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[[Fichier:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants p188.jpg|vignette|384x384px|Un manuel scolaire de 1877 parlant de « La race blanche, la plus parfaite des races humaines »...|lien=https://wikirouge.net/Fichier:G._Bruno_-_Le_Tour_de_la_France_par_deux_enfants_p188.jpg]]Le '''racisme''' est une attitude ou un sentiment d'hostilité envers des personnes d'[[ethnies]] différentes. Le racisme se base souvent sur des '''théories des races''' ('''racialisme''') plus ou moins formalisées, qui sont elles mêmes fréquemment partie intégrante d'une [[idéologie]] d'[[extrême droite]].
 
[[Fichier:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants p188.jpg|vignette|384x384px|Un manuel scolaire de 1877 parlant de « La race blanche, la plus parfaite des races humaines »...|lien=https://wikirouge.net/Fichier:G._Bruno_-_Le_Tour_de_la_France_par_deux_enfants_p188.jpg]]Le '''racisme''' est une attitude ou un sentiment d'hostilité envers des personnes d'[[ethnies]] différentes. Le racisme se base souvent sur des '''théories des races''' ('''racialisme''') plus ou moins formalisées, qui sont elles mêmes fréquemment partie intégrante d'une [[idéologie]] d'[[extrême droite]].
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La '''xénophobie''' (peur de l'étranger) est très proche, même si elle a une connotation plus diffuse, moins théorisée.
    
==Causes du racisme==
 
==Causes du racisme==
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===La "nature humaine" ?===
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==="Nature humaine" ?===
    
Un discours parmi les plus courants, qui se veut découler du "[[bon sens]]", est que la tendance au racisme serait inscrite dans la "[[nature humaine]]". De la même façon que l'[[exploitation]] ou la [[guerre]], ce serait le produit de la "méchanceté" éternelle de l'homme.
 
Un discours parmi les plus courants, qui se veut découler du "[[bon sens]]", est que la tendance au racisme serait inscrite dans la "[[nature humaine]]". De la même façon que l'[[exploitation]] ou la [[guerre]], ce serait le produit de la "méchanceté" éternelle de l'homme.
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Les études scientifiques sur le sujet semblent peu nombreuses et ne permettent pas vraiment de conclure. Chez l'enfant par exemple, on observerait une tendance raciste, mais qui serait due au fait que l'enfant se conforme au sentiment le plus répandu dans la société<ref>http://www.scienceshumaines.com/les-enfants-sont-ils-racistes_fr_1584.html</ref>.
 
Les études scientifiques sur le sujet semblent peu nombreuses et ne permettent pas vraiment de conclure. Chez l'enfant par exemple, on observerait une tendance raciste, mais qui serait due au fait que l'enfant se conforme au sentiment le plus répandu dans la société<ref>http://www.scienceshumaines.com/les-enfants-sont-ils-racistes_fr_1584.html</ref>.
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Quoi qu'il en soit, et même en admettant que le racisme latent pourrait avoir une racine dans une peur de la différence (hétérophobie), cette explication est bien insuffisante pour expliquer les grands mouvements racistes, en particulier ceux qu'a connu l'époque contemporaine. Comment une société peut-elle fortement développer un sentiment racisme et l'abandonner ensuite&nbsp;? L'explication de ces dynamiques, complètement liées au plan politique, ne peuvent pas reposer sur la biologie.
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Quoi qu'il en soit, et même en admettant que le racisme latent pourrait avoir une racine dans une peur de la différence ([[w:Hétérophobie|hétérophobie]] au sens d'[https://fr.wiktionary.org/wiki/alt%C3%A9rophobie altérophobie]), cette explication est bien insuffisante pour expliquer les grands mouvements racistes, en particulier ceux qu'a connu l'époque contemporaine. Comment une société peut-elle fortement développer un sentiment racisme et l'abandonner ensuite&nbsp;? L'explication de ces dynamiques, complètement liées au plan politique, ne peuvent pas reposer sur la biologie.
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===Une population trop ignorante&nbsp;?===
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===Population trop ignorante&nbsp;?===
 
[[File:RacismeCerveaux.jpg|right|200px|RacismeCerveaux.jpg]]  
 
[[File:RacismeCerveaux.jpg|right|200px|RacismeCerveaux.jpg]]  
 
Selon une autre vision, le problème principal résiderait dans le manque d'instruction de la population, qui laisserait le champ libre aux préjugés (préjugés là encore souvent vus comme ayant une part d'origine "naturelle"). Plus une société est cultivée et éclairée, plus il y aurait de chances que les gens comprennent qu’il n’y a pas de hiérarchie biologique entre Européens, Africains, Asiatiques...
 
Selon une autre vision, le problème principal résiderait dans le manque d'instruction de la population, qui laisserait le champ libre aux préjugés (préjugés là encore souvent vus comme ayant une part d'origine "naturelle"). Plus une société est cultivée et éclairée, plus il y aurait de chances que les gens comprennent qu’il n’y a pas de hiérarchie biologique entre Européens, Africains, Asiatiques...
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En fait l’histoire du racisme est inséparable des principales contradictions qui divisent les sociétés et les peuples&nbsp;: la [[lutte de classe]] et l'[[impérialisme]]. Le [[colonialisme]] est quasi-automatiquement empreint de racisme et de [[racialisme]] pour légitimer l'invasion de pays étrangers, la domination de peuples ethniquement différents, etc... Cela permet de souder le peuple du pays envahisseur autour de ses chefs, et à l'inverse cela tend à humilier les vaincus en leur faisant intérioriser leur "infériorité".
 
En fait l’histoire du racisme est inséparable des principales contradictions qui divisent les sociétés et les peuples&nbsp;: la [[lutte de classe]] et l'[[impérialisme]]. Le [[colonialisme]] est quasi-automatiquement empreint de racisme et de [[racialisme]] pour légitimer l'invasion de pays étrangers, la domination de peuples ethniquement différents, etc... Cela permet de souder le peuple du pays envahisseur autour de ses chefs, et à l'inverse cela tend à humilier les vaincus en leur faisant intérioriser leur "infériorité".
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Le racisme impérialiste, ce n'est donc pas l'[[idéologie]] d'un peuple en général, mais l'idéologie de sa classe dominante, même si celle-ci se diffuse dans les autres classes. C'est "l'élite" de la nation française qui encourageait la haine du "boche" en préparation de la [[Première guerre mondiale]], bien plus qu'un racisme qui aurait spontanément surgit parmi les [[travailleurs]].
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Ce genre de phénomène est perceptible dès l'[[antiquité]], probablement latent dès l'apparition de la division en classes qui fait apparaître les premières formes de colonialisme.
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Mais le racisme à grande échelle (celui qui continue le plus à marquer notre présent) se développe à l'époque moderne, parallèlement à la [[colonisation]] européenne. Non pas que celle-ci ait été la première vague de colonisation, mais elle prenait un caractère bien plus massif et systématique, du fait des avantages techniques et économiques créant un rapport de force croissant en faveur de l'Europe ([[wen:Great divergence|Great divergence]]).
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Du 16<sup>e</sup> au 18<sup>e</sup> siècle le [[capital marchand]] amorce une première phase de [[mondialisation]], au prix de la mise en [[esclavage]] de plusieurs dizaines de millions d’Africains, qui étaient «&nbsp;importés&nbsp;» en Amérique, dans les plantations. Cette force de travail coûtait beaucoup moins cher qu’un salarié occidental. Pour justifier cette déshumanisation en masse, il fallait développer les théories racistes. Les premiers responsables de l'élaboration de ces théories ont été les classes dominantes et leurs [[intellectuels]] (à une époque où la masse de la population européenne n'était pas en contact de la masse des populations dominées).
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=== Affrontements entre nationalismes ===
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Les idées racistes peuvent aussi servir à justifier l'affrontement avec d'autres nationalismes. Il s'agit alors de formes de racismes inter-impérialistes différentes.
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La xénophobie, le fait de rechercher des boucs émissaires pour maintenir les inégalités dans une société existait dès l’Antiquité. Mais c’est avec le [[Mondialisation|développement du marché mondial]] que le racisme va devenir un élément indispensable pour maintenir le système. Du 16<sup>e</sup> au 18<sup>e</sup> siècle le capitalisme a connu sa première phase de mondialisation, au prix de la mise en [[esclavage]] de plusieurs dizaines de millions d’Africains, qui étaient «&nbsp;importés&nbsp;» en Amérique, dans les plantations. Cette force de travail coûtait beaucoup moins cher qu’un salarié occidental.
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Là encore, ce racisme est avant tout une idéologie de sa classe dominante, même si celle-ci se diffuse dans les autres classes. C'est "l'élite" de la nation française qui encourageait la haine du "boche" en préparation de la [[Première guerre mondiale]], bien plus qu'un racisme qui aurait spontanément surgit parmi les [[travailleurs]].
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Ensuite, la fonction du racisme va surtout être politique. Pour maintenir une exploitation dans des conditions inhumaines des esclaves noirs et des travailleurs blancs pour les profits d’une minorité de privilégiés, une des meilleures tactiques consiste à diviser pour régner. Le danger pour la classe dominante était de voir se développer une lutte commune entre travailleurs blancs et esclaves. C’est ce qui s’était passé au cours de plusieurs rébellions , dès la fin du 17<sup>e</sup> siècle aux États-Unis&nbsp;! La lutte antiraciste et le combat pour l’union des exploités au delà de la couleur de peau ne date pas d’aujourd’hui...
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=== Diviser pour mieux régner ===
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A partir de ces divisions qui génèrent des racismes structurels, des fluctuations en fonction des enjeux politiques de plus court terme vont avoir lieu. Certains courants politiques vont s'ériger en défenseurs d'une communauté contre une autre, discours malheureusement d'une certaine efficacité lorsque les sentiments de solidarité sont faibles.
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Au delà de l’esclavage, le racisme va très vite devenir une institution indispensable au fonctionnement du capitalisme. Il va connaître différentes évolutions, il ne reste pas figé à travers l’histoire et prend différentes formes.
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Ces enjeux politiques sont eux aussi la plupart du temps très dépendants de la lutte des classes. Dans certaines périodes de prospérité, les discours de haines portent moins. Lorsque des politiciens bourgeois sont incapables de faire face aux crises économiques, et donc d'améliorer la situation sociale des masses (sans toucher aux [[profits]]), il devient tentant pour eux d'utiliser la tactique du [[w:Bouc émissaire|bouc émissaire]]. Pire, la « concurrence politique » pousse dans ce sens : entre deux politiciens bourgeois, celui qui a recours à cette rhétorique va gagner en popularité au détriment de celui qui se contente d'un discours humaniste impuissant.
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Par exemple au 17<sup>e</sup> siècle aux États-Unis, certaines révoltes mêlaient blancs pauvres et esclaves noirs, ce qui terrifiait les possédants. A cette époque, les possédants ont contre-attaqué en mettant beaucoup en avant le racisme, pour diviser. Dans les dernières décennies en France, c'est souvent le racisme anti-maghrébins et l'[[islamophobie]] qui ont été attisés pour diviser.
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Ce type d'utilisation politicienne est chronique dans le cadre du capitalisme, au point qu'on peut dire qu'elle est structurelle, et fait partie des ressorts des idéologies bourgeoises, aux côtés du [[nationalisme]] qui joue un rôle très proche. Car le sentiment de faire partie du même « bloc national-racial » que la majorité des capitalistes de son pays est de nature à désamorcer la [[lutte de classe]]. A l'inverse, la [[conscience de classe]] (complète) suppose par définition que tou·tes les travailleur·ses d'un pays se sentent solidaires, et antagoniques aux capitalistes (indépendamment de toute considération ethnique).
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Dans ce sens il est juste de dire que le racisme est exploité par les dominants pour diviser. Mais il est faux de le réduire à cela dans une vision purement fonctionnaliste (« le racisme est juste un discours créé pour diviser »). Les divisions « raciales » (au sens sociologique) sont structurelles et matérielles, avec de nombreux effets sur les conditions de vie. Ce sont ces divisions matérielles qui sont le terreau des discours racistes. Elles ne peuvent pas cesser avec de simples changements de discours, et nécessitent d'aller vers des luttes de classes unifiantes.
    
==Théories racialistes==
 
==Théories racialistes==
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Dans la péninsule ibérique, après la Reconquista, les rois catholiques forcent les juifs et les musulmans à se convertir. En plus de cela, ils maintiennent des discriminations à l'égard de ces « nouveaux chrétiens », et le justifient avec la notion de « [[w:Limpieza de sangre|pureté de sang]] » (fin du 15<sup>e</sup> siècle).
 
Dans la péninsule ibérique, après la Reconquista, les rois catholiques forcent les juifs et les musulmans à se convertir. En plus de cela, ils maintiennent des discriminations à l'égard de ces « nouveaux chrétiens », et le justifient avec la notion de « [[w:Limpieza de sangre|pureté de sang]] » (fin du 15<sup>e</sup> siècle).
 
=== Essor du capitalisme marchand===
 
=== Essor du capitalisme marchand===
Les premières formes de racisme à grande échelle se développent à l'époque moderne, parallèlement à la [[colonisation]] européenne. Comme l'idéologie dominante en Europe reposait encore principalement sur la théologie chrétienne, c'est cette dernière qui servait de justification. Par exemple avec l'idée que les amérindiens étaient "sans âme", que "les Juifs seraient coupables du meurtre de Jésus"...
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Comme l'[[idéologie dominante]] en Europe reposait encore principalement sur la théologie chrétienne, c'est cette dernière qui servait de justification. Par exemple avec l'idée que les amérindiens étaient "sans âme", que "les Juifs seraient coupables du meurtre de Jésus"...
    
=== Révolution industrielle et nationalisme ===
 
=== Révolution industrielle et nationalisme ===
Un fond européen de théories des races s'est développé en Europe au 19<sup>e</sup> siècle. Elles servaient à donner une origine prétendument biologique à la suprématie impérialiste européenne, et en particulier à légitimer le [[colonialisme]].  
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Un fond européen de théories des races s'est développé en Europe au 19<sup>e</sup> siècle. Elles répondaient à plusieurs enjeux à la fois (le 1 et le 2 étant partiellement en compétition) :
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# Justifier les dominations et le [[mépris de classe]].
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# Accompagner la formation des [[États-nations,]] qui s'érigent à l'aide de critères  subjectifs ([[w:roman national|roman national]], etc.), les théories racialistes venant étoffer l'idée de « caractère national » commun.
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# Justifier le [[nationalisme]] vis-à-vis des rivaux européens.
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# Justifier la domination des peuples [[Colonialisme|colonisés]].
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=== Théories sur l'inégalité des races ===
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==== Justification du mépris de classe ====
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On trouve ce racialisme chez un noble comme le Français [[w:Arthur de Gobineau|Arthur de Gobineau]], qui écrivit en 1855 qu'il y aurait une race [[w:Indo-européen|indo-européenne]] dont descendraient les [[noblesses]] européennes. L'Anglais [[w:Houston Stewart Chamberlain|Houston Stewart Chamberlain]] développa ce thème.
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En France, la [[Révolution industrielle]] a provoqué un fort exode rural des provinces vers Paris (Bretons, Auvergnats...). Les [[classes possédantes]] parisiennes ont majoritairement développé un profond mépris de classe pour ces nouveaux venus, qui s'est exprimé dans un [[racisme]] latent. Une des théories en vogue était alors que les parisiens étaient les fiers descendants des Francs victorieux, tandis que les provinciaux étaient la progéniture dégénérée des Gaulois vaincus.<ref>Bernard Marchand, ''Paris, histoire d'une ville : XIXe-XXe siècle''</ref>
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Il s'agissait de définir une hiérarchie des "races humaines", allant le plus souvent du type anglo-saxon/germanique/nordique aux Noirs. Quant aux juifs, minorité présente dans beaucoup de pays, sans territoire propre en Europe, il·les ont été la cible de beaucoup de haines (vus comme un corps étranger parasite) et de fantasmes (associés aux capitalistes, ou à une minorité de « financiers »   [[Complotisme|complotant]] contre « le peuple »). L'[[antisémitisme]] latent en Europe, a augmenté notablement à partir du 19<sup>e</sup> , les juifs devenant dans beaucoup de pays le principal bouc émissaire des [[réactionnaires]]...
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==== Exaltations nationales ====
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Dans chaque État-nation, les intellectuels, écrivains, poètes... mettent en avant la langue commune (définissant au passage une norme, étendue plus ou moins volontairement à tout un territoire), exaltant des « caractères » nationaux... Le discours sur la fierté de la « race » s’insérait très bien dans ce contexte.
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On trouve ce racialisme chez un noble comme le Français [[w:Arthur de Gobineau|Arthur de Gobineau]], qui écrivit en 1855 qu'il y aurait une race indo-européenne dont descendraient les noblesses européennes. L'Anglais [[w:Houston Stewart Chamberlain|Houston Stewart Chamberlain]] développa ce thème, l'Allemand [[w:Karl Penka|Karl Penka]] créa l'imagerie de l'aryen blond aux yeux bleus entre 1883 et 1891...
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L'Allemand [[w:Karl Penka|Karl Penka]] créa l'imagerie de l'aryen blond aux yeux bleus entre 1883 et 1891...
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Au 19<sup>e</sup> siècle, la doctrine [[slavophile]] se développe en Russie, expliquant que le peuple russe et son Église seraient profondément démocrates, tandis que les dirigeants russes seraient une bureaucratie allemande, implantée par Pierre I<sup>er</sup>. [[Trotski]] rapporte que [[Marx]] ironisait à ce sujet&nbsp;: ''«&nbsp;C'est pourtant ainsi que les baudets de Teutonie font retomber la responsabilité du despotisme de Frédéric II sur les Français&nbsp;»''. <ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr01.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>
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Les minorités venant d'autres pays, ou vues comme appartenant à un autre peuple (même si elles vivaient sur place depuis aussi longtemps que leurs voisins) devenaient soudain suspectes.  
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Lors de la [[Guerre russo-japonaise|guerre contre le Japon]] en 1904-1905, le tsar Nicolas II déclare qu'il va écraser ces ''«&nbsp;insolents macaques&nbsp;»'' (avant de subir une défaite cuisante qui choquera durablement les racistes blancs).
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Quant aux juifs, minorité présente dans beaucoup de pays,  sans territoire propre en Europe, il·les ont été la cible de beaucoup de haines (vus comme un corps étranger parasite) et de fantasmes (associés aux capitalistes, ou à une minorité de « financiers »  [[Complotisme|complotant]] contre « le peuple »). L'[[antisémitisme]] latent en Europe, a augmenté notablement à partir du 19<sup>e</sup> , les juifs devenant dans beaucoup de pays le principal bouc émissaire des [[réactionnaires]]...  
   −
Lors de la création de la [[Société des Nations]] en 1919 (ancêtre de l'[[Organisation des nations unies|ONU]]), le Japon propose le « [[w:Principe de l'égalité des races|principe de l'égalité des races]] ». Il ne s'agissait que d'un voile [[Idéologie|idéologique]] :  le Japon n'avait aucune intention de défendre une position de principe sincère (il [[Impérialisme japonais|colonisait lui-même d'autres nations asiatiques]]), mais utilisait seulement ce thème pour justifier auprès des puissances occidentales un statut de « grande puissance non-blanche mais néanmoins égale ».<ref>Naoko Shimazu, ''Japan, Race and Equality'', Routledge, 1998, 255 <abbr>p.</abbr> <small>(<nowiki>ISBN 0-415-17207-1</nowiki>)</small></ref>
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Les populations roms et tsiganes ont elles aussi été vues comme des populations suspectes, car sans attache suffisante à un État-nation.  
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[[Léon Trotski|Trotski]] faisait le commentaire suivant&nbsp;:
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==== Rivalités entre européens ====
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Dans son ouvrage sur l'[[impérialisme]], écrit en pleine [[guerre de 1914-1918]], [[Boukharine]] démonte une théorie présente à son époque, selon laquelle le conflit européen serait un conflit de "races".
 
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''«&nbsp;La théorie de la race, qu'on dirait créée spécialement pour un autodidacte prétentieux et qui se présente comme la clé universelle de tous les secrets de la vie, apparaît sous un jour particulièrement lamentable à la lumière de l'histoire des idées. Pour fonder la religion du sang véritablement allemand, Hitler dut emprunter de seconde main les idées du racisme à un Français, diplomate et écrivain dilettante, le comte Gobineau. Hitler trouva une méthodologie politique toute prête chez les Italiens. Mussolini a largement utilisé la théorie de Marx de la lutte des classes. Le marxisme lui-même est le fruit de la combinaison de la philosophie allemande, de l'histoire française et de l'économie anglaise. Si l'on examine rétrospectivement la généalogie des idées, même les plus réactionnaires et les plus stupides, on ne trouve pas trace du racisme.&nbsp;»''<ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1933/06/330610.htm Qu'est-ce que le national-socialisme ?]'', 10 juin 1933</ref>
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''«&nbsp;Une simple référence aux faits détruit cette théorie, sans laisser une seule pierre à l'édifice. Les Anglo-Saxons, de la même origine que les Allemands, sont leurs plus cruels ennemis; les Bulgares et les Serbes, pur Slaves, parlant presque la même langue, se trouvent de différents côtés des tranchées. Les Polonais ont parmi eux d'ardents partisans de l'Autriche comme de la Russie. La même chose avec les Ukrainiens, dont une partie est en sympathie avec les Russes, tandis qu'une autre est en sympathie avec les Autrichiens. D'autre part, chacune des coalitions belligérantes combine les plus hétérogènes races, nationalités, ou tribus.&nbsp;»''<ref>Boukharine, ''[https://www.marxists.org/archive/bukharin/works/1917/imperial/09.htm Imperialism and World Economy]'', 1915</ref>
 
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Les théoriciens racialistes s'arrêtent rarement à des théories visant les non Européens. Les systèmes racialistes ont souvent une prétention à hiérarchiser « toutes les races », même si généralement les « races européennes » sont considérées comme toutes au dessus des autres. Les populations comme les juifs ou les tsiganes, mêmes si elles sont depuis longtemps en Europe, sont par ailleurs la plupart du temps renvoyées à un statut d'extériorité.
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Il revient également sur cette question dans son ouvrage de formation sur ''[[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]]'' (1921).
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On retrouve encore ce racialisme commun, exprimé de façon limpide par un général portugais de la fin de la [[w:Estado Novo (Portugal)Dictature salazariste|dictature salazariste]]&nbsp;:
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==== Système « cohérent » ====
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Bien évidemment il y a donc des variations en fonction des pays, chaque nation ayant tendance à se donner le beau rôle (caractère instrumental des [[idéologies]]). Mais il y a aussi une part de généralisation, d'universalisation, de recherche de cohérence (nécessaire pour un semblant de validité),  qui fait que certaines théories avaient du succès même chez les peuples européens qui n'étaient pas flattés comme « supérieurs ».
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Ainsi la théorie de la hiérarchie des races qui s'est le plus répandue en Europe était celle allait du type « anglo-saxon/germanique/nordique » aux Noirs, en passant par les Européens du Sud. Par exemple, un général portugais de la fin de la [[w:Estado Novo (Portugal)Dictature salazariste|dictature salazariste]]&nbsp;résumait :
 
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''«&nbsp;Lorsque l'on va du Nord vers le Sud, on s'aperçoit que la latitude exerce une influence sur les races&nbsp;: par rapport aux exigence de la vie moderne, si la latitude varie, les races se comportent différemment. Ainsi les Nordiques, maintenant développés, sont capables de mener une vie politique très éclairée, puis viennent les Latins, qui sont beaucoup moins évolués, ensuite on passe aux Arabes, qui sont bien pires que nous, et enfin on finit par les Noirs. Sans aucun doute, la race noire est très inférieure à la race blanche, comme les caractéristique de notre race sont, par certains côtés, inférieures à celles de la race nordique.&nbsp;»<ref>Kaulza de Ariaga, ''Leçons de stratégie du Haut-Commandement'', volume XII, 1966-1967</ref>''
 
''«&nbsp;Lorsque l'on va du Nord vers le Sud, on s'aperçoit que la latitude exerce une influence sur les races&nbsp;: par rapport aux exigence de la vie moderne, si la latitude varie, les races se comportent différemment. Ainsi les Nordiques, maintenant développés, sont capables de mener une vie politique très éclairée, puis viennent les Latins, qui sont beaucoup moins évolués, ensuite on passe aux Arabes, qui sont bien pires que nous, et enfin on finit par les Noirs. Sans aucun doute, la race noire est très inférieure à la race blanche, comme les caractéristique de notre race sont, par certains côtés, inférieures à celles de la race nordique.&nbsp;»<ref>Kaulza de Ariaga, ''Leçons de stratégie du Haut-Commandement'', volume XII, 1966-1967</ref>''
 
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</blockquote>
Dans son ouvrage sur l'[[impérialisme]], écrit en pleine [[guerre de 1914-1918]], [[Boukharine]] démonte une théorie présente à son époque, selon laquelle le conflit européen serait un conflit de "races".
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==== Caractère pseudo-scientifique ====
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Les « [[intellectuels]] » qui développaient ces théories  s'appuyaient sur la [[biologie]] qui était alors en vogue, mais en multipliant à l'infini les spéculations infondées (inégalités naturelles supposées, [[w:Phrénologie|phrénologie]] prétendant lire le reflet des caractères dans les formes de crânes...).
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[[Léon Trotski|Trotski]] faisait le commentaire suivant&nbsp;:
 
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''«&nbsp;Une simple référence aux faits détruit cette théorie, sans laisser une seule pierre à l'édifice. Les Anglo-Saxons, de la même origine que les Allemands, sont leurs plus cruels ennemis; les Bulgares et les Serbes, pur Slaves, parlant presque la même langue, se trouvent de différents côtés des tranchées. Les Polonais ont parmi eux d'ardents partisans de l'Autriche comme de la Russie. La même chose avec les Ukrainiens, dont une partie est en sympathie avec les Russes, tandis qu'une autre est en sympathie avec les Autrichiens. D'autre part, chacune des coalitions belligérantes combine les plus hétérogènes races, nationalités, ou tribus.&nbsp;»''<ref>Boukharine, ''[https://www.marxists.org/archive/bukharin/works/1917/imperial/09.htm Imperialism and World Economy]'', 1915</ref>
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''«&nbsp;La théorie de la race, qu'on dirait créée spécialement pour un autodidacte prétentieux et qui se présente comme la clé universelle de tous les secrets de la vie, apparaît sous un jour particulièrement lamentable à la lumière de l'histoire des idées. Pour fonder la religion du sang véritablement allemand, Hitler dut emprunter de seconde main les idées du racisme à un Français, diplomate et écrivain dilettante, le comte Gobineau. Hitler trouva une méthodologie politique toute prête chez les Italiens. Mussolini a largement utilisé la théorie de Marx de la lutte des classes. Le marxisme lui-même est le fruit de la combinaison de la philosophie allemande, de l'histoire française et de l'économie anglaise. Si l'on examine rétrospectivement la généalogie des idées, même les plus réactionnaires et les plus stupides, on ne trouve pas trace du racisme.&nbsp;»''<ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1933/06/330610.htm Qu'est-ce que le national-socialisme ?]'', 10 juin 1933</ref>
 
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Il revient également sur cette question dans son ouvrage de formation sur ''[[:fr:La théorie du matérialisme historique|La théorie du matérialisme historique]]'' (1921).
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==== Justification de luttes populaires ====
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Dans certains cas, ce sont des courants a priori [[progressistes]] qui se sont appuyés sur des théories raciales pour justifier leur combat.
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Au 19<sup>e</sup> siècle, la doctrine [[slavophile]] se développe en Russie, expliquant que le peuple russe et son Église seraient profondément démocrates, tandis que les dirigeants russes seraient une bureaucratie allemande, implantée par Pierre I<sup>er</sup>. [[Trotski]] rapporte que [[Marx]] ironisait à ce sujet&nbsp;: ''«&nbsp;C'est pourtant ainsi que les baudets de Teutonie font retomber la responsabilité du despotisme de Frédéric II sur les Français&nbsp;»''. <ref>Trotski, ''[https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/hrrusse/hrr01.htm Histoire de la révolution russe]'', 1930</ref>
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=== Nazisme ===
 
=== Nazisme ===
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{{...}}
 
C'est de cette matrice que sont sorties les fanatismes comme le [[nazisme]].
 
C'est de cette matrice que sont sorties les fanatismes comme le [[nazisme]].
 
==="Choc des civilisations" ===
 
==="Choc des civilisations" ===
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*«&nbsp;On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscient de notre supériorité, de la supériorité de la civilisation occidentale. L'Occident continuera à occidentaliser et à s'imposer aux peuples.&nbsp;»<ref>Silvio Berlusconi, Le Figraro, 28 septembre 2001</ref>
 
*«&nbsp;On ne peut pas mettre sur le même plan toutes les civilisations. Il faut être conscient de notre supériorité, de la supériorité de la civilisation occidentale. L'Occident continuera à occidentaliser et à s'imposer aux peuples.&nbsp;»<ref>Silvio Berlusconi, Le Figraro, 28 septembre 2001</ref>
 
*«&nbsp;pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique. En tout état de cause, nous devons protéger notre civilisation.&nbsp;»<ref>Le Monde, ''[https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/05/claude-gueant-declenche-une-nouvelle-polemique_1639076_1471069.html Claude Guéant persiste et réaffirme que "toutes les cultures ne se valent pas"]'', 2012</ref>
 
*«&nbsp;pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas. Celles qui défendent l'humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique. En tout état de cause, nous devons protéger notre civilisation.&nbsp;»<ref>Le Monde, ''[https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/05/claude-gueant-declenche-une-nouvelle-polemique_1639076_1471069.html Claude Guéant persiste et réaffirme que "toutes les cultures ne se valent pas"]'', 2012</ref>
=== En France ===
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====Descendants des Francs et des Gaulois====
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En France, la [[Révolution industrielle]] a provoqué un fort exode rural des provinces vers Paris (Bretons, Auvergnats...). Les [[classes possédantes]] parisiennes ont majoritairement développé un profond mépris de classe pour ces nouveaux venus, qui s'est exprimé dans un [[racisme]] latent. Une des théories en vogue était alors que les parisiens étaient les fiers descendants des Francs victorieux, tandis que les provinciaux étaient la progéniture dégénérée des Gaulois vaincus.<ref>Bernard Marchand, ''Paris, histoire d'une ville : XIXe-XXe siècle''</ref>
   
==="Race" et classe sociale===
 
==="Race" et classe sociale===
 
En général, la diffusion de pensées racialistes se fait de façon beaucoup plus sournoise&nbsp;: en prétendant expliquer certains constats par la "race" ou la culture alors qu'ils sont avant tout déterminés par la classe sociale. En particulier, dans les [[pays impérialistes]], les travailleurs immigrés sont souvent de fait au bas de l'échelle de la classe laborieuse. Les hommes politiques réactionnaires se plaisent alors à expliquer que c'est leur culture qui leur pose des difficultés pour s'intégrer. Certains font même mine de les plaindre, se mettant ainsi à l'abri de l'accusation de racisme. Mais en réalité c'est déjà une victoire pour eux que de faire admettre que c'est la culture qui est le principal obstacle à "l'intégration". Certes, la barrière de la langue, par exemple, est souvent un problème pour les immigrants, mais une bonne partie redoublent d'efforts et compensent cette difficulté. Par contre, ce qu'ils n'ont que peu de chances de surmonter, c'est la [[reproduction sociale]] qui fait que les enfants de pauvres restent pauvres.
 
En général, la diffusion de pensées racialistes se fait de façon beaucoup plus sournoise&nbsp;: en prétendant expliquer certains constats par la "race" ou la culture alors qu'ils sont avant tout déterminés par la classe sociale. En particulier, dans les [[pays impérialistes]], les travailleurs immigrés sont souvent de fait au bas de l'échelle de la classe laborieuse. Les hommes politiques réactionnaires se plaisent alors à expliquer que c'est leur culture qui leur pose des difficultés pour s'intégrer. Certains font même mine de les plaindre, se mettant ainsi à l'abri de l'accusation de racisme. Mais en réalité c'est déjà une victoire pour eux que de faire admettre que c'est la culture qui est le principal obstacle à "l'intégration". Certes, la barrière de la langue, par exemple, est souvent un problème pour les immigrants, mais une bonne partie redoublent d'efforts et compensent cette difficulté. Par contre, ce qu'ils n'ont que peu de chances de surmonter, c'est la [[reproduction sociale]] qui fait que les enfants de pauvres restent pauvres.
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Plus généralement, l'usage des statistiques de façon peu rigoureuse peut servir à légitimer des thèses racistes. On peut trouver des corrélations entre plusieurs variables... mais corrélation n'est pas explication&nbsp;! Par exemple, la criminalité est plus fréquente chez les "gens" de plus de 1m75... tout simplement parce que la criminalité est plus fréquente chez les hommes, et que les "gens" de plus de 1m75 sont très majoritairement des hommes. De même, la criminalité est plus fréquente chez les jeunes et les pauvres... Or les immigrés sont plus souvent des hommes, jeunes, et pauvres...<ref>André Kuhn, [http://www.asile.ch/vivre-ensemble/2012/10/06/andre-kuhn-comment-sexplique-la-surrepresentation-des-etrangers-dans-la-criminalite/ Comment s’explique la surreprésentation des étrangers dans la criminalité ?], 2012</ref>
 
Plus généralement, l'usage des statistiques de façon peu rigoureuse peut servir à légitimer des thèses racistes. On peut trouver des corrélations entre plusieurs variables... mais corrélation n'est pas explication&nbsp;! Par exemple, la criminalité est plus fréquente chez les "gens" de plus de 1m75... tout simplement parce que la criminalité est plus fréquente chez les hommes, et que les "gens" de plus de 1m75 sont très majoritairement des hommes. De même, la criminalité est plus fréquente chez les jeunes et les pauvres... Or les immigrés sont plus souvent des hommes, jeunes, et pauvres...<ref>André Kuhn, [http://www.asile.ch/vivre-ensemble/2012/10/06/andre-kuhn-comment-sexplique-la-surrepresentation-des-etrangers-dans-la-criminalite/ Comment s’explique la surreprésentation des étrangers dans la criminalité ?], 2012</ref>
 
==La lutte contre le racisme==
 
==La lutte contre le racisme==
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=== Hypocrisie et instrumentalisation ===
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Lors de la [[Guerre russo-japonaise|guerre contre le Japon]] en 1904-1905, le tsar Nicolas II déclare qu'il va écraser ces ''«&nbsp;insolents macaques&nbsp;»'' (avant de subir une défaite cuisante qui choquera durablement les racistes blancs).
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Lors de la création de la [[Société des Nations]] en 1919 (ancêtre de l'[[Organisation des nations unies|ONU]]), le Japon propose le « [[w:Principe de l'égalité des races|principe de l'égalité des races]] ». Il ne s'agissait que d'un voile [[Idéologie|idéologique]] :  le Japon n'avait aucune intention de défendre une position de principe sincère (il [[Impérialisme japonais|colonisait lui-même d'autres nations asiatiques]]), mais utilisait seulement ce thème pour justifier auprès des puissances occidentales un statut de « grande puissance non-blanche mais néanmoins égale ».<ref>Naoko Shimazu, ''Japan, Race and Equality'', Routledge, 1998, 255 <abbr>p.</abbr> <small>(<nowiki>ISBN 0-415-17207-1</nowiki>)</small></ref>
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=== Humanisme bourgeois et antiracisme moral ===
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===Mouvement ouvrier / socialiste===
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Malheureusement ces idéologies n'ont pas épargné le mouvement ouvrier et les socialistes. [[Proudhon]] était profondément raciste. [[Karl Marx|Marx]] a accordé du crédit à la théorie des races et à la [[w:Phrénologie|phrénologie]] vers la fin de sa vie.<ref>[http://socialdemocracy21stcentury.blogspot.com/2015/04/marxs-phrenology-and-racial-views.html Marx’s Phrenology and Racial Views]</ref>
    
A trois reprises [[Marx]] aborde la question du racisme&nbsp;: entre les Irlandais et les Britanniques parce que les Irlandais sont un sous-prolétariat que les travailleurs britanniques craignent pour des raisons d’emploi&nbsp;; aux États-Unis où les travailleurs américains blancs sont libres, ils ne sont pas des esclaves, ils ont le droit de vote&nbsp;; le troisième exemple c’est la plèbe romaine&nbsp;: il y a des révoltes plébéiennes et en même temps il y avait des révoltes d’esclaves dans l’Asie mineure, les deux mouvements ne se sont pas mélangés. Marx commente donc que la plèbe romaine a eu l’attitude des Blancs du Sud des États-Unis envers les esclaves. Il ne dit pas qu’ils s’agit de races différentes, mais cette condition d’esclave, cette condition d’être immigré ou fils d’immigré, de ne pas avoir la citoyenneté, c’est une condition sociale.
 
A trois reprises [[Marx]] aborde la question du racisme&nbsp;: entre les Irlandais et les Britanniques parce que les Irlandais sont un sous-prolétariat que les travailleurs britanniques craignent pour des raisons d’emploi&nbsp;; aux États-Unis où les travailleurs américains blancs sont libres, ils ne sont pas des esclaves, ils ont le droit de vote&nbsp;; le troisième exemple c’est la plèbe romaine&nbsp;: il y a des révoltes plébéiennes et en même temps il y avait des révoltes d’esclaves dans l’Asie mineure, les deux mouvements ne se sont pas mélangés. Marx commente donc que la plèbe romaine a eu l’attitude des Blancs du Sud des États-Unis envers les esclaves. Il ne dit pas qu’ils s’agit de races différentes, mais cette condition d’esclave, cette condition d’être immigré ou fils d’immigré, de ne pas avoir la citoyenneté, c’est une condition sociale.
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''«&nbsp;La dénonciation intransigeante des préjugés de race et de toutes les formes et nuances de l'arrogance et du chauvinisme nationaux, en particulier de l'antisémitisme, doit entrer dans le travail quotidien de toutes les sections de la IV° Internationale comme le principal travail d'éducation dans la lutte contre l'impérialisme et la guerre. Notre mot d'ordre fondamental reste&nbsp;: Prolétaires de tous les pays, unissez-vous&nbsp;!&nbsp;»''<ref>Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran12.html Programme de Transition, La lutte contre l'impérialisme et contre la guerre], 1938</ref>
 
''«&nbsp;La dénonciation intransigeante des préjugés de race et de toutes les formes et nuances de l'arrogance et du chauvinisme nationaux, en particulier de l'antisémitisme, doit entrer dans le travail quotidien de toutes les sections de la IV° Internationale comme le principal travail d'éducation dans la lutte contre l'impérialisme et la guerre. Notre mot d'ordre fondamental reste&nbsp;: Prolétaires de tous les pays, unissez-vous&nbsp;!&nbsp;»''<ref>Trotski, [https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/trans/tran12.html Programme de Transition, La lutte contre l'impérialisme et contre la guerre], 1938</ref>
 
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===Notion de « race sociale »===
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===Antiracisme politique et « race sociale »===
 
Certains courants, souvent regroupés sous le nom d'[[antiracisme politique]], utilisent le concept de ''race sociale'' dans leur militantisme. Il ne s'agit pas de races biologiques (comme l'immense majorité des antiracistes ils considèrent que parler de races humaines au sens biologique n'est pas pertinent scientifiquement). Les races sociales sont des catégories comme les classes sociales, qui n'ont pas une origine biologique mais qui ont quand même une réalité sociale : il y a des groupes dominants et des groupes dominés, avec des conséquences très concrètes.
 
Certains courants, souvent regroupés sous le nom d'[[antiracisme politique]], utilisent le concept de ''race sociale'' dans leur militantisme. Il ne s'agit pas de races biologiques (comme l'immense majorité des antiracistes ils considèrent que parler de races humaines au sens biologique n'est pas pertinent scientifiquement). Les races sociales sont des catégories comme les classes sociales, qui n'ont pas une origine biologique mais qui ont quand même une réalité sociale : il y a des groupes dominants et des groupes dominés, avec des conséquences très concrètes.
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En France on retrouve dans ce courant le MWASI, la Brigade anti-négrophobie, le Collectif Stop le contrôle au faciès, le Parti des Indigènes de la République (PIR)...<ref>Indigènes TV, [https://www.youtube.com/watch?v=CkEzbn93dQI L'invention de la « race blanche »], 2014</ref> La notion de race sociale soulève de nombreuses polémiques dans les milieux militants.<ref>LMSI, [http://lmsi.net/Vous-avez-dit-race-sociale ''Vous avez dit « race sociale » ?''], 2015</ref>
 
En France on retrouve dans ce courant le MWASI, la Brigade anti-négrophobie, le Collectif Stop le contrôle au faciès, le Parti des Indigènes de la République (PIR)...<ref>Indigènes TV, [https://www.youtube.com/watch?v=CkEzbn93dQI L'invention de la « race blanche »], 2014</ref> La notion de race sociale soulève de nombreuses polémiques dans les milieux militants.<ref>LMSI, [http://lmsi.net/Vous-avez-dit-race-sociale ''Vous avez dit « race sociale » ?''], 2015</ref>
==Racisme et mouvement ouvrier / socialiste==
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Malheureusement ces idéologies n'ont pas épargné le mouvement ouvrier et les socialistes. [[Proudhon]] était profondément raciste. [[Karl Marx|Marx]] a accordé du crédit à la théorie des races et à la [[w:Phrénologie|phrénologie]] vers la fin de sa vie.<ref>[http://socialdemocracy21stcentury.blogspot.com/2015/04/marxs-phrenology-and-racial-views.html Marx’s Phrenology and Racial Views]</ref>
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==Exemples==
 
==Exemples==
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===Le racisme aux États-Unis===
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===États-Unis===
    
Le Parti socialiste américain n’a «&nbsp;rien à offrir de spécifique au Noir&nbsp;», déclarait l’illustre [[Eugene Debs]] en 1903, père fondateur de la gauche révolutionnaire et syndicaliste aux États-Unis. En rupture, le Parti communiste des États-Unis fera de l'oppression raciale une priorité stratégique et une tâche âprement débattue. Il a bénéficié pour cela de l'apport d'un groupe de militants Noirs autour de [[Cyril Briggs]], l'[[African Blood Brotherhood]], qui s'est rapprochée du marxisme suite à la [[Révolution russe de 1917]].<ref>Paul Heideman, [http://www.contretemps.eu/bolcheviks-noirs/ ''Les bolchéviks noirs''], Revue Contretemps, septembre 2018</ref> L’autodétermination de la nation noire devient même une revendication du jeune Parti communiste.
 
Le Parti socialiste américain n’a «&nbsp;rien à offrir de spécifique au Noir&nbsp;», déclarait l’illustre [[Eugene Debs]] en 1903, père fondateur de la gauche révolutionnaire et syndicaliste aux États-Unis. En rupture, le Parti communiste des États-Unis fera de l'oppression raciale une priorité stratégique et une tâche âprement débattue. Il a bénéficié pour cela de l'apport d'un groupe de militants Noirs autour de [[Cyril Briggs]], l'[[African Blood Brotherhood]], qui s'est rapprochée du marxisme suite à la [[Révolution russe de 1917]].<ref>Paul Heideman, [http://www.contretemps.eu/bolcheviks-noirs/ ''Les bolchéviks noirs''], Revue Contretemps, septembre 2018</ref> L’autodétermination de la nation noire devient même une revendication du jeune Parti communiste.
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A côté de ce racisme étroitement lié à la lutte des classes existent des formes de racisme liées à un discours vers l’extérieur, utilisé par des politiciens pour cimenter la nation. Donald Trump fait par exemple souvent des déclarations anti-chinoises teintées de racisme, comme lorsqu'il désigne le Covid-19 de « kung flu »<ref>https://www.lematin.ch/story/le-kung-flu-de-trump-namuse-pas-la-chine-552553935359</ref>.
 
A côté de ce racisme étroitement lié à la lutte des classes existent des formes de racisme liées à un discours vers l’extérieur, utilisé par des politiciens pour cimenter la nation. Donald Trump fait par exemple souvent des déclarations anti-chinoises teintées de racisme, comme lorsqu'il désigne le Covid-19 de « kung flu »<ref>https://www.lematin.ch/story/le-kung-flu-de-trump-namuse-pas-la-chine-552553935359</ref>.
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===Le racisme au Royaume-Uni===
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===Royaume-Uni===
    
La domination britannique sur l'Irlande a engendré un racisme structurel des Anglais à l'encontre des Irlandais. De nombreux et nombreuses Irlandais·es émigrent vers les cités industrielles anglaises, et s'y retrouvent tout en bas de l'échelle, souvent méprisés par les ouvriers anglais eux-mêmes.
 
La domination britannique sur l'Irlande a engendré un racisme structurel des Anglais à l'encontre des Irlandais. De nombreux et nombreuses Irlandais·es émigrent vers les cités industrielles anglaises, et s'y retrouvent tout en bas de l'échelle, souvent méprisés par les ouvriers anglais eux-mêmes.
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Le journal Punch disait des Irlandais qu'ils étaient le « chaînon manquant entre le singe et le Nègre ».
 
Le journal Punch disait des Irlandais qu'ils étaient le « chaînon manquant entre le singe et le Nègre ».
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===Le racisme en France===
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===France===
    
{{Voir|Racisme en France}}
 
{{Voir|Racisme en France}}
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On peut notamment se rappeler qu'un fort racisme touchait les provinciaux (auvergnats, bretons...) immigrant à Paris, puis les travailleurs d'origine européenne (espagnols, italiens, portugais, polonais...). Aujourd'hui, le racisme se concentre sur les immigrés extra-européens (maghrébins, noirs africains, asiatiques...).
 
On peut notamment se rappeler qu'un fort racisme touchait les provinciaux (auvergnats, bretons...) immigrant à Paris, puis les travailleurs d'origine européenne (espagnols, italiens, portugais, polonais...). Aujourd'hui, le racisme se concentre sur les immigrés extra-européens (maghrébins, noirs africains, asiatiques...).
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===L'islamophobie===
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===Islamophobie===
    
{{Voir|Islamophobie}}
 
{{Voir|Islamophobie}}
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L’islamophobie s’enracine dans l’histoire des Croisades menées à l’époque médiévale par les Etats européens. Elle s’appuie ensuite sur le refoulement des origines arabes et islamiques de la culture européennes. Il n’y aurait pas eu de développement des Lumières, de la culture occidentale et du capitalisme sans l’apport de la civilisation musulmane et de l’Islam qui font partie des bases de notre culture. Mais la culture bourgeoise européenne s’est développée depuis cette période en refoulant ce lien avec la culture musulman, ce qui participait de l’idée de la supériorité de l’occident sur le reste du monde. L’islamophobie n’est donc pas un phénomène isolé aujourd’hui. C’est une forme de racisme qui permet de justifier des politiques discriminatoires en France, aux Etats Unis et de multiplier des interventions contre «&nbsp;le soi-disant axe du Mal&nbsp;». C’est pourquoi il nous faut lutter en permanence contre toutes les discriminations islamophobes et plus largement contre toutes les formes de racisme en mettant en avant les intérêts communs des travailleurs, qu’ils soient blancs, noirs, chrétiens, musulmans... face à ceux qui nous dominent.
 
L’islamophobie s’enracine dans l’histoire des Croisades menées à l’époque médiévale par les Etats européens. Elle s’appuie ensuite sur le refoulement des origines arabes et islamiques de la culture européennes. Il n’y aurait pas eu de développement des Lumières, de la culture occidentale et du capitalisme sans l’apport de la civilisation musulmane et de l’Islam qui font partie des bases de notre culture. Mais la culture bourgeoise européenne s’est développée depuis cette période en refoulant ce lien avec la culture musulman, ce qui participait de l’idée de la supériorité de l’occident sur le reste du monde. L’islamophobie n’est donc pas un phénomène isolé aujourd’hui. C’est une forme de racisme qui permet de justifier des politiques discriminatoires en France, aux Etats Unis et de multiplier des interventions contre «&nbsp;le soi-disant axe du Mal&nbsp;». C’est pourquoi il nous faut lutter en permanence contre toutes les discriminations islamophobes et plus largement contre toutes les formes de racisme en mettant en avant les intérêts communs des travailleurs, qu’ils soient blancs, noirs, chrétiens, musulmans... face à ceux qui nous dominent.
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===L'antisémitisme===
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===Antisémitisme===
    
{{Voir|Antisémitisme}}
 
{{Voir|Antisémitisme}}

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