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== La paix ==
 
== La paix ==
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[[File:Dekret o mire.png|thumb|right|256x352px]]La toute première mesure, prise par le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], fut de lancer un appel « ''aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes'' » en vue d’une « ''paix démocratique juste'' », c’est-à-dire «'' immédiate, sans annexions (…) et sans réparations'' ». Le texte précise que « ''par annexion (…), le gouvernement entend (…) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière'' ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, «'' le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité'' ». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la [[Diplomatie_secrète|diplomatie secrète]] et de « ''mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ''».
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[[File:Dekret o mire.png|thumb|right|256x352px|Dekret o mire.png]]La toute première mesure, prise par le [[Congrès_des_soviets|Congrès des soviets]], fut de lancer un appel « ''aux peuples et aux gouvernements de toutes les nations belligérantes'' » en vue d’une « ''paix démocratique juste'' », c’est-à-dire «'' immédiate, sans annexions (…) et sans réparations'' ». Le texte précise que « ''par annexion (…), le gouvernement entend (…) toute incorporation à un État, grand ou puissant, d’une nationalité petite ou faible, sans le consentement et le désir formel, clairement exprimé, de cette dernière'' ». Il rejette tous les prétextes habituellement utilisés pour justifier de telles pratiques : ancienneté de l’annexion, retard économique, archaïsme politique, etc. En effet, «'' le gouvernement estime que continuer cette guerre pour savoir comment partager entre les nations fortes et riches les peuples faibles conquis par elles serait commettre le plus grand crime contre l’humanité'' ». L’appel précise encore la décision du gouvernement soviétique d’abolir la [[Diplomatie_secrète|diplomatie secrète]] et de « ''mener les pourparlers au grand jour, devant le peuple entier ''».
    
Le texte inclut aussi une proposition d’armistice immédiat, afin de rendre possibles des négociations immédiates. Rédigé par [[Lénine|Lénine]], il est délibérément souple, précisant que le gouvernement accepterait d’ « examiner toutes autres conditions de paix » : en cas de poursuite de la guerre, l’entière responsabilité devait en incomber aux rapaces [[Impérialistes|impérialistes]]. Le gouvernement révolutionnaire comptait ouvertement avant tout sur l’initiative révolutionnaire du prolétariat des principaux pays impérialistes d’Europe (Angleterre, France, Allemagne) pour atteindre ces objectifs. L’expérience russe confirmait en effet que seule la conquête du pouvoir par le prolétariat, c’est-à-dire la transformation de la [[Guerre_impérialiste|guerre impérialiste]] en [[Guerre_civile|guerre civile]] entre le prolétariat et la bourgeoisie, pouvait permettre de mettre un terme à cette guerre. Pour leur part, les [[Mencheviks|mencheviks]] et les [[S-R|S-R]] au pouvoir avaient continué d’envoyer ouvriers et paysans se faire tuer pour agrandir le territoire russe vers le Sud et sauvegarder les intérêts des impérialistes [[Impérialisme_français|français]] et [[Impérialisme_anglais|anglais]]. En refusant les propositions du gouvernement ouvrier et paysan et en poursuivant la guerre, les gouvernements bourgeois ont montré que leurs discours sur les horreurs de la guerre, les droits de l’homme et la paix ne sont faits que pour tromper le peuple ; la réalité, c’est l’appétit sans limite des patrons et de leurs États.
 
Le texte inclut aussi une proposition d’armistice immédiat, afin de rendre possibles des négociations immédiates. Rédigé par [[Lénine|Lénine]], il est délibérément souple, précisant que le gouvernement accepterait d’ « examiner toutes autres conditions de paix » : en cas de poursuite de la guerre, l’entière responsabilité devait en incomber aux rapaces [[Impérialistes|impérialistes]]. Le gouvernement révolutionnaire comptait ouvertement avant tout sur l’initiative révolutionnaire du prolétariat des principaux pays impérialistes d’Europe (Angleterre, France, Allemagne) pour atteindre ces objectifs. L’expérience russe confirmait en effet que seule la conquête du pouvoir par le prolétariat, c’est-à-dire la transformation de la [[Guerre_impérialiste|guerre impérialiste]] en [[Guerre_civile|guerre civile]] entre le prolétariat et la bourgeoisie, pouvait permettre de mettre un terme à cette guerre. Pour leur part, les [[Mencheviks|mencheviks]] et les [[S-R|S-R]] au pouvoir avaient continué d’envoyer ouvriers et paysans se faire tuer pour agrandir le territoire russe vers le Sud et sauvegarder les intérêts des impérialistes [[Impérialisme_français|français]] et [[Impérialisme_anglais|anglais]]. En refusant les propositions du gouvernement ouvrier et paysan et en poursuivant la guerre, les gouvernements bourgeois ont montré que leurs discours sur les horreurs de la guerre, les droits de l’homme et la paix ne sont faits que pour tromper le peuple ; la réalité, c’est l’appétit sans limite des patrons et de leurs États.
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=== La libération des nationalités opprimées ===
 
=== La libération des nationalités opprimées ===
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{{Article détaillé|Minorités nationales en Russie}}
    
Appliquant à la Russie elle-même ce qu’il exigeait formellement de tous les pays, le gouvernement soviétique décréta « ''l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie'' », c’est-à-dire le « ''droit des peuples de Russie à disposer librement d’eux-mêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un État indépendant'' », « ''l’abolition de tout privilège et restriction de caractère national ou religieux ''» et « ''le libre développement des minorités nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe'' ». En conséquence, la Finlande proclame son indépendance le 6 décembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement soviétique a accordé l’indépendance à des peuples à peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avancée allemande. Mais, si l’indépendance (même formelle) de la plupart de ces pays a été reconnue à la fin de la guerre par les puissances impérialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle à la [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire qui déferle sur l’Europe]] à partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement soviétique supprima à l’intérieur de ses frontières toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion — alors qu’à cette époque, dans bien des États bourgeois , de telles restrictions étaient encore légales, y compris les restrictions pour l’accès à certains métiers pour les Juifs par exemple.
 
Appliquant à la Russie elle-même ce qu’il exigeait formellement de tous les pays, le gouvernement soviétique décréta « ''l’égalité et la souveraineté de tous les peuples de Russie'' », c’est-à-dire le « ''droit des peuples de Russie à disposer librement d’eux-mêmes, y compris le droit de sécession et de formation d’un État indépendant'' », « ''l’abolition de tout privilège et restriction de caractère national ou religieux ''» et « ''le libre développement des minorités nationales et groupes ethniques peuplant le territoire russe'' ». En conséquence, la Finlande proclame son indépendance le 6 décembre 1917, l’Ukraine le 22 janvier 1918, la Pologne le 11 novembre 1918. On objecte souvent que le gouvernement soviétique a accordé l’indépendance à des peuples à peu de frais, car il n’occupait plus ces territoires du fait de l’avancée allemande. Mais, si l’indépendance (même formelle) de la plupart de ces pays a été reconnue à la fin de la guerre par les puissances impérialistes, c’est avant tout par la crainte que la frustration du sentiment national de ces peuples ne donne un nouveau souffle à la [[Vague_révolutionnaire_de_1917-1923|vague révolutionnaire qui déferle sur l’Europe]] à partir d’octobre 1917. Par ailleurs, le gouvernement soviétique supprima à l’intérieur de ses frontières toute discrimination en fonction de la nationalité ou de la religion — alors qu’à cette époque, dans bien des États bourgeois , de telles restrictions étaient encore légales, y compris les restrictions pour l’accès à certains métiers pour les Juifs par exemple.
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En un an le nombre d’école augmenta de plus de 50%, et il y avait des campagnes pour apprendre aux illettrés à lire et à écrire. OL’étude scolaire fut combinée au travail manuel, et des mesures de contrôle démocratique furent apportées, impliquant tous les travailleurs scolaires et les élèves âgés de plus de 12 ans. Lénine attachait personnellement une grande attention à l’expansion des bibliothèques.
 
En un an le nombre d’école augmenta de plus de 50%, et il y avait des campagnes pour apprendre aux illettrés à lire et à écrire. OL’étude scolaire fut combinée au travail manuel, et des mesures de contrôle démocratique furent apportées, impliquant tous les travailleurs scolaires et les élèves âgés de plus de 12 ans. Lénine attachait personnellement une grande attention à l’expansion des bibliothèques.
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=== Répression politique ===
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La révolution victorieuse est d'abord généreuse : les bolchéviks s’efforcent de réduire par la négociation tous les soulèvements, même armés (les soldats rouges ont ordre de ne pas tirer les premiers). Les bolcheviks entendent ainsi démontrer à tous qu’ils ne veulent pas la guerre civile.  Des officiers et junkers faits prisonniers, et même des généraux comme Krasnov, sont libérés aussitôt contre leur parole de ne pas reprendre les armes contre les soviets. Mais la plupart, à peine libérés, trahissant leur parole, et formeront les cadres de l’[[armée_blanche|armée blanche]] dans les mois suivants.
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Le [[Sovnarkom|Sovnarkom]] est donc obligé de prendre des mesures fermes face à la [[contre-révolution|contre-révolution]]. Pour les [[bolchéviks|bolchéviks]], cela fait partie des leçons de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris]], et de ce que [[Marx|Marx]] appelait la [[dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]].
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Quand il devient clair que les dirigeants du [[parti_KD|parti KD]] sont activement impliqués dans les tentatives contre-révolutionnaires, ils sont arrêtés. <span class="reference-text">Le décret sur l'arrestation des chefs de la guerre civile contre la révolution (''Pravda'', n° 23, 12 décembre (n.s) 1917) déclare que ''«&nbsp;Les membres des organismes dirigeants du parti cadet sont passibles d'être arrêtés et déférés devant les tribunaux révolutionnaires&nbsp;»''.</span>
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Une police politique, la [[Tcheka|Tcheka]], est aussi fondée en décembre 1917.
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=== La question de la liberté de la presse ===
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Dès le lendemain du 7 novembre (n.s), sept journaux de la capitale sont interdits. <span class="reference-text">Parmi eux, la ''Retch'', organe central du parti KD (qui continue à paraître sous d’autres titres jusqu'en juillet 1918), ''Dien'', quotidien de tendance libérale-bourgeoise financé par les banques, ''Birjovka'' ou ''Birjévyié Viédomosti'' [''La Gazette de la Bourse''], </span><span class="reference-text">''Nache obsheie delo'', et ''Novoie Vremia''. A noter que la plupart des quotidiens interdits reparurent très vite sous des noms différents.</span>
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Ces journaux n'hésitaient pas à appeler à la résistance armée au ''«&nbsp;coup de force des agents du Kaiser&nbsp;»''. <span class="reference-text">[[Lénine|Lénine]] répond ainsi le 7 novembre aux [[SR_de_gauche|SR de gauche]] qui protestent contre l’interdiction de journaux bourgeois&nbsp;: ''«&nbsp;N'avait-on pas interdit les journaux tsaristes après le renversement du tsarisme&nbsp;?&nbsp;»''.</span> De nombreux bolchéviks protestent cependant&nbsp;: <span class="reference-text">[[Iouri_Larine|Iouri Larine]] propose ainsi au comité exécutif central une motion réclamant l’abolition des mesures contre la liberté de la presse, motion qui n’est rejetée qu’à 2 voix près.</span>
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Selon certains historiens, ''«&nbsp;contrairement à la légende, la suppression de la presse bourgeoise ou des feuilles SR n'émane ni de Lénine ni des sphères dirigeantes du parti bolcheviks&nbsp;»'' mais ''«&nbsp;du public, en l'occurrence des milieux populaires insurgés&nbsp;»''.<ref>Marc Ferro, La Révolution de 1917, 1967, p. 863.</ref>
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Les partis socialistes conservent leur presse. La presse légale menchevique ne disparaît qu’en 1919, celle des anarchistes hostiles au régime en 1921, celle des SR de gauche dès juillet 1918 du fait de leur révolte contre les bolcheviks.
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Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent&nbsp;: comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse&nbsp;? Comment oser interdire la presse bourgeoise&nbsp;? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à «&nbsp;porter atteinte à la liberté de la presse&nbsp;» et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…
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Dès lors, s’ils se scandalisent de la mesure d’interdiction de la presse bourgeoise au moment où celle-ci répand toutes sortes de fausses nouvelles et de calomnies contre le pouvoir soviétique dans l’objectif de son renversement, ce n’est pas qu’ils soient attachés à la «&nbsp;liberté de la presse&nbsp;» pour elle-même, mais plutôt qu’ils sont aussi déterminés à rétablir le pouvoir bourgeois qu’ils l’ont été à étouffer par tous les moyens la révolution prolétarienne. Pour eux, la presse est «&nbsp;libre&nbsp;» lorsque la presse est dans les mains de quelques grands hommes d’affaires et présente la réalité à leur avantage, calomniant les révolutionnaires (comme les bolcheviks, accusés sans fondement en juillet d’être financés par l’État-major allemand), tandis que l’immense majorité n’a tout simplement pas les moyens matériels de disposer de ses propres médias. À l’opposé, la politique des bolcheviks consista, dans l’esprit du projet de décret sur la presse, d’une part, à imposer à tous les journaux l’obligation de rendre publics leurs comptes, afin que le peuple puisse connaître le ou les commanditaire(s) du journal et, d’autre part, à collectiviser les imprimeries et à les mettre à la disposition de tout groupe significatif d’ouvriers ou de paysans désirant éditer un journal ou une revue (Lénine suggérait d’accorder ce droit à tout groupe d’au moins 10 000 ouvriers ou paysans). En donnant ainsi réellement la possibilité aux exploités et aux opprimés de faire leur propre presse, ces mesures constituaient un pas vers la liberté réelle de la presse.
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Les rumeurs répandues par la presse bourgeoise ne peuvent être séparées des préparatifs militaires de coup d’État. En ce sens, faire preuve de la moindre faiblesse face à la contre-révolution, même avec les meilleures intentions du monde, c’est trahir la révolution. Tous les hésitants (comme les SR de gauche et le groupe Zinoviev-Kamenev dans le parti bolchévik) semblent avoir oublié les leçons de la Commune de Paris. La bourgeoisie française n’avait continué à discuter avec les communards que le temps de réunir, en accord avec Bismarck (représentant les intérêts de la bourgeoisie allemande), les forces nécessaires pour écraser la révolution prolétarienne commençante. La lutte politique et médiatique de la bourgeoisie contre le gouvernement révolutionnaire et son recours à la force militaire ne sont pas deux politiques opposées, mais les deux moments d’une même politique, dont le résultat ne peut être rien d’autre que le rétablissement du pouvoir de la bourgeoisie sur la base du massacre des ouvriers révolutionnaires.
    
== Les mesures économiques ==
 
== Les mesures économiques ==
    
=== La terre aux paysans ===
 
=== La terre aux paysans ===
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{{Article détaillé|Mouvement paysan en 1917}}
    
[[File:Décret sur la terre.jpeg|thumb|right|291x391px|Décret sur la terre]]Le décret sur la terre fut la deuxième mesure prise par les bolchéviks. La propriété privée du sol est abolie (la terre ne peut être ni vendue, ni achetée, ni hypothéquée), le sol et le sous-sol (minerai, pétrole, charbon, etc.) deviennent propriétés de l’État soviétique, les domaines des grands propriétaires fonciers et de l’Église, avec tous leurs bâtiments et dépendances, ainsi que le cheptel mort ou vif sont confisqués sans indemnités, mais non les terres ni le cheptel des simples paysans ou cosaques. Le décret prévoit déjà que les grands domaines ne seront pas partagés en petites parcelles mais devront être cultivés de façon collective.
 
[[File:Décret sur la terre.jpeg|thumb|right|291x391px|Décret sur la terre]]Le décret sur la terre fut la deuxième mesure prise par les bolchéviks. La propriété privée du sol est abolie (la terre ne peut être ni vendue, ni achetée, ni hypothéquée), le sol et le sous-sol (minerai, pétrole, charbon, etc.) deviennent propriétés de l’État soviétique, les domaines des grands propriétaires fonciers et de l’Église, avec tous leurs bâtiments et dépendances, ainsi que le cheptel mort ou vif sont confisqués sans indemnités, mais non les terres ni le cheptel des simples paysans ou cosaques. Le décret prévoit déjà que les grands domaines ne seront pas partagés en petites parcelles mais devront être cultivés de façon collective.
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Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme&nbsp;: le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays sous-développé, devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiques-bourgeoises de la révolution.&nbsp;Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’est-à-dire précisément le passage du «&nbsp;capitalisme d’État&nbsp;» soviétique au socialisme&nbsp;: en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de [[Nationalisations|nationalisations]], c’est la structure de l’État.
 
Là encore, les mesures économiques et sociales prises par le gouvernement dirigé par les bolchéviks n’impliquent pas encore le socialisme&nbsp;: le prolétariat ayant pris le pouvoir dans un pays sous-développé, devait inévitablement commencer par accomplir jusqu’au bout les tâches démocratiques-bourgeoises de la révolution.&nbsp;Mais, à chaque fois, les mesures sont réalisées de façon à préparer l’avenir, c’est-à-dire précisément le passage du «&nbsp;capitalisme d’État&nbsp;» soviétique au socialisme&nbsp;: en ce sens, elles sont transitoires. Ce qui distingue donc fondamentalement la Russie soviétique des États capitalistes de l’époque qui en raison des nécessités de la guerre ont aussi procédé à une série de mesures de [[Nationalisations|nationalisations]], c’est la structure de l’État.
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== Soviets, comités d’usine, milices ouvrières&nbsp;: l’État-Commune ==
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== L'édification du nouvel État ==
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=== Soviets, comités d’usine, milices ouvrières&nbsp;: l’État-Commune ===
    
En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les [[Soviets|soviets]] d’ouvriers, de paysans et de soldats&nbsp;: ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès pan-russe des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des commissaires du peuple]] (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux [[Ouvriers|ouvriers]] et aux soldats qu’aux [[Paysans|paysans]]. Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
 
En effet, l’ensemble du pays est gouverné par les [[Soviets|soviets]] d’ouvriers, de paysans et de soldats&nbsp;: ce sont des conseils regroupant des délégués élus à intervalles réguliers. Les soviets locaux élisent en leur sein un comité exécutif, ainsi que les délégués formant, avec des délégués d’autres soviets, le soviet de l’échelon immédiatement supérieur (district, province et région). Les délégués de l’ensemble des soviets régionaux forment le Congrès pan-russe des soviets, qui élit un Comité Exécutif de 200 membres et le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des commissaires du peuple]] (chaque commissaire est flanqué de cinq adjoints, qui peuvent faire appel de ses décisions devant le Comité Exécutif). Le système de représentation donne proportionnellement cinq fois plus de délégués aux [[Ouvriers|ouvriers]] et aux soldats qu’aux [[Paysans|paysans]]. Les soviets agissent à chaque échelon de façon autonome, dans le cadre fixé par le soviet de niveau supérieur, sous la direction générale du Conseil des commissaires du peuple.
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Le 18 mars 1918, le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des Commissaires du peuple]] fixe le traitement mensuel maximum à 500 roubles. Quelques mois plus tard, il attribue aux techniciens hautement qualifiés d'une rémunération plus élevée, ce que [[Lénine|Lénine]] reconnaît comme étant ''«&nbsp;un certain abandon des principes de la Commune de Paris&nbsp;»'' imposé par les impératifs de la gestion administrative de l'Etat.
 
Le 18 mars 1918, le [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|Conseil des Commissaires du peuple]] fixe le traitement mensuel maximum à 500 roubles. Quelques mois plus tard, il attribue aux techniciens hautement qualifiés d'une rémunération plus élevée, ce que [[Lénine|Lénine]] reconnaît comme étant ''«&nbsp;un certain abandon des principes de la Commune de Paris&nbsp;»'' imposé par les impératifs de la gestion administrative de l'Etat.
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== La question de la liberté de la presse ==
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=== La dissolution de l'Assemblée constituante ===
 
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Les mencheviks et les SR de droite se scandalisent&nbsp;: comment oser porter atteinte à la sacro-sainte liberté de la presse&nbsp;? Comment oser interdire la presse bourgeoise&nbsp;? Les mencheviks, les SR de droite et les socialistes-populistes n’avaient pas fait preuve d’autant de réticences à «&nbsp;porter atteinte à la liberté de la presse&nbsp;» et à recourir à la violence lorsque, aux lendemains des journées de juillet, ils avaient décidé d’interdire la presse du Parti bolchevik, d’envoyer l’armée fermer ses imprimeries, détruire ou confisquer son matériel et arrêter ses principaux dirigeants, qui passèrent les mois de juillet et août dans les prisons du gouvernement des mencheviks, des SR et des socialistes-populistes…
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Dès lors, s’ils se scandalisent de la mesure d’interdiction de la presse bourgeoise au moment où celle-ci répand toutes sortes de fausses nouvelles et de calomnies contre le pouvoir soviétique dans l’objectif de son renversement, ce n’est pas qu’ils soient attachés à la «&nbsp;liberté de la presse&nbsp;» pour elle-même, mais plutôt qu’ils sont aussi déterminés à rétablir le pouvoir bourgeois qu’ils l’ont été à étouffer par tous les moyens la révolution prolétarienne. Pour eux, la presse est «&nbsp;libre&nbsp;» lorsque la presse est dans les mains de quelques grands hommes d’affaires et présente la réalité à leur avantage, calomniant les révolutionnaires (comme les bolcheviks, accusés sans fondement en juillet d’être financés par l’État-major allemand), tandis que l’immense majorité n’a tout simplement pas les moyens matériels de disposer de ses propres médias. À l’opposé, la politique des bolcheviks consista, dans l’esprit du projet de décret sur la presse, d’une part, à imposer à tous les journaux l’obligation de rendre publics leurs comptes, afin que le peuple puisse connaître le ou les commanditaire(s) du journal et, d’autre part, à collectiviser les imprimeries et à les mettre à la disposition de tout groupe significatif d’ouvriers ou de paysans désirant éditer un journal ou une revue (Lénine suggérait d’accorder ce droit à tout groupe d’au moins 10 000 ouvriers ou paysans). En donnant ainsi réellement la possibilité aux exploités et aux opprimés de faire leur propre presse, ces mesures constituaient un pas vers la liberté réelle de la presse.
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== Constituante et Soviets ==
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=== Opportunisme sans principe… ou réalisme révolutionnaire&nbsp;? ===
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La bourgeoisie accuse souvent les bolcheviks de n’être que des conspirateurs sans scrupules, ne reculant devant aucun coup tordu pour parvenir à leurs fins. Dans le cas de la dissolution de l’Assemblée Constituante, on présente souvent les choses comme si les bolcheviks avaient été des partisans inconditionnels de la Constituante jusqu’au moment où, s’y retrouvant en minorité, ils auraient choisi de s’en débarrasser… Qu’en est-il en vérité&nbsp;?
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Entre avril et juillet, les bolcheviks ont maintes fois exigé la convocation de la Constituante, tout en ne cessant de souligner que, si une république bourgeoise avec Constituante était préférable à une telle république sans Constituante, car plus démocratique, une république ouvrière, c’est-à-dire soviétique, était encore mille fois plus préférable à la république bourgeoise avec Constituante, car mille fois plus démocratique. Durant ces mois, la bourgeoisie et ses valets mencheviks et SR ont refusé de convoquer la Constituante, sous prétexte qu’il aurait été impossible d’organiser des élections libres en pleine guerre (mensonge démasqué par l’organisation des élections en octobre 1917, alors que la guerre impérialiste se poursuivait). En réalité, la bourgeoisie et son parti, les cadets, soucieux de préserver au maximum l’ancien état des choses, ne voulaient pas de Constituante, car il ne faisait aucun doute que les partis se revendiquant du socialisme (mencheviks, bolcheviks et SR) y remporteraient la majorité absolue. Mais les mencheviks et les SR n’en voulaient pas non plus, car cela les aurait empêchés de continuer à se cacher derrière la prétendue force de la bourgeoisie pour refuser d’assumer le pouvoir que leur avaient remis les ouvriers par leur insurrection de février contre le tsar.
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En fait, les cadets, les mencheviks et les SR, qui avaient délibérément refusé de convoquer la Constituante pendant cinq mois (d’avril à juillet), ne sont devenus d’ardents partisans de cette dernière qu’à partir du moment les bolcheviks ont commencé à gagner la majorité dans un soviet après l’autre à partir d’août, suite à la politique bourgeoise menée par les mencheviks et les SR avec le gouvernement provisoire (poursuite de la guerre impérialiste, refus de donner la terre aux paysans, refus de combattre le sabotage des capitalistes, etc., avec des conséquences désastreuses pour les masses). Ce sont donc eux, et non les bolcheviks, qui ont fait preuve de «&nbsp;principes&nbsp;» à géométrie variable. Pour les révolutionnaires, ces événements constituent une bonne leçon de dialectique historique, car ils montrent clairement qu’un même mot d’ordre peut se charger d’un contenu de classe entièrement différent selon le développement de la situation politique.
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=== L’Assemblée Constituante élue en octobre ne représente plus la volonté du peuple en janvier ===
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{{Article détaillé|Assemblée constituante russe de 1918}}
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Mais, bien évidemment, on reproche surtout aux bolcheviks le simple fait d’avoir dissout la Constituante. Ce faisant, ils auraient fait violence à la volonté populaire. Qu’en est-il&nbsp;? L’Assemblée Constituante avait été élue en octobre 1917, c’est-à-dire avant la révolution du 25-26 octobre 1917, donc avant que ne soient prises les premières mesures du gouvernement soviétique, répondant aux besoins élémentaires des exploités et des opprimés. À cette époque, le parti SR était encore uni&nbsp;: il ne s’est divisé entre deux fractions opposées qu’après la révolution Octobre, l’une la soutenant et participant au [[Conseil_des_commissaires_du_peuple_(URSS)|conseil des commissaires du peuple]] (les «&nbsp;SR de gauche&nbsp;»), l’autre la combattant (les «&nbsp;SR de droite&nbsp;»). Les électeurs avaient ainsi voté en octobre indistinctement pour les uns ou les autres, puisqu’ils s’étaient présentés sur les listes uniques, celles du parti SR encore uni. Or, moins représentés dans les sphères dirigeantes du parti que les SR de droite, les SR de gauche ne disposaient que d’une minorité des députés élus sur cette liste. C’est pourquoi les bolcheviks et les SR de gauche ne formaient ensemble qu’une forte minorité à l’Assemblée Constituante.
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Les élections pour l'[[Assemblée_constituante_russe_de_1918|Assemblée constituante]], prévues depuis juin, devaient avoir lieu le le 12 novembre (n.s. 25). Au moment de l'insurrection et du congrès des soviets du 7 novembre, les bolchéviks décident de maintenir le processus constituant. Ils espèrent que la Constituante validera le système soviétique. Le Sovnarkom élu par le Congrès des soviet d'Octobre était donc officiellement un gouvernement provisoire, jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante en janvier 1918.
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Or, les élections au congrès pan-russe des soviets réuni en janvier 1918 donnent lieu à l’écrasement des SR de droite, qui n’obtiennent que 7 délégués, soit moins de 1&nbsp;%, tandis que les SR de gauche raflent plus de 30&nbsp;% des sièges. Ainsi les SR de droite, qui forment le groupe le plus nombreux à l’Assemblée Constituante élue sur la base des listes faites avant la révolution d’Octobre, ne représentent en réalité plus qu’une infime minorité des travailleurs en janvier. Il est donc clair que, lors de sa première réunion en janvier 1918, l’Assemblée Constituante ne représente pas du tout la volonté réelle du peuple et n’est donc pas légitime. Par contre, le système soviétique, celui des conseils ouvriers et paysans, reposant sur des élections régulières et fréquentes (octobre 1917, janvier 1918, mars 1918, juin 1918) et incluant la possibilité de révoquer ses représentants, démontre concrètement son immense supériorité démocratique sur le parlementarisme bourgeois.
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Mais les résultats ne donnèrent qu'une minorité aux bolcheviks et SR de gauche. Malgré la nette majorité bolchévique dans les villes et parmi les soldats, les campagnes votent pour des notables SR.&nbsp;La rupture des [[SR_de_gauche|SR de gauche]] ne s'était pas encore clairement matérialisée dans bien des endroits. Lors de la réunion de la Constituante le 5 janvier (n.s. 18), ces notables SR font voter avec les menchéviks l'abolition des mesures depuis Octobre... Pourtant le 3<sup>e</sup> [[Congrès_des_soviets|congrès des soviets]] qui se réunit aussi en janvier 1918 prouve que la paysannerie soutient les mesures (le [[Partage_des_terres|partage des terres]] avant tout)&nbsp;: les SR de droite n'ont même pas 1% des délégués. Refusant la légitimité de cette Constituante réactionnaire, les bolchéviks et les SR de gauche décident alors de la dissoudre, et de faire du [[Congrès_des_Soviets|Congrès des Soviets]] l'organe dirigeant du pays.
    
== Autres réformes ==
 
== Autres réformes ==

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