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===À Paris===
 
===À Paris===
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Si au [[Moyen-Âge]], la mixité sociale prédominait d'un point de vue géographique, la Révolution industrielle a entraîné une forte tendance à la ségrégation grands bourgeois et (semi-)[[prolétaires]], tendance accentuée par l'urbanisme de Haussmann. Les quartiers de l'ouest (7<sup>e</sup>, 8<sup>e</sup>, 16<sup>e</sup> et 17<sup>e</sup> arrondissements) concentrent les plus riches (avec leurs domestiques) et l'Est est populaire (10<sup>e</sup>, 11<sup>e</sup>, 12<sup>e</sup>, 13<sup>e</sup>, 18<sup>e</sup>, 19<sup>e</sup> et 20<sup>e</sup> arrondissements). Les quartiers centraux ont connu une forte [[paupérisation]] mais conservent encore des personnes aisées en 1871.
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Si au [[Moyen-Âge]], la mixité sociale prédominait d'un point de vue géographique, la [[révolution industrielle]] a entraîné une forte tendance à la ségrégation grands bourgeois et (semi-)[[prolétaires]], tendance accentuée par l'urbanisme de Haussmann. Les quartiers de l'ouest (7<sup>e</sup>, 8<sup>e</sup>, 16<sup>e</sup> et 17<sup>e</sup> arrondissements) concentrent les plus riches (avec leurs domestiques) et l'Est est populaire (10<sup>e</sup>, 11<sup>e</sup>, 12<sup>e</sup>, 13<sup>e</sup>, 18<sup>e</sup>, 19<sup>e</sup> et 20<sup>e</sup> arrondissements). Les quartiers centraux ont connu une forte [[paupérisation]] mais conservent encore des personnes aisées en 1871.
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Les [[Ouvriers|ouvriers]] sont très nombreux&nbsp;: 442&nbsp;000 sur 1,8 million d'habitants, selon le recensement de 1866&nbsp;; ainsi que les [[Artisans|artisans]] (près de 70&nbsp;000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et les très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Il ne faut cependant pas se représenter des ouvriers de l'industrie moderne, l'[[industrialisation]] était encore très balbutiante, à l'exception de l'usine Cail.<ref>Jeanne Gaillard, “Les Usines Cail Et Les Ouvriers Métallurgistes De Grenelle.” ''Le Mouvement Social'', no. 33/34, 1960, pp. 35–53. ''JSTOR'', www.jstor.org/stable/3777333. Accessed 12 May 2021.</ref>
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Les [[Ouvriers|ouvrier·ères]] sont nombreux&nbsp;: 442&nbsp;000 sur 1,8 million d'habitants, selon le recensement de 1866&nbsp;; ainsi que les [[Artisans|artisans]] (près de 70&nbsp;000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et les très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Il ne faut cependant pas se représenter des ouvriers de l'industrie moderne, l'[[industrialisation]] était encore très balbutiante, à l'exception de l'usine Cail.<ref>Jeanne Gaillard, “Les Usines Cail Et Les Ouvriers Métallurgistes De Grenelle.” ''Le Mouvement Social'', no. 33/34, 1960, pp. 35–53. ''JSTOR'', www.jstor.org/stable/3777333. Accessed 12 May 2021.</ref>
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Le baron Haussmann notait que plus de la moitié des Parisiens vivent « ''dans une pauvreté voisine de l’indigence ».''<ref name=":3">Paris.fr, ''[https://www.paris.fr/pages/les-150-ans-de-la-commune-l-origine-1-5-16961 Les 150 ans de la Commune : l'origine (1/5)]'', Mars 2021</ref> Les trois-quarts des Parisiens adultes sont nés en province et sont venus dans la capitale pour y travailler. Cela avait fait grossir rapidement la classe ouvrière dans les dernières années. Un rapporteur au parlement expliqua d'ailleurs, a posteriori, que l’insurrection était due à « l’accumulation d’un trop grand nombre d’ouvriers à Paris ».<ref name=":4">Robert Baker, ''[https://www.lhistoire.fr/commune-de-paris-bourgeois-contre-ouvriers Commune de Paris : bourgeois contre ouvriers]'', L'Histoire, Août 2006</ref>
    
===La guerre franco-allemande (1870)===
 
===La guerre franco-allemande (1870)===
 
En 1870, les tensions montent rapidement entre la Prusse de Bismarck et la France de Napoléon III, autour d'une querelle dynastique sur la succession au trône d'Espagne. L'[[Association internationale des travailleurs]] (« Première internationale ») et sa section parisienne font de l'[[agitation]] contre la guerre&nbsp;: ''«&nbsp;Travailleurs de France, d'Allemagne et d’Espagne, unissons nos voix en un même cri de réprobation!... La guerre pour une question de prépondérance ou de dynastie ne peut être, aux yeux des travailleurs, qu'une criminelle folie.&nbsp;»''<ref>Première internationale (Karl Marx), [[:fr:Première adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne|Première adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne]], 23 juillet 1870</ref>
 
En 1870, les tensions montent rapidement entre la Prusse de Bismarck et la France de Napoléon III, autour d'une querelle dynastique sur la succession au trône d'Espagne. L'[[Association internationale des travailleurs]] (« Première internationale ») et sa section parisienne font de l'[[agitation]] contre la guerre&nbsp;: ''«&nbsp;Travailleurs de France, d'Allemagne et d’Espagne, unissons nos voix en un même cri de réprobation!... La guerre pour une question de prépondérance ou de dynastie ne peut être, aux yeux des travailleurs, qu'une criminelle folie.&nbsp;»''<ref>Première internationale (Karl Marx), [[:fr:Première adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne|Première adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne]], 23 juillet 1870</ref>
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Mais le [[militarisme]] l'emporte, non sans susciter du [[nationalisme]] dans les classes populaires. Lorsque [[w:Guerre franco-prussienne de 1870|la guerre éclate en juillet 1870]], [[Marx|Marx]] préconisait aux socialistes allemands la défense nationale, au nom de l'[[Unification_allemande|unification allemande]]. L'armée française sera vaincue en 2 mois.  
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Mais le [[militarisme]] l'emporte, non sans susciter du [[nationalisme]] dans les classes populaires. Lorsque [[w:Guerre franco-prussienne de 1870|la guerre éclate en juillet 1870]], [[Marx|Marx]] préconisait aux socialistes allemands la défense nationale, au nom de l'[[Unification_allemande|unification allemande]].
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L'armée française est très mal préparée, et sera vaincue en 2 mois.
    
==Événements==
 
==Événements==
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===Guerre perdue et gouvernement bourgeois===
 
===Guerre perdue et gouvernement bourgeois===
 
[[Fichier:Affiche AIT Paris 4 septembre 1870.jpg|vignette|175x175px|Affiche du 4 septembre 1870]]
 
[[Fichier:Affiche AIT Paris 4 septembre 1870.jpg|vignette|175x175px|Affiche du 4 septembre 1870]]
L'armée française capitule à Sedan le 2 septembre 1870, et Napoléon III est fait prisonnier. Cette nouvelle déclenche une journée d'émeutes à Paris, qui fait chuter l'Empire. Les bourgeois républicains forment un [[w:Gouvernement de la Défense nationale|Gouvernement de la Défense nationale]] à l’Hôtel de Ville, et proclament la [[Troisième République]]. Très modérés lorsqu'ils étaient dans l'opposition à l'Empire, ils essaient à présent de prendre la tête de l'[[État]] pour canaliser l'agitation populaire qui souhaite "chasser l'envahisseur prussien".  
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L'armée française capitule à Sedan le 2 septembre 1870, et Napoléon III est fait prisonnier. Cette nouvelle déclenche une journée d'émeutes à Paris, qui fait chuter l'Empire. Les bourgeois républicains forment un [[w:Gouvernement de la Défense nationale|Gouvernement de la Défense nationale]] à l’Hôtel de Ville, et proclament la [[Troisième République]]. Très modérés lorsqu'ils étaient dans l'opposition à l'Empire, ils essaient à présent de prendre la tête de l'[[État]] pour canaliser l'agitation populaire qui souhaite "chasser l'envahisseur prussien". Manquant de soldats, le gouvernement provisoire doit armer le peuple parisien. La bourgeoisie le regrettera très vite, car celui-ci devient vite une menace pour elle.  
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Malgré la capitulation de Napoléon III, les troupes allemandes continuent à avancer sur le sol français. L'[[Association internationale des travailleurs]] (AIT) et les socialistes allemands dénoncent alors cette contre-offensive qui prend une nature clairement [[impérialiste]]. Les militants parisiens de l'AIT diffusent une adresse au peuple allemand, l'appelant au retrait des troupes, pour éviter de « verser à flots ton sang et le nôtre ». Le conseil de Londres de l'AIT prend une position anti-guerre.<ref name=":2">Première internationale (Karl Marx), [[:fr:Seconde adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne|Seconde adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne]], 9 septembre 1870</ref>[[File:Affiche rouge, 1871.png|alt=|217x217px|link=|vignette|[[Affiche Rouge (1871)|Affiche rouge]] placardée dans la nuit du 5 au 6 janvier 1871]]Les membres de l’[[Association_Internationale_des_Travailleurs|AIT]] (qu'on appelle les ''Internationalistes''), qui reviennent de prison ou d’exil, sont la force d'impulsion de « comités de vigilance » dans les arrondissements, qui forment un [[Comité central républicain des Vingt arrondissements]] dès le 13 septembre 1870. Celui-ci est méfiant vis-à-vis du  [[w:Gouvernement de la Défense nationale|Gouvernement de la Défense nationale]], et publie une [[Affiche Rouge (1871)|affiche rouge]] appelant à une république sociale et à des mesures énergiques pour la défense de Paris.<ref>Les Amies et Amis de la Commune de Paris, ''[https://www.commune1871.org/la-commune-de-paris/histoire-de-la-commune/chronologie-au-jour-le-jour/466-la-commune-et-la-premiere-internationale La Commune et la Première internationale]'', juillet 2022</ref> Ce Comité est animé conjointement par des révolutionnaires républicains plus ou moins socialistes&nbsp;: [[jacobins]], [[blanquistes]]… La majorité du peuple est cependant encore dans l'expectative.
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Malgré la capitulation de Napoléon III, les troupes allemandes continuent à avancer sur le sol français. L'[[Association Internationale des Travailleurs|AIT]] et les socialistes allemands dénoncent alors cette contre-offensive [[impérialiste]]. Les militants parisiens de l'AIT diffusent une adresse au peuple allemand, l'appelant au retrait des troupes, pour éviter de « verser à flots ton sang et le nôtre ». Le conseil de Londres de l'AIT prend une position anti-guerre.<ref name=":2">Première internationale (Karl Marx), [[:fr:Seconde adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne|Seconde adresse du Conseil Général sur la guerre franco-prussienne]], 9 septembre 1870</ref>[[File:Affiche rouge, 1871.png|alt=|217x217px|link=|vignette|[[Affiche Rouge (1871)|Affiche rouge]] placardée dans la nuit du 5 au 6 janvier 1871]]Les membres de l’[[Association_Internationale_des_Travailleurs|AIT]] (qu'on appelle les ''Internationalistes''), qui reviennent de prison ou d’exil, sont la force d'impulsion de « comités de vigilance » dans les arrondissements, qui forment un [[Comité central républicain des Vingt arrondissements]] dès le 13 septembre 1870. Celui-ci est méfiant vis-à-vis du  [[w:Gouvernement de la Défense nationale|Gouvernement de la Défense nationale]], et publie une [[Affiche Rouge (1871)|affiche rouge]] appelant à une république sociale et à des mesures énergiques pour la défense de Paris.<ref>Les Amies et Amis de la Commune de Paris, ''[https://www.commune1871.org/la-commune-de-paris/histoire-de-la-commune/chronologie-au-jour-le-jour/466-la-commune-et-la-premiere-internationale La Commune et la Première internationale]'', juillet 2022</ref> Ce Comité est animé conjointement par des révolutionnaires républicains plus ou moins socialistes&nbsp;: [[jacobins]], [[blanquistes]]… Il appelle à former une « [[Commune de Paris|Commune]] », en référence à la [[Commune de Paris (1789-1795)|Commune insurrectionnelle de 1792]]. La majorité du peuple est cependant encore dans l'expectative.
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La question de la capitulation devient un des principaux clivages politiques. Cela conduit à deux émeutes insurrectionnelles ratées, le [[w:Soulèvement du 31 octobre 1870|31 octobre]] et le [[w:Soulèvement du 22 janvier 1871|22 janvier]].
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La question de la capitulation devient un des principaux clivages politiques. Cela conduit à deux [[émeutes]] insurrectionnelles ratées, le [[w:Soulèvement du 31 octobre 1870|31 octobre]] et le [[w:Soulèvement du 22 janvier 1871|22 janvier]], de la part des « outrances » (ainsi que l'on appelait les partisans de la guerre à outrance).<ref name=":4" />
    
=== Armistice et élections de février 1871 ===
 
=== Armistice et élections de février 1871 ===
 
Le 18 janvier 1871, l'Empire allemand est proclamé à Versailles (achevant l'[[unification de l'Allemagne]] en une [[Impérialisme_allemand|puissance européenne majeure]]), et le 28 janvier un armistice est signé avec le chancelier allemand Bismarck, dans l'attente d'élections devant décider de la guerre ou de la paix. La nouvelle échaude le petit-peuple parisien, qui se sent trahi.
 
Le 18 janvier 1871, l'Empire allemand est proclamé à Versailles (achevant l'[[unification de l'Allemagne]] en une [[Impérialisme_allemand|puissance européenne majeure]]), et le 28 janvier un armistice est signé avec le chancelier allemand Bismarck, dans l'attente d'élections devant décider de la guerre ou de la paix. La nouvelle échaude le petit-peuple parisien, qui se sent trahi.
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Les [[w:Élections législatives françaises de 1871|élections législatives]] sont organisées en hâte le 8 février, dans des conditions très peu démocratiques (Paris est coupé des campagnes, et la campagne électorale dure 8 jours). Les campagnes (dominées par des notables et des curés) élisent majoritairement des candidats [[monarchistes]] "pour la paix"&nbsp;:&nbsp;sur 750 députés, 450 sont des monarchistes (sans compter les bonapartistes). En revanche, à Paris, 33 députés sur 43 sont des républicains plus ou moins radicaux, et 4 sont des révolutionnaires. Ces élus parisiens sont pour continuer la guerre, les parisiens considérant qu'ils se défendent bien et ne sont pas vaincus. Mais l'Assemblée nationale, réunie à Bordeaux, élit [[w:Adolphe Thiers|Adolphe Thiers]] chef du pouvoir exécutif et l'envoie négocier la capitulation, qui sera signée le 26 février. Le traité inclut l'annexion de l’Alsace-Moselle et le versement de 5 milliards de francs-or.
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Les [[w:Élections législatives françaises de 1871|élections législatives]] sont organisées en hâte le 8 février, dans des conditions très peu démocratiques (Paris est coupé des campagnes, et la campagne électorale dure 8 jours). Les campagnes (dominées par des notables et des curés) élisent majoritairement des candidats [[monarchistes]] "pour la paix"&nbsp;:&nbsp;sur 750 députés, 450 sont des monarchistes (sans compter les bonapartistes). En revanche, à Paris, 33 députés sur 43 sont des républicains plus ou moins radicaux, et 4 sont des révolutionnaires. Ces élus parisiens sont pour continuer la guerre, les parisiens considérant qu'ils se défendent bien et ne sont pas vaincus. Mais l'Assemblée nationale, réunie à Bordeaux, élit [[w:Adolphe Thiers|Adolphe Thiers]] chef du pouvoir exécutif et l'envoie négocier la capitulation.
    
Deux candidats de l’Internationale sont élus : [[Benoît Malon|Malon]] et [[Henri Tolain|Tolain]]. Malon se consacrera à la Commune, révolutionnaire, Tolain se rangera du côté versaillais.
 
Deux candidats de l’Internationale sont élus : [[Benoît Malon|Malon]] et [[Henri Tolain|Tolain]]. Malon se consacrera à la Commune, révolutionnaire, Tolain se rangera du côté versaillais.
 
===Exacerbation de la lutte de classe===
 
===Exacerbation de la lutte de classe===
 
[[Fichier:Menu-siegedeparis.jpg|vignette|242x242px|Menu dans un café avec des animaux variés]]
 
[[Fichier:Menu-siegedeparis.jpg|vignette|242x242px|Menu dans un café avec des animaux variés]]
Début 1871, la situation se tend rapidement. Le siège de Paris a d'abord pour effet immédiat d'entraîner une crise sociale : on subit une dure [[famine]] en plein hiver, on mange des rats, des chats et même les [[w:Castor et Pollux (éléphants)|éléphants]] et [[w:Siège de Paris (1870-1871)#La%20vie%20quotidienne|autres animaux de zoo]]. Manquant de soldats, le gouvernement provisoire doit armer le peuple parisien. La bourgeoisie le regrettera très vite, car celui-ci devient vite une menace pour elle. Les classes dominantes regroupées à Versailles songent alors à s'appuyer sur les troupes allemandes contre Paris...
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Début 1871, la situation se tend rapidement. Le siège de Paris a d'abord pour effet immédiat d'entraîner une crise sociale : on subit une dure [[famine]] en plein hiver, on mange des rats, des chats et même les [[w:Castor et Pollux (éléphants)|éléphants]] et [[w:Siège de Paris (1870-1871)#La%20vie%20quotidienne|autres animaux de zoo]]. Les classes dominantes regroupées à Versailles songent alors à s'appuyer sur les troupes allemandes contre Paris...
    
L'Assemblée nationale, via les votes des provinces rurales, exprimait en fait les intérêts de la bourgeoisie conservatrice. Face à elle, le peuple parisien qui se plaçait de plus en plus en opposition, bien que largement isolé, représentait le [[Progrès_social|progrès social]] et la possibilité de la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]].
 
L'Assemblée nationale, via les votes des provinces rurales, exprimait en fait les intérêts de la bourgeoisie conservatrice. Face à elle, le peuple parisien qui se plaçait de plus en plus en opposition, bien que largement isolé, représentait le [[Progrès_social|progrès social]] et la possibilité de la [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]].
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Paris dispose aussi de la [[Garde_nationale|Garde nationale]], milice populaire qui regroupe tous les hommes valides. Ses rangs grossissent très vite à Paris (60 bataillons début septembre, 254 bataillons début octobre) et ils sont bien armés, disposent de 227 canons, 500 000 fusils.
 
Paris dispose aussi de la [[Garde_nationale|Garde nationale]], milice populaire qui regroupe tous les hommes valides. Ses rangs grossissent très vite à Paris (60 bataillons début septembre, 254 bataillons début octobre) et ils sont bien armés, disposent de 227 canons, 500 000 fusils.
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On y débat vivement, et l'énervement monte contre les généraux et le gouvernement. Au cours des élections de février, les bataillons de la Garde nationale se fédèrent, en envoyant des délégués d'arrondissement qui tiennent des assemblées et prennent de plus en plus d'assurance. Une situation de [[double pouvoir]] émerge.
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On y débat vivement, et l'énervement monte contre les généraux et le gouvernement. Au cours des élections de février, les bataillons de la Garde nationale se fédèrent, en envoyant des délégués d'arrondissement qui tiennent des assemblées et prennent de plus en plus d'assurance. Le 24 février, ils proclament qu'ils ne se laisseront pas désarmer par le gouvernement. Une situation de [[double pouvoir]] émerge.
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Le 24 février, ils proclament qu'ils ne se laisseront pas désarmer par le gouvernement. Le 3 mars ils élisent un [[w:Comité central de la Garde nationale|comité provisoire]] pour assurer l’organisation.  Les Internationalistes s’engagent  nombreux dans la [[Garde nationale]] et beaucoup de leurs responsables sont élus officiers de leur bataillon. Les jeunes ouvriers étaient nombreux dans ses rangs, mais les petit-bourgeois très présents dans la hiérarchie.  [[Eugène Varlin|Varlin]] entre au Comité provisoire à la tête de la Garde nationale, tandis que [[Léo Frankel|Frankel]] s’y oppose.
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Thiers signe la capitulation le 26 février. Le traité inclut l'annexion de l’Alsace-Moselle et le versement de 5 milliards de francs-or.
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Le 3 mars la [[Garde nationale]] se dote d'un [[w:Comité central de la Garde nationale|comité provisoire]] pour assurer l’organisation.  Les Internationalistes s’engagent  nombreux et beaucoup de leurs responsables sont élus officiers de leur bataillon. Les jeunes ouvriers étaient nombreux dans ses rangs, mais les petit-bourgeois très présents dans la hiérarchie.  [[Eugène Varlin|Varlin]] entre au Comité provisoire à la tête de la Garde nationale, tandis que [[Léo Frankel|Frankel]] s’y oppose.
 
[[Fichier:Triumphal entry into Paris., by the German army 2.jpg|vignette|199x199px|Soldats prussiens dans Paris]]
 
[[Fichier:Triumphal entry into Paris., by the German army 2.jpg|vignette|199x199px|Soldats prussiens dans Paris]]
 
Le 1<sup>er</sup> mars, les troupes prussiennes défilent dans Paris, ce qui est vécu comme une humiliation, car la Garde nationale ne s'est pas battue et ne voulait pas se rendre.  
 
Le 1<sup>er</sup> mars, les troupes prussiennes défilent dans Paris, ce qui est vécu comme une humiliation, car la Garde nationale ne s'est pas battue et ne voulait pas se rendre.  
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Le peuple et la plupart des gardes nationaux se soulèvent, et les soldats refusent de faire feu sur eux. C'est le début de la révolte populaire&nbsp;: peuple et soldats fraternisent. Deux généraux sont fusillés  ([[w:Claude Lecomte (général)|Lecomte]] et [[w:Jacques Léonard Clément-Thomas|Clément-Thomas]]). Le pouvoir retombe de fait entre les mains du [[w:Comité central de la Garde nationale|comité central de la Garde nationale]].
 
Le peuple et la plupart des gardes nationaux se soulèvent, et les soldats refusent de faire feu sur eux. C'est le début de la révolte populaire&nbsp;: peuple et soldats fraternisent. Deux généraux sont fusillés  ([[w:Claude Lecomte (général)|Lecomte]] et [[w:Jacques Léonard Clément-Thomas|Clément-Thomas]]). Le pouvoir retombe de fait entre les mains du [[w:Comité central de la Garde nationale|comité central de la Garde nationale]].
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Le gouvernement de Thiers s'enfuit à Versailles accompagné par une troupe démoralisée, et des milliers de bourgeois parisiens qui s'enfuient également (dont le maire de Paris, [[W:Jules Ferry|Jules Ferry]]). Seuls 300 soldats de la Garde nationale sur 300&nbsp;000 rejoignent Thiers. Le 19 mars, le Comité central refuse de marcher sur Versailles (ce que propose une minorité de ses membres), en avançant que ce n'est pas à Paris de décider du gouvernement de la France.  
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Le gouvernement de Thiers s'enfuit à Versailles accompagné par une troupe démoralisée, et des milliers de bourgeois parisiens qui s'enfuient également (dont le maire de Paris, [[W:Jules Ferry|Jules Ferry]]). Seuls 300 soldats de la Garde nationale sur 300&nbsp;000 rejoignent Thiers. Un seul officier de l'armée régulière rejoint les rangs de la Commune, [[w:Louis Rossel|Louis Rossel]]. Le 19 mars, le Comité central refuse de marcher sur Versailles (ce que propose une minorité de ses membres), en avançant que ce n'est pas à Paris de décider du gouvernement de la France.  
    
Le Comité central contrôle bientôt tout Paris. Le 18 mars, le soulèvement touche La Villette, Belleville, les XIII<sup>e</sup>, XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> arrondissements. Les autres arrondissements doivent être conquis en évinçant les maires : le IX<sup>e</sup> le 20 mars, le VI<sup>e</sup> le 22, le VII<sup>e</sup> le 24 mars. Le 24 et 25 mars, on remplace les maires des IV<sup>e</sup>, V<sup>e</sup>, X<sup>e</sup> et XII<sup>e</sup> arrondissements qui ont disparu. Le I<sup>er</sup>, le II<sup>e</sup> et le XVI<sup>e</sup> arrondissements résistent, et une partie des habitants participe aux manifestations des [[w:Amis de l'Ordre|Amis de l'Ordre]] des 21 et 22 mars.   
 
Le Comité central contrôle bientôt tout Paris. Le 18 mars, le soulèvement touche La Villette, Belleville, les XIII<sup>e</sup>, XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> arrondissements. Les autres arrondissements doivent être conquis en évinçant les maires : le IX<sup>e</sup> le 20 mars, le VI<sup>e</sup> le 22, le VII<sup>e</sup> le 24 mars. Le 24 et 25 mars, on remplace les maires des IV<sup>e</sup>, V<sup>e</sup>, X<sup>e</sup> et XII<sup>e</sup> arrondissements qui ont disparu. Le I<sup>er</sup>, le II<sup>e</sup> et le XVI<sup>e</sup> arrondissements résistent, et une partie des habitants participe aux manifestations des [[w:Amis de l'Ordre|Amis de l'Ordre]] des 21 et 22 mars.   
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*les membres de l'AIT (<span class="mw-redirect">[[Léo Frankel]]</span>, [[Benoît_Malon|Benoît Malon]], [[Eugène_Varlin|Eugène Varlin]]...) : celle-ci est assez diverse politiquement, peu centralisée, et encore marquée par le [[proudhonisme]], même si le [[collectivisme]] y était devenu majoritaire ;
 
*les membres de l'AIT (<span class="mw-redirect">[[Léo Frankel]]</span>, [[Benoît_Malon|Benoît Malon]], [[Eugène_Varlin|Eugène Varlin]]...) : celle-ci est assez diverse politiquement, peu centralisée, et encore marquée par le [[proudhonisme]], même si le [[collectivisme]] y était devenu majoritaire ;
*les [[Auguste_Blanqui|blanquistes]],  très influents dans la classe ouvrière ([[Eugène Protot]], [[Édouard Moreau de Beauvière]], [[Jean-Baptiste Chardon]], [[Émile Eudes]], [[Théophile Ferré]], [[Raoul Rigault]] ou [[Gabriel Ranvier]]) ; certains blanquistes étaient adhérents à l'AIT (comme [[Émile-Victor Duval|Duval]] ou le maçon François David<ref name=":0">Blog de [[w:Michèle Audin|Michèle Audin]] sur la Commune de Paris, ''[https://macommunedeparis.com/2016/06/11/le-proletaire-un-club-un-journal/ Le Prolétaire — un club, un journal]'', juin 2016</ref>) ;
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*les [[Auguste_Blanqui|blanquistes]],  très influents dans la classe ouvrière ([[Eugène Protot]], [[Édouard Moreau de Beauvière]], [[Jean-Baptiste Chardon]], [[Émile Eudes]], [[Théophile Ferré]], [[Raoul Rigault]] ou [[Gabriel Ranvier]]) ; certains blanquistes étaient ou avaient été adhérents à l'AIT (comme [[Édouard Vaillant|Vaillant]], [[Émile-Victor Duval|Duval]] ou le maçon François David<ref name=":0">Blog de [[w:Michèle Audin|Michèle Audin]] sur la Commune de Paris, ''[https://macommunedeparis.com/2016/06/11/le-proletaire-un-club-un-journal/ Le Prolétaire — un club, un journal]'', juin 2016</ref>) ;
*de nombreux « [[Jacobins|jacobins]] », républicains petits-bourgeois rêvant confusément de refaire [[Montagne (Révolution française)|1793]] ([[w:Charles Delescluze|Delescluze]]...), certains étant adhérents à l'AIT ([[Charles Ferdinand Gambon|Gambon]], [[Félix Pyat|Pyat]]...)
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*de nombreux « [[Jacobins|jacobins]] », républicains petits-bourgeois rêvant confusément de refaire [[Montagne (Révolution française)|1793]] ([[w:Charles Delescluze|Delescluze]]...), certains étant ou ayant été adhérents à l'AIT ([[Charles Ferdinand Gambon|Gambon]], [[Félix Pyat|Pyat]]...)
 
*des «&nbsp;indépendants&nbsp;» comme [[Jules_Vallès|Jules Vallès]] et [[Gustave_Courbet|Gustave Courbet]].
 
*des «&nbsp;indépendants&nbsp;» comme [[Jules_Vallès|Jules Vallès]] et [[Gustave_Courbet|Gustave Courbet]].
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===Attaque des Versaillais===
 
===Attaque des Versaillais===
 
[[Fichier:Carte Paris 1871.jpg|droite|sans_cadre]]Surtout, la Commune se montre beaucoup trop légère sur le plan militaire, et clémente vis-à-vis de la menace réactionnaire. Si le Comité central annonce qu'il est sur la défensive et qu'il rendra ''«&nbsp;œil pour œil, dent pour dent&nbsp;»'', en pratique il le met rarement à exécution. Lorsque des agents versaillais sont découverts en train d'entrer dans Paris en dissimulant des armes, ils sont relâchés. Au fur et à mesure, les Versaillais reprennent confiance, ils se remettent à torturer leurs prisonniers ou à faire des exécutions sommaires, ceux qu'ils hésitent à faire dans un premier temps par peur de provoquer les communards.
 
[[Fichier:Carte Paris 1871.jpg|droite|sans_cadre]]Surtout, la Commune se montre beaucoup trop légère sur le plan militaire, et clémente vis-à-vis de la menace réactionnaire. Si le Comité central annonce qu'il est sur la défensive et qu'il rendra ''«&nbsp;œil pour œil, dent pour dent&nbsp;»'', en pratique il le met rarement à exécution. Lorsque des agents versaillais sont découverts en train d'entrer dans Paris en dissimulant des armes, ils sont relâchés. Au fur et à mesure, les Versaillais reprennent confiance, ils se remettent à torturer leurs prisonniers ou à faire des exécutions sommaires, ceux qu'ils hésitent à faire dans un premier temps par peur de provoquer les communards.
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Les troupes improvisées de la Commune sont par ailleurs très peu formées, et ce qui était une condition de la révolution (leur insoumission) devenait partiellement un frein à la survie de cette même révolution, car beaucoup de bataillons se dispersaient tout simplement face à l'avancée de l'ennemi. C'est pourquoi [[w:Louis Rossel|Rossel]], le seul officier de métier passé à la Commune, était exaspéré, et menaçait régulièrement de démissionner. Ses propositions, comme le durcissement de la cour martiale, choquait à la fois le reste de la Commune, et en même temps finissait par la convaincre.
    
Les Versaillais s’en remettent à l'Empire allemand pour venir à bout par la force de la Commune de Paris. On envoya deux émissaires discuter avec Bismarck&nbsp;: la France paierait ses dettes plus rapidement, en échange de quoi Bismarck acceptait de libérer l’armée bonapartiste, c’est-à-dire de donner une armée aux Versaillais pour exterminer Paris. Le 18 mai, ce «&nbsp;traité de paix&nbsp;» avec la Prusse est ratifié par l’Assemblée nationale siégeant à Versailles. Comme le dira Marx&nbsp;: ''«&nbsp;La domination de classe ne peut plus se cacher sous un uniforme national, les gouvernements nationaux ne font qu’un contre le prolétariat&nbsp;!&nbsp;»''
 
Les Versaillais s’en remettent à l'Empire allemand pour venir à bout par la force de la Commune de Paris. On envoya deux émissaires discuter avec Bismarck&nbsp;: la France paierait ses dettes plus rapidement, en échange de quoi Bismarck acceptait de libérer l’armée bonapartiste, c’est-à-dire de donner une armée aux Versaillais pour exterminer Paris. Le 18 mai, ce «&nbsp;traité de paix&nbsp;» avec la Prusse est ratifié par l’Assemblée nationale siégeant à Versailles. Comme le dira Marx&nbsp;: ''«&nbsp;La domination de classe ne peut plus se cacher sous un uniforme national, les gouvernements nationaux ne font qu’un contre le prolétariat&nbsp;!&nbsp;»''
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[[Augustin Avrial|Avrial]], ouvrier membre de la commission du Travail, de l’Industrie et de l’Echange, propose d'établir une liste des ateliers abandonnés par leurs patrons et à les remettre en exploitation sous forme d'[[Associationnisme|associations ouvrières]]. Il s’inspirait d’un projet d’octobre 1870 qui stipulait que les ateliers pouvant servir à la fabrication d’armement devaient être [[Réquisition|réquisitionnés]]. L’initiative d’Avrial, revue par [[Léo Frankel|Frankel]] ne concernait que les ateliers abandonnés dont il fallait dresser la liste avant de les remettre en service. Elle fit l’objet du décret du 16 avril 1871, appelant les syndicats à discuter des modalités, et de ce qu'il conviendrait de faire si plus tard les [[Patronat|patrons]] revenaient (indemnités...).   
 
[[Augustin Avrial|Avrial]], ouvrier membre de la commission du Travail, de l’Industrie et de l’Echange, propose d'établir une liste des ateliers abandonnés par leurs patrons et à les remettre en exploitation sous forme d'[[Associationnisme|associations ouvrières]]. Il s’inspirait d’un projet d’octobre 1870 qui stipulait que les ateliers pouvant servir à la fabrication d’armement devaient être [[Réquisition|réquisitionnés]]. L’initiative d’Avrial, revue par [[Léo Frankel|Frankel]] ne concernait que les ateliers abandonnés dont il fallait dresser la liste avant de les remettre en service. Elle fit l’objet du décret du 16 avril 1871, appelant les syndicats à discuter des modalités, et de ce qu'il conviendrait de faire si plus tard les [[Patronat|patrons]] revenaient (indemnités...).   
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Cette initiative traîna un mois avant d’être suivie d’effet. Il y avait une réticence à toucher à la [[Propriété privée|propriété]]. Lorsque le 4 mai, [[Pierre Vésinier|Vésinier]] dépose un projet de décret tendant à réquisitionner les grands ateliers, il n'est pas discuté.<ref>Patrick Le Moal, ''[https://www.contretemps.eu/journal-commune-4-mai-1871/ La Commune au jour le jour. Jeudi 4 mai 1871]'', 4 mai 2021</ref> Finalement lLe 15 mai, une liste est établie avec 42 associations ouvrières de production et 34 chambres syndicales.&nbsp;Frankel avait pour objectif à terme que [[Gestion ouvrière|les travailleur·ses prennent en main la gestion des entreprises]], tout en se fédérant, à l'image de la Garde nationale. Mais la Commune n'avait plus que 8 jours à vivre. ll n’y eut que quelques dizaines d’ateliers confisqués en comprenant les établissements d’Etat.  
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Cette initiative traîna un mois avant d’être suivie d’effet. Il y avait une réticence à toucher à la [[Propriété privée|propriété]]. Lorsque le 4 mai, [[Pierre Vésinier|Vésinier]] dépose un projet de décret tendant à réquisitionner les grands ateliers, il n'est pas discuté.<ref>Patrick Le Moal, ''[https://www.contretemps.eu/journal-commune-4-mai-1871/ La Commune au jour le jour. Jeudi 4 mai 1871]'', 4 mai 2021</ref> L'usine Cail, une des seules grandes usines, n'est pas nationalisée. Finalement, le 15 mai, une liste est établie avec 42 associations ouvrières de production et 34 chambres syndicales.&nbsp;Frankel avait pour objectif à terme que [[Gestion ouvrière|les travailleur·ses prennent en main la gestion des entreprises]], tout en se fédérant, à l'image de la Garde nationale. Mais la Commune n'avait plus que 8 jours à vivre. ll n’y eut que quelques dizaines d’ateliers confisqués en comprenant les établissements d’Etat.  
 
===Logement===
 
===Logement===
 
La Commune se souciait d'organiser concrètement un droit au [[logement]]. Dès le 18 mars elle avait mit fin à toute expulsion locative. Elle décrète le 29 mars 1871 la remise générale des loyers d’octobre 1870, de janvier et d’avril 1871. Les 25 avril 1871, le décret de [[Réquisition des logements|réquisition des appartements vacants]] permettra l’hébergement des familles dont les maisons ont été détruites par les bombardements. Ces deux décrets donnent lieu à la création de commissions municipales chargées de régler les différends qui peuvent surgir entre les propriétaires et les locataires. Ces mêmes commissions assurent l’installation dans les appartements vacants des personnes privées de toit.
 
La Commune se souciait d'organiser concrètement un droit au [[logement]]. Dès le 18 mars elle avait mit fin à toute expulsion locative. Elle décrète le 29 mars 1871 la remise générale des loyers d’octobre 1870, de janvier et d’avril 1871. Les 25 avril 1871, le décret de [[Réquisition des logements|réquisition des appartements vacants]] permettra l’hébergement des familles dont les maisons ont été détruites par les bombardements. Ces deux décrets donnent lieu à la création de commissions municipales chargées de régler les différends qui peuvent surgir entre les propriétaires et les locataires. Ces mêmes commissions assurent l’installation dans les appartements vacants des personnes privées de toit.
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La [[Garde nationale]] se voulait un remplacement de l'[[armée permanente]] par une [[milice populaire]] démocratique mobilisée temporairement. Tous les citoyens pouvaient en faire partie, et élire ses chefs.
 
La [[Garde nationale]] se voulait un remplacement de l'[[armée permanente]] par une [[milice populaire]] démocratique mobilisée temporairement. Tous les citoyens pouvaient en faire partie, et élire ses chefs.
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Une nouvelle police fut créée, surtout dirigée par des [[Louis-Auguste Blanqui|blanquistes]]. Elle était plus populaire et globalement [[progressiste]], mais elle se comporta cependant avec un certain caractère arbitraire. On parlait de révolution [[morale]]. Des pancartes  « Mort aux voleurs » sont affichées. On a arrête des gens pour ivresse publique, on réprime les jeux de hasard...<ref name=":02" />
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Une nouvelle police fut créée, surtout dirigée par des [[Louis-Auguste Blanqui|blanquistes]] (avec [[w:Raoul Rigault|Raoul Rigault]] à sa tête). Elle était plus populaire et globalement [[progressiste]], mais elle se comporta cependant avec un certain caractère arbitraire. On parlait de révolution [[morale]]. Des pancartes  « Mort aux voleurs » sont affichées. On a arrête des gens pour ivresse publique, on réprime les jeux de hasard...<ref name=":02" />
    
===Administrations publiques===
 
===Administrations publiques===
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=== Les femmes en action ===
 
=== Les femmes en action ===
 
{{See also|w:Femmes dans la Commune de Paris{{!}}Action des femmes dans la Commune}}
 
{{See also|w:Femmes dans la Commune de Paris{{!}}Action des femmes dans la Commune}}
Les femmes trouvaient des alliés dans certains militants de l'AIT comme [[Léo Frankel|Frankel]] ou [[Eugène Varlin|Varlin]], mais aussi beaucoup d'opposition. Lors des élections du  26 mars et du 16 avril, les femmes n'avaient pas le [[Droit de vote des femmes|droit de vote]]. Elles ne pouvaient pas non plus être membres de la [[Garde nationale]], principale force de la révolution. La Commune réprima les [[Prostitution|prostituées]].<ref name=":02" />
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Un des seuls droits progressistes obtenus  a été le [[droit au divorce]] par consentement mutuel. Concernant les indemnités reçues par les proches des [[Garde_nationale|gardes nationaux]], la Commune a donné la consigne aux mairies de ne faire aucune distinction entre femmes dites "illégitimes", mères et veuves.
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Sur le plan des droits, on ne peut que constater qu'il n'y a pas eu de pas significatifs dans le sens de l'[[égalité entre femmes et hommes]]. Lors des élections du  26 mars et du 16 avril, les femmes n'avaient pas le [[Droit de vote des femmes|droit de vote]]. Elles ne pouvaient pas non plus être membres de la [[Garde nationale]], principale force de la révolution. La Commune réprima les [[Prostitution|prostituées]].<ref name=":02" />
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[[Fichier:Elisabeth Dmitrieff 2.jpg|vignette|[[Élisabeth Dmitrieff|Elisabeth Dmitrieff]] ]]
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Cependant les femmes ont joué un rôle actif dans la Commune. Elles ont été très investies dans les mobilisations et [[w:Clubs de la Commune de Paris#Les%20clubs%20de%20femmes|dans les clubs populaires]], et il y eut même des clubs non mixtes comme le [[w:Clubs de la Commune de Paris#Les%20clubs%20de%20femmes|Club de la Boule noire]].  Si [[Louise Michel]] est bien connue, il ne faut pas oublier [[Elisabeth Dimitrieff]] et [[Nathalie Lemel]], qui ont créé une [[Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés|Union des femmes pour la défense de Paris et le soin aux blessés]]. Les femmes trouvaient des alliés dans certains militants de l'AIT comme [[Léo Frankel|Frankel]] ou [[Eugène Varlin|Varlin]], mais aussi beaucoup d'opposition.
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L'énergie militante des femmes était essentiellement celle des femmes ouvrières. La plupart des femmes bourgeoises étaient cantonnées aux tâches domestiques, alors que les ouvrières étaient nombreuses à être employées, ce qui explique que les femmes représentaient déjà 33 % de la population active à Paris. Pourtant elles gagnaient moitié moins que les hommes, et dans les ateliers, elles étaient souvent bafouées par les patrons ou les petits chefs.<ref name=":3" />
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Les femmes ont pris une part massive aux mobilisations et se sont organisées en comités de quartier. Si [[Louise Michel]] est bien connue, il ne faut pas oublier [[Elisabeth Dimitrieff]] et [[Nathalie Lemel]], qui ont créé une [[Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés|Union des femmes]]. Plus de mille d'entre elles passeront en conseil de guerre dont les "[[Pétroleuses]]", accusées d'avoir incendié les maisons bourgeoises.&nbsp;La [[réaction]] se déchaînera sur elles''.'' Concernant les indemnités reçues par les proches des [[Garde_nationale|gardes nationaux]], la Commune a donné la consigne aux mairies de ne faire aucune distinction entre femmes dites "illégitimes", mères et veuves.
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Cela explique en grande partie que quand la Commune a éclaté, et que l'on s'est mis à remettre en question toutes les hiérarchies, de très nombreuses femmes ont senti que leurs intérêts étaient liés au mouvement révolutionnaire. Cela s'est manifesté avec encore plus d'éclat dans les derniers combats, où de nombreuses femmes ont pris les armes. Ce militantisme très combatif des femmes populaires va horrifier les bourgeois, et la [[réaction]] va s'acharner à les diaboliser comme « [[w:Pétroleuses|pétroleuses]] » (on les accusait d'avoir incendié des maisons bourgeoises, de pures calomnies). Plus de mille communardes passeront en conseil de guerre, et beaucoup de celles qui avaient pris les armes, comme [[Louise Michel]], seront envoyées au bagne.
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C'est pourquoi, si l'on ne peut pas considérer la Commune comme « [[Féminisme|féministe]] », elle était incontestablement en puissance le camp du progrès face aux Versaillais.
    
===Les étrangers et la Commune===
 
===Les étrangers et la Commune===
 
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[[Fichier:Leó Frankel.jpg|vignette|191x191px|[[Leó Frankel]], naturalisé et placé à la tête de la Commission du Travail par la Commune]]
 
Les étrangers furent des centaines à participer à la Commune et, fait unique dans l'histoire mondiale, plusieurs d'entre eux occupèrent des postes de direction&nbsp;: les meilleurs généraux étaient polonais ([[Jarosław_Dombrowski|Dombrowski]] et [[Walery_Wroblewski|Wroblewski]]) et le ministre du Travail fut un Juif hongrois, ouvrier bijoutier, [[Léo Frankel]]. Il avait été élu au conseil général de la Commune suivant les recommandations ci-après de la commission des élections&nbsp;:
 
Les étrangers furent des centaines à participer à la Commune et, fait unique dans l'histoire mondiale, plusieurs d'entre eux occupèrent des postes de direction&nbsp;: les meilleurs généraux étaient polonais ([[Jarosław_Dombrowski|Dombrowski]] et [[Walery_Wroblewski|Wroblewski]]) et le ministre du Travail fut un Juif hongrois, ouvrier bijoutier, [[Léo Frankel]]. Il avait été élu au conseil général de la Commune suivant les recommandations ci-après de la commission des élections&nbsp;:
 
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===Éducation gratuite, laïque et obligatoire===
 
===Éducation gratuite, laïque et obligatoire===
Environ un tiers des enfants (ceux des prolétaires) ne fréquentaient aucune [[Éducation|école]], un tiers étaient dans des écoles communales, et un tiers dans des écoles religieuses. La Commune met en place une éducation gratuite, laïque et obligatoire, avec intégration de l'[[instruction professionnelle]]. Tout cela 10 ans avant que le républicain bourgeois [[W:Jules Ferry|Jules Ferry]] (membre du gouvernement qui l'a écrasée) ne remettre en place un tel système.
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Environ un tiers des enfants (ceux des prolétaires) ne fréquentaient aucune [[Éducation|école]], un tiers étaient dans des écoles communales, et un tiers dans des écoles religieuses. La Commune met en place une éducation gratuite, laïque et obligatoire, avec intégration de l'[[instruction professionnelle]]. A la tête de la commission à l'enseignement, [[Édouard Vaillant|Edouard Vaillant]] déclara :
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« ''Il importe que la Révolution communale affirme son caractère essentiellement socialiste par une réforme de l’enseignement assurant à chacun la véritable base de l’égalité sociale, l’instruction intégrale à laquelle chacun a droit, en lui facilitant l’apprentissage et l’exercice de la profession vers laquelle le dirigent ses goûts et ses aptitudes.'' »
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Tout cela 10 ans avant que le républicain bourgeois [[W:Jules Ferry|Jules Ferry]] (membre du gouvernement qui l'a écrasée) ne remettre en place un tel système.
    
La Commune a ordonné la séparation de l’Église et de l’État, instituant par là la [[laïcité]], 34 ans avant que celle-ci ne soit acté au niveau de l'État bourgeois.
 
La Commune a ordonné la séparation de l’Église et de l’État, instituant par là la [[laïcité]], 34 ans avant que celle-ci ne soit acté au niveau de l'État bourgeois.
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==Les franc-maçons et la Commune==
 
==Les franc-maçons et la Commune==
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Dans le Paris de 1871, les ouvriers et les artisans sont particulièrement bien représentés dans les loges.<ref>http://www.commune1871.org/?Les-francs-macons-et-la-Commune</ref> C’est ce qui explique pourquoi l’on trouve de nombreux francs-maçons parmi les responsables de la Commune&nbsp;: environ un tiers. Beaucoup s'impliquent dans la Commune au nom des valeurs humanistes franc-maçonnes.
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Dans le Paris de 1871, les ouvriers et les artisans sont particulièrement bien représentés dans les loges de la [[franc-maçonnerie]].<ref>Les amies et amis de la Commune, ''[https://www.commune1871.org/?Les-francs-macons-et-la-Commune Les franc-maçons et la Commune]'', avril 2012</ref> C’est ce qui explique pourquoi l’on trouve de nombreux francs-maçons parmi les responsables de la Commune&nbsp;: environ un tiers. Beaucoup s'impliquent dans la Commune au nom des valeurs [[humanistes]] franc-maçonnes.
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Mais à d’une manière générale, les Conseils de l’ordre, organes dirigeants des obédiences, sont très réticents à l’égard de la Commune et donnent aux frères des consignes de neutralité, que la base ne suivra pas. Il y a d’ailleurs beaucoup de francs-maçons hostiles au mouvement communard et certains d’entre eux sont engagés dans les rangs versaillais.
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Mais à d’une manière générale, les Conseils de l’ordre, organes dirigeants des obédiences, sont très réticents à l’égard de la Commune et donnent aux frères des consignes de neutralité, que la base ne suivra pas. Il y a d’ailleurs beaucoup de franc-maçons hostiles au mouvement communard et certains d’entre eux sont engagés dans les rangs versaillais.
    
Ayant des Frères dans les deux camps, la franc-maçonnerie est particulièrement active pour jouer la réconciliation. A trois reprises (le 8 avril, le 22 avril et le 29 avril 1871) ils tenteront en vain de faire cesser les combats.
 
Ayant des Frères dans les deux camps, la franc-maçonnerie est particulièrement active pour jouer la réconciliation. A trois reprises (le 8 avril, le 22 avril et le 29 avril 1871) ils tenteront en vain de faire cesser les combats.
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*[[w:George Sand|George Sand]] à [[w:Gustave Flaubert|Gustave Flaubert]]&nbsp;: ''«&nbsp;Cette Commune est une crise de vomissements, les saturnales de la folie.&nbsp;»''
 
*[[w:George Sand|George Sand]] à [[w:Gustave Flaubert|Gustave Flaubert]]&nbsp;: ''«&nbsp;Cette Commune est une crise de vomissements, les saturnales de la folie.&nbsp;»''
 
*Les communards selon Alphonse Daudet&nbsp;: ''«&nbsp;Des têtes de pions, collets crasseux, cheveux luisants, les toqués, les éleveurs d'escargots, les sauveurs du peuple, les déclassés, les tristes, les traînards, les incapables&nbsp;; Pourquoi les ouvriers se sont-ils mêlés de politique&nbsp;?&nbsp;»''
 
*Les communards selon Alphonse Daudet&nbsp;: ''«&nbsp;Des têtes de pions, collets crasseux, cheveux luisants, les toqués, les éleveurs d'escargots, les sauveurs du peuple, les déclassés, les tristes, les traînards, les incapables&nbsp;; Pourquoi les ouvriers se sont-ils mêlés de politique&nbsp;?&nbsp;»''
*Les ''«&nbsp;[[Pétroleuses|pétroleuses]]&nbsp;»'' selon [[w:Dumas fils|Dumas fils]]&nbsp;: ''«&nbsp;Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes, à qui elles ressemblent quand elles sont mortes.&nbsp;»''
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*Les ''«&nbsp;[[w:Pétroleuses|pétroleuses]]&nbsp;»'' selon [[w:Dumas fils|Dumas fils]]&nbsp;: ''«&nbsp;Nous ne dirons rien de leurs femelles par respect pour les femmes, à qui elles ressemblent quand elles sont mortes.&nbsp;»''
 
*[[w:Émile Zola|Émile Zola]]&nbsp;: ''«&nbsp;Le bain de sang que le peuple de Paris vient de prendre était peut-être une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et splendeur&nbsp;»''
 
*[[w:Émile Zola|Émile Zola]]&nbsp;: ''«&nbsp;Le bain de sang que le peuple de Paris vient de prendre était peut-être une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et splendeur&nbsp;»''
 
*[[w:Émile Littré|Émile Littré]]&nbsp;: ''«&nbsp;J'abhorre la guerre que le prolétariat parisien vient de susciter. Il s'est rendu cruellement coupable à l'égard de la patrie, ivre qu'il était de doctrines farouches&nbsp;: le devoir étroit des gouvernements est de réprimer fermement le socialisme dans ses écarts anarchiques.&nbsp;»''
 
*[[w:Émile Littré|Émile Littré]]&nbsp;: ''«&nbsp;J'abhorre la guerre que le prolétariat parisien vient de susciter. Il s'est rendu cruellement coupable à l'égard de la patrie, ivre qu'il était de doctrines farouches&nbsp;: le devoir étroit des gouvernements est de réprimer fermement le socialisme dans ses écarts anarchiques.&nbsp;»''
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==Communards ou communeux ?==
 
==Communards ou communeux ?==
A l'époque, le terme de « communards » était celui-ci utilisé par les ennemis de la Commune (le suffixe -ard étant souvent dépréciatif : flemmard, soudard...). Celles et ceux qui animaient la Commune se dénommaient eux et elles-mêmes les « communeux » et « communeuses ».
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A l'époque, le terme de « communards » était celui-ci utilisé par les ennemis de la Commune (le suffixe -ard étant souvent dépréciatif : flemmard, soudard...). Celles et ceux qui animaient la Commune se dénommaient eux et elles-mêmes les « communeux » et « communeuses ». Les communeux ont vite repris le terme de Communards par fierté.
    
==Bibliographie==
 
==Bibliographie==

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