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===Général===
 
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En 1871, l'empereur [[Napoléon_III|Napoléon III]] règne depuis son [[Coup_d'Etat_de_Louis-Napoléon_Bonaparte|coup d'Etat du 2 décembre 1851]]. Il a combiné une politique de [[paternalisme]] envers les plus pauvres à une dure répression contre l'opposition. Il entreprenait souvent des guerres extérieures dont un rôle constant était de renforcer son gouvernement lorsqu'il était affaibli et contesté à l'intérieur.
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En 1871, l'empereur [[Napoléon_III|Napoléon III]] règne depuis son [[Coup_d'Etat_de_Louis-Napoléon_Bonaparte|coup d'État du 2 décembre 1851]]. Il a combiné une politique de [[paternalisme]] envers les plus pauvres à une dure répression contre l'opposition. Il entreprenait souvent des guerres extérieures dont un rôle constant était de renforcer son gouvernement lorsqu'il était affaibli et contesté à l'intérieur.
    
La grande [[Bourgeoisie_française|bourgeoisie française]], financière, commerçante et liée à l'ancienne [[Aristocratie|aristocratie]] encore puissante, est très conservatrice. Elle contestait peu sous l'Empire, et majoritairement, elle trouve son expression politique dans le [[Monarchisme|monarchisme]], afin avant tout de "ramener l'ordre". Une faible partie de la bourgeoisie est [[Républicanisme|républicaine]] modérée, mais c'est surtout parmi la [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoisie]] et le [[Prolétariat|prolétariat]] des grandes villes que l'on défend la [[République]]. Les petits artisans et boutiquiers sont dominés par les riches créanciers, et sont très solidaires des ouvriers. Dans ces milieux populaires, la revendication d'une [[République sociale|République ''sociale'']] est idéologiquement confuse, mais exprime le souhait d'une rupture avec le régime ploutocratique décevant issu de [[Révolution française|1789]]. C'est parmi cette plèbe qui préfigure le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] moderne que l'on trouve des révolutionnaires [[Socialistes|socialistes]].
 
La grande [[Bourgeoisie_française|bourgeoisie française]], financière, commerçante et liée à l'ancienne [[Aristocratie|aristocratie]] encore puissante, est très conservatrice. Elle contestait peu sous l'Empire, et majoritairement, elle trouve son expression politique dans le [[Monarchisme|monarchisme]], afin avant tout de "ramener l'ordre". Une faible partie de la bourgeoisie est [[Républicanisme|républicaine]] modérée, mais c'est surtout parmi la [[Petite-bourgeoisie|petite-bourgeoisie]] et le [[Prolétariat|prolétariat]] des grandes villes que l'on défend la [[République]]. Les petits artisans et boutiquiers sont dominés par les riches créanciers, et sont très solidaires des ouvriers. Dans ces milieux populaires, la revendication d'une [[République sociale|République ''sociale'']] est idéologiquement confuse, mais exprime le souhait d'une rupture avec le régime ploutocratique décevant issu de [[Révolution française|1789]]. C'est parmi cette plèbe qui préfigure le [[Mouvement_ouvrier|mouvement ouvrier]] moderne que l'on trouve des révolutionnaires [[Socialistes|socialistes]].
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===Possibilité et nécessité d'un nouvel État ouvrier===
 
===Possibilité et nécessité d'un nouvel État ouvrier===
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Marx affirmait depuis le [[Manifeste_du_Parti_communiste|''Manifeste'']] (1847) la nécessité de la prise du pouvoir par le prolétariat, mais n'avait pas de vision précise sur la forme de cette prise de pouvoir. Il s'inscrit d'abord plus ou moins explicitement dans l'idée qu'il s'agit d'une forme [[République|républicaine]] de gouvernement. Il parle de ''«&nbsp;[[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]]&nbsp;»'' à partir de 1850, et dès son pamphlet sur le coup d'Etat de Napoléon III (1851), Marx remarquait cependant que la machine bureaucratique de l'[[Etat_bourgeois|Etat bourgeois]] avait été reprise à l'Etat [[Absolutiste|absolutiste]] et perfectionnée, et qu'il s'agissait pour le prolétariat de la ''«&nbsp;briser&nbsp;»''<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum.htm ''Le 18 brumaire de L. Bonaparte''], 1851</ref>.
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Marx affirmait depuis le [[Manifeste_du_Parti_communiste|''Manifeste'']] (1847) la nécessité de la prise du pouvoir par le prolétariat, mais n'avait pas de vision précise sur la forme de cette prise de pouvoir. Il s'inscrit d'abord plus ou moins explicitement dans l'idée qu'il s'agit d'une forme [[République|républicaine]] de gouvernement. Il parle de ''«&nbsp;[[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]]&nbsp;»'' à partir de 1850, et dès son pamphlet sur le coup d'État de Napoléon III (1851), Marx remarquait cependant que la machine bureaucratique de l'[[Etat_bourgeois|État bourgeois]] avait été reprise à l'État [[Absolutiste|absolutiste]] et perfectionnée, et qu'il s'agissait pour le prolétariat de la ''«&nbsp;briser&nbsp;»''<ref>Karl Marx, [https://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum.htm ''Le 18 brumaire de L. Bonaparte''], 1851</ref>.
    
Écrivant à chaud sur la Commune, Marx dira qu'elle était ''«&nbsp;la forme politique enfin trouvée&nbsp;»<ref name="LGCF3">Karl Marx, ''[[:fr:La_guerre_civile_en_France|La guerre civile en France]]'', 1871</ref>'' de la dictature du prolétariat. Les mesures mises en place dans le Paris révolutionnaire (suppression de l'[[armée permanente]], [[révocabilité]] des [[élus]] et [[fonctionnaires]]...) font partie de ce que les marxistes considèrent comme la [[démocratie ouvrière]]. A noter que Marx trouvait positif que la Commune ait de fait mis en place un système sans [[séparation des pouvoirs]].
 
Écrivant à chaud sur la Commune, Marx dira qu'elle était ''«&nbsp;la forme politique enfin trouvée&nbsp;»<ref name="LGCF3">Karl Marx, ''[[:fr:La_guerre_civile_en_France|La guerre civile en France]]'', 1871</ref>'' de la dictature du prolétariat. Les mesures mises en place dans le Paris révolutionnaire (suppression de l'[[armée permanente]], [[révocabilité]] des [[élus]] et [[fonctionnaires]]...) font partie de ce que les marxistes considèrent comme la [[démocratie ouvrière]]. A noter que Marx trouvait positif que la Commune ait de fait mis en place un système sans [[séparation des pouvoirs]].
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Avec la Commune, Marx s'est vu renforcé dans son idée que l'[[État_bourgeois|État bourgeois]] ne se réforme pas mais doit être brisé et remplacé par d'autres institutions. La Commune avait commencé à le faire, mais très timidement et empiriquement, à mesure qu'elle prenait conscience de l'obstacle que constituaient les forces étatiques laissées en place. Cela laissa le temps à la réaction de se reconstituer à Versailles, et de préparer l'écrasement de ce pouvoir populaire naissant. Marx écrit donc que ''«&nbsp;la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'État et de le faire fonctionner pour son propre compte.&nbsp;»<ref name="LGCF3" />''
 
Avec la Commune, Marx s'est vu renforcé dans son idée que l'[[État_bourgeois|État bourgeois]] ne se réforme pas mais doit être brisé et remplacé par d'autres institutions. La Commune avait commencé à le faire, mais très timidement et empiriquement, à mesure qu'elle prenait conscience de l'obstacle que constituaient les forces étatiques laissées en place. Cela laissa le temps à la réaction de se reconstituer à Versailles, et de préparer l'écrasement de ce pouvoir populaire naissant. Marx écrit donc que ''«&nbsp;la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre tel quel l'appareil d'État et de le faire fonctionner pour son propre compte.&nbsp;»<ref name="LGCF3" />''
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Cet enseignement était fondamental pour Marx, qui écrira encore dans la préface de 1872 au [[Manifeste_communiste|''Manifeste'']]&nbsp;: ''«&nbsp;Il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. [...] La Commune, notamment, a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte.&nbsp;»<ref>K. Marx - F. Engels, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1872/06/kmfe18720624.htm Le manifeste du Parti communiste - Préface à l’édition allemande de 1872]''</ref>''
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Cet enseignement était fondamental pour Marx, qui écrira encore dans la préface de 1872 au [[Manifeste_communiste|''Manifeste'']]&nbsp;: ''«&nbsp;Il ne faut pas attribuer trop d'importance aux mesures révolutionnaires énumérées à la fin du chapitre II. Ce passage serait, à bien des égards, rédigé tout autrement aujourd'hui. [...] La Commune, notamment, a démontré que la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l'État et de la faire fonctionner pour son propre compte.&nbsp;»<ref>K. Marx - F. Engels, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1872/06/kmfe18720624.htm Le manifeste du Parti communiste - Préface à l’édition allemande de 1872]''</ref>''
    
===La révolution et les élections===
 
===La révolution et les élections===
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Si l'on s'en tient à l'aspect purement formel, avec les catégories bourgeoises, on ne peut rien comprendre au type de pouvoir issu de la Commune. Certes, c'est avec des élections que le peuple parisien donnait sa confiance au Conseil général, ou que les "fédérés" élisaient le Comité central de la Garde nationale. Les différences formelles existent, par exemple la révocabilité, la limitation du revenu des élus, ou simplement le fait qu'elles soient organisées directement par le peuple, mais ils n'expliquent pas le saut qualitatif qui permet de parler de changement d'[[État|État]].
 
Si l'on s'en tient à l'aspect purement formel, avec les catégories bourgeoises, on ne peut rien comprendre au type de pouvoir issu de la Commune. Certes, c'est avec des élections que le peuple parisien donnait sa confiance au Conseil général, ou que les "fédérés" élisaient le Comité central de la Garde nationale. Les différences formelles existent, par exemple la révocabilité, la limitation du revenu des élus, ou simplement le fait qu'elles soient organisées directement par le peuple, mais ils n'expliquent pas le saut qualitatif qui permet de parler de changement d'[[État|État]].
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Entre les élections du 8 février et celles du 26 mars, on passe de 9% d'élus révolutionnaires à 100%. Une telle transformation est le fruit d'une révolution sociale qui transforme les rapports sociaux et aiguise la [[Conscience_de_classe|conscience de classe]], et qui ne pourrait jamais découler d'un processus "normal" de campagne électorale dominée (matériellement, idéologiquement, médiatiquement...) par la bourgeoisie. De plus, en admettant une progression uniquement électorale des idées socialistes, l'Etat bourgeois a largement le temps et les moyens de s'adapter, de faire des concessions, ou de trouver des diversions ([[Xénophobie|xénophobes]], [[Nationalistes|nationalistes]]...) et de réprimer, de mener un [[Coup_d'État|coup d'État]]... C'est précisément parce que l'ancien État et la classe opposée deviennent clairement des ennemis que le prolétariat révolutionnaire prend en main le pouvoir, en excluant la bourgeoisie. Les élections qui surviennent pendant une [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]] ont alors pour fonction de diriger démocratiquement la "[[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]]", au lieu de légitimer la façade démocratique de l'État en temps "normal".
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Entre les élections du 8 février et celles du 26 mars, on passe de 9% d'élus révolutionnaires à 100%. Une telle transformation est le fruit d'une révolution sociale qui transforme les rapports sociaux et aiguise la [[Conscience_de_classe|conscience de classe]], et qui ne pourrait jamais découler d'un processus "normal" de campagne électorale dominée (matériellement, idéologiquement, médiatiquement...) par la bourgeoisie. De plus, en admettant une progression uniquement électorale des idées socialistes, l'État bourgeois a largement le temps et les moyens de s'adapter, de faire des concessions, ou de trouver des diversions ([[Xénophobie|xénophobes]], [[Nationalistes|nationalistes]]...) et de réprimer, de mener un [[Coup_d'État|coup d'État]]... C'est précisément parce que l'ancien État et la classe opposée deviennent clairement des ennemis que le prolétariat révolutionnaire prend en main le pouvoir, en excluant la bourgeoisie. Les élections qui surviennent pendant une [[Révolution_socialiste|révolution socialiste]] ont alors pour fonction de diriger démocratiquement la "[[Dictature_du_prolétariat|dictature du prolétariat]]", au lieu de légitimer la façade démocratique de l'État en temps "normal".
    
===Nécessité du ralliement des classes intermédiaires===
 
===Nécessité du ralliement des classes intermédiaires===
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===Les anarchistes, les marxistes et la Commune===
 
===Les anarchistes, les marxistes et la Commune===
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[[Karl Marx|Marx]] a rédigé immédiatement [[La_guerre_civile_en_France|''La guerre civile en France'']] au nom du Conseil général de l'[[Association_Internationale_des_Travailleurs|Internationale]], pour prendre la défense de la Commune. C'est dans ce texte sur la Commune que [[Lénine|Lénine]] se replongera en août 1917 pour réfléchir à la question du pouvoir, et écrire les [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']] et [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'Etat et la Révolution'']]. Contre [[Kamenev|Kamenev]], Lénine se base sur la Commune. Contre l'[[Insurrection_d'Octobre|insurrection]], [[Zinoviev|Zinoviev]] mit en avant l'isolement de la Commune et sa défaite. Lénine répondit&nbsp;:
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[[Karl Marx|Marx]] a rédigé immédiatement [[La_guerre_civile_en_France|''La guerre civile en France'']] au nom du Conseil général de l'[[Association_Internationale_des_Travailleurs|Internationale]], pour prendre la défense de la Commune. C'est dans ce texte sur la Commune que [[Lénine|Lénine]] se replongera en août 1917 pour réfléchir à la question du pouvoir, et écrire les [[Thèses_d'avril|''Thèses d'avril'']] et [[L'Etat_et_la_Révolution|''L'État et la Révolution'']]. Contre [[Kamenev|Kamenev]], Lénine se base sur la Commune. Contre l'[[Insurrection_d'Octobre|insurrection]], [[Zinoviev|Zinoviev]] mit en avant l'isolement de la Commune et sa défaite. Lénine répondit&nbsp;:
 
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''«&nbsp;L'allusion à la Commune est très superficielle et même bête. Car, en premier lieu, les bolcheviks ont tout de même appris quelque chose depuis 1871, ils n'auraient pas laissé une banque hors de leur mainmise, ils n'auraient pas renoncé à une offensive sur Versailles&nbsp;; et, si les conditions avaient été telles, la Commune même aurait pu vaincre. En outre, la Commune ne pouvait proposer au peuple du premier coup ce que pourront proposer les bolcheviks s'ils détiennent le pouvoir, précisément&nbsp;: la terre aux paysans, l'immédiate proposition de paix. &nbsp;»<ref name="LenCompromis" />''
 
''«&nbsp;L'allusion à la Commune est très superficielle et même bête. Car, en premier lieu, les bolcheviks ont tout de même appris quelque chose depuis 1871, ils n'auraient pas laissé une banque hors de leur mainmise, ils n'auraient pas renoncé à une offensive sur Versailles&nbsp;; et, si les conditions avaient été telles, la Commune même aurait pu vaincre. En outre, la Commune ne pouvait proposer au peuple du premier coup ce que pourront proposer les bolcheviks s'ils détiennent le pouvoir, précisément&nbsp;: la terre aux paysans, l'immédiate proposition de paix. &nbsp;»<ref name="LenCompromis" />''

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