Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
10 701 octets enlevés ,  29 juin 2010 à 11:30
m
aucun résumé des modifications
Ligne 3 : Ligne 3 :  
}}  
 
}}  
   −
{| width="300px" cellspacing="1" cellpadding="1" border="0"
+
{| width="400px" cellspacing="1" cellpadding="1" border="0"
 
|-
 
|-
 
|  
 
|  
{| width="290px" cellspacing="1" cellpadding="1" border="0"
+
{| width="390px" cellspacing="1" cellpadding="1" border="0"
 
|-
 
|-
 
|  
 
|  
Page à réorganiser :
+
Page à réorganiser&nbsp;: Rendre plus lisible <br>Distinguer mieux les points de divergences  
Rendre plus lisible
+
 
Distinguer mieux les points de divergences
   
|}
 
|}
    
|}
 
|}
   −
Pour la [[Quatrième Internationale]], la théorie de la révolution permanente formulée par [[Léon Trotsky]] constitue, à ce jour, la plus importante acquisition du [[Marxisme]] [[Révolution socialiste|révolutionnaire]]. Inscrite dans ses principaux documents, elle constitue une partie intégrante de son programme. Elle exprime la stratégie à suivre par la très grande majorité de l'humanité, celle qui vit dans les [[Colonialisme|pays coloniaux et semi-coloniaux]], en direction du [[Socialisme]]. Elle signifie que, dans la période qui a été ouverte par la [[Révolution russe|révolution d'Octobre]], la création d'[[Etat ouvrier|États ouvriers]] oeuvrant à la construction d'une société socialiste à l'échelle mondiale n'est pas seulement l'objectif des luttes du [[Prolétariat]] des pays économiquement développés, comme c'était le cas dans la dernière partie du XIXe siècle, mais aussi celui des luttes des plus larges masses laborieuses [[Classe ouvrière|ouvrières]] et [[Paysannerie|paysannes]] dans les pays que l'on désigne couramment du terme imprécis de [[Tiers Monde]]. Il n'est pas surprenant que cette théorie soit pratiquement ignorée des [[Social-démocratie|sociaux-démocrates]] qui n'ont de préoccupations qu'électorales dans les [[Démocratie bourgeoise|démocraties bourgeoises]] et qu'elle soit combattue farouchement par la [[Bureaucratie]] des États ouvriers parce qu'elle va à l'encontre de leur politique du «&nbsp;[[Socialisme dans un seul pays]]&nbsp;» et de «&nbsp;[[Coexistence pacifique]]&nbsp;» en vue de maintenir un statu quo international inaccessible. Précisément parce que la théorie de la révolution permanente constitue la plus haute acquisition du marxisme révolutionnaire à présent, elle a eu une longue et pénible gestation qu'il est, pensons-nous, utile de rappeler.  
+
'''La théorie de la révolution permanente''', formulée par [[Léon Trotsky]] constitue un acquis parmi les plus importants du [[Marxisme|socialisme scientifique]], et un document de base de la [[Quatrième Internationale]]. Elle exprime la stratégie à suivre pour le [[socialisme|socialisme]] par la très grande majorité de l'humanité, celle qui vit dans les [[Colonialisme|pays coloniaux et semi-coloniaux]].  
 +
 
 +
== Signification de la révolution permanente ==
 +
 
 +
Elle signifie que, dans la période qui a été ouverte par la [[Révolution russe|révolution d'Octobre]], la création d'[[Etat ouvrier|États ouvriers]] oeuvrant à la construction d'une société socialiste à l'échelle mondiale n'est pas seulement l'objectif des luttes du [[Prolétariat|prolétariat]] des pays économiquement développés, comme c'était le cas dans la dernière partie du XIXe siècle, mais aussi celui des luttes des plus larges masses laborieuses [[Classe ouvrière|ouvrières]] et [[Paysannerie|paysannes]] dans les pays que l'on désigne couramment du terme imprécis de [[Tiers Monde]]. Il n'est pas surprenant que cette théorie soit pratiquement ignorée des [[Social-démocratie|sociaux-démocrates]] qui n'ont de préoccupations qu'électorales dans les [[Démocratie bourgeoise|démocraties bourgeoises]] et qu'elle soit combattue farouchement par la [[Bureaucratie|bureaucratie]] des États ouvriers parce qu'elle va à l'encontre de leur politique du «&nbsp;[[Socialisme dans un seul pays]]&nbsp;» et de «&nbsp;[[Coexistence pacifique]]&nbsp;» en vue de maintenir un statu quo international inaccessible. Précisément parce que la théorie de la révolution permanente constitue la plus haute acquisition du marxisme révolutionnaire à présent, elle a eu une longue et pénible gestation qu'il est, pensons-nous, utile de rappeler.  
    
Les manifestations de révolution permanente, au sens que [[Karl Marx|Marx]] a attribué à cette conception, «&nbsp;une révolution qui ne veut transiger avec aucune forme de domination de [[Classe sociale|classe]]...» <ref>[[Léon Trotsky]], [[La Révolution permanente (Trotsky)|''La Révolution permanente'']] (éditions Idées NRF p.40).</ref>, ont été perceptibles dès les premières luttes de forces pré- ou pro-capitalistes dans la [[Féodalisme|société féodale]]. Ainsi, lors de la [[Réforme protestante|Réforme]] en Allemagne, la [[Guerre des paysans en Allemagne|guerre des paysans]] sous la direction de [[Thomas Münzer]] contre [[Luther]] <ref>[[Friedrich Engels|Friedrich Engels]], [[La Guerre des paysans en Allemagne|''La Guerre des paysans en Allemagne'']].</ref>. Ces manifestations ont déjà été plus nettes au cours de la [[Révolution anglaise]] du 17e siècle avec les [[Levellers]] et les [[Diggers]] <ref>[[Eduard Bernstein|Eduard Bernstein]], [[Socialisme et démocratie dans la grande révolution anglaise|''Socialisme et démocratie dans la grande révolution anglaise'']].</ref>. Mais, c'est avec la Grande [[Révolution française]] du 18e siècle que les choses prennent une forme assez claire. L'idée de la dictature révolutionnaire pour maintenir la révolution permanente jusqu'à l'élimination de toute inégalité sociale est formulée par [[Jean-Paul Marat|Marat]], des courants se forment pour mener la révolution au-delà même des objectifs de la fraction la plus radicale des [[Jacobins]] <ref>[[Daniel Guerin|Daniel Guerin]], [[La Lutte des classes dans la Première République|''La Lutte des classes dans la Première république'']].</ref>. [[Babeuf]] et les [[Conjuration des Egaux|Egaux]], reprenant et précisant ces objectifs, formuleront la première ébauche d'un programme de révolution socialiste <ref name="note5">Dans un article écrit pour un journal allemand en 1844, [[Friedrich Engels|Engels]] déclarait que, sur la question de la révolution permanente, [[Karl Marx|Marx]] et lui s'étaient trouvé d'accord avec les pensées de [[Jean-Paul Marat|Marat]] qui ne voulait pas que la révolution soit dite «achevée, terminée, mais déclarée en permanence».</ref>. Ces conceptions défendues par la suite dans la clandestinité et dans l'illégalité, en particulier par [[Philippe Buonarotti|Buonarroti]], retrouveront force en 1848, et Marx les intégrera dans sa vue historique de l'humanité en marche vers le socialisme.  
 
Les manifestations de révolution permanente, au sens que [[Karl Marx|Marx]] a attribué à cette conception, «&nbsp;une révolution qui ne veut transiger avec aucune forme de domination de [[Classe sociale|classe]]...» <ref>[[Léon Trotsky]], [[La Révolution permanente (Trotsky)|''La Révolution permanente'']] (éditions Idées NRF p.40).</ref>, ont été perceptibles dès les premières luttes de forces pré- ou pro-capitalistes dans la [[Féodalisme|société féodale]]. Ainsi, lors de la [[Réforme protestante|Réforme]] en Allemagne, la [[Guerre des paysans en Allemagne|guerre des paysans]] sous la direction de [[Thomas Münzer]] contre [[Luther]] <ref>[[Friedrich Engels|Friedrich Engels]], [[La Guerre des paysans en Allemagne|''La Guerre des paysans en Allemagne'']].</ref>. Ces manifestations ont déjà été plus nettes au cours de la [[Révolution anglaise]] du 17e siècle avec les [[Levellers]] et les [[Diggers]] <ref>[[Eduard Bernstein|Eduard Bernstein]], [[Socialisme et démocratie dans la grande révolution anglaise|''Socialisme et démocratie dans la grande révolution anglaise'']].</ref>. Mais, c'est avec la Grande [[Révolution française]] du 18e siècle que les choses prennent une forme assez claire. L'idée de la dictature révolutionnaire pour maintenir la révolution permanente jusqu'à l'élimination de toute inégalité sociale est formulée par [[Jean-Paul Marat|Marat]], des courants se forment pour mener la révolution au-delà même des objectifs de la fraction la plus radicale des [[Jacobins]] <ref>[[Daniel Guerin|Daniel Guerin]], [[La Lutte des classes dans la Première République|''La Lutte des classes dans la Première république'']].</ref>. [[Babeuf]] et les [[Conjuration des Egaux|Egaux]], reprenant et précisant ces objectifs, formuleront la première ébauche d'un programme de révolution socialiste <ref name="note5">Dans un article écrit pour un journal allemand en 1844, [[Friedrich Engels|Engels]] déclarait que, sur la question de la révolution permanente, [[Karl Marx|Marx]] et lui s'étaient trouvé d'accord avec les pensées de [[Jean-Paul Marat|Marat]] qui ne voulait pas que la révolution soit dite «achevée, terminée, mais déclarée en permanence».</ref>. Ces conceptions défendues par la suite dans la clandestinité et dans l'illégalité, en particulier par [[Philippe Buonarotti|Buonarroti]], retrouveront force en 1848, et Marx les intégrera dans sa vue historique de l'humanité en marche vers le socialisme.  
Ligne 24 : Ligne 27 :  
Au cours des [[Vague révolutionnaire de 1848|révolutions de 1848]], [[Auguste Blanqui|Blanqui]], formé à l'école de [[Philippe Buonarotti|Buonarroti]] et instruit par sa propre expérience de la [[Révolution de 1830]], de la récupération de celle-ci par les bourgeois, se plaça, le premier, sur une position de révolution permanente dès la formation du gouvernement provisoire en France. Nous n'examinerons pas ici tout ce que nous pouvons à posteriori considérer comme étant confus dans la pensée de Blanqui; l'essentiel est qu'il avait une conscience claire des dangers provenant des dirigeants [[Petite-bourgeoisie|petits-bourgeois]] et qu'il voulait mener la révolution jusqu'à la victoire totale du [[Socialisme]]. [[Karl Marx|Marx]] n'ignorait certainement pas l'histoire de la [[Révolution française]] qu'il avait étudiée notamment lors de son séjour à Paris en 1843-44 <ref name="note5" />, mais il avait certainement, au début, des vues autres que celles de Blanqui sur la marche de la révolution. Les événements l'amenèrent à préciser ses pensées et à rectifier ses positions stratégiques et tactiques. Dans «&nbsp;[[Les luttes de classes en France]]&nbsp;», écrit en 1850, il emploie l'expression «&nbsp;révolution permanente&nbsp;» en y associant le nom de Blanqui avec lequel il n'avait pourtant eu aucune relation en 1848, mais dont il apprécia les positions au cours de la révolution&nbsp;: «... le prolétariat se groupe de plus en plus autour du socialisme [[Révolution|révolutionnaire]], autour du [[Communisme]] pour lequel la [[Bourgeoisie]] elle-même a inventé le nom de Blanqui. Ce socialisme est la déclaration permanente de la révolution, la [[Dictature du prolétariat|dictature de classe du prolétariat]], comme point de transition nécessaire pour arriver à la suppression des différences de [[Classes sociales|classes]] en général, à la suppression de tous les rapports de production sur lesquels elles reposent, à la suppression de toutes les relations sociales qui correspondent à ces rapports de production, au bouleversement de toutes les idées qui émanent de ces relations sociales.» Peu après, il reprendra la définition ci-dessus du communisme dans la "Neue Reinische Zeitung" et il se créa même, en 1850 à Londres, une association qui fut de courte durée entre blanquistes et marxistes, la [[Société universelle des communistes révolutionnaires]] dont l'article I des statuts déclarait: "Le but de l'association est la déchéance de toutes les classes privilégiées, de soumettre ces classes à la dictature du prolétariat en maintenant la révolution en permanence jusqu'à la réalisation du communisme qui doit être la dernière forme de constitution de la famille humaine.» <ref name="note6">''Marx-Engels Werke'', tome 7, pages 553-554.</ref>  
 
Au cours des [[Vague révolutionnaire de 1848|révolutions de 1848]], [[Auguste Blanqui|Blanqui]], formé à l'école de [[Philippe Buonarotti|Buonarroti]] et instruit par sa propre expérience de la [[Révolution de 1830]], de la récupération de celle-ci par les bourgeois, se plaça, le premier, sur une position de révolution permanente dès la formation du gouvernement provisoire en France. Nous n'examinerons pas ici tout ce que nous pouvons à posteriori considérer comme étant confus dans la pensée de Blanqui; l'essentiel est qu'il avait une conscience claire des dangers provenant des dirigeants [[Petite-bourgeoisie|petits-bourgeois]] et qu'il voulait mener la révolution jusqu'à la victoire totale du [[Socialisme]]. [[Karl Marx|Marx]] n'ignorait certainement pas l'histoire de la [[Révolution française]] qu'il avait étudiée notamment lors de son séjour à Paris en 1843-44 <ref name="note5" />, mais il avait certainement, au début, des vues autres que celles de Blanqui sur la marche de la révolution. Les événements l'amenèrent à préciser ses pensées et à rectifier ses positions stratégiques et tactiques. Dans «&nbsp;[[Les luttes de classes en France]]&nbsp;», écrit en 1850, il emploie l'expression «&nbsp;révolution permanente&nbsp;» en y associant le nom de Blanqui avec lequel il n'avait pourtant eu aucune relation en 1848, mais dont il apprécia les positions au cours de la révolution&nbsp;: «... le prolétariat se groupe de plus en plus autour du socialisme [[Révolution|révolutionnaire]], autour du [[Communisme]] pour lequel la [[Bourgeoisie]] elle-même a inventé le nom de Blanqui. Ce socialisme est la déclaration permanente de la révolution, la [[Dictature du prolétariat|dictature de classe du prolétariat]], comme point de transition nécessaire pour arriver à la suppression des différences de [[Classes sociales|classes]] en général, à la suppression de tous les rapports de production sur lesquels elles reposent, à la suppression de toutes les relations sociales qui correspondent à ces rapports de production, au bouleversement de toutes les idées qui émanent de ces relations sociales.» Peu après, il reprendra la définition ci-dessus du communisme dans la "Neue Reinische Zeitung" et il se créa même, en 1850 à Londres, une association qui fut de courte durée entre blanquistes et marxistes, la [[Société universelle des communistes révolutionnaires]] dont l'article I des statuts déclarait: "Le but de l'association est la déchéance de toutes les classes privilégiées, de soumettre ces classes à la dictature du prolétariat en maintenant la révolution en permanence jusqu'à la réalisation du communisme qui doit être la dernière forme de constitution de la famille humaine.» <ref name="note6">''Marx-Engels Werke'', tome 7, pages 553-554.</ref>  
   −
En mars 1850, au moment où la [[Ligue des Communistes]] se reconstruit en Allemagne, Marx et [[Friedrich Engels|Engels]] emploieront encore l'expression «révolution permanente» dans l'Adresse à la Ligue des Communistes, en lui donnant toutefois une signification plus précise. Confirmant ce qu'ils avaient dit dans [[Manideste du Parti communiste|Le "Manifeste communiste"]], à savoir que la révolution bourgeoise était alors directement à l'ordre du jour dans toute l'Europe, qu'elle n'était qu'une phase de brève durée devant faire place à une révolution prolétarienne laquelle aboutirait à une société sans classe, ils ajoutaient dans la notion de révolution permanente une prise de position essentielle relativement à la question des rapports de classe dans le cours de la révolution bourgeoise, à savoir que, par rapport à la bourgeoisie et à la petite-bourgeoisie, plus spécifiquement par rapport aux démocrates petits-bourgeois même les plus avancés qui jouaient presque toujours un rôle dirigeant dans ces révolutions du milieu du 19e siècle, les travailleurs devaient avoir déjà dans ces révolutions leur organisation et leur politique propres, indépendantes, hostiles envers ces éléments qui, à l'époque, étaient désignés sous le terme général de «démocrates». «Cette adresse, devait écrire Marx à Engels dans une lettre du 13 juillet 1851, n'était au fond rien d'autre qu'un plan de guerre contre la démocratie». L'Adresse envisage non seulement la lutte commune contre ce qui subsistait de la [[Féodalisme|société féodale]], mais aussi les rapports entre formations politiques exprimant les classes en lutte contre celle-ci. Cette idée n'existait ni explicitement ni implicitement dans le "Manifeste". Dans un certain sens, on peut considérer que l'Adresse est aussi une autocritique de Marx et d'Engels, bien que non explicitée comme telle, de la tactique qu'ils suivirent au cours de la révolution en Allemagne. Nous ne discuterons pas ici les raisons possibles qui ont motivé Marx et Engels, lors de leur retour en Allemagne au cours de la révolution, à participer à l'organisation démocratique de Cologne. Le fait est qu'en 1850, à un moment où ils pensaient que la révolution repartirait de l'avant et où ils réorganisaient à cet effet la Ligue des Communistes, ils mettaient en garde les membres de cette association, de leur parti, contre toute réédition possible de leur tactique antérieure. Après 1850, Marx n'est plus revenu sur la question de la révolution permanente <ref name="note7">A propos de l'Adresse, [[David Riazanov|David Riazanov]] qui parle des «&amp;amp;amp;amp;amp;amp;nbsp;fautes commises par [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]] pendant la [[Vague révolutionnaire de 1848|révolution de 1848]]&amp;amp;amp;amp;amp;amp;nbsp;» écrit que [[Lénine|Lénine]] la savait pour ainsi dire par coeur et la citait féquemment (''Marx et Engels'', éditions Anthropos, Paris).</ref>. Il faut cependant mentionner que, dans une lettre à Engels du 16 avril 1856, il écrit&nbsp;: «En Allemagne, tout dépendra de la possibilité de soutenir la révolution prolétarienne par une espèce de seconde édition de la guerre paysanne. Alors l'affaire ira très bien.&nbsp;» Il ne s'agit plus là des rapports du prolétariat envers la bourgeoisie dans la révolution bourgeoise, mais des rapports du prolétariat et de la paysannerie dans la révolution prolétarienne. C'est chez Marx une remarque qui ne donne lieu, chez lui, à aucun développement. [[Léon Trotsky|Trotsky]] reprendra la notion de révolution permanente au cours de la [[Révolution de 1905|révolution de 1905]]. Avant d'en voir les circonstances, nous examinerons certaines remarques que Marx exprimera autour des années 1880 sur les problèmes d'une éventuelle révolution en Russie  
+
En mars 1850, au moment où la [[Ligue des Communistes]] se reconstruit en Allemagne, Marx et [[Friedrich Engels|Engels]] emploieront encore l'expression «révolution permanente» dans l'Adresse à la Ligue des Communistes, en lui donnant toutefois une signification plus précise. Confirmant ce qu'ils avaient dit dans [[Manideste du Parti communiste|Le "Manifeste communiste"]], à savoir que la révolution bourgeoise était alors directement à l'ordre du jour dans toute l'Europe, qu'elle n'était qu'une phase de brève durée devant faire place à une révolution prolétarienne laquelle aboutirait à une société sans classe, ils ajoutaient dans la notion de révolution permanente une prise de position essentielle relativement à la question des rapports de classe dans le cours de la révolution bourgeoise, à savoir que, par rapport à la bourgeoisie et à la petite-bourgeoisie, plus spécifiquement par rapport aux démocrates petits-bourgeois même les plus avancés qui jouaient presque toujours un rôle dirigeant dans ces révolutions du milieu du 19e siècle, les travailleurs devaient avoir déjà dans ces révolutions leur organisation et leur politique propres, indépendantes, hostiles envers ces éléments qui, à l'époque, étaient désignés sous le terme général de «démocrates». «Cette adresse, devait écrire Marx à Engels dans une lettre du 13 juillet 1851, n'était au fond rien d'autre qu'un plan de guerre contre la démocratie». L'Adresse envisage non seulement la lutte commune contre ce qui subsistait de la [[Féodalisme|société féodale]], mais aussi les rapports entre formations politiques exprimant les classes en lutte contre celle-ci. Cette idée n'existait ni explicitement ni implicitement dans le "Manifeste". Dans un certain sens, on peut considérer que l'Adresse est aussi une autocritique de Marx et d'Engels, bien que non explicitée comme telle, de la tactique qu'ils suivirent au cours de la révolution en Allemagne. Nous ne discuterons pas ici les raisons possibles qui ont motivé Marx et Engels, lors de leur retour en Allemagne au cours de la révolution, à participer à l'organisation démocratique de Cologne. Le fait est qu'en 1850, à un moment où ils pensaient que la révolution repartirait de l'avant et où ils réorganisaient à cet effet la Ligue des Communistes, ils mettaient en garde les membres de cette association, de leur parti, contre toute réédition possible de leur tactique antérieure. Après 1850, Marx n'est plus revenu sur la question de la révolution permanente <ref name="note7">A propos de l'Adresse, [[David Riazanov|David Riazanov]] qui parle des «&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;nbsp;fautes commises par [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]] pendant la [[Vague révolutionnaire de 1848|révolution de 1848]]&amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;amp;nbsp;» écrit que [[Lénine|Lénine]] la savait pour ainsi dire par coeur et la citait féquemment (''Marx et Engels'', éditions Anthropos, Paris).</ref>. Il faut cependant mentionner que, dans une lettre à Engels du 16 avril 1856, il écrit&nbsp;: «En Allemagne, tout dépendra de la possibilité de soutenir la révolution prolétarienne par une espèce de seconde édition de la guerre paysanne. Alors l'affaire ira très bien.&nbsp;» Il ne s'agit plus là des rapports du prolétariat envers la bourgeoisie dans la révolution bourgeoise, mais des rapports du prolétariat et de la paysannerie dans la révolution prolétarienne. C'est chez Marx une remarque qui ne donne lieu, chez lui, à aucun développement. [[Léon Trotsky|Trotsky]] reprendra la notion de révolution permanente au cours de la [[Révolution de 1905|révolution de 1905]]. Avant d'en voir les circonstances, nous examinerons certaines remarques que Marx exprimera autour des années 1880 sur les problèmes d'une éventuelle révolution en Russie  
 
  −
== Marx et les problèmes de la révolution russe dans les années 1880  ==
  −
 
  −
Les idées développées par [[Karl Marx|Marx]] vers la fin de sa vie en relation aux perspectives de la Russie tsariste n'ont pas un rapport direct mais indirect avec la «révolution permanente». Plus précisément, elles relèvent de ce que [[Léon Trotsky|Trotsky]] appellera plus tard le «[[Développement inégale et combiné]]&nbsp;». Marx et [[Friedrich Engels|Engels]] se sont beaucoup occupés des développements économiques et sociaux dans la Russie des tsars, ils ont même beaucoup écrit à ce sujet. Leur correspondance avec des révolutionnaires russes publiée (en russe) en [[U.R.S.S.|Union soviétique]] constitue un volume de près de 300 pages. L'intérêt de Marx pour ces questions était si grand qu'il se mit à apprendre le russe à l'âge de 50 ans. Ses idées avaient stimulé bien des révolutionnaires russes de son époque et c'est par eux qu'a été assurée la première traduction et la première publication en 1872, en une autre langue que l'allemand, d'une édition du [[Le Capital (Marx)|Capital]]. Ils demandèrent à Marx d'être leur représentant dans la [[Association internationale des Travailleurs|Première Internationale]]. Ces révolutionnaires étaient des [[Populisme (Russie)|populistes]]. Une scission se produisit chez eux en 1879 et un groupe animé par [[Gueorgui Plekhanov|Plekhanov]] s'en sépara, qui, dans les 3 à 4 années suivantes, s'affirma [[Marxisme|marxiste]] et défendit l'idée que la Russie passerait nécessairement par une phase de développement [[Capitalisme|capitaliste]], contrairement à l'idée populiste que la Russie pourrait passer au [[Socialisme]] sans connaître une telle phase.
  −
 
  −
Marx soutint alors le point de vue des populistes. Dans une préface au [[Manifeste du Parti communiste|'Manifeste communiste']] qu'il écrivit en 1882 pour une édition russe de celui-ci publiée par Plekhanov, Marx dit&nbsp;: «Mais en Russie nous trouvons, face à l'escroquerie capitaliste florissant rapidement et à une propriété terrienne commençant à peine à se développer, la plus grande moitié du sol est propriété commune des [[Paysannerie|paysans]]. La question se pose donc&nbsp;: l'obchina russe, une forme de l'antique propriété commune du sol, bien que fortement minée, peut-elle passer directement à la forme plus élevée de la propriété commune communiste? Ou bien doit-elle au contraire traverser d'abord le même processus de dissolution de celle-ci que le développement de l'Occident a traversé?» «La seule réponse aujourd'hui possible est la suivante: si la révolution russe devient le signal d'une révolution prolétarienne à l'Ouest, de telle sorte que toutes deux se complètent, la propriété commune du sol russe peut servir de point de départ à un développement communiste.&nbsp;» (21 janvier 1882). A la même époque, Marx s'exprimera - en langue française - de façon plus précise sur cette question, dans une lettre de novembre 1877 adressée à la revue russe ''Otetchestwennie Zapiski'' (Annales de la patrie) et dans une lettre à [[Véra Zassoulitch]] et des projets pour cette lettre de mars 1881. Engels transmit à celle-ci copie de la lettre à la revue russe, mais ne semble pas avoir eu connaissance de la lettre de mars 1881. Cette lettre et les projets avaient été oubliés par la destinatrice et par le groupe de Plekhanov et n'ont été retrouvés que beaucoup plus tard dans les archives de [[Paul Lafargue|Lafargue]] et dans celles d'[[Pavel Axelrod|Axelrod]] par [[David Riazanov|Riazanov]] qui les publia dans les années 1920. Voici quelques passages importants de ces textes:
     −
«&nbsp;Je parle d'un 'grand savant et critique russe' avec la haute considération qu'il mérite. Celui-ci ([[Nikolaï Tchernychevsky|Tchernitchevsky]]) a traité, dans des articles remarquables, la question si la Russie doit commencer par détruire, comme le veulent les économistes [[Libéralisme|libéraux]], la commune rurale pour passer au régime capitaliste, ou si, au contraire, elle peut, sans éprouver les tortures de ce régime, s'en approprier tous les fruits en développant ses propres données historiques. Il se prononce dans le sens de la dernière solution... Je partageais ses vues sur cette question... Pour pouvoir juger en connaissance de cause du développement économique de la Russie contemporaine, j'ai appris le russe et puis étudié, pendant de longues années, les publications officielles et autres ayant rapport à ce sujet. Je suis arrivé à ce résultat: si la Russie continue à marcher dans le sentier suivi depuis 1861, elle perdra la plus belle chance que l'histoire ait jamais offerte à un peuple pour subir toutes les péripéties fatales du régime capitaliste... Si la Russie tend à devenir une nation capitaliste à l'instar des nations de l'Europe occidentale, et pendant les dernières années elle s'est donné beaucoup de mal en ce sens, elle n'y réussira pas sans avoir préalablement transformé une bonne partie de ses paysans en prolétaires et après cela, amenée une fois au giron du régime capitaliste, elle en subira les lois impitoyables comme d'autres peuples profanes.» <ref name="note8">[[Karl Marx|Marx]], Lettre à ''Otetchestwennie Zapiski'', novembre 1877.</ref>
+
== Marx et la révolution russe dans les années 1880  ==
   −
«&nbsp;La 'fatalité historique' de ce mouvement (la genèse de la production capitaliste) est donc expressément restreinte aux pays de l'Europe occidentale... Dans ce mouvement occidental, il s'agit donc de la transformation d'une forme de propriété privée en une autre forme de propriété privée. Chez les paysans russes, on aurait au contraire à transformer leur propriété commune en propriété privée. L'analyse donnée dans [[Le Capital (Marx)|''Le Capital'']] n'offre donc de raisons ni pour ni contre la vitalité de la commune rurale, mais l'étude spéciale que j'en ai faite, et dont j'ai cherché les matériaux dans les sources originales, m'a convaincu que cette commune est le point d'appui de la régénération sociale en Russie, mais afin qu'elle puisse fonctionner comme tel, il faudrait d'abord éliminer les influences délétères qui l'assaillent de tous les côtés et ensuite lui assurer les conditions normales d'un développement spontané.» <ref>[[Karl Marx|Marx]], Lettre à [[Véra Zassoulitch|Véra Zassoulitch]], 8 mars 1881.</ref><br>  
+
Vers la fin de sa vie, [[Karl Marx|Marx]] s'est mis à apprendre le russe et à s'intéresser de près à la possibilité de la [[révolution socialiste|révolution socialiste]] dans la Russie tsariste, économiquement arriérée. Ces idées que Marx a exprimées dans des documents publiés que bien plus tard, sont restées inconnues de [[Lénine|Lénine]] et sans doute de [[Trotsky|Trotsky]]. Or, fait remarquable, elles s'accordent très bien avec l'idée de [[développement inégal et combiné|développement inégal et combiné]] de ce dernier.<br>
   −
«&nbsp;Parce qu'en Russie, grâce à une combinaison de circonstances unique, la commune rurale encore établie sur une échelle nationale, peut graduellement se débarrasser de ses caractères primitifs et se développer directement comme élément de la production collective sur une échelle nationale. C'est justement grâce à la contemporanéité de la production capitaliste qu'elle s'en peut approprier tous les acquis positifs et sans passer par ses péripéties (terribles) affreuses. La Russie ne vit pas isolée du monde moderne; elle n'est pas non plus la proie d'un conquérant étranger à l'instar des Indes orientales. Si les amateurs russes du système capitaliste niaient la possibilité théorique d'une telle évolution, je leur poserais la question&nbsp;: pour exploiter les machines, les bâtiments à vapeur, les chemins de fer, etc. la Russie a-t-elle été forcée, à l'instar de l'Occident, de passer par une longue période d'incubation de l'industrie mécanique? Qu'ils m'expliquent enfin comment ils ont fait pour introduire chez eux en un clin d'oeil tout le mécanisme des échanges (banques, sociétés de crédit, etc.) dont l'élaboration a coûté des siècles à l'Occident?&nbsp;» <ref name="note10">[[Karl Marx|Marx]], premier projet de lettre à [[Véra Zassoulitch|Véra Zassoulitch]].</ref><br>  
+
''Article détaillé : ''[[Marx et la révolution russe|''Marx et la révolution russe'']]<br>
   −
Ces textes de Marx, dont nous n'avons cité que quelques phrases, montrent comment à son époque, il envisageait les mesures susceptibles, dans une société encore arriérée économiquement, d'éviter le capitalisme et d'assurer un passage au socialisme d'une façon aussi rationnelle que possible.
     −
Pour ce qui concerne le problème de la révolution permanente, ces textes mettent en lumière les idées suivantes&nbsp;: a) le «&nbsp;schéma&nbsp;» concernant le développement de la société -féodalisme-capitalisme-socialisme - exposé dans le ''Manifeste communiste'' n'est valable selon Marx que pour l'Europe, et plus précisément pour l'Europe occidentale et centrale; il ne peut et ne doit pas être appliqué mécaniquement ailleurs, notamment à la Russie. b) la Russie qui ne connaît pas la [[Propriété privée]] pourrait, à partir de la «&nbsp;commune rurale&nbsp;», sauter par-dessus le mode de production capitaliste pour passer à la société socialiste. Elle aurait, ce faisant, une «&nbsp;grande chance&nbsp;» historique car elle éviterait ainsi de connaître les maux engendrés par le capitalisme. c) Elle pourrait parvenir à le faire grâce à une «&nbsp;aide extérieure&nbsp;», en utilisant les «&nbsp;acquis positifs&nbsp;» du capitalisme, et grâce au fait que cela coïnciderait avec une révolution prolétarienne en Occident ouvrant la voie à la société socialiste. Dans ces textes, Marx se garde de toute vision mécanique, figée, de l'histoire et envisage la possibilité de combinaisons, apparemment étranges, à première vue, de sociétés arriérées empruntant à un moment donné des éléments que d'autres sociétés, plus avancées, ont mis de longues périodes à conduire. C'est au fond ce que [[Léon Trotsky|Trotsky]], dans l'''[[Histoire de la Révolution russe (Trotsky)|Histoire de la Révolution russe]]'', a appelé le «&nbsp;''développement inégal et combiné''&nbsp;». <ref>Soulignons que les textes de [[Karl Marx|Marx]] destinés à [[Véra Zassoulitch|Véra Zassoulitch]], du fait qu'ils ont été retrouvés et publiés une quarantaine d'années après avoir été écrits, ont été ignoré de [[Lénine|Lénine]]. Il n'est pas sûr que [[Léon Trotsky|Trotsky]] lui-même les ait connus quand il écrivit l'[[Histoire de la Révolution russe (Trotsky)|Histoire de la Révolution russe]].</ref> Ces textes de Marx concernent spécifiquement la Russie dans laquelle il voyait d'ores et déjà d'énormes possibilités révolutionnaires&nbsp;; mais il se garda bien d'écrire pareille chose pour les [[Colonialisme|pays coloniaux]] où sévissaient des conquérants étrangers. Marx qui mourut peu d'années après avoir écrit ces textes se maintint sur ces positions jusqu'à la fin de sa vie. Après sa mort, Engels continua pendant quelques années à défendre le même point de vue, notamment contre [[Georgui Plekhanov|Plekhanov]] et son groupe qui, dès 1877, considéraient inéluctable le développement du capitalisme en Russie. Autour des années 1890, c'est-à-dire vers la fin de sa vie, Engels estima que le développement du capitalisme en Russie avait fini par donner raison à Plekhanov et accepta le point de vue de celui-ci. Mais Plekhanov donna au ''Manifeste communiste'' et plus généralement au [[Marxisme]] un tour assez mécaniste selon lequel les pays les plus arriérés devaient inévitablement suivre des développements identiques ou similaires à ceux des pays les plus avancés, oubliant en fait ce que Marx avait souligné dans les lignes mentionnées plus haut, à savoir la possibilité, par des emprunts, de sauter des phases données.
     −
== La révolution permanente et les révolutions russes de 1905 et de 1917  ==
+
== Les révolutions russes de 1905 et de 1917  ==
    
Au 2e Congrès du [[Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] tenu à Londres en 1903, il n'y eut aucun désaccord essentiel sur la question de la nature de la révolution russe à venir: c'était une [[Révolution bourgeoise]]. Les délégués envisageaient qu'elle donnerait naissance à une Assemblée constituante et à une république démocratique bourgeoise dans laquelle les travailleurs lutteraient pour leurs droits et en direction d'une société socialiste future. Ni [[Lénine]] ni [[Léon Trotsky|Trotsky]] ne se démarquèrent de cette position du Congrès, même si l'on peut relever que, très tôt dans leurs activités politiques, Lénine insistait tout particulièrement sur la place du [[Paysannerie|problème paysan]] dans la [[Révolution]], et Trotsky sur la couardise de la bourgeoisie [[Libéralisme|libérale]] russe par comparaison avec les bourgeoisies anglaise et française lors des révolutions dans leurs pays respectifs. Ces points de vue les prédisposaient aux conclusions qu'ils allaient tirer deux ans plus tard.  
 
Au 2e Congrès du [[Parti ouvrier social-démocrate de Russie]] tenu à Londres en 1903, il n'y eut aucun désaccord essentiel sur la question de la nature de la révolution russe à venir: c'était une [[Révolution bourgeoise]]. Les délégués envisageaient qu'elle donnerait naissance à une Assemblée constituante et à une république démocratique bourgeoise dans laquelle les travailleurs lutteraient pour leurs droits et en direction d'une société socialiste future. Ni [[Lénine]] ni [[Léon Trotsky|Trotsky]] ne se démarquèrent de cette position du Congrès, même si l'on peut relever que, très tôt dans leurs activités politiques, Lénine insistait tout particulièrement sur la place du [[Paysannerie|problème paysan]] dans la [[Révolution]], et Trotsky sur la couardise de la bourgeoisie [[Libéralisme|libérale]] russe par comparaison avec les bourgeoisies anglaise et française lors des révolutions dans leurs pays respectifs. Ces points de vue les prédisposaient aux conclusions qu'ils allaient tirer deux ans plus tard.  
Ligne 56 : Ligne 51 :  
Au cours des premières années de la révolution se posa avec force le [[Question nationale|problème des nationalités]] qui avaient été opprimées par le [[Russie tsariste|régime tsariste]] ou qui, vivant au voisinage de la Russie, avaient été éveillées par la [[Révolution russerévolution]]. Aussi l'[[Internationale Communiste]] fut-elle amenée à prendre des positions sur la question nationale et [[Colonialisme|coloniale]], notamment à ses 2e 4e et 5e Congrès. Voici les conclusions de l'I.C.&nbsp;:  
 
Au cours des premières années de la révolution se posa avec force le [[Question nationale|problème des nationalités]] qui avaient été opprimées par le [[Russie tsariste|régime tsariste]] ou qui, vivant au voisinage de la Russie, avaient été éveillées par la [[Révolution russerévolution]]. Aussi l'[[Internationale Communiste]] fut-elle amenée à prendre des positions sur la question nationale et [[Colonialisme|coloniale]], notamment à ses 2e 4e et 5e Congrès. Voici les conclusions de l'I.C.&nbsp;:  
   −
1) L'I.C. se prononce pour le droit des nationalités à disposer d'elles-mêmes, jusque et y compris le droit de séparation. Ce n'était pas là quelque chose d'acquis, même parmi les marxistes révolutionnaires de l'époque&nbsp;: par exemple [[Rosa Luxemburg]] considérait que seule la [[Bourgeoisie]] en profiterait.  
+
#L'I.C. se prononce pour le droit des nationalités à disposer d'elles-mêmes, jusque et y compris le droit de séparation. Ce n'était pas là quelque chose d'acquis, même parmi les marxistes révolutionnaires de l'époque&nbsp;: par exemple [[Rosa Luxemburg]] considérait que seule la [[Bourgeoisie]] en profiterait.  
 
+
#L'I.C. considère - pour la première fois dans l'histoire du mouvement ouvrier internationale que les nationalités et les peuples colonisés en lutte contre l'[[Impérialisme]] sont ou peuvent être des alliés de la [[Révolution socialiste]]. Dans la [[Internationale Ouvrière|Seconde Internationale]] avant 1914, certains partis s'étaient élevés contre les expéditions coloniales, mais pas nécessairement contre la colonisation. L'I.C. a donc dû débarrasser de leurs préjugés d'anciens cadres socialistes de l'I.C.
2) L'I.C. considère - pour la première fois dans l'histoire du mouvement ouvrier internationale que les nationalités et les peuples colonisés en lutte contre l'[[Impérialisme]] sont ou peuvent être des alliés de la [[Révolution socialiste]]. Dans la [[Internationale Ouvrière|Seconde Internationale]] avant 1914, certains partis s'étaient élevés contre les expéditions coloniales, mais pas nécessairement contre la colonisation. L'I.C. a donc dû débarrasser de leurs préjugés d'anciens cadres socialistes de l'I.C.  
+
#L'I.C. se prononce catégoriquement pour l'indépendance des partis communistes des pays colonisés, par rapport aux forces anti-impérialistes en lutte dans ces pays, tout en préconisant des alliances avec elles.
 
+
#L'I.C. envisage la possibilité pour certains pays de devenir des républiques soviétiques sans passer par une étape capitaliste. Mais on peut dire que cette position était liée d'une part à la perspective d'une victoire rapide de la révolution socialiste à l'échelle mondiale, d'autre part et surtout que cette perspective concernait d'anciens territoires de l'Empire tsariste. En tout cas, elle n'était certainement pas liée dans la pensée de l'I.C. aux textes de Marx mentionnés plus haut dont la plupart étaient alors inconnus. L'apport de l'I.C. sur ces questions était sans aucun doute extrêmement considérable, mais il n'y était pas question de révolution permanente. En outre, il subsistait dans cet apport une large confusion sur la nature de classe des formations [[Nationalisme|nationalistes]] révolutionnaires avec lesquelles il était question de faire des alliances.
3) L'I.C. se prononce catégoriquement pour l'indépendance des partis communistes des pays colonisés, par rapport aux forces anti-impérialistes en lutte dans ces pays, tout en préconisant des alliances avec elles.  
  −
 
  −
4) L'I.C. envisage la possibilité pour certains pays de devenir des républiques soviétiques sans passer par une étape capitaliste. Mais on peut dire que cette position était liée d'une part à la perspective d'une victoire rapide de la révolution socialiste à l'échelle mondiale, d'autre part et surtout que cette perspective concernait d'anciens territoires de l'Empire tsariste. En tout cas, elle n'était certainement pas liée dans la pensée de l'I.C. aux textes de Marx mentionnés plus haut dont la plupart étaient alors inconnus. L'apport de l'I.C. sur ces questions était sans aucun doute extrêmement considérable, mais il n'y était pas question de révolution permanente. En outre, il subsistait dans cet apport une large confusion sur la nature de classe des formations [[Nationalisme|nationalistes]] révolutionnaires avec lesquelles il était question de faire des alliances.  
     −
== La révolution chinoise et la théorie de la Révolution permanente ==
+
== La révolution chinoise  ==
   −
Avec la [[Révolution chinoise de 1925-1927]], la question des révolutions [[Colonialisme|coloniales]] commença à prendre une place considérable parmi les militants et théoriciens des [[Internationale Communiste|partis communistes]]. Mais en 1927, alors que la question de la stratégie à suivre pour le [[Parti communiste chinois|PC chinois]] se pose avec une grande acuité, ni [[Léon Trotsky|Trotsky]], ni d'autres membres oppositionnels du [[Parti communiste de l'Union soviétique]] comme [[Evgueni Preobrajensky|Preobrajensky]] ou [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], ne prônent la stratégie de révolution permanente.  
+
Avec la [[Révolution chinoise (1925-1927)]], la question des révolutions [[Colonialisme|coloniales]] commença à prendre une place considérable parmi les militants et théoriciens des [[Internationale Communiste|partis communistes]]. Mais en 1927, alors que la question de la stratégie à suivre pour le [[Parti communiste chinois|PC chinois]] se pose avec une grande acuité, ni [[Léon Trotsky|Trotsky]], ni d'autres membres oppositionnels du [[Parti communiste de l'Union soviétique]] comme [[Evgueni Preobrajensky|Preobrajensky]] ou [[Grigori Zinoviev|Zinoviev]], ne prônent la stratégie de révolution permanente.  
    
Ce n'est qu'après-coup que Trotsky revient sur l'expérience de la Révolution chinoise à la lumière de sa théorie sur la révolution permanente. En 1928, pendant son exil à Alma-Ata, Trotsky se convainc de la justesse de ses pronostics anciens, et en constate l'application à la Révolution chinoise. C'est cette théorie qu'il défend dans ''[[La Révolution permanente (Trotsky)|La Révolution permanente]]'' (1932)  
 
Ce n'est qu'après-coup que Trotsky revient sur l'expérience de la Révolution chinoise à la lumière de sa théorie sur la révolution permanente. En 1928, pendant son exil à Alma-Ata, Trotsky se convainc de la justesse de ses pronostics anciens, et en constate l'application à la Révolution chinoise. C'est cette théorie qu'il défend dans ''[[La Révolution permanente (Trotsky)|La Révolution permanente]]'' (1932)  
Ligne 76 : Ligne 68 :  
Trotsky exclut cependant de sa théorie des pays où le [[Prolétariat|prolétariat]] est quasiment inexistant, et donc incapable d'arriver au pouvoir à la tête des masses populaires. [[Pierre Frank|Pierre Frank]] ajoute que cette restriction n'est pas infirmée par le fait que des Etats comme la [[République populaire mongole|Mongolie]] ou le [[République démocratique populaire du Laos|Laos]], au prolétariat quasiment inexistant, aient pu sortir du [[Capitalisme|capitalisme]]&nbsp;: en effet, ce changement est lié à l'extension dans les frontières de ces pays de révolutions survenues dans des pays voisins. Une telle situation est donc exceptionnelle. <br>  
 
Trotsky exclut cependant de sa théorie des pays où le [[Prolétariat|prolétariat]] est quasiment inexistant, et donc incapable d'arriver au pouvoir à la tête des masses populaires. [[Pierre Frank|Pierre Frank]] ajoute que cette restriction n'est pas infirmée par le fait que des Etats comme la [[République populaire mongole|Mongolie]] ou le [[République démocratique populaire du Laos|Laos]], au prolétariat quasiment inexistant, aient pu sortir du [[Capitalisme|capitalisme]]&nbsp;: en effet, ce changement est lié à l'extension dans les frontières de ces pays de révolutions survenues dans des pays voisins. Une telle situation est donc exceptionnelle. <br>  
   −
== Les vérifications à l'échelle mondiale de la théorie de la révolution permanente  ==
+
== Vérifications de la théorie de la révolution permanente  ==
 +
 
 +
=== Point de vue du SU de la IVème internationale<br> ===
   −
[[Pierre Frank]] estime que la théorie de la révolution permanente est validée positivement par les victoires des "[[Révolutions yougoslaves|Révolution yougoslave]]" et [[Révolution albanaise|albanaise]] en Europe, "Révolution cubaine" en Amérique et [[Révolution chinoise de 1949|chinoise]], [[Révolution vietnamienne|vietnamienne et]] [[Révolution nord-coréenne|nord-coréenne]] en Asie, avec cependant des particularités notables dans chaque cas. Ainsi, la Révolution chinoise de 1949 s'est effectuée sans mobilisation des [[Classe ouvrière|ouvriers]] des villes (le [[Parti communiste chinois|Parti communiste]] jouant vis-à-vis d'eux un rôle [[Substitutisme|substitutiste]]), et la Révolution cubaine a la particularité de ne pas avoir été dirigée par le [[Parti communiste cubain|Parti communiste]] mais par un mouvement non-[[Marxisme|marxiste]] d'inspiration humaniste, le [[Mouvement du 26 juillet|Mouvement du 26 juillet]].  
+
[[Pierre Frank]] estime que la théorie de la révolution permanente est validée positivement par les victoires des "[[Révolutions yougoslaves|Révolution yougoslave]]" et [[Révolution albanaise|albanaise]] en Europe, "Révolution cubaine" en Amérique et [[Révolution chinoise de 1949|chinoise]], [[Révolution vietnamienne|vietnamienne et]] [[Révolution nord-coréenne|nord-coréenne]] en Asie, avec cependant des particularités notables dans chaque cas. Ainsi, la [[Révolution chinoise (1949)|Révolution chinoise de 1949]] s'est effectuée sans mobilisation des [[Classe ouvrière|ouvriers]] des villes (le [[Parti communiste chinois|Parti communiste]] jouant vis-à-vis d'eux un rôle [[Substitutisme|substitutiste]]), et la Révolution cubaine a la particularité de ne pas avoir été dirigée par le [[Parti communiste cubain|Parti communiste]] mais par un mouvement non-[[Marxisme|marxiste]] d'inspiration "[[humanisme|humaniste]]", le [[Mouvement du 26 juillet|Mouvement du 26 juillet]].<br>
 +
 
 +
== Notes et sources<br> ==
    
Source principale&nbsp;: article de Pierre Frank, publié dans la revue ''[[Quatrième Internationale (revue)|Quatrième Internationale]]'', avril-mai-juin 1981.  
 
Source principale&nbsp;: article de Pierre Frank, publié dans la revue ''[[Quatrième Internationale (revue)|Quatrième Internationale]]'', avril-mai-juin 1981.  
  −
== Notes  ==
      
<references />  
 
<references />  
    
[[Category:Bases_théoriques]]
 
[[Category:Bases_théoriques]]

Menu de navigation