’est en considérant tout cela que nous avons fait une dernière démarche dans le sens d’une réconciliation avec l’opposition. Nous leur avons livré bataille au Comité central, nous les avons battus idéologiquement, nous les avons contraints à une demi-capitulation ; en ne capitulant pas totalement, mais seulement à moitié, ils ont gardé encore une pierre dans leur poche contre le parti; on ne peut aucunement garantir qu’ils tiendront leur promesse et il ne faudra nullement affaiblir la vigilance du parti vis-à-vis de l’opposition. Nous craignons que l’opposition profite de toute occasion pour réaliser sa « ligne », d’une façon ou d’une autre, par des détours. Elle n’a pas abandonné sa « ligne », elle n’a pas capitulé, elle n’a capitulé qu’à moitié.

Nous avons déclaré aux chefs de l’opposition que beaucoup de choses dépendent d’euxmêmes, que le C. C. à littéralement tout fait ce qui pouvait se faire pour sauvegarder l’unité. Nous sommes persuadés que nous avons bien fait, et cela aussi du point de vue de la conquête du dernier soldat de l’armée oppositionnelle. C’est entièrement sur l’opposition que repose la responsabilité de nouvelles complications possibles à l’intérieur du parti avant et après le Congrès. Il sera de notre devoir de défendre avec précision notre position politique, de lutter avec netteté pour notre ligne politique léniniste et de nous opposer énergiquement à toutes les tentatives oppositionnelles de désorganisation. Nous demandons à notre parti de serrer ses rangs plus fortement encore autour du léninisme. Nous ne pouvons pas assumer l’obligation vis-à-vis de l’opposition de renoncer à la discussion des résolutions de la séance plénière par les membres du parti. Au contraire, nous devons populariser le plus largement possible les résultats de cette séance plénière. Nous devons montrer à tout le parti en général et aux membres de l’opposition en particulier, le danger que créerait un deuxième parti, nous devons souligner comment l’opposition aussi bien idéologiquement que du point de vue d’organisation, est allée jusqu’aux extrêmes limites. Nous devons démontrer cela et demander à tout le parti d’être sur ses gardes.

Nous ne pouvons consolider et multiplier les grandes conquêtes de la révolution dans la très grave période actuelle qu’à une condition — à la condition que les membres du parti serrent leurs rangs plus fortement que jamais. Nous devons comprendre que l’unité d’organisation de notre parti est la condition sine qua non de notre victoire, nous devons expliquer cela à notre parti, à tous les membres de l’I. C. et aux larges masses de la classe ouvrière internationale. Nous devons démontrer l’impossibilité de mobiliser les larges masses ouvrière du prolétariat de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique pour la protection de l’Union Soviétique si l’on raconte toutes sortes de fables sur le Thermidor, sur les dégénérescences, les déviations à la Oustrialov, les déviations nationales réformistes, etc.

Tous les membres du parti de notre Union doivent opposer à l’ennemi un front révolutionnaire uni, aussi bien d’organisation qu’idéologique, car ce n’est qu’avec la conviction absolue que nous construisons le socialisme et non pas un capitalisme d’Etat, que notre Etat est un Etat ouvrier et non pas une fausse-couche thermidorienne, que l’on peut créer une garantie pour la force et la ténacité de notre parti, de nos rangs.

Impossible de vaincre avec la conviction que dans notre pays règne le « crépuscule politique ». Nous ne pouvons vaincre que sous le mot d’ordre:

« Vive les forces grandissantes du socialisme dans notre pays ! » (Tempête d’applaudissements.)