Modifications

Aller à la navigation Aller à la recherche
7 454 octets ajoutés ,  1 juillet 2022 à 00:10
aucun résumé des modifications
Ligne 3 : Ligne 3 :  
Il est défini par opposition au suffrage restreint qui réserve le droit de vote à certains citoyens selon leur richesse ([[suffrage censitaire]]) ou selon leur niveau d'instruction ([[w:Suffrage capacitaire|suffrage capacitaire]]).<ref>{{CNRTL|restreint|onglet=1|ii, Suffrage restreint|élision=non}} [consulté le {{nobr|25 juin}} 2017].</ref>
 
Il est défini par opposition au suffrage restreint qui réserve le droit de vote à certains citoyens selon leur richesse ([[suffrage censitaire]]) ou selon leur niveau d'instruction ([[w:Suffrage capacitaire|suffrage capacitaire]]).<ref>{{CNRTL|restreint|onglet=1|ii, Suffrage restreint|élision=non}} [consulté le {{nobr|25 juin}} 2017].</ref>
   −
Il est l'expression de la [[souveraineté populaire]] et de la volonté générale dans un régime [[Démocratie|démocratique]]. Dans sa version moderne, il est individualisé, c'est-à-dire qu'il s'effectue selon le principe « une personne, une voix », contrairement au [[w:Vote plural|vote plural]] ou au [[w:Vote familial|vote familial]].
+
== Généralités ==
   −
== Histoire ==
+
=== Classes dominantes et élections ===
Le [[droit de vote]] permet aux [[Citoyenneté|citoyens]] d'un [[État]] d'exprimer leur volonté, à l'occasion d'un scrutin, afin d'élire leurs représentants et leurs gouvernants, de répondre à la question posée par un plébiscite ou un [[référendum]], ou encore de voter directement leurs lois. [[Fichier:Léon Bienvenu - Le Suffrage universel.jpg|thumb|«&nbsp;SUFFRAGE UNIVERSEL (Justin-Sincère), un des droits les plus sacrés de l'homme, né en France le 24 février 1848. Il est le fils du DROIT et de la LIBERTÉ ; et [...] il eut un frère bâtard nommé Jean-Jean-Panurge PLÉBISCITE, une sorte de propre à rien interlope et louche, né d'un viol de la LIBERTÉ à la suite d'une odieuse brutalité du CÉSARISME pris d'eau-de-vie&nbsp;»<ref>Article satirique paru dans ''Le Trombinoscope'' de [[w:Touchatout|Touchatout]] en 1876.</ref>]][[Fichier:Lion of Paris' monument to the Republic 2010-06-27 005.jpg|thumb|Le suffrage universel représenté par une urne gardée par un lion dans le [[w:Monument à la République|Monument à la République]] inauguré à Paris en 1883. ]]
+
{{See also|Élections}}
+
Les premiers "chefs" des [[Communisme_primitif|communautés primitives]] étaient probablement souvent « élus » de façon plus ou moins consensuelle, puis l'apparition des [[sociétés de classes]] a fait nettement reculer l'usage des [[élections]].
Le suffrage universel est le mode de scrutin adopté par les démocraties modernes, d'abord en tant que suffrage universel masculin puis en tant que véritable suffrage universel, étendu au [[droit de vote des femmes]]. Institué en France pendant la [[Révolution française]], avec le décret du 11 août 1792, il fut supprimé par le [[w:Directoire|Directoire]] avant d'être rétabli, presque par surprise, lors de la [[Révolution française de 1848|Révolution de 1848]] <ref> [[w:Alain Garrigou|Alain Garrigou]], « [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/genes_1155-3219_1991_num_6_1_1100 Le brouillon du suffrage universel. Archéologie du décret du 5 mars 1848] .» In: ''[[w:Genèses (revue)|Genèses]]'', 6, 1991. Femmes, genre, histoire. pp. 161-178</ref>. En vigueur lors du [[Second Empire]], bien que fortement limité en raison des conditions pesant sur la procédure, avec notamment la nomination des candidats par l'État — ce qui l'apparentait à ce qui se passe dans les régimes du 20<sup>e</sup>&nbsp;siècle à [[parti unique]] mais instituant le suffrage universel —, il fut ré-institué lors de la [[w:Troisième République (France)|Troisième République]] et depuis accepté en tant que fondement de la démocratie. Bien qu'admis dès 1848, le principe du [[vote à bulletin secret|vote secret]] n'est réellement mis en place qu'avec l'institution de l'[[w:Isoloir|isoloir]] en 1913<ref>[http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/07/09/01016-20130709ARTFIG00448-le-jour-o-le-vote-est-devenu-secret.php "Le jour où le vote est devenu secret"]''Le Figaro'' du 22 juillet 1913</ref>, tandis qu'il faut attendre 1944 pour que les femmes obtiennent le droit de vote (première application en 1945). Dans de nombreux autres pays, à l'exception de la [[w:Droit de vote en Suisse|Suisse]], l'écart entre le [[w:Suffrage universel masculin|suffrage universel masculin]], souvent adopté plus tardivement qu'en France (1870 pour l'Allemagne) et le suffrage universel proprement dit (incluant donc, les femmes), est bien moindre.
     −
L'histoire du suffrage universel ne concerne pas uniquement l'élection des représentants politiques, puisqu'elle croise aussi celle de l'institution des jurys populaires, ou l'élection des magistrats et autres responsables politiques (c'était le cas dans la France révolutionnaire, et ça l'est toujours aux [[États-Unis]]).
+
Les [[révolutions bourgeoises]] et l'instauration de la démocratie représentative moderne ont généralisé le système d'élections, qui permettait d'établir une entente entre riches indépendamment de toute barrière de « [[caste]] ». Le suffrage a d'abord été [[Suffrage_censitaire|censitaire]] (vote réservé aux plus riches) car les [[classes possédantes]] voulaient exclusivement décider, et craignaient par dessus tout que les [[prolétaires]] ou petit-paysans majoritaires ne s'émancipent par ces élections. C'est ce qu'illustrent par exemple les très éclairants [[débats de Putney]].
   −
Par ailleurs, outre la proclamation du principe lui-même du suffrage universel, les conditions de son application concrète et l'extension du droit de vote à certaines catégories de la population qui pouvaient en être exclues (les femmes, mais aussi les [[w:Droit de vote des personnes condamnées|personnes condamnées]] pour certaines peines, les « malades mentaux » ou encore les enfants, mais aussi les domestiques ou les vagabonds) font partie de son histoire. On pouvait en effet affirmer le principe du suffrage universel, tout en restreignant par certaines lois électorales sa portée. Des conditions de domicile ou d'alphabétisation (notamment lorsqu'il fallait soi-même écrire le nom des candidats sur les bulletins) ont ainsi été imposées. En France, il faut attendre par exemple la [[w:Loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées|loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées]] pour que des personnes mises sous [[w:Tutelle|tutelle]] puissent voter, après autorisation d'un juge, la loi du 5 mars 2007 sur la réforme de la protection des majeurs faisant du droit de vote des majeurs sous tutelle la norme.
+
La poussée de la [[lutte des classes]] a forcé la classe capitaliste à concéder des élections plus larges, jusqu'au [[suffrage universel]]. La gauche bourgeoise (républicains, libéraux...) a fait la démonstration historique que son idéologie permettait de rendre beaucoup plus acceptable et invisible l'[[exploitation]] capitaliste grâce à la généralisation de la "[[Démocratie bourgeoise|démocratie]]".
   −
=== Extensions du droit de vote vers le suffrage universel ===
+
Ainsi dans les [[Idéologie|idéologies]] [[Républicanisme|républicaines]] ou [[Libéralisme politique|libérales]], le suffrage universel est l'élément central qui assure que l'[[État]] est l'expression de la [[souveraineté populaire]] et de la volonté générale. Cela masque le fait que les divisions en classes ont un profond impact sur les conditions d'exercice de la démocratie, qui en font une [[démocratie bourgeoise]] (les candidats sont majoritairement des [[bourgeois]] ou des [[petit-bourgeois]], leur [[morale]] et leur [[Idéologie dominante|idéologie]] sont omniprésentes y compris dans les électeurs des [[classes populaires]]...).
Le suffrage universel se définit par opposition à d'autres types de suffrages restreints qui limitent le droit de vote à une partie de la population en raison de la fortune, de l'[[éducation]], du sexe, de l'âge, de la [[religion]], de la race, de la nationalité, des condamnations pénales, basé sur l'égalité devant la loi.
+
 
 +
Le [[w:Vote plural|vote plural]] et le [[w:Vote familial|vote familial]] ont parfois été utilisés comme formes transitoires, visant au compromis avec les [[réactionnaires]]. Néanmoins, le principe « [[wen:One man, one vote|une personne, une voix]] » a fini par s'imposer.
 +
 
 +
=== Limitations au suffrage universel ===
 +
[[Fichier:Lion of Paris' monument to the Republic 2010-06-27 005.jpg|thumb|Le suffrage universel représenté par une urne gardée par un lion dans le [[w:Monument à la République|Monument à la République]] inauguré à Paris en 1883. ]]
 +
Presque partout, lorsque le « suffrage universel » a été conquis, il s'agissait en réalité d'une fausse universalité, qui excluait des êtres humains sur des critères idéologiques arbitraires.
 +
 
 +
En particulier, il s'agissait d'un suffrage universel masculin. Comme sous la démocratie athénienne, les femmes étaient exclues. Le [[droit de vote des femmes]] a été un long combat féministe. 
 +
 
 +
Par ailleurs, l'[[impérialisme]] et le [[racisme]] ont causé l'exclusion de nombreux [[esclaves]] ou « sous-citoyens » du droit de vote longtemps après que le « suffrage universel » ait été proclamé.
 +
 
 +
Des lois électorales ont fréquemment été utilisées pour restreindre la portée du suffrage universel en excluant des franges du [[prolétariat]], notamment en imposant d'habiter un même domicile depuis un temps donné (ce qui était impossible pour les [[domestiques]] n'ayant pas leur propre domicile, les [[vagabonds]] ou les travailleurs itinérants, nombreux au 19<sup>e</sup> siècle, et encore aujourd'hui dans certains pays).
 +
 
 +
Des formes plus ou moins officielles de [[w:Suffrage capacitaire|suffrage capacitaire]] ont par ailleurs été en vigueur dans beaucoup de pays, comme lorsqu'il fallait soi-même écrire le nom des candidats sur les bulletins.
 +
 
 +
L'âge minimal pour pouvoir voter est toujours un critère très subjectif. En général, il a eu tendance à être abaissé au fil du temps.
 +
 
 +
La question du [[w:Droit de vote des personnes condamnées|vote des personnes condamnées]] et des « malades mentaux » fait aussi débat.
    
=== Suffrage universel direct et indirect ===
 
=== Suffrage universel direct et indirect ===
Ligne 21 : Ligne 37 :  
* [[w:Scrutin direct|suffrage direct]] lorsque le [[w:Corps électoral|corps électoral]] désigne directement son ou ses représentants (par exemple le [[w:Président de la République française|président de la République française]] ou l'[[w:Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale française]]),
 
* [[w:Scrutin direct|suffrage direct]] lorsque le [[w:Corps électoral|corps électoral]] désigne directement son ou ses représentants (par exemple le [[w:Président de la République française|président de la République française]] ou l'[[w:Assemblée nationale (France)|Assemblée nationale française]]),
 
* [[w:Scrutin indirect|suffrage indirect]] lorsque le corps électoral élit un collège restreint de « [[w:Collège électoral|grands électeurs]] », qui à son tour désigne le ou les représentants du peuple. Par exemple, le [[w:Président des États-Unis|président des États-Unis]] ou les membres du [[w:Sénat (France)|Sénat français]] sont désignés par un mode de scrutin indirect.
 
* [[w:Scrutin indirect|suffrage indirect]] lorsque le corps électoral élit un collège restreint de « [[w:Collège électoral|grands électeurs]] », qui à son tour désigne le ou les représentants du peuple. Par exemple, le [[w:Président des États-Unis|président des États-Unis]] ou les membres du [[w:Sénat (France)|Sénat français]] sont désignés par un mode de scrutin indirect.
 +
Le suffrage indirect est moins lisible, et introduit plus d'inertie et de distance entre les électeur·ices et les représentants, ce qui renforce le caractère bourgeois et anti-démocratique.
 +
 +
=== Démocratie représentative et démocratie directe ===
 +
La suffrage universel peut servir aussi bien dans un régime de [[démocratie représentative]] (où l'on vote pour des politiciens professionnels) que dans un régime de [[démocratie directe]].
 +
 +
Il faut d'ailleurs noter que dans les démocraties bourgeoises il y a parfois des extensions du suffrage universel à d'autres domaines, plus que directs que l'élection des représentants politiques. Ainsi par exemple, les jurys populaires ou les magistrats peuvent parfois être élus (c'était le cas dans la [[Révolution française|France révolutionnaire]], et ça l'est toujours aux États-Unis).
   −
== Les premières assemblées modernes élues au suffrage universel ==
+
Lors de la [[Commune_de_Paris_(1871)|Commune de Paris de 1871]], le prolétariat parisien utilisait le [[suffrage universel]] au niveau des quartiers et au niveau municipal.
 +
 
 +
=== Mouvement ouvrier et élections ===
 +
{{See also|Élections}}
 +
Même si historiquement les premiers jalons ont été posés par des mouvements bourgeois, le [[mouvement ouvrier]] a dû se battre dans la plupart des pays pour arracher le suffrage universel, et souvent aussi pour le défendre.
 +
 
 +
Beaucoup de [[socialistes]], dont [[Karl Marx|Marx]] et [[Friedrich Engels|Engels]], considéraient que la [[république]] et le suffrage universel étaient un régime politique nécessaire pour aller au socialisme. Ils soutenaient toutes les luttes à l'international qui visaient à son obtention (comme le [[chartisme]]), et entendaient l'utiliser, même quand il était tronqué (comme sous le Second Empire avec [[Henri Tolain|Tolain]]).
 +
 
 +
Lors de la formation du [[Parti ouvrier français]] (POF), ses dirigeants comme [[Guesde]] et [[Paul Lafargue|Lafargue]] étaient réticents à participer aux élections. Marx et Engels étaient agacé par ce qu'ils appelaient leur « phraséologie révolutionnaire » au nom de la doctrine « marxiste » (c'est à ce moment que Marx dit à Guesde que dans ce cas ''« ce qu'il y a de certain c'est que moi, je ne suis pas Marxiste. »)'' Marx et Engels les incitaient à participer aux élections, et trouvèrent une formule de compromis :
 +
<blockquote>
 +
« Considérant que cette appropriation collective ne peut sortir que de l’action révolutionnaire de la classe productive – ou prolétariat – organisée en parti politique distinct; Qu’une pareille organisation doit être poursuivie par tous les moyens dont dispose le prolétariat, y compris le suffrage universel transformé en d’instrument de duperie qu’il a été jusqu’ici en instrument d’émancipation. »<ref>[[:fr:Programme du Parti ouvrier français (1880)|Programme du Parti ouvrier français]], mai 1880</ref>
 +
</blockquote>
 +
Plus tard en 1895, [[Friedrich Engels|Engels]] écrivit :
 +
<blockquote>
 +
« Depuis longtemps déjà, le suffrage universel avait existé en France, mais il y était tombé en discrédit par suite du mauvais usage que le gouvernement bonapartiste en avait fait. Après la Commune, il n'y avait pas de parti ouvrier pour l'utiliser. En Espagne aussi, le suffrage universel existait depuis la République, mais en Espagne l'abstention aux élections fut de tout temps la règle chez tous les partis d'opposition sérieux. Les expériences faites en Suisse avec le suffrage universel étaient rien moins qu'un encouragement, pour un parti ouvrier. Les ouvriers révolutionnaires des pays romans s'étaient habitués à regarder le droit de suffrage comme un piège, comme un instrument d'escroquerie gouvernementale. En Allemagne, il en fut autrement. Déjà le ''Manifeste communiste'' avait proclamé la conquête du suffrage universel, de la démocratie, comme une des premières et des plus importantes tâches du prolétariat militant, et Lassalle avait repris ce point. Lorsque Bismarck se vit contraint d'instituer ce droit de vote [1866] comme le seul moyen d'intéresser les masses populaires à ses projets, nos ouvriers prirent aussitôt cela au sérieux et envoyèrent [[August Bebel]] au premier Reichstag constituant. Et à partir de ce jour-là, ils ont utilisé le droit de vote de telle sorte qu'ils en ont été récompensés de mille manières. »<ref>Préface d'Engels (1895) au livre de Karl Marx, [[:fr:Les Luttes de classes en France|Les Luttes de classes en France]] (1850)</ref>
 +
</blockquote>
 +
Néanmoins, toute l'histoire des luttes de classes entre ouvriers et bourgeois montrent que la lutte ne s'arrête pas lorsque la démocratie est établie sur le papier, mais s'arrête concrètement à la porte des entreprises. [[Karl Marx|Marx]] raillait les républicains français qui fétichisaient le suffrage universel en lui prêtant la « vertu magique » de faire advenir un « peuple imaginaire » de « ''citoyens'' ayant les mêmes intérêts ».<ref>Karl Marx, [[:fr:Les Luttes de classes en France|Les Luttes de classes en France]], mars 1850</ref>
 +
 
 +
C'est pourquoi les [[marxistes]] insistent sur la nécessité d'une [[Indépendance de classe|organisation indépendante des ouvriers]] par rapport à la gauche bourgeoise.
 +
 
 +
== Par pays ==
 
=== États-Unis ===
 
=== États-Unis ===
 
{{article détaillé|w:Droit de vote aux États-Unis{{!}}Droit de vote aux États-Unis}}
 
{{article détaillé|w:Droit de vote aux États-Unis{{!}}Droit de vote aux États-Unis}}
Ligne 31 : Ligne 73 :  
{{Article détaillé|w:Droit de vote en France{{!}}Droit de vote en France}}
 
{{Article détaillé|w:Droit de vote en France{{!}}Droit de vote en France}}
   −
La Constitution de 1793 — qui ne sera pas appliquée en raison de la guerre et sera supprimée lors de la [[Terreur blanche (France)|réaction thermidorienne]] — prévoit pour la première fois le suffrage universel (ou semi-universel car réservé aux hommes) et une démocratie semi-directe<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Aprile|prénom1=Sylvie|titre=Aux origines du présidentialisme|url=https://www.monde-diplomatique.fr/2017/04/APRILE/57396|site=Le Monde diplomatique|date=2017-04-01}}</ref>.
+
La [[Révolution française]] débute dans un esprit [[Libéralisme|libéral]], mais modéré. Il s'agissait de forcer le roi à accepter une [[monarchie constitutionnelle]], et un pouvoir législatif fort, mais en conservant le [[suffrage censitaire]], qui avait par exemple servi pour les élections des délégués aux [[États généraux]]. La bourgeoisie voulait forcer la noblesse à partager le pouvoir, mais elle ne voulait pas donner le pouvoir aux non [[Classe possédante|possédants]].
 +
 
 +
Ce n'est que le processus révolutionnaire qui va déboucher sur des changements plus radicaux. D'un côté le roi et la haute noblesse refusaient les compromis, de l'autre les masses se radicalisaient. Dans ce contexte, une frange de la [[petite-bourgeoisie]] (la [[Montagne (Révolution française)|Montagne]]) s'est appuyée sur les sans-culottes, en soutenant des revendications plus avancées. Parmi celles-ci figuraient le suffrage universel.
 +
 
 +
Suite à l'[[w:Journée du 10 août 1792|insurrection du 10 août 1792]], les Girondins sont obligés de suspendre le roi, l'[[w:Assemblée nationale législative (Révolution française)|Assemblée législative]] est remplacée par une nouvelle assemblée, la [[w:Convention nationale|Convention]]. Celle-ci sera élue au suffrage universel, comme prévu par le décret du 11 août 1792. Les [[w:Élections législatives françaises de 1792|élections législatives de septembre 1792]] seront ainsi les premières élections au suffrage universel. Mais les femmes, les domestiques, les individus non domiciliés et sans revenus connus (salaire ou rentes) sont exclus. Les citoyens devant pouvoir justifier d’une année de domicile dans le même canton et de revenus suffisants pour être censés « vivre du produit de leur travail », ce qui revient à exclure les non-contribuables. De plus, le maintien d’un mode de scrutin indirect annule en grande partie les effets attendus du suffrage universel.
 +
 
 +
La [[w:Constitution du 6 messidor an I|Constitution de 1793]] — qui ne sera pas appliquée en raison de la guerre et sera supprimée lors de la [[Terreur blanche (France)|réaction thermidorienne]] — prévoit pour la première fois le suffrage universel (ou semi-universel car réservé aux hommes) et une démocratie semi-directe<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Aprile|prénom1=Sylvie|titre=Aux origines du présidentialisme|url=https://www.monde-diplomatique.fr/2017/04/APRILE/57396|site=Le Monde diplomatique|date=2017-04-01}}</ref>.
   −
De 1815 à 1848, sous la monarchie, le peuple est totalement exclu du suffrage par le rétablissement du [[suffrage censitaire]]. Malgré l'abaissement des critères de [[w:Cens (impôt)|cens]], le nombre d'électeurs passe seulement de 100 000 en 1817 à 246 000 en 1846. Sous la [[w:Monarchie de Juillet|monarchie de Juillet]], le ministre royaliste et libéral Guizot s'oppose au suffrage universel qu'il considère comme un principe absurde<ref>{{Lien web|titre=1788 - 1848 : les premières réflexions autour du suffrage|url=http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/le-suffrage-universel/la-republique-et-le-suffrage-universel/1788-1848-les-premieres-reflexions-autour-du-suffrage#node_8646|date=}}</ref>.
+
De 1815 à 1848, sous la monarchie, le peuple est totalement exclu du suffrage par le rétablissement du [[suffrage censitaire]]. Malgré l'abaissement des critères de [[w:Cens (impôt)|cens]], le nombre d'électeurs passe seulement de 100 000 en 1817 à 246 000 en 1846. Sous la [[w:Monarchie de Juillet|monarchie de Juillet]], le ministre royaliste et libéral Guizot s'oppose au suffrage universel qu'il considère comme un principe absurde<ref>{{Lien web|titre=1788 - 1848 : les premières réflexions autour du suffrage|url=http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/le-suffrage-universel/la-republique-et-le-suffrage-universel/1788-1848-les-premieres-reflexions-autour-du-suffrage#node_8646|date=}}</ref>.[[Fichier:Léon Bienvenu - Le Suffrage universel.jpg|thumb|«&nbsp;SUFFRAGE UNIVERSEL (Justin-Sincère), un des droits les plus sacrés de l'homme, né en France le 24 février 1848. Il est le fils du DROIT et de la LIBERTÉ ; et [...] il eut un frère bâtard nommé Jean-Jean-Panurge PLÉBISCITE, une sorte de propre à rien interlope et louche, né d'un viol de la LIBERTÉ à la suite d'une odieuse brutalité du CÉSARISME pris d'eau-de-vie&nbsp;»<ref>Article satirique paru dans ''Le Trombinoscope'' de [[w:Touchatout|Touchatout]] en 1876.</ref>]]En 1848, pour contourner l'interdiction de réunion et d'association instaurée par la monarchie, les partisans du suffrage universel, auquel s'oppose le roi, [[Campagne des banquets|organisent des banquets]] qui se transforment en discours politiques. La répression de ces rassemblements, qui fait plusieurs morts, conduit à la [[Révolution française de 1848|révolution de 1848]]<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Garrigou|prénom1=Alain|titre=1848, le printemps des peuples|url=https://www.monde-diplomatique.fr/2011/05/GARRIGOU/20479|site=Le Monde diplomatique|date=2011-05-01}}</ref>. Le suffrage « universel », encore réservé aux hommes, sera rétabli par la [[w:Deuxième République (France)|Deuxième République]] en 1848, sous l'impulsion d'un gouvernement provisoire composé de républicains libéraux et de socialistes<ref>{{Ouvrage|auteur1=Maurice Agulhon|titre=1848 ou l'apprentissage de la République. 1848-1852|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|date=1973 (réédité en 2002)|pages totales=249|isbn=|lire en ligne=}}</ref><ref> [[w:Alain Garrigou|Alain Garrigou]], « [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/genes_1155-3219_1991_num_6_1_1100 Le brouillon du suffrage universel. Archéologie du décret du 5 mars 1848] .» In: ''[[w:Genèses (revue)|Genèses]]'', 6, 1991. Femmes, genre, histoire. pp. 161-178</ref>. De nombreuses personnalités s'y opposent néanmoins, notamment [[w:Alexis de Tocqueville|Tocqueville]]. Dès 1850, le suffrage universel est suspendu avec l'exclusion des populations jugées « dangereuses » du droit de vote<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Garrigou|prénom1=Alain|titre=Le suffrage universel, « invention » française|url=https://www.monde-diplomatique.fr/1998/04/GARRIGOU/3690|site=Le Monde diplomatique|date=1998-04-01}}</ref>.
   −
En 1848, pour contourner l'interdiction de réunion et d'association instaurée par la monarchie, les partisans du suffrage universel, auquel s'oppose le roi, organisent des banquets qui se transforment en discours politiques. La répression de ces rassemblements, qui fait plusieurs morts, conduit à la [[Révolution française de 1848|révolution de 1848]]<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Garrigou|prénom1=Alain|titre=1848, le printemps des peuples|url=https://www.monde-diplomatique.fr/2011/05/GARRIGOU/20479|site=Le Monde diplomatique|date=2011-05-01}}</ref>. Le suffrage « universel », encore réservé aux hommes, sera rétabli par la [[w:Deuxième République (France)|Deuxième République]] en 1848, sous l'impulsion d'un gouvernement provisoire composé de républicains libéraux et de socialistes<ref>{{Ouvrage|auteur1=Maurice Agulhon|titre=1848 ou l'apprentissage de la République. 1848-1852|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|date=1973 (réédité en 2002)|pages totales=249|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. De nombreuses personnalités s'y opposent néanmoins, notamment [[w:Alexis de Tocqueville|Tocqueville]]. Dès 1850, le suffrage universel est suspendu avec l'exclusion des populations jugées « dangereuses » du droit de vote<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Garrigou|prénom1=Alain|titre=Le suffrage universel, « invention » française|url=https://www.monde-diplomatique.fr/1998/04/GARRIGOU/3690|site=Le Monde diplomatique|date=1998-04-01}}</ref>.
+
Sous le [[w:Second Empire|Second Empire]], le suffrage universel est officiellement maintenu, mais en pratique, le régime [[Bonapartisme|bonapartiste]] contrôlait étroitement les élections (avec notamment la nomination des candidats par l'État — ce qui l'apparentait à ce qui se passe dans les régimes du 20<sup>e</sup>&nbsp;siècle à [[parti unique]] mais instituant le suffrage universel).
   −
Sous la [[w:Troisième République (France)|Troisième République]], le Sénat dominé par l'aile droite du Parti radical ne cessera de repousser le [[Droit de vote des femmes|vote des femmes]] malgré les divers votes et propositions de l'Assemblée nationale, notamment une proposition du républicain [[w:Ferdinand Buisson|Ferdinand Buisson]]<ref>{{Lien web|titre=Le droit des femmes 1909-2009|url=http://www.assemblee-nationale.fr/13/evenements/droit_des_femmes/Plaquette_Droit-des-femmes.pdf|date=}}</ref>, ainsi que le vote à l'unanimité des députés sous le [[Front populaire (France)|Front populaire]] qui ne sera pas retranscrit à l'ordre du jour au Sénat<ref>{{Ouvrage|auteur1=Christine Bard|titre=Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes. 1914-1940, Fayard|passage=p. 355|éditeur=|date=1995|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. Les femmes obtiennent le droit de vote en 1944 suite à une ordonnance du général de Gaulle<ref>{{Lien web |titre=La décision du Général de Gaulle - Histoire - Le suffrage universel - La conquête de la citoyenneté politique des femmes - Assemblée nationale |url=https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/le-suffrage-universel/la-conquete-de-la-citoyennete-politique-des-femmes/la-decision-du-general-de-gaulle |site=www2.assemblee-nationale.fr |consulté le=2022-01-05}}</ref>.
+
Le suffrage universel fut ré-institué lors de la [[w:Troisième République (France)|Troisième République]] en 1870. Bien qu'admis dès 1848, le principe du [[vote à bulletin secret|vote secret]] n'est réellement mis en place qu'avec l'institution de l'[[w:Isoloir|isoloir]] en 1913<ref>[http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/07/09/01016-20130709ARTFIG00448-le-jour-o-le-vote-est-devenu-secret.php "Le jour où le vote est devenu secret"]''Le Figaro'' du 22 juillet 1913</ref>. Par ailleurs, le Sénat dominé par l'aile droite du [[Parti radical]] ne cessera de repousser le [[Droit de vote des femmes|vote des femmes]] malgré les divers votes et propositions de l'Assemblée nationale, notamment une proposition du républicain [[w:Ferdinand Buisson|Ferdinand Buisson]]<ref>{{Lien web|titre=Le droit des femmes 1909-2009|url=http://www.assemblee-nationale.fr/13/evenements/droit_des_femmes/Plaquette_Droit-des-femmes.pdf|date=}}</ref>, ainsi que le vote à l'unanimité des députés sous le [[Front populaire (France)|Front populaire]] qui ne sera pas retranscrit à l'ordre du jour au Sénat<ref>{{Ouvrage|auteur1=Christine Bard|titre=Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes. 1914-1940, Fayard|passage=p. 355|éditeur=|date=1995|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. Les femmes obtiennent le droit de vote en 1944<ref>{{Lien web |titre=La décision du Général de Gaulle - Histoire - Le suffrage universel - La conquête de la citoyenneté politique des femmes - Assemblée nationale |url=https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/le-suffrage-universel/la-conquete-de-la-citoyennete-politique-des-femmes/la-decision-du-general-de-gaulle |site=www2.assemblee-nationale.fr |consulté le=2022-01-05}}</ref>.
   −
==== Chronologie ====
   
Le suffrage universel est prévu, en France, dans les constitutions suivantes :
 
Le suffrage universel est prévu, en France, dans les constitutions suivantes :
  

Menu de navigation