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La différence principale avec l'esclave est que le serf n'est pas considéré comme une chose (un « bien meuble »), et possède un minimum de droits : il peut se marier, posséder des biens et ne peut être vendu. Mais s'il n'appartient pas formellement à une autre personne, il reste lié à une terre, qui appartient à un propriétaire [[Noble|noble]] (ou [[Clergé|clérical]]) et qu'il n'a pas le droit de quitter.
 
La différence principale avec l'esclave est que le serf n'est pas considéré comme une chose (un « bien meuble »), et possède un minimum de droits : il peut se marier, posséder des biens et ne peut être vendu. Mais s'il n'appartient pas formellement à une autre personne, il reste lié à une terre, qui appartient à un propriétaire [[Noble|noble]] (ou [[Clergé|clérical]]) et qu'il n'a pas le droit de quitter.
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Vers la fin de l'[[Antiquité|Antiquité]] et le début du [[Moyen_Âge|Moyen Âge]], l'échange d'[[Argent|argent]] s'est effondré, et les rapports de production se sont largement repliés sur des exploitations agricoles à petite échelle. Par conséquent le servage était à l'origine fondé sur une [[Exploitation|exploitation]] «&nbsp;en nature&nbsp;»&nbsp;: le serf devait donner une partie de sa récolte, et/ou effecter du travail non payé ([[Corvée_seigneuriale|corvée]]) pour un seigneur (entretien du château, des douves, des bois...). Plusieurs [[Impôt_seigneurial|impôts]] étaient prélevés par le seigneur, dont la [[Taille|''taille'']] justifiée par la protection militaire des terres (contre les brigands, les envahisseurs...) et qui était souvent arbitraire. C'est de ce temps que vient l'expression ''«&nbsp;taillable et corvéable à merci&nbsp;»''.<blockquote>« Dans le servage le travail du corvéable pour lui-même et son travail forcé pour le seigneur sont nettement séparés l'un de l'autre par le temps et l'espace. Dans le système esclavagiste, la partie même de la journée où l'esclave ne fait que remplacer la valeur de ses subsistances, où il travaille donc en fait pour lui-même, ne semble être que du travail pour son propriétaire. Tout son travail revêt l'apparence de travail non payé. »<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-19.htm Le Capital, Livre I, Chapitre XIX : Transformation de la valeur ou du prix de la force de travail en salaire]'', 1867</ref></blockquote>
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Vers la fin de l'[[Antiquité|Antiquité]] et le début du [[Moyen_Âge|Moyen Âge]], l'échange d'[[Argent|argent]] s'est effondré, et les rapports de production se sont largement repliés sur des exploitations agricoles à petite échelle. Par conséquent le servage était à l'origine fondé sur une [[Exploitation|exploitation]] «&nbsp;en nature&nbsp;»&nbsp;: le serf devait donner une partie de sa récolte, et/ou effecter du travail non payé ([[Corvée_seigneuriale|corvée]]) pour un seigneur (entretien du château, des douves, des bois...). Plusieurs [[Impôt_seigneurial|impôts]] étaient prélevés par le seigneur, dont la [[Taille|''taille'']] justifiée par la protection militaire des terres (contre les brigands, les envahisseurs...) et qui était souvent arbitraire. C'est de ce temps que vient l'expression ''«&nbsp;taillable et corvéable à merci&nbsp;»''.
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« Dans le servage le travail du corvéable pour lui-même et son travail forcé pour le seigneur sont nettement séparés l'un de l'autre par le temps et l'espace. Dans le système esclavagiste, la partie même de la journée où l'esclave ne fait que remplacer la valeur de ses subsistances, où il travaille donc en fait pour lui-même, ne semble être que du travail pour son propriétaire. Tout son travail revêt l'apparence de travail non payé. »<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-19.htm Le Capital, Livre I, Chapitre XIX : Transformation de la valeur ou du prix de la force de travail en salaire]'', 1867</ref>
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===Mécanismes de base===
 
===Mécanismes de base===
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La condition de servage pouvait parfois être actée par «&nbsp;contrat&nbsp;», ce qui préfigurait le type de fausse «&nbsp;liberté&nbsp;» généralisée plus tard dans la condition de [[Prolétaire|prolétaire]]&nbsp;:
 
La condition de servage pouvait parfois être actée par «&nbsp;contrat&nbsp;», ce qui préfigurait le type de fausse «&nbsp;liberté&nbsp;» généralisée plus tard dans la condition de [[Prolétaire|prolétaire]]&nbsp;:
<blockquote>«&nbsp;Moi, Berterius, dans la villa d'Asine, près de l'église de Saint-Pierre, devant le peuple assemblé et l'illustre Comte Teubolt, de mon plein gré, sans être ni forcé ni circonvenu, dans le libre exercice de ma volonté, j'ai mis la courroie à mon cou, selon la loi romaine, je me suis livré par les mains à Alvadius et à son épouse Ermengarde. Car il est établi que tout homme libre peut rendre meilleure ou pire sa condition personnelle. Donc, à partir de ce jour, vous et vos héritiers, vous ferez de moi et de mes proches ce que vous voudrez, ayant droit de nous posséder, de nous vendre, de nous donner ou de nous affranchir. Si de moi-même ou par le conseil d'hommes méchants, je veux me soustraire de votre service, vous pourrez me détenir et me punir, vous et vos régisseurs, comme tous vos autres serfs nés dans la condition servile.&nbsp;»<ref>Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, fin du IXe siècle, n°30, traduction de Alexandre Bruel, Paris, 1876-1903</ref></blockquote>  
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«&nbsp;Moi, Berterius, dans la villa d'Asine, près de l'église de Saint-Pierre, devant le peuple assemblé et l'illustre Comte Teubolt, de mon plein gré, sans être ni forcé ni circonvenu, dans le libre exercice de ma volonté, j'ai mis la courroie à mon cou, selon la loi romaine, je me suis livré par les mains à Alvadius et à son épouse Ermengarde. Car il est établi que tout homme libre peut rendre meilleure ou pire sa condition personnelle. Donc, à partir de ce jour, vous et vos héritiers, vous ferez de moi et de mes proches ce que vous voudrez, ayant droit de nous posséder, de nous vendre, de nous donner ou de nous affranchir. Si de moi-même ou par le conseil d'hommes méchants, je veux me soustraire de votre service, vous pourrez me détenir et me punir, vous et vos régisseurs, comme tous vos autres serfs nés dans la condition servile.&nbsp;»<ref>Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, fin du IXe siècle, n°30, traduction de Alexandre Bruel, Paris, 1876-1903</ref>
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===Du «&nbsp;servage personnel&nbsp;» au «&nbsp;servage réel&nbsp;»===
 
===Du «&nbsp;servage personnel&nbsp;» au «&nbsp;servage réel&nbsp;»===
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Le servage personnel avait entièrement disparu en France avant le 14<sup>e</sup> siècle.
 
Le servage personnel avait entièrement disparu en France avant le 14<sup>e</sup> siècle.
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[[File:Oratores-bellatores-laboratores.jpg|thumb|right|330x338px|Un prêtre, un chevalier et un serf, représentant les trois ordres de la société médiévale]]En France, le servage a fortement diminué avec l'essor économique de la fin du [[Moyen_Âge|Moyen Âge]] qui permit aux serfs de racheter leur liberté, l'esclavage de traite ayant disparu au milieu du 11<sup>e</sup> siècle et le servage étant progressivement remplacé par l'[[Société_d'Ancien_Régime_en_France#Les_trois_ordres_de_la_société|ordre des laboratores]] qui offre librement son travail en échange de garanties assurant des moyens élémentaires d'existence<ref>{{ouvrage|auteur=Mathieu Arnoux|titre=Le temps des laboureurs. Travail, ordre social et croissance en Europe, XIe-XIVe siècle|éditeur=Albin Michel|date=2012|pages totales=378|isbn=|lire en ligne=}}.</ref>. Un acte d'affranchissement, appelé «&nbsp;lettres de manumission&nbsp;» leur est remis.
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[[File:Cleric-Knight-Workman.jpg|thumb|right|330x338px|Un prêtre, un chevalier et un serf, représentant les trois ordres de la société médiévale]]En France, le servage a fortement diminué avec l'essor économique de la fin du [[Moyen_Âge|Moyen Âge]] qui permit aux serfs de racheter leur liberté, l'esclavage de traite ayant disparu au milieu du 11<sup>e</sup> siècle et le servage étant progressivement remplacé par l'[[Société_d'Ancien_Régime_en_France#Les_trois_ordres_de_la_société|ordre des laboratores]] qui offre librement son travail en échange de garanties assurant des moyens élémentaires d'existence<ref>{{ouvrage|auteur=Mathieu Arnoux|titre=Le temps des laboureurs. Travail, ordre social et croissance en Europe, XIe-XIVe siècle|éditeur=Albin Michel|date=2012|pages totales=378|isbn=|lire en ligne=}}.</ref>. Un acte d'affranchissement, appelé «&nbsp;lettres de manumission&nbsp;» leur est remis.
    
Le servage personnel avait disparu après la [[Guerre_de_Cent_Ans|guerre de Cent Ans]], car le manque de main-d'œuvre (la [[Grande_Peste|Grande Peste]] à elle seule a emporté entre 1/4 et 1/3 de la population) a favorisé la concurrence entre nobles et le débauchage des serfs. À cette époque, les nobles du voisinage proposaient aux serfs de racheter leur contrat pour venir s'installer librement sur leurs nombreuses terres en friche, ce qui obligeait le noble local à faire de même pour conserver son personnel. Plus généralement, les autorités ecclésiastiques et royales créaient des sauvetés, des villefranches et accordaient des lettres de franchises à des villes existantes, afin d'attirer et de fixer sur leur territoire toute la population servile ou mécontente de son sort. En Aquitaine, on voit les rois de France et d'Angleterre faire assaut de concurrence en créant une multitude de [[Bastides|bastides]] dotées du plus grand nombre de privilèges et d'exemptions fiscales pour attirer la population.
 
Le servage personnel avait disparu après la [[Guerre_de_Cent_Ans|guerre de Cent Ans]], car le manque de main-d'œuvre (la [[Grande_Peste|Grande Peste]] à elle seule a emporté entre 1/4 et 1/3 de la population) a favorisé la concurrence entre nobles et le débauchage des serfs. À cette époque, les nobles du voisinage proposaient aux serfs de racheter leur contrat pour venir s'installer librement sur leurs nombreuses terres en friche, ce qui obligeait le noble local à faire de même pour conserver son personnel. Plus généralement, les autorités ecclésiastiques et royales créaient des sauvetés, des villefranches et accordaient des lettres de franchises à des villes existantes, afin d'attirer et de fixer sur leur territoire toute la population servile ou mécontente de son sort. En Aquitaine, on voit les rois de France et d'Angleterre faire assaut de concurrence en créant une multitude de [[Bastides|bastides]] dotées du plus grand nombre de privilèges et d'exemptions fiscales pour attirer la population.
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=== Roumanie et Moldavie ===
 
=== Roumanie et Moldavie ===
Dans les « provinces danubiennes », qui furent soumises à l'[[Empire russe]] (Roumanie et Moldavie actuelles), le servage n'était pas à l'origine généralisé. Il y avait une ancienne forme de travail communautaire héritée des traditions slaves, comme en Russie, et quelques corvées dues aux [[boyards]] ([[noblesse]]). C'est l'effet du [[commerce international]] qui a provoqué un durcissement du [[servage]].<blockquote>Une partie des terres était cultivée comme propriété privée, par les membres indépendants de la communauté; une autre partie, - l'''ager publicus, -'' était travaillée par eux en commun. Les produits de ce travail commun servaient d'une part comme fonds d'assurance contre les mauvaises récoltes et autres accidents; d'autre part, comme trésor public pour couvrir les frais de guerre, de culte et autres dépenses communales. Dans le cours du temps, de grands dignitaires de l'armée et de l'Église usurpèrent la propriété commune et avec elle les prestations en usage. Le travail du paysan, libre cultivateur du sol commun, se transforma en corvée pour les voleurs de ce sol. De là naquirent et se développèrent des rapports de servage, qui ne reçurent de sanction légale que lorsque la libératrice du monde, la Sainte Russie, sous prétexte d'abolir le servage, l'érigea en loi. Le ''Code de la corvée,'' proclamé en 1831 par le général russe Kisseleff, fut dicté par les boyards. La Russie conquit ainsi du même coup les magnats des provinces du Danube et les applaudissements du crétinisme libéral de l'Europe entière.<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-10-2.htm Livre I - Chapitre X : La journée de travail]'', 1867</ref></blockquote>
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Dans les « provinces danubiennes », qui furent soumises à l'[[Empire russe]] (Roumanie et Moldavie actuelles), le servage n'était pas à l'origine généralisé. Il y avait une ancienne forme de travail communautaire héritée des traditions slaves, comme en Russie, et quelques corvées dues aux [[boyards]] ([[noblesse]]). C'est l'effet du [[commerce international]] qui a provoqué un durcissement du [[servage]].
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Une partie des terres était cultivée comme propriété privée, par les membres indépendants de la communauté; une autre partie, - l'''ager publicus, -'' était travaillée par eux en commun. Les produits de ce travail commun servaient d'une part comme fonds d'assurance contre les mauvaises récoltes et autres accidents; d'autre part, comme trésor public pour couvrir les frais de guerre, de culte et autres dépenses communales. Dans le cours du temps, de grands dignitaires de l'armée et de l'Église usurpèrent la propriété commune et avec elle les prestations en usage. Le travail du paysan, libre cultivateur du sol commun, se transforma en corvée pour les voleurs de ce sol. De là naquirent et se développèrent des rapports de servage, qui ne reçurent de sanction légale que lorsque la libératrice du monde, la Sainte Russie, sous prétexte d'abolir le servage, l'érigea en loi. Le ''Code de la corvée,'' proclamé en 1831 par le général russe Kisseleff, fut dicté par les boyards. La Russie conquit ainsi du même coup les magnats des provinces du Danube et les applaudissements du crétinisme libéral de l'Europe entière.<ref>Karl Marx, ''[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-10-2.htm Livre I - Chapitre X : La journée de travail]'', 1867</ref>
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==Évolutions du servage en Asie==
 
==Évolutions du servage en Asie==

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