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===Les conceptions antérieures de l'histoire===
 
===Les conceptions antérieures de l'histoire===
 
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[[Fichier:Marx and Engels.jpg|vignette|Ce sont [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]] qui ont forgé la notion de matérialisme historique]]
 
Jusqu'au 18<sup>e</sup> siècle, il existait quatre grandes conceptions de l'histoire&nbsp;: la [[Conception_théologique_de_l'histoire|conception théologique de l'histoire]], la [[Idéalisme_historique|conception idéaliste de l'histoire]], la [[Conception_téléologique_de_l'histoire|conception téléologique de l'histoire]] (Hegel) et la conception matérialiste de l'histoire. C'est cette dernière qui va être revisitée et approfondie par [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]].
 
Jusqu'au 18<sup>e</sup> siècle, il existait quatre grandes conceptions de l'histoire&nbsp;: la [[Conception_théologique_de_l'histoire|conception théologique de l'histoire]], la [[Idéalisme_historique|conception idéaliste de l'histoire]], la [[Conception_téléologique_de_l'histoire|conception téléologique de l'histoire]] (Hegel) et la conception matérialiste de l'histoire. C'est cette dernière qui va être revisitée et approfondie par [[Marx|Marx]] et [[Engels|Engels]].
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==Étude de l'infrastructure==
 
==Étude de l'infrastructure==
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Le premier travail nécessaire à la compréhension de l'histoire est l'étude approfondie de "l'[[Infrastructure|infrastructure]]", c'est-à-dire l'organisation économique concrète de la [[Société|société]], par opposition à la superstructure, c'est-à-dire l'ensemble des conventions politiques, juridiques et idéologiques.
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Le premier travail nécessaire à la compréhension de l'histoire est l'étude approfondie de ''l'[[infrastructure]]'', c'est-à-dire l'organisation économique concrète de la [[Société|société]], par opposition à la [[Superstructure|''superstructure'']], c'est-à-dire l'ensemble des conventions politiques, [[Droit|juridiques]] et [[Idéologie|idéologiques]].
    
===Travail et Forces productives===
 
===Travail et Forces productives===
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Premièrement, la caractéristique essentielle de l'Homme, ce qui le différencie avant toute chose des animaux, est qu'il est le seul à produire ses moyens de subsistance. Le fait historique fondamental de l'Homme, ce qui permet de comprendre son histoire, c'est sa production de moyens de subsistance&nbsp;: ''«&nbsp;la condition première de toute histoire humaine est naturellement l'existence d'êtres humains&nbsp;»''.
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Premièrement, la caractéristique essentielle de l'humain, ce qui le différencie avant toute chose des animaux, est qu'il est le seul à produire ses moyens de subsistance. La satisfaction des besoins humains élémentaires est une donnée préalable de toute existence humaine&nbsp;:
 
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Et ce premier fait historique inclut que la satisfaction des besoins humains élémentaires est une donnée préalable de toute existence humaine&nbsp;:
   
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''«&nbsp;''Les hommes doivent être à même de vivre pour pouvoir ''«&nbsp;faire l'histoire&nbsp;»''&nbsp;! Le premier fait historique est donc la production des moyens permettant de satisfaire ces besoins, la production de la vie matérielle elle-même, et c'est là un fait historique, une condition fondamentale de toute histoire que l'on doit, aujourd'hui encore comme il y a des milliers d'années, remplir jour après jour [...] simplement pour maintenir les hommes en vie.''&nbsp;»'' <ref name="ideoall">L'idéologie allemande, [[Karl Marx]] et [[Friedrich Engels]]</ref>
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''«&nbsp;''Les hommes doivent être à même de vivre pour pouvoir ''«&nbsp;faire l'histoire&nbsp;»''&nbsp;! Le premier fait historique est donc la production des moyens permettant de satisfaire ces besoins, la production de la vie matérielle elle-même, et c'est là un fait historique, une condition fondamentale de toute histoire que l'on doit, aujourd'hui encore comme il y a des milliers d'années, remplir jour après jour [...] simplement pour maintenir les hommes en vie.''&nbsp;»'' <ref name="ideoall">Friedrich Engels, Karl Marx, [[:fr:L'idéologie allemande, Volume 1|L'idéologie allemande]], août 1845</ref>
 
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Deuxièmement, le rapport premier et fondamental qui exprime cette nécessité de maintenir les hommes en vie est celui de l'homme avec la nature puisque l'homme tire de cette dernière ses moyens de subsistance. Et ce rapport fondamental entre l'homme et la nature s'effectue par le travail qui est l'activité qui lui permet de produire ces moyens. Ainsi, dans cette production, dans cette activité fondamentale qu'est le travail, trois éléments se dégagent&nbsp;:
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Deuxièmement, le rapport premier et fondamental qui exprime cette nécessité de maintenir les hommes en vie est celui de l'homme avec la nature puisque l'homme tire de cette dernière ses moyens de subsistance. Et ce rapport entre l'homme et la nature s'effectue par le travail qui est l'activité qui lui permet de produire ces moyens. Dans cette production, trois éléments se dégagent&nbsp;:
    
#la [[Force_de_travail|force de travail]], qui est constituée par l'énergie humaine dépensée dans le travail, par la force musculaire et intellectuelle de l'homme&nbsp;;
 
#la [[Force_de_travail|force de travail]], qui est constituée par l'énergie humaine dépensée dans le travail, par la force musculaire et intellectuelle de l'homme&nbsp;;
 
#l'instrument de travail, qui est constitué par les outils, les instruments et l'infrastructure nécessaires à l'homme pour produire ses moyens de subsistance&nbsp;;
 
#l'instrument de travail, qui est constitué par les outils, les instruments et l'infrastructure nécessaires à l'homme pour produire ses moyens de subsistance&nbsp;;
 
#l'objet du travail, qui est la nature elle-même (matière brute ou matière première qui a déjà subi une modification).
 
#l'objet du travail, qui est la nature elle-même (matière brute ou matière première qui a déjà subi une modification).
 
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L'instrument de travail et l'objet du travail forment les [[Moyens_de_production|moyens de production]].
 
L'instrument de travail et l'objet du travail forment les [[Moyens_de_production|moyens de production]].
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===Classes sociales===
 
===Classes sociales===
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L'origine des [[Classes_sociales|classes sociales]] démontre cette relation entre forces productives et rapports sociaux de production. L'apparition de classes sociales, c'est-à-dire de groupes d'hommes qui se distinguent au niveau des richesses, est historiquement déterminé. Lorsqu'il y a 8 000 ans d'ici, les hommes ont découvert l'agriculture et l'élevage, la production de leur moyen d'existence a été bouleversé. Lorsqu'ils commencèrent à développer des outils capables d'accroître le rendement agricole, pour la première fois, un surplus social (capacité de produire plus que ce qui est directement consommé) est apparu. Certains groupes d'hommes, par la religion, par la force ou la persuasion, se sont alors accaparé de manière permanente ce surproduit ainsi que les moyens de production. Le pouvoir économique étant ainsi acquis, ces groupes d'hommes s'approprièrent également (et par là même) un pouvoir politique, militaire et spirituel sur ceux qui furent dépossédés de tout moyens de production et qui, pour survivre, sont obligé de travailler pour le compte des propriétaires de ces moyens de production. Une [[Division_sociale_du_travail|division sociale du travail]] va donc apparaître et accentuer la différenciation entre les hommes.
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L'origine des [[Classes_sociales|classes sociales]] démontre cette relation entre forces productives et rapports sociaux de production. L'apparition de classes sociales, c'est-à-dire de groupes d'hommes qui se distinguent au niveau des richesses, est historiquement déterminée. Lorsqu'il y a 8 000 ans d'ici, les hommes ont découvert l'agriculture et l'élevage, la production de leur moyen d'existence a été bouleversé ([[révolution néolithique]]). Lorsqu'ils commencèrent à développer des outils capables d'accroître le rendement agricole, pour la première fois, un [[surplus social]] (capacité de produire plus que ce qui est directement consommé) est apparu. Certains groupes d'hommes, par la [[religion]], par la force ou la persuasion, se sont alors accaparé de manière permanente ce surproduit ainsi que les [[moyens de production]]. Le pouvoir économique étant ainsi acquis, ces groupes d'hommes s'approprièrent également (et par là même) un pouvoir politique, militaire et spirituel sur ceux qui furent dépossédés de tout moyens de production et qui, pour survivre, sont obligé de travailler pour le compte des propriétaires de ces moyens de production. Une [[Division_sociale_du_travail|division sociale du travail]] va donc apparaître et accentuer la différenciation entre les hommes.
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[[Fichier:Pieter Bruegel the Elder- The Harvesters - Google Art Project.jpg|vignette|297x297px|Dans les [[Sociétés précapitalistes|sociétés de classe précapitalistes]], l'essentiel de la richesse provenait de l'exploitation de [[Paysannerie|travailleur·ses agricoles]].]]
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Avec les classes, c'est l'[[exploitation]] systémique de l'homme par l'homme qui va apparaître. Les relations qu'entretiennent les hommes entre eux pour produire deviennent, à partir de ce moment-là, non plus des relations entre individus, mais des relations entre classes sociales. Un changement au niveau des [[forces productives]] (élévation de la production matérielle) a surdéterminé un changement dans la façon dont le travail humain est organisé (les [[rapports sociaux]]).  
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Avec les classes sociales, c'est l'[[Exploitation|exploitation]] systémique de l'homme par l'homme qui va apparaître. Les relations qu'entretiennent les hommes entre eux pour produire deviennent, à partir de ce moment-là, non plus des relations entre individus, mais des relations entre classes sociales. Ainsi, la base sur laquelle les classes sociales ont pu apparaître est donc celle d'une évolution de la production matérielle des moyens de subsistance, autrement dit d'un changement au niveau des forces productives. Ce changement a déterminé la façon dont les hommes se sont organisés (leurs rapports sociaux) pour exploiter leurs moyens de subsistance. Les classes sociales sont donc fondamentalement déterminées par la place qu'elles occupent dans le système de production sociale ''«&nbsp;par leur rapport aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail, et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont elles disposent. Les classes sont donc des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, par suite de la différence de la place qu'ils tiennent dans un régime déterminé de l'économie sociale&nbsp;»''. <ref name="lenine">[[Lénine]], [http://www.marxists.org/francais/lenin/works/1919/06/vil19190628.htm La grande initiative]</ref>
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Les classes sociales sont fondamentalement déterminées ''«&nbsp;par leur rapport aux moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail, et donc par les moyens d'obtention et la grandeur de la part des richesses sociales dont elles disposent. Les classes sont donc des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, par suite de la différence de la place qu'ils tiennent dans un régime déterminé de l'économie sociale&nbsp;»''. <ref>Lénine, [[:fr:La grande initiative, l'héroïsme des ouvriers de l'arrière|La grande initiative, l'héroïsme des ouvriers de l'arrière]], 28 juin 1919</ref>
    
==Évolution et liens avec la superstructure==
 
==Évolution et liens avec la superstructure==
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===Dialectique===
 
===Dialectique===
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Si les éléments de l'infrastructure constituent la base de toute compréhension des phénomènes historiques, car ils déterminent «&nbsp;en dernière instance&nbsp;» les autres éléments, la superstructure à son tour peut influer sur l'infrastructure. Autrement dit, si la superstructure est, au départ, le reflet de l'infrastructure, si elle est déterminée par celle-ci, elle a aussi une vie active propre, une certaine autonomie. Elle devient une force active qui peut, à son tour, exercer une influence sur l'infrastructure économique de la société. On peut même observer que la superstructure a généralement une capacité de résistance plus grande que l'infrastructure (Les mentalités, les consciences et les coutumes persistent encore pendant de longues années après la destruction d'un mode de production). Un trait fondamental de toute société est donc que tout est mouvement, toutes les formes de relations sociales, à tous les niveaux, sont caractérisées par ce mouvement constitué de toutes les interactions entre les différents éléments constitutifs de la société. Et c'est de ce mouvement que naît le changement.
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Si les éléments de l'infrastructure constituent la base de toute compréhension des phénomènes historiques, car ils déterminent «&nbsp;en dernière instance&nbsp;» les autres éléments, la superstructure à son tour peut influer sur l'infrastructure. Autrement dit, si la superstructure est, au départ, le reflet de l'infrastructure, si elle est déterminée par celle-ci, elle a aussi une vie active propre, une certaine autonomie. Elle devient une force active qui peut, à son tour, exercer une influence sur l'infrastructure économique de la société. On peut même observer que la superstructure a généralement une capacité de résistance plus grande que l'infrastructure (Les mentalités, les consciences et les coutumes persistent encore pendant de longues années après la destruction d'un [[mode de production]]). Un trait fondamental de toute société est donc que tout est mouvement, toutes les formes de relations sociales, à tous les niveaux, sont caractérisées par ce mouvement constitué de toutes les interactions entre les différents éléments constitutifs de la société. Et c'est de ce mouvement que naît le changement.
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Pour exemple&nbsp;: la société antique a donné naissance au [[Féodalisme|féodalisme]] qui, lui-même, a donné naissance au [[Capitalisme|capitalisme]]. L'analyse doit donc rendre compte de ce mouvement, passé, présent et futur, comprendre que tout est en devenir. Les interactions sont des conditionnements réciproques: il n'y a pas simplement action de A sur B, mais il y a en retour réaction de B sur A. Cette façon de considérer les choses et les phénomènes dans leur mouvements et leurs transformations, dans leur enchaînement et leur action réciproque est ce que l'on appelle la méthode [[Dialectique|dialectique]].
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Pour exemple en Europe, la société antique a donné naissance au [[Féodalisme|féodalisme]] qui, lui-même, a donné naissance au [[Capitalisme|capitalisme]]. L'analyse doit donc rendre compte de ce mouvement, passé, présent et futur, comprendre que tout est en devenir. Les interactions sont des conditionnements réciproques: il n'y a pas simplement action de A sur B, mais il y a en retour réaction de B sur A. Cette façon de considérer les choses et les phénomènes dans leur mouvements et leurs transformations, dans leur enchaînement et leur action réciproque est ce que l'on appelle la méthode [[Dialectique|dialectique]].
    
===Les contradictions===
 
===Les contradictions===
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Puisque les rapports sociaux ''«&nbsp;sont transmis à chaque génération par sa devancière sous la forme d'une masse de forces productives, de capitaux et de conditions, (qui) sont modifiés par la nouvelle génération (qui prescrit à ces rapports sociaux) ses propres conditions d'existence &nbsp;»'', on peut dialectiquement conclure que ''«&nbsp;les circonstances font les hommes tout autant que les hommes font les circonstances&nbsp;»''.<ref name="ideoall" />
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Puisque les rapports sociaux ''«&nbsp;sont transmis à chaque génération par sa devancière sous la forme d'une masse de forces productives, de capitaux et de conditions, (qui) sont modifiés par la nouvelle génération (qui prescrit à ces rapports sociaux) ses propres conditions d'existence &nbsp;»'', on peut conclure que ''«&nbsp;les circonstances font les hommes tout autant que les hommes font les circonstances&nbsp;»''.<ref name="ideoall" />
    
Il n'y a donc pas de [[Fatalisme|fatalité]] historique&nbsp;! Toute réalité est faite de [[Contradictions|contradictions]], sans ces dernières, il ne peut y avoir de progrès possible. Ce sont les contradictions qui expliquent le mouvement, les enchaînements entre les différents [[Modes_de_production|modes de production]] car à chaque mode de production déterminé correspondent des types de contradictions déterminées. Mais il existe une contradiction fondamentale expliquant l'évolution des modes de production. Elle réside dans le fait qu'à un moment déterminé de leur évolution historique, les [[Forces_productives|forces productives]] entrent en contradiction avec les [[Rapports_sociaux_de_production|rapports sociaux de production]]. Car les premières ont tendance à se développer, tandis que les rapports de production ont tendance à être figés par la [[Classe_dominante|classe dominante]] qui en profite. Lorsque la contradiction devient trop criante entre forces productives et rapports de production, le [[Mode_de_production|mode de production]] est menacé, et les conditions objectives d'une [[Révolution_sociale|révolution sociale]] sont en place. Les contradictions dans la [[Idéologie|sphère idéologique]] accompagnent généralement de près cette évolution matérielle.
 
Il n'y a donc pas de [[Fatalisme|fatalité]] historique&nbsp;! Toute réalité est faite de [[Contradictions|contradictions]], sans ces dernières, il ne peut y avoir de progrès possible. Ce sont les contradictions qui expliquent le mouvement, les enchaînements entre les différents [[Modes_de_production|modes de production]] car à chaque mode de production déterminé correspondent des types de contradictions déterminées. Mais il existe une contradiction fondamentale expliquant l'évolution des modes de production. Elle réside dans le fait qu'à un moment déterminé de leur évolution historique, les [[Forces_productives|forces productives]] entrent en contradiction avec les [[Rapports_sociaux_de_production|rapports sociaux de production]]. Car les premières ont tendance à se développer, tandis que les rapports de production ont tendance à être figés par la [[Classe_dominante|classe dominante]] qui en profite. Lorsque la contradiction devient trop criante entre forces productives et rapports de production, le [[Mode_de_production|mode de production]] est menacé, et les conditions objectives d'une [[Révolution_sociale|révolution sociale]] sont en place. Les contradictions dans la [[Idéologie|sphère idéologique]] accompagnent généralement de près cette évolution matérielle.
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===Lutte des classes===
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Le ''[[Manifeste du parti communiste|Manifeste communiste]]'', écrit fin 1847, est un des textes de [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]] les plus célèbres, dans lequel ils popularisaient à des fins directement militantes leur vision. Ils mettent au centre la [[lutte des classes]] :
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''«&nbsp;L'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de luttes de classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte.&nbsp;»''
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</blockquote>
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La lutte des classes est bien sûr la [[contradiction]] fondamentale dans toute [[société de classe]], et ce passage reste pertinent. Mais il ne peut résumer à lui seul le matérialisme historique, que Marx et Engels ont affiné par la suite, et qui a vocation à sans cesse être actualisé à la lumière des différentes connaissances. Engels a par exemple ajouté par la suite une précision dans les rééditions du ''[[Manifeste du parti communiste|Manifeste]]'', à propos des premières sociétés humaines, sans classes sociales. Il est par ailleurs important de noter que la lutte des classes ne peut pas être comprise comme une lutte se menant arbitrairement au grès du [[volontarisme]] politique de tel ou tel parti. Elle est en interaction réciproque avec les évolutions socio-économiques des [[forces productives]] et des [[rapports sociaux]].
    
===Évolution et Révolution===
 
===Évolution et Révolution===
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[[Fichier:Anonymous - Prise de la Bastille.jpg|vignette|La [[révolution française de 1789]] est souvent présentée comme archétype de la ''[[révolution bourgeoise]]'', mais la question de la transition du [[féodalisme]] au [[capitalisme]] est  complexe.]]
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Mais il faut distinguer ici les changements quantitatifs des changements qualitatifs. Par exemple, l'eau chauffée à 99°C subit des transformations considérables, mais elle reste de l'eau. C'est un changement quantitatif. Par contre, à 100°C, l'eau se transforme en vapeur et ce changement d'état est un changement qualitatif. Par analogie, lorsque les forces productives connaissent un développement important, on peut parler de changement quantitatif. Mais, lorsque ces changements atteignent un degré tel qu'ils renversent les rapports de production établis, on doit parler de saut qualitatif. Ce changement n'est pas toujours graduel, ni pacifique car dans les sociétés humaines, il s'opère via des [[révolutions]], des [[guerres]] ou des bouleversements sociaux importants.
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Mais il faut distinguer ici les changements quantitatifs des changements qualitatifs. Par exemple, l'eau chauffée à 99°C subit des transformations considérables, mais elle reste de l'eau. C'est un changement quantitatif. Par contre, à 100°C, l'eau se transforme en vapeur et ce changement d'état est un changement qualitatif. En ce qui nous concerne, lorsque les forces productives connaissent un développement important, on peut parler de changement quantitatif. Mais, lorsque ces changements atteignent un degré tel qu'ils renversent les rapports de production établis, on doit parler de saut qualitatif. Ce changement n'est pas toujours graduel, ni pacifique car dans les sociétés humaines, il s'opère via des [[Révolutions|révolutions]], des [[Guerres|guerres]] ou des bouleversements sociaux importants.
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Une [[révolution sociale]], par exemple le passage du [[mode de production féodal]] au [[mode de production capitaliste]], est  un changement qualitatif.
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La révolution sociale, telle que nous la comprenons, est donc un changement qualitatif. Par exemple, on peut citer le passage du mode de production féodal au mode de production capitaliste.
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La révolution française en est l'exemple classique&nbsp;: au sein de la société féodale, les forces de production se développaient sans cesse, prenant un caractère capitaliste (développement de la [[manufacture]], des [[Machinisme|machines]], etc.). Mais ces [[forces de production]], de plus en plus capitalistes, entraient en contradiction avec les [[rapports sociaux de production]] féodaux car ces derniers, inadaptés, restreignaient les nouvelles capacités de développement. La [[classe bourgeoise]], bénéficiant de cette évolution, devait donc rompre et abolir les rapports sociaux féodaux ([[servage]], etc.) pour pouvoir pleinement développer sa richesse. Il fallait donc renverser le pouvoir politique de l'aristocratie pour que le pouvoir économique de la bourgeoisie se développe pleinement&nbsp;: c'est, avec l'appui des masses populaires, que s'est déclenché la [[Révolution_française|révolution de 1789]] et tous les bouleversements qui s'en sont suivis.
 
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La révolution française en est l'exemple classique&nbsp;: au sein de la société féodale, les forces de production se développaient sans cesse, prenant un caractère capitaliste (développement de la manufacture, des machines, etc.). Mais ces forces de production, de plus en plus capitalistes, entraient en contradiction avec les rapports sociaux de production féodaux car ces derniers, inadaptés, restreignaient les nouvelles capacités de développement. La [[Classe_bourgeoise|classe bourgeoise]], bénéficiant de cette évolution, devait donc rompre et abolir les rapports sociaux féodaux (servage, etc.) pour pouvoir pleinement développer sa richesse. Il fallait donc renverser le pouvoir politique de l'aristocratie pour que le pouvoir économique de la bourgeoisie se développe pleinement&nbsp;: c'est, avec l'appui des masses populaires, que s'est déclenché la [[Révolution_française|révolution de 1789]] et tous les bouleversements qui s'en sont suivis.
      
La société capitaliste n'est pas moins instable que celles qui l'ont précédé, mais certainement davantage. Les [[Contradictions_du_capitalisme|contradictions du capitalisme]] sont la base objective de la nécessité du [[Communisme|communisme]].
 
La société capitaliste n'est pas moins instable que celles qui l'ont précédé, mais certainement davantage. Les [[Contradictions_du_capitalisme|contradictions du capitalisme]] sont la base objective de la nécessité du [[Communisme|communisme]].
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===Impact des individus sur les événements===
 
===Impact des individus sur les événements===
 
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[[Fichier:Lenin perfil.jpg|vignette|213x213px|Selon [[Léon Trotski|Trotski]], grand défenseur du matérialisme historique, la [[révolution d'Octobre]] n'aurait sans doute pas eu lieu sans [[Lénine]].]]
 
Certains marxistes minimisent fortement l'importance de tel ou tel individu, allant jusqu'à affirmer que les événements forgent les hommes, y compris les leaders.
 
Certains marxistes minimisent fortement l'importance de tel ou tel individu, allant jusqu'à affirmer que les événements forgent les hommes, y compris les leaders.
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===Importance de la géographie===
 
===Importance de la géographie===
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Toute analyse d'une formation sociale concrète (et toute analyse des [[Pays_impérialistes_et_pays_dominés|rapports impérialistes mondiaux]]) doit prendre en compte des éléments de géographie.
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Toute analyse d'une formation sociale concrète (et toute analyse des [[Pays_impérialistes_et_pays_dominés|rapports impérialistes mondiaux]]) doit prendre en compte des éléments de [[géographie]].
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Beaucoup d'historiens ont pris en compte la géographie, mais ils se sont souvent centrés sur l'influence du milieu naturel sur la physiologie ou la psychologie humaine, celle-ci expliquant à son tour l'histoire. C'est par exemple ce que fait Montesquieu dans certains passages de l'Esprit des lois. Or la tentative d'expliquer l'histoire par la psychologie conduit souvent à l'[[Idéalisme_historique|idéalisme]].
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Beaucoup d'historiens ont pris en compte la géographie, mais ils se sont souvent centrés sur l'influence du milieu naturel sur la physiologie ou la psychologie humaine, celle-ci expliquant à son tour l'histoire. C'est par exemple ce que fait [[w:Montesquieu|Montesquieu]] dans certains passages de l'Esprit des lois. Or la tentative d'expliquer l'histoire par la [[psychologie]] conduit souvent à l'[[Idéalisme_historique|idéalisme]].
    
A l'inverse, [[Hegel|Hegel]], qui attribuait une grande importance au ''«&nbsp;fondement géographique de l'histoire universelle&nbsp;»'', se centrait sur l'influence de la géographie sur les rapports sociaux, ce qui permet d'en tirer des considérations matérialistes malgré le fondement idéaliste de [[Conception_téléologique_de_l'histoire|sa théorie]]. Hegel distingue trois grands milieux géographiques avec les effets suivants&nbsp;:
 
A l'inverse, [[Hegel|Hegel]], qui attribuait une grande importance au ''«&nbsp;fondement géographique de l'histoire universelle&nbsp;»'', se centrait sur l'influence de la géographie sur les rapports sociaux, ce qui permet d'en tirer des considérations matérialistes malgré le fondement idéaliste de [[Conception_téléologique_de_l'histoire|sa théorie]]. Hegel distingue trois grands milieux géographiques avec les effets suivants&nbsp;:
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#Les vallées basses coupées de grands fleuves. L'agriculture y domine. Ces terres ont donné naissance à de grands Etats avec la propriété foncière et les rapports juridiques qui s'y rattachent (Chine, Inde, Babylone, Egypte...), car les besoins de l'agriculture (adaptation aux saisons, irrigation...) exigent une grande organisation sociale.
 
#Les vallées basses coupées de grands fleuves. L'agriculture y domine. Ces terres ont donné naissance à de grands Etats avec la propriété foncière et les rapports juridiques qui s'y rattachent (Chine, Inde, Babylone, Egypte...), car les besoins de l'agriculture (adaptation aux saisons, irrigation...) exigent une grande organisation sociale.
 
#Les terres du littoral au contact immédiat avec la mer. Le&nbsp;commerce et l'artisanat y dominent. Le commerce maritime donne une ouverture qui est facteur de transformations sociales, contrairement à l'immobilisme relatif des autres sociétés.
 
#Les terres du littoral au contact immédiat avec la mer. Le&nbsp;commerce et l'artisanat y dominent. Le commerce maritime donne une ouverture qui est facteur de transformations sociales, contrairement à l'immobilisme relatif des autres sociétés.
 
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[[Fichier:Géologie élections Alabama 2020.png|vignette|La géologie peut être un facteur de variations locales de votes à des élections 100 millions d'années plus tard.]]
Le livre de Lev Metchnikov, ''La Civilisation et les grands fleuves historiques'' (1889) livrait des considérations globalement matérialistes sur la géographie, proches de celles de Hegel. Henry Thomas Buckle (1821-1862) essaya aussi d'expliquer l’histoire par le climat, les sols, la nourriture et d’autres facteurs environnementaux modelant un peuple et un pays.
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Le livre de [[w:Léon Metchnikoff|Lev Metchnikov]], ''La Civilisation et les grands fleuves historiques'' (1889) livrait des considérations globalement matérialistes sur la géographie, proches de celles de Hegel. [[w:Henry Thomas Buckle|Henry Thomas Buckle]] (1821-1862) essaya aussi d'expliquer l’histoire par le climat, les sols, la nourriture et d’autres facteurs environnementaux modelant un peuple et un pays.
    
[[Karl Marx|Marx]] s'est concentré sur l'aspect social et économique (primordial pour expliquer le capitalisme), mais reconnaissait tout à fait l'importance des facteurs géographiques dans l'histoire humaine. Dans l'''[[L'Idéologie allemande|Idéologie allemande]]'' il écrit  ainsi :
 
[[Karl Marx|Marx]] s'est concentré sur l'aspect social et économique (primordial pour expliquer le capitalisme), mais reconnaissait tout à fait l'importance des facteurs géographiques dans l'histoire humaine. Dans l'''[[L'Idéologie allemande|Idéologie allemande]]'' il écrit  ainsi :
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« Abstraction faite du mode social de la production, la productivité du travail dépend des conditions naturelles au milieu desquelles il s'accomplit. (...) Les conditions naturelles externes se décomposent au point de vue économique en deux grandes classes : richesse naturelle en moyens de subsistance, c'est‑à‑dire fertilité du soi, eaux poissonneuses, etc., et richesse naturelle en moyens de travail, tels que chutes d'eau vive, rivières navigables, bois, métaux, charbon, et ainsi de suite. Aux origines de la civilisation c'est la première classe de richesses naturelles qui l'emporte; plus tard, dans une société plus avancée, c'est la seconde. Qu'on compare, par exemple, l'Angleterre avec l'Inde, ou, dans le monde antique, Athènes et Corinthe avec les contrées situées sur la mer Noire. »<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-16.htm Le Capital, Livre I - Chapitre XVI : Plus-value absolue et plus-value relative]'', 1867</ref>
 
« Abstraction faite du mode social de la production, la productivité du travail dépend des conditions naturelles au milieu desquelles il s'accomplit. (...) Les conditions naturelles externes se décomposent au point de vue économique en deux grandes classes : richesse naturelle en moyens de subsistance, c'est‑à‑dire fertilité du soi, eaux poissonneuses, etc., et richesse naturelle en moyens de travail, tels que chutes d'eau vive, rivières navigables, bois, métaux, charbon, et ainsi de suite. Aux origines de la civilisation c'est la première classe de richesses naturelles qui l'emporte; plus tard, dans une société plus avancée, c'est la seconde. Qu'on compare, par exemple, l'Angleterre avec l'Inde, ou, dans le monde antique, Athènes et Corinthe avec les contrées situées sur la mer Noire. »<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-16.htm Le Capital, Livre I - Chapitre XVI : Plus-value absolue et plus-value relative]'', 1867</ref>
 
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Marx souligne que paradoxalement, une relative abondance naturelle ne favorise pas l’émergence de révolutions techniques et économiques :
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Marx souligne que paradoxalement, une relative abondance naturelle ne favorise pas l’émergence de révolutions [[techniques]] et économiques :
 
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« il ne s'ensuit pas le moins du monde que le sol le plus fertile soit aussi le plus propre et le plus favorable au développement de la production capitaliste, qui suppose la domination de l'homme sur la nature. Une nature trop prodigue « retient l'homme par la main comme un enfant en lisière »; elle l'empêche de se développer en ne faisant pas de son développement une nécessité de nature. La patrie du capital ne se trouve pas sous le climat des tropiques, au milieu d'une végétation luxuriante, mais dans la zone tempérée. Ce n'est pas la fertilité absolue du sol, mais plutôt la diversité de ses qualités chimiques, de sa composition géologique, de sa configuration physique, et la variété de ses produits naturels, qui forment la base naturelle de la division sociale du travail et qui excitent l'homme, en raison des conditions multiformes au milieu desquelles il se trouve placé, à multiplier ses besoins, ses facultés, ses moyens et modes de travail. »
 
« il ne s'ensuit pas le moins du monde que le sol le plus fertile soit aussi le plus propre et le plus favorable au développement de la production capitaliste, qui suppose la domination de l'homme sur la nature. Une nature trop prodigue « retient l'homme par la main comme un enfant en lisière »; elle l'empêche de se développer en ne faisant pas de son développement une nécessité de nature. La patrie du capital ne se trouve pas sous le climat des tropiques, au milieu d'une végétation luxuriante, mais dans la zone tempérée. Ce n'est pas la fertilité absolue du sol, mais plutôt la diversité de ses qualités chimiques, de sa composition géologique, de sa configuration physique, et la variété de ses produits naturels, qui forment la base naturelle de la division sociale du travail et qui excitent l'homme, en raison des conditions multiformes au milieu desquelles il se trouve placé, à multiplier ses besoins, ses facultés, ses moyens et modes de travail. »
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===Interactions entre différents peuples===
 
===Interactions entre différents peuples===
 
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[[Fichier:Hunnen.jpg|vignette|L'invasion des [[w:Huns|Huns]] est un des facteurs qui a pesé dans la « chute » de l'[[Empire romain]] d'Occident, en combinaison avec des facteurs proprement internes.]]
 
Les considérations socio-économiques au sein d'une société formée par un peuple donné ne peuvent suffire à une analyse concrète, surtout lorsque les interactions avec d'autres peuples sont fortes. Ces interactions entre peuples, à la fois&nbsp;:
 
Les considérations socio-économiques au sein d'une société formée par un peuple donné ne peuvent suffire à une analyse concrète, surtout lorsque les interactions avec d'autres peuples sont fortes. Ces interactions entre peuples, à la fois&nbsp;:
    
*sont fortement déterminées par les considérations socio-économiques (un peuple ayant développé une aristocratie guerrière par l'exploitation de ses propres travailleurs pourra plus facilement être victorieux de peuples vivant dans le [[Communisme_premier|communisme premier]])&nbsp;;
 
*sont fortement déterminées par les considérations socio-économiques (un peuple ayant développé une aristocratie guerrière par l'exploitation de ses propres travailleurs pourra plus facilement être victorieux de peuples vivant dans le [[Communisme_premier|communisme premier]])&nbsp;;
*déterminent les considérations socio-économiques (des invasions comme les ''«&nbsp;[[Invasions_barbares|invasions barbares]]&nbsp;»'' de la fin du [[Moyen-Âge|Moyen-Âge]] ont été un facteur important de transition vers le [[Féodalisme|féodalisme]], même si l'affaiblissement intrinsèque à l'[[Empire_romain|Empire romain]] a été primordial).
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*déterminent les considérations socio-économiques (des invasions comme les ''«&nbsp;[[w:Invasions barbares|invasions barbares]]&nbsp;»'' de la fin du [[Moyen-Âge|Moyen-Âge]] ont été un facteur important de transition vers le [[Féodalisme|féodalisme]], même si l'affaiblissement intrinsèque à l'[[Empire_romain|Empire romain]] a été primordial).
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Cela fait longtemps que des auteurs ont remarqué ce genre de rapports entre évolution interne à un peuple et [[Impérialisme|impérialisme]] entre peuples. Par exemple, le philosophe arabe [[Ibn_Khaldoun|Ibn Khaldoun]] (1332-1406) nommait [[Asabiyya|asabiyya]]<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Asabiyya</ref> la cohésion sociale (au sens de liens plus ou moins "claniques" existant au sein d'un peuple, et decrivait comment l'asabiyya déclinait particulièrement dans les villes des grands empires, et menait à leur chute face à des peuples nomades des périphéries à la forte asabiyya, puis comment les conquérants avaient tendance à adopter le mode de vie du peuple conquis et subir le même processus.
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Cela fait longtemps que des auteurs ont remarqué ce genre de rapports entre évolution interne à un peuple et [[Impérialisme|impérialisme]] entre peuples. Par exemple, le philosophe arabe [[w:Ibn Khaldoun|Ibn Khaldoun]] (1332-1406) nommait [[w:Asabiyya|asabiyya]]<ref>https://fr.wikipedia.org/wiki/Asabiyya</ref> la cohésion sociale (au sens de liens plus ou moins "claniques" existant au sein d'un peuple, et décrivait comment l'asabiyya déclinait particulièrement dans les villes des grands empires, et menait à leur chute face à des peuples nomades des périphéries à la forte asabiyya, puis comment les conquérants avaient tendance à adopter le mode de vie du peuple conquis et subir le même processus.
    
Au sujet du rapport entre différentes nations, [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] écrivait :
 
Au sujet du rapport entre différentes nations, [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] écrivait :
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Cependant ils estiment qu'il y a objectivement une cohérence entre ces deux éléments.
 
Cependant ils estiment qu'il y a objectivement une cohérence entre ces deux éléments.
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A l'inverse, certains penseurs ont critiqué la conception marxiste de l'histoire tout en défendant un [[Matérialisme|matérialisme]] philosophique. Par exemple [[Bertrand_Russel|Bertrand Russel]] (qui assimilait le marxisme à un [[Réductionnisme|réductionnisme]] économique)&nbsp;:
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A l'inverse, certains penseurs ont critiqué la conception marxiste de l'histoire tout en défendant un [[Matérialisme|matérialisme]] philosophique. Par exemple [[w:Bertrand Russel|Bertrand Russel]] (qui assimilait le marxisme à un [[Réductionnisme|réductionnisme]] économique)&nbsp;:
 
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''«&nbsp;Le matérialisme philosophique ne prouve pas que les causes économiques soient fondamentales en politique. L’opinion de Buckle, par exemple, selon laquelle le climat est un des facteurs décisifs, est également compatible avec le matérialisme. Il en est de même de l’opinion de Freud, qui attribue tout à la sexualité. Il y a d’innombrables façons d’envisager l’histoire, qui sont matérialistes au sens philosophique du mot sans être économiques ou se rapporter à la formule de Marx.&nbsp;»'' <span>​</span>''<ref name="Russel1920">Bertrand Russell, [https://bibdig.biblioteca.unesp.br/bitstream/handle/10/6534/la-pratique-et-la-theorie-du-bolchevisme.pdf ''Pratique et théorie du bolchevisme''], 1920</ref>''<span>​</span>
 
''«&nbsp;Le matérialisme philosophique ne prouve pas que les causes économiques soient fondamentales en politique. L’opinion de Buckle, par exemple, selon laquelle le climat est un des facteurs décisifs, est également compatible avec le matérialisme. Il en est de même de l’opinion de Freud, qui attribue tout à la sexualité. Il y a d’innombrables façons d’envisager l’histoire, qui sont matérialistes au sens philosophique du mot sans être économiques ou se rapporter à la formule de Marx.&nbsp;»'' <span>​</span>''<ref name="Russel1920">Bertrand Russell, [https://bibdig.biblioteca.unesp.br/bitstream/handle/10/6534/la-pratique-et-la-theorie-du-bolchevisme.pdf ''Pratique et théorie du bolchevisme''], 1920</ref>''<span>​</span>
 
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Comme les objets de la sociologie et de l'histoire sont des abstractions, des débats ont également émergé sur ce qu'il y a de « matériel » dans le matérialisme historique. Répondant à certaines objections, Boukharine écrit :
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Comme les objets de la [[sociologie]] et de l'histoire sont des abstractions, des débats ont également émergé sur ce qu'il y a de « matériel » dans le matérialisme historique. Répondant à certaines objections, [[Nikolaï Boukharine|Boukharine]] écrit :
 
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« Max Adler, qui concilie Marx avec Kant, voit dans la société un ensemble d'actions mutuelles psychiques : tout est psychique chez lui (on voit la même chose chez A. A. Bogdanov : ''Contribution à la psychologie de la société''). Voici un spécimen de raisonnement de ce genre : « Mais le rapport n'est nullement une chose matérielle dans le sens philosophique du matérialisme qui met sur le même rang la matière et la substance inanimée. En général il est difficile de mettre « la structure économique », « base matérielle » du matérialisme historique, en rapport quelconque avec la « matière » du matéria­lisme philosophique, quel que soit le sens que nous lui donnons... Et ceci concerne non seulement ce qui exerce l'action, mais aussi ce qui est créé par cette action. Les moyens de production... sont plutôt des produits de l'esprit humain... » (Max Zetterbaum : ''Contribution à la conception matérialiste de l'histoire,'' dans le recueil intitulé : ''le Matérialisme historique.'' Édition du Soviet de Moscou, 1919). M. Zetterbaum est dérouté par le fait que les machines ne sont pas faites par des hommes sans âme. Mais comme les hommes eux-mêmes ne sont pas faits non plus par des morts, il s'ensuit que tout dans la société est le produit de l'esprit privé de corps, d'un esprit bienfaisant. Par conséquent, la machine est quelque chose de psychique ; par conséquent la société ne dispose d'aucune « matière ». Et pourtant il va de soi qu'il n'en est pas tout à fait ainsi. En effet, même l'esprit le plus pur n'aurait créé ni les hommes ni les machines sans la chair coupable. Et plus encore, sans cette chair coupable, il n'aurait pas brûlé du désir de faire des choses pareilles. Mais que faire du « rapport » ? Nous l'expliquerons encore une fois à M. Zetterbaum. Nous espérons que M. Zetterbaum ne protestera pas si nous parlons du système solaire comme d'un système matériel. Mais qu'est-ce que ce système et pourquoi est-ce un système ? Pour une raison très simple, à savoir que ses parties intégrantes (le soleil, la terre et toutes les autres planètes) se trouvent en rapports définis les unes avec les autres, car elles occupent à chaque moment donné une place déterminée dans l'espace. Et de même que l'ensemble des planètes qui se trouvent en rapports définis entre elles, forment le système solaire, de même l'ensemble des hommes liés par les rapports de production forme la structure économique de la société, sa base matérielle, son appareil humain. »<ref name=":0" />
 
« Max Adler, qui concilie Marx avec Kant, voit dans la société un ensemble d'actions mutuelles psychiques : tout est psychique chez lui (on voit la même chose chez A. A. Bogdanov : ''Contribution à la psychologie de la société''). Voici un spécimen de raisonnement de ce genre : « Mais le rapport n'est nullement une chose matérielle dans le sens philosophique du matérialisme qui met sur le même rang la matière et la substance inanimée. En général il est difficile de mettre « la structure économique », « base matérielle » du matérialisme historique, en rapport quelconque avec la « matière » du matéria­lisme philosophique, quel que soit le sens que nous lui donnons... Et ceci concerne non seulement ce qui exerce l'action, mais aussi ce qui est créé par cette action. Les moyens de production... sont plutôt des produits de l'esprit humain... » (Max Zetterbaum : ''Contribution à la conception matérialiste de l'histoire,'' dans le recueil intitulé : ''le Matérialisme historique.'' Édition du Soviet de Moscou, 1919). M. Zetterbaum est dérouté par le fait que les machines ne sont pas faites par des hommes sans âme. Mais comme les hommes eux-mêmes ne sont pas faits non plus par des morts, il s'ensuit que tout dans la société est le produit de l'esprit privé de corps, d'un esprit bienfaisant. Par conséquent, la machine est quelque chose de psychique ; par conséquent la société ne dispose d'aucune « matière ». Et pourtant il va de soi qu'il n'en est pas tout à fait ainsi. En effet, même l'esprit le plus pur n'aurait créé ni les hommes ni les machines sans la chair coupable. Et plus encore, sans cette chair coupable, il n'aurait pas brûlé du désir de faire des choses pareilles. Mais que faire du « rapport » ? Nous l'expliquerons encore une fois à M. Zetterbaum. Nous espérons que M. Zetterbaum ne protestera pas si nous parlons du système solaire comme d'un système matériel. Mais qu'est-ce que ce système et pourquoi est-ce un système ? Pour une raison très simple, à savoir que ses parties intégrantes (le soleil, la terre et toutes les autres planètes) se trouvent en rapports définis les unes avec les autres, car elles occupent à chaque moment donné une place déterminée dans l'espace. Et de même que l'ensemble des planètes qui se trouvent en rapports définis entre elles, forment le système solaire, de même l'ensemble des hommes liés par les rapports de production forme la structure économique de la société, sa base matérielle, son appareil humain. »<ref name=":0" />
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===Déterminisme économique&nbsp;?===
 
===Déterminisme économique&nbsp;?===
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Le matérialisme historique n'est pas un vulgaire [[Économisme|déterminisme économique]] qui prétendrait que tel état des forces productives implique mécaniquement tel état de conscience sociale. Il doit plutôt être considéré comme un déterminisme ''socio-économique'', car il considère que l'[[Infrastructure_et_superstructure|infrastructure et la superstructure]] sont en intéraction permanente et [[Dialectique|dialectique]]. En revanche il est clair que le matérialisme rejette comme [[Idéaliste|idéaliste]] - à double titre - l'idée de [[Libre-arbitre|libre-arbitre]] total.
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Le matérialisme historique n'est pas un vulgaire [[Économisme|déterminisme économique]] qui prétendrait que tel état des forces productives implique mécaniquement tel état de conscience sociale. Il doit plutôt être considéré comme un déterminisme ''socio-économique'', car il considère que l'[[Infrastructure_et_superstructure|infrastructure et la superstructure]] sont en interaction permanente et [[Dialectique|dialectique]]. En revanche il est clair que le matérialisme rejette comme [[Idéaliste|idéaliste]] - à double titre - l'idée de [[Libre-arbitre|libre-arbitre]] total.
 
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''«&nbsp;Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants&nbsp;»''.<ref>[http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm Le 18 brumaire de L. Bonaparte], [[Karl Marx]], 1851</ref>
 
''«&nbsp;Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants&nbsp;»''.<ref>[http://www.marxists.org/francais/marx/works/1851/12/brum3.htm Le 18 brumaire de L. Bonaparte], [[Karl Marx]], 1851</ref>
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« Marx et moi-même sommes en partie à blâmer pour le fait que les jeunes mettent parfois plus l'accent qu'il ne le faudrait sur le plan économique. Nous devions mettre en lumière le facteur principal vis-à-vis de nos adversaires, qui le niaient, et nous n'avions pas toujours le temps, le lieu ou la possibilité de rendre compte des autres facteurs impliqués dans l'interaction. » <ref>[[:en:Letter to Joseph Bloch, September 21, 1890|Letter to Joseph Bloch, September 21, 1890]]</ref>
 
« Marx et moi-même sommes en partie à blâmer pour le fait que les jeunes mettent parfois plus l'accent qu'il ne le faudrait sur le plan économique. Nous devions mettre en lumière le facteur principal vis-à-vis de nos adversaires, qui le niaient, et nous n'avions pas toujours le temps, le lieu ou la possibilité de rendre compte des autres facteurs impliqués dans l'interaction. » <ref>[[:en:Letter to Joseph Bloch, September 21, 1890|Letter to Joseph Bloch, September 21, 1890]]</ref>
 
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Trotski évoque aussi ce mauvais exemple&nbsp;:
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[[Léon Trotski|Trotski]] évoque aussi ce mauvais exemple&nbsp;:
 
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''«&nbsp;Vouloir établir une espèce de dépendance automatique de la dictature prolétarienne à l'égard des forces techniques et des ressources d'un pays, c'est un préjugé qui dérive d'un matérialisme "économique" simplifié à l'extrême. Un tel point de vue n'a rien de commun avec le marxisme. Bien que les forces de production industrielles fussent dix fois plus développées aux Etats-Unis que chez nous, le rôle politique du prolétariat russe, son influence à venir sur la politique mondiale sont incomparablement plus grandes que le rôle et l'importance du prolétariat américain.&nbsp;»<ref>Léon Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/staline/lt_stal23.htm Trois conceptions de la révolution russe], 1940</ref>''
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''«&nbsp;Vouloir établir une espèce de dépendance automatique de la dictature prolétarienne à l'égard des forces techniques et des ressources d'un pays, c'est un préjugé qui dérive d'un matérialisme "économique" simplifié à l'extrême. Un tel point de vue n'a rien de commun avec le marxisme. Bien que les forces de production industrielles fussent dix fois plus développées aux États-Unis que chez nous, le rôle politique du prolétariat russe, son influence à venir sur la politique mondiale sont incomparablement plus grandes que le rôle et l'importance du prolétariat américain.&nbsp;»<ref>Léon Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/staline/lt_stal23.htm Trois conceptions de la révolution russe], 1940</ref>''
 
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===Autres explications naturalisantes===
 
===Autres explications naturalisantes===
Le matérialisme historique n'exclut pas a priori d'autres types de facteurs matérialistes que la sociologie, l'histoire et l'économie. Cependant il existe clairement une tendance dans certaines pensées à donner trop d'importance à des facteurs "naturels". [[Idéologie|Idéologiquement]], cela présente l'avantage de "naturaliser" les classes sociales.
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Le matérialisme historique n'exclut pas a priori d'autres types de facteurs matérialistes que la sociologie, l'histoire et l'économie. Cependant il existe clairement une tendance dans certaines pensées à donner trop d'importance à des facteurs "naturels". [[Idéologie|Idéologiquement]], cela présente l'avantage de "naturaliser" les classes sociales. De présenter la société comme le simple fruit d'une ''[[nature humaine]]'' solidement ancrée.
 
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« La bourgeoisie a essayé plus d'une fois de mettre à la place des lois sociales, d'autres « lois » prouvant que la misère des masses, établie par Dieu, est inévitable et que cette situation est indépendante du régime social [...] (ainsi Ernest Miller « prouvait » que la marche de l'histoire dépendait du magnétisme terrestre ; Jevons expliquait les crises industrielles par les taches du soleil, etc...). Au nombre de ces tentatives appartient également celle du pasteur et économiste anglais Robert Malthus qui voyait la source de la misère de la classe ouvrière dans le penchant coupable des hommes à se multiplier. »<ref name=":0">Nikolaï Boukharine, [[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]], 1921</ref>
 
« La bourgeoisie a essayé plus d'une fois de mettre à la place des lois sociales, d'autres « lois » prouvant que la misère des masses, établie par Dieu, est inévitable et que cette situation est indépendante du régime social [...] (ainsi Ernest Miller « prouvait » que la marche de l'histoire dépendait du magnétisme terrestre ; Jevons expliquait les crises industrielles par les taches du soleil, etc...). Au nombre de ces tentatives appartient également celle du pasteur et économiste anglais Robert Malthus qui voyait la source de la misère de la classe ouvrière dans le penchant coupable des hommes à se multiplier. »<ref name=":0">Nikolaï Boukharine, [[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]], 1921</ref>
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===Schéma révolutionnaire simpliste&nbsp;?===
 
===Schéma révolutionnaire simpliste&nbsp;?===
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Certains auteurs ont accusé Marx de conclure abusivement que tout conflit de classe doit aboutir à une révolution inéluctable. C'est le cas par de Ralf Dahrendorf ou encore de Guy Fourquin qui remarquait&nbsp;: ''«&nbsp;La solution violente est au Moyen Age comme en d’autres temps l’exception et le compromis la règle&nbsp;»''. Or cette critique montre surtout une méconnaissance des analyses précises de Marx, qui décrivait par exemple les compromis passés entre Communes et féodalité, et qui a même analysé la construction lente des [[Absolutisme|monarchies absolutistes]] comme un compromis né des rapports de force entre d’une part la noblesse, d’autre part la bourgeoisie montante.
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Certains auteurs ont accusé Marx de conclure abusivement que tout conflit de classe doit aboutir à une révolution inéluctable. C'est le cas par de [[w:Ralf Dahrendorf|Ralf Dahrendorf]] ou encore de Guy Fourquin qui remarquait&nbsp;: ''«&nbsp;La solution violente est au Moyen Age comme en d’autres temps l’exception et le compromis la règle&nbsp;»''. Or cette critique montre surtout une méconnaissance des analyses précises de Marx, qui décrivait par exemple les compromis passés entre Communes et féodalité, et qui a même analysé la construction lente des [[Absolutisme|monarchies absolutistes]] comme un compromis né des rapports de force entre d’une part la noblesse, d’autre part la bourgeoisie montante.
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Par ailleurs, dans une célèbre phrase du [[Manifeste_communiste|''Manifeste communiste'']], Marx évoquait une autre issue à la lutte de classe que la transformation révolutionnaire de la société&nbsp;:
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Par ailleurs, dans la célèbre phrase du [[Manifeste_communiste|''Manifeste communiste'']] citée plus haut, Marx évoque la possibilité que la lutte entre les classes aboutisse non pas à une révolution, mais à la destruction des classes en lutte.
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''«&nbsp;Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseurs et opprimés, en opposition constante, ont mené une guerre ininterrompue, tantôt ouverte, tantôt dissimulée, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en lutte.&nbsp;»''
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===Millénarisme&nbsp;?===
 
===Millénarisme&nbsp;?===
  

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